Cours de physiologie/Introduction

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"Toute cellule porte en elle les résultats de milliards d'années d'expérimentation,
réalisée par ses ancêtres. Vous ne pouvez pas expliquer un coucou aussi vieux
et aussi sage par quelques simples formules"

(MAX DELBRÜCK, A physicist looks at biology).
L'ours polaire (Ursus maritimus) dans une mer de glace.


La physiologie animale est l'étude du fonctionnement des animaux. L'aigle qui se lance en piqué lorsqu'il repère un lièvre dans une clairière, ainsi que la vipère qui mord un rat dans un étang, coordonnent des éléments anatomiques spécialisés et des processus physiologiques complexes pour capturer leur proie, et pour échapper, à leur tour, à un prédateur et survivre. L'ours polaire dans la photo ci-contre possède un magnifique manteau de fourrure, mais aussi des mécanismes physiologiques soigneusement régulés pour le protéger contre le froid vif de son environnement. L'exemple est ici un peu extrême, mais même les animaux vivants dans un environnement idéal, avec des températures douces toute l'année, des sources de nourriture abondantes, des cycles jour − nuit régulier, doivent faire face à des problèmes comme ceux de partager un habitat avec d'autres membres de leur espèce ou avec d'autres espèces.
La confrontation avec le besoin de survie a provoqué, au cours de l'évolution, de nombreuses variations sur le thème de la vie, et les environnements dans lesquels la vie s'est exprimée sont eux-mêmes très diverses. Les physiologistes des animaux, par conséquent, ont un vaste choix d'espèces et de milieux à leur disposition pour étudier comment ces organismes fonctionnent. − La vie pourrait aussi bien exister dans d'autres endroits de notre Univers, ainsi les environnements ouverts aux investigations physiologiques pourraient ne pas se limiter à la Terre −. Les estimations du nombre total d'espèces animales habitant la planète aujourd'hui sont variables, mais on a avancé un chiffre qui varie entre 1 320 000 et 1 500 000. Chaque espèce quelle que soit sa nature, simple ou complexe, a une histoire qui compte des millions, voir des milliards, d'années remontant aux premiers organismes qu'on pourrait vraiment qualifier de vivants. Et chacune de ces espèces a un parcours tellement chargé en dangers que ses chances de survie sont infiniment petites. De fait, l'immense majorité des espèces se sont éteintes, pour des raisons dues à l'incapacité de s'adapter, au hasard, ou les deux à la fois. Celles qui restent sont, pour la plupart, superbement adaptées à la survie.
Au cours des derniers millions d'années, nos propres ancêtres ont sûrement été soumis à de nombreuses reprises à des chocs environnementaux aussi sévères que ceux subis par les autres espèces d'animaux vouées à l’extinction ou déjà éteintes. L'histoire de chacun d'entre nous est une histoire de millions d' "échappées miraculeuses", et chacune d'elles a joué un rôle pour modifier nos gènes et rendu ainsi notre organisme plus apte à survivre. Nous avons acquis de nombreux mécanismes grâce auxquelles notre corps peut maintenir étonnamment constantes ses fonctions internes, et ceux malgré d'énormes stress extérieurs. Une perte sanguine peut être compensée par le retrait de liquides du système lymphatique et des tissus. la température peut être maintenue entre d'étroites limites par dérivation du courant sanguin vers différentes parties du corps. des émotions telles que la peur et la colère ont des effets physiologiques correspondants qui peuvent favoriser la survie.
Dans ce livre on s'intéressera au fonctionnement des tissus, des organes et des systèmes d'organes des animaux pluricellulaires (métazoaires). le physiologiste essaie de comprendre, en termes d'une méthode scientifique, quels sont les mécanismes qui agissent à tous les niveaux chez les organismes vivants, depuis le niveau subcellulaire jusqu'à l'organisme entier. Pour comprendre comment fonctionnent les animaux et notre propre organisme, il faut utiliser les connaissances précises sur les interactions moléculaires qui définissent la phase d'un processus cellulaire. Nanti à cette connaissance, le physiologiste prépare des expériences et teste des hypothèses pour apprendre comment se font les processus de contrôle et de régulation dans un groupe de cellules, et comment la totalité des activités de ces groupes de cellules peuvent influencer le fonctionnement de l'animal. Ces activités cellulaires coordonnées obtenus dans des organes spécialisés, donnent les bases des capacités comportementales et des processus physiologiques qui distinguent les animaux des plantes. Ces caractéristiques distinctifs, pour n'en citer que quelques-uns, sont: le mouvement, l'indépendance relative par rapport aux conditions d'environnement, les informations sensorielles sophistiquées sur le monde et des interactions sociales complexes.

Physiologie (Φύσιολογία) :

du grec, phusè(φύση): nature et logos(λόγος): discours.

La physiologie est avant tout une science intégrative. Les physiologistes examinent et tentent de comprendre comment les systèmes physiologiques, en particulier le système neuroendocrinien, trient, différencient et intègrent des informations relatives à l’environnement externe et interne, parmi la quantité surprenante d’informations reçus par l’organisme. Ainsi le processus, apparemment directe, du maintien d’une température corporelle stable nécessite un système de contrôle cérébral pour intégrer l’information concernant la multitude de paramètres qui affectent la température du corps, comme : le niveau de production de la chaleur par l’activité métabolique (thermogenèse), le transport de la chaleur par le sang depuis le centre du corps vers la périphérie, la contribution de la sudation et de l’évaporation dans le refroidissement du corps, la nature isolante du revêtement (écailles, fourrure ...) ainsi que beaucoup d’autres variables anatomiques et physiologiques. C’est ce thème d’intégration qui distingue à part la physiologie parmi les autres sciences, et rend compte de l’un de ses aspects à la fois complexe et fascinant.
Les principes d’évolution, de sélection naturelle et de la spéciation, sont à la base de la physiologie animale, comme c’est le cas pour d’autres disciplines de la biologie. Par exemple la sélection naturelle a conduit les enzymes des oiseaux à une résistance à des températures corporelles élevées ; à l’utilisation, pour respirer l’air, de branchies modifiées chez les crabes terrestres et à une accoutumance à la fois à l’eau de mer et l’eau douce chez le saumon. L’étalage de toutes les adaptations physiologiques possibles à tous les environnements différents possibles, est impressionnant. L’histoire des espèces animales est riche en adaptations aux contraintes et aux exigences d’un environnement particulier. Récemment, les physiologistes songent de plus en plus à introduire dans leurs études – en plus des approches physicochimiques classiques – de nouveaux outils spécifiques tirés de la biologie de l’évolution et de la biologie moléculaire.

Les expériences sur les neurones géants du calmar (Loligo vulgaris) à la fin des années 30, du siècle dernier, ont permis de comprendre les mécanismes de la production et de la propagation de l'influx nerveux.

Finalement la physiologie des animaux peut nous enseigner beaucoup sur les processus physiologiques propres à l’Homme. C’est assez surprenant, car l’espèce humaine (Homo sapiens) partage avec les autres espèces animales : les mêmes processus physiologiques fondamentaux, qui finalement consistent à ce qu’on appelle la "vie" ; les mêmes principes et mécanismes génétiques ; une évolution dont l’histoire est liée à celle d’autres espèces. Ainsi, le battement cardiaque dans le corps humain résulte des mêmes mécanismes fondamentaux qui font fonctionner le cœur du saumon, d’une reinette, d’un crotale, d’un coucou ou d’un babouin. De même, les événements moléculaires, qui produisent l’électricité de l’influx nerveux du cerveau humain, sont à la base les mêmes que ceux qui produisent l’influx nerveux chez le calmar, le crabe ou le rat. Pour cette raison, plusieurs de ces animaux sont utilisés comme des systèmes modèles pour comprendre le fonctionnement ou le dysfonctionnement de la physiologie humaine (souris diabétiques, rats génétiquement obèses, embryons de poissons zébrés présentant des anomalies cardiaques ...). De tels modèles permettent de réaliser des expériences variées et inimaginables auparavant, ils font progresser la connaissance fondamentale des mécanismes physiologiques ainsi que le développement de moyens judicieux de traitement des maladies humaines.

Littérature[modifier | modifier le wikicode]

  • ROGER ECKERT, DAVID RANDALL, WARREN BURGGREN, KATHLEEN FRENCH. Animal Physiology: Mechanisms and Adaptations, Fourth edition, W.H. Freeman and Co., New York, 1997, ISBN 2-7445-0053-4.
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