Georges Brassens - La place de la Femme dans son œuvre/Brassens misogyne

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Les femmes de l’œuvre de Brassens sont loin d’être toutes vertueuses et agréables.

Brassens misogyne[modifier | modifier le wikicode]

Bien au contraire, celles qui inspirent méfiance voire répulsion figurent en bon nombre. Un des poèmes qui présente le mieux ces femmes menaçantes est "La route aux quatre chansons [1]" .
Dans ce poème, le narrateur rencontre les héroïnes de quatre célèbres chansons traditionnelles. Mais ici, loin de leur portrait originel, Brassens ne nous dépeint que des dames peu sympathiques. La première de celles-ci est la célèbre Marjolaine qui ne pleurait que lorsqu’elle n’avait pas d’argent mais qui n’hésitait pas à monnayer son corps. Viennent ensuite les belles dames qui dansent en rond sur le pont d’Avignon. Le monde idyllique de la chanson populaire est ici perturbé par l’accueil réservé au narrateur : "Étranger, sauve-toi d'ici Ou l'on donne l'alarme Aux chiens et aux gendarmes !". La troisième étape nous conduit à la prison de Nantes où le narrateur tente sa chance avec la fille du geôlier. Contre toute attente il ne recevra pour réponse que : "On dit que vous serez pendu Aux matines sonnantes, Et j’en suis bien contente.". Pour se consoler de ces mésaventures notre aventurier se résout à aller dormir "auprès de sa blonde", mais celle-ci n’avait pas eu la patience de Pénélope souvent vantée par Brassens et s’était consolée dans d’autres bras. Une mésaventure semblable arrive au jeune galant de "La rose, la bouteille et la poignée de main [2]" qui désirait fleurir un corsage féminin. Tentant sa chance avec quatre femmes, il va subir, coup sur coup, quatre refus et finir devant la maréchaussée.

«

La première à qui je l'offris
Tourna la tête avec mépris,
La deuxième s'enfuit et court
Encore en criant "Au secours!"
Si la troisième m'a donné
Un coup d'ombrelle sur le nez,
La quatrième, c'est plus méchant,
Se mit en quête d'un agent.

»


Voilà donc huit femmes qui se comportent en véritables mégères alors que les intentions initiales des narrateurs ne semblaient pas spécialement mauvaises… La curiosité guidait le premier tandis que l’envie de faire plaisir était le seul but de notre second aventurier. Après de tels portraits je comprends mieux pourquoi le poète a composé "Misogynie à part.[3]". Dans ce cri de révolte contre la gent féminine, il dénonce l’attitude des femmes et tout particulièrement de la sienne. Les reproches qu’il lui adresse sont nombreux, mais ils touchent essentiellement au domaine de l’amour, pour lequel son épouse affiche une grande indifférence et une attitude désinvolte. La lecture d’un tel morceau de bravoure ne laisse aucun doute sur les sentiments éprouvés par le narrateur envers les femmes, mais je me demande si, en filigrane, ce n’est pas l’auteur qui exprime son point de vue Je distinguerai deux contextes différents à la lecture de l’œuvre du Poète.
Les textes les plus acerbes sont ceux écrits lors de la période où le jeune Brassens a vu son cœur malmené par Jo une jeune peste mythomane de dix-sept ans qui va profondément troubler le jeune homme et le faire souffrir en jouant avec ses sentiments. Il ne reste de cet épisode de la vie de Brassens que peu de souvenirs, car il n’aimait pas en parler (Ses seuls propos se limitaient à : "Jo, c’était la chienlit !") et les échos que l’on en a sont le plus souvent des récits de ses camarades. Une exception cependant : Le texte de la Princesse et le croque-note[4] qui raconte explicitement les premières avances de Jo:

«

Or, un soir, Dieu du ciel, protégez nous!
La voila qui monte sur les genoux
Du croque-note et doucement soupire,
En rougissant quand même un petit peu:
"C'est toi que j'aime et, si tu veux, tu peux
M'embrasser sur la bouche et même pire."

»

Si ce texte est le seul pour lequel Brassens a effectivement admis que l’ombre de Jo planait derrière les mots, je m’étonne que plusieurs textes datant de la même période soient sans concession envers le sexe féminin et résonnent étrangement avec la vie privée de Georges Brassens.

Dans le texte "putain de toi[5]" (Le titre annonce clairement la couleur…) Le narrateur nous raconte comment un chat a chamboulé sa vie. La tirade se conclue sur un "misérable salope" tranchant comme une lame de rasoir. Comment ne pas s’interroger sur la part autobiographique du poème ? Le texte correspond tant avec la description de Jo faite par les bons amis de Georges Brassens. Dans le texte "une jolie fleur [6]", on peut encore deviner, en filigrane, Jo…

Ici encore la jeune fille est représentée sous les traits d'un animal, mais la comparaison est encore moins flatteuse : C’est les sous les trait d’une vache que Jo est décrite par le narrateur. Ici le narrateur met le doigt sur l’écart entre les qualités physiques "une jolie fleur" et les qualités morales "dans une peau de vache" de la jeune fille. Georges Brassens avait déjà évoqué ce problème dans le texte "Méchante avec de jolis seins [7]", où il s’interroge de façon plaisante sur cette association, en s’intéressant tout particulièrement au seins en ce qui concerne le physique (en homme de goût, le chanteur s’y référait assez souvent). Comme une sorte de leitmotiv qui revient une quinzaine de fois dans le poème, l’auteur interpelle son auditoire : "Se peut il qu’on soit si méchante avec de jolis seins ?". Il ne semble pas comprendre une telle incohérence et va même jusqu’à culpabiliser cette femme avantagée qu’il rend responsable de son physique : "Vous gâchez le métier de belle, et c’est du sabotage" . Brassens considère ici la beauté comme un privilège qu’elle ne doit pas gaspiller inutilement.

À la connaissance de l’épisode de Jo, on peut expliquer certains textes et les points de vue sans concessions envers la gent féminine. On ne peut cependant pas regrouper tous les textes à contenu misogyne derrière cette explication. Je crois qu’il ne faut pas perdre de vue que Brassens était également un provocateur qui aimait bien s’amuser en vilipendant quelques mégères. Le texte Hécatombe [8] est un exemple fameux. Ce texte n’est pas franchement misogyne mais on ne peut pas dire que la femme ressorte glorifiée de ce poème. On assiste à un tableau hautement burlesque où les femmes (ou femelles puisque c’est ainsi que les désigne le narrateur) sont dépourvues de toute féminité dans la bagarre. Les attributs conférant traditionnellement à la femme sa beauté sont ici totalement détournés de leur usages et servent d’armes.

"Une autre fourre avec rudesse
Le crâne d'un de ses lourdauds
Entre ses gigantesques fesses
Qu’elle serre comme un étau."
Où est passé "l’endroit où son dos perd son nom avec si bonne grâce » de Venus Callipyge ?![9]
Les seins ne sont pas épargnés :
"La plus grasse de ses femelles
Ouvrant son corsage dilaté
Matraque à grands coups de mamelles
Ceux qui passent à sa portée."

Les "fruits défendus" objets d’amour et de convoitise, se sont transformés en mamelles servant à agresser.

Une telle chanson ne peut être considérée autrement que comme une farce, une incursion dans l’univers de Guignol. Tout y est : La bagarre, les coups de bâton, les pandores, et même le public qui assiste à la scène en jubilant et applaudissant. D’autres chansons moins burlesques répondent cependant également à un désir de provocation du Chanteur. Que ce soit dans "Misogynie à part [10]" ou "les Casseuses [11]" on peut entendre un réquisitoire contre la femme. Celui-ci laisse transparaître beaucoup d’humour et on peut deviner ici le sourire en coin de Georges Brassens se délectant à voir la mine offusquée de "celles qui nous les cassent" (ce que désigne "les" n’a jamais été précisé par l’auteur.) Souvent accusé de misogynie par ses détracteurs, Brassens s’est toujours défendu de tels sentiments. Écoutons-le se justifier lui-même lors d’une interview à la radio :
"La femme est le sujet premier de mon œuvre et elle est généralement traitée avec grande estime et vénération. Et je ne me suis pas intéressé uniquement à la jeune et séduisante nymphette mais à toutes les femmes. De toutes conditions. De toutes origines et de tous âges. Si ma démarche a toujours consisté à glorifier l'humain pour ce qu'il a de grandeur, de noblesse d'âme, par opposition, j'ai forcément été amené à dénoncer la médiocrité, la bassesse. Mais, à ce titre, les hommes ont été plus souvent l'objet de mes dénonciations. Alors si j'ai vilipendé avec virulence quelques coupables mégères, convenons que j'ai traité hommes et femmes d'égal à égal. Et lorsque j'ai décrié quelques pénibles emmerdeuses, je leur ai le plus souvent accordé quelques valeurs de rachat."

Il est vrai que ce point de vue est très subjectif puisque l’auteur se défend lui-même. Cependant, on peut ajouter à son crédit que son œuvre traite effectivement autant des enfants de Marie que des enfants de marie-salope, et que, si les femmes en prennent pour leur grade, les hommes n’ont pas été épargnés (95 pour cent[12]) . Bon nombre de thèses universitaires ont également abondés en ce sens et ont totalement disculpés le poète de la moindre intention de misogynie. La meilleure preuve de la bonne foi de l’auteur est obtenue à la lecture de ses plus beaux textes en hommage à la femme. Ils nous laissent découvrir un Brassens très tendre et passionné. Ainsi qu’il le disait: "La femme en général est plus généreuse, plus altruiste que l'homme. Elle est plus grande en amour".
Découvrons ensemble cet homme qui veut se montrer à la hauteur de cet amour.

Références[modifier | modifier le wikicode]

  1. 1 Annexes – p3 ; CD1 – Plage 1
  2. 2 Annexes – p5 ; CD1 – Plage 2
  3. 3 Annexes – p7 ; CD1 – plage 3
  4. 4 Annexes – p9 ; CD1 – plage 4
  5. 5 Annexes – p11 ; CD1 – plage 5
  6. 6 Annexes – p12 ; CD1 – plage 6
  7. 7 Annexes – p13 ; CD1 – plage 7
  8. 8 Annexes – p14 ; CD1 – plage 8
  9. 9 Annexes – p16 ; CD1 – plage 9
  10. 10 Annexes – p7 ; CD1 – plage 3
  11. 11 Annexes – p17 ; CD1 – plage 10
  12. 12 Annexes – p18 ; CD1 – plage 11