Introduction au cours de questions monétaires et financières/Le cadre de décision des autorités monétaires et ses limites
Fondamentalement, les autorités monétaires sont représentées par la « Banque Centrale ». Dans la zone Euro, c'est l « ECB » (où « BCE ») et aux USA c'est la « FED ». Dans les déclarations de principes, les objectifs ne sont pas forcément identiques. Ceux de la FED sont de contrôler l'inflation ET de lutter contre le chômage. Il n'y a aucune préoccupation sur le taux de change. Pour l'ECB, au contraire, l'objectif chômage n'apparaît pas, et la vocation est essentiellement de tenir l'inflation. En principe, l'ECB devrait aussi tenir le taux de change, mais l'expérience montre qu'elle n'y parvient pas. En peu de temps, l'euro à cru de +30% par rapport au $US, ce qui pénalise très fortement les PME européennes exportatrices.
C'est plus grave d'autant que les autres grands pays échangistes ont officiellement ou non collé leur monnaie au Dollar. Ainsi, la Chine en fait une politique officielle. De manière plus discrète, la Corée a collé le Won et la Thaïlande le Bath, si bien que les énormes ajustements de change nécessités par le déficit des USA sont à peu près exclusivement récupérés par l'euro.
Face a cette situation, l'ECB est désarmée. Son seul argument est de demander aux USA de diminuer leur déficit, donc de vivre moins bien, chose peu probable. Il en est d'autant moins qu'il y peu de temps, Alan Greenspan a prononcé un discours très dur à l'encontre de la politique fiscale du gouvernement Bush. S'il est peu probable que ce discours soit entendu, il démontre quelque chose de capital : aux USA, la FED est totalement indépendante du pouvoir politique, et peut se permettre de le critiquer ouvertement. Certains affirment que le président de la FED est l'homme le plus puissant des USA après le président. On ne peut aller jusque-là avec la BCE, car elle est d'origine récente, n'est donc pas légitimée par l'histoire et surtout, elle émane de pays dans lesquels la banque centrale était très proche du Gouvernement (Allemagne) où même dont le directeur était un fonctionnaire aux ordres de l'état (France). Il est donc normal que le directeur de la BCE, Jean Claude Trichet, ait à se battre pour faire prévaloir son indépendance.
Jusqu'à présent, il semble qu'il ait réussi. Pourtant les BC européennes et américaines sont confrontées à un problème important : l'Angleterre, l'Australie, l'Espagne et dans une moindre mesure la France, ont une politique de fort bas taux d'intérêt qui a générée un boom immobilier qui rappelle les faits passés au Japon à la fin des années 80.
Dès lors, la contradiction est évidente : ou bien les BC maintiennent des taux d'intérêt très bas, mais engendrent un gonflement supplémentaire des prix immobiliers, plus l'augmentation du déficit aux USA, ou bien elles procèdent à l'augmentation des taux d'intérêt et le risque existe que la bulle éclate avec des effets beaucoup plus désastreux que l'éclatement de la bulle boursière en début 2000.
La raison est que dans les pays anglo-saxons, l'emprunt hypothécaire est à taux variable, donc les mensualités de remboursement augmentent avec les taux d'intérêt. Ainsi, cette hausse pourrait désolvabiliser une bonne partie de la clientèle et provoquer un crack qui par effet de contagion ferait courir un risque à l'ensemble des pays développés. Jusqu’à présent, la FED et l'ECB se sont maintenu sur une ligne de prudence voire d'inaction. Il ressort clairement l'idée que la banque centrale a un rôle totalement incommensurable à celui des autres agents.
La raison est que les variables sur lesquelles elle agit, la monnaie et taux d'intérêt affectent tous les agents, alors qu'une action d'une PME, si importante soit elle, n'affectera qu'elle-même et ses fournisseurs. Il y a donc bien une spécificité de la BC qui s'inscrit dans un réseau, le système monétaire, qui est lui-même un processus complexe. On entend par là que le système monétaire est composé de plusieurs agents dont la nature est différente et qui sont en relation hiérarchique avec la BC. Celle-ci est donc responsable de l'organisation de tout un système, des impulsions et orientation qu'elle essaie de lui faire prendre.
Cette spécificité tient aussi à la nature de la monnaie, non comparable à la banalité des autres éléments économique. C'est dans ce cadre que la BC va devoir gérer ses objectifs d'inflation, de chômage, de taux d'intérêt par un système d'incitation vis-à-vis des agents qui lui sont subordonné, éventuellement de menaces vis-à-vis des autres BC. Ce jeu complexe est celui de la politique monétaire.