Phytosociologie

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la phytosociologie étudie les associations végétales

La phytosociologie est la discipline botanique qui étudie les communautés végétales, en se basant sur des listes floristiques les plus exhaustives possibles. Elle est l'une des branches de l'étude de la végétation, laquelle peut s'appuyer sur d'autres types d'approches (physionomiques, climatiques, écomorphologiques, agricoles, sylvicoles, etc.)

L'analyse comparative des groupements végétaux permet de définir des catégories abstraites (par exemple des associations végétales et des phytotypes).

La phytosociologie décrit les relations spatio-temporelles entre végétaux. Elle s'intéresse aussi au fonctionnement écologique et botanique des végétations, à différentes échelles (des synusies aux biomes zonaux), c'est à dire aux relations des plantes entre elles et avec leur milieu de vie (climat, sol), ainsi que leur répartition géographique. Ses méthodes et concepts sont transposables à tous les types d'organismes. Elle est donc une discipline écologique et géographique à part entière.

Principes et vocabulaire[modifier | modifier le wikicode]

Pour le phytosociologue, les populations végétales de différentes espèces qui utilisent un même habitat naturel, ou biotope, constituent des synusies, des phytocœnoses, des teselas, catenas, etc., dont la phytosociologie cherche à décrire les compositions floristiques, l'architecture, mais aussi le fonctionnement dynamique et écologique.

Histoire[modifier | modifier le wikicode]

Constatant que les espèces végétales ne se répartissent pas au hasard et que l'on retrouve souvent les mêmes espèces cohabitant dans des mêmes milieux, les précurseurs de la phytosociologie, tel Henri Lecocq, Charles Flahaut, Émile Chateau (1866-1952), ont défini des associations végétales comme unités floristico-physionomiques fondamentales de la couverture végétale. Le concept floristique de la végétation s'est ensuite substitué au concept physionomique (basé sur les types biologiques), tel qu'instauré par les premiers phytogéographes : Alexander von Humboldt & Aimé Bonpland (1807), Grisebach (1838, 1872), Eugen Warming (1909), etc.

D'autres phytosociologues, comme Josias Braun-Blanquet (1884-1980), Erich Oberdorfer ou Reinhold Tüxen ont progressivement construit un système de classification hiérarchisé, analogue à celui établi pour les espèces, prenant pour base l'association végétale considérée comme représentée sur le terrain par des «individus d'association».

Ce système a constitué un socle théorique pour le développement d'outils pratiques de connaissance écologique. Il a facilité la compréhension des affinités entre les communautés végétales et entre celles-ci et les milieux (naturels ou artificialisés).

La reconnaissance des groupements végétaux qui reflètent la fertilité et les qualités structurelles d'une « station » a des applications pratiques en sylviculture et en agronomie.
En matière de protection de la nature, le phytosociologue distingue les différents habitats en les hiérarchisant (par exemmple en fonction de critères de rareté ou vulnérabilité et oriente et évalue les opérations de restauration écologique de milieux (diagnostic initial, suivi de l'évolution des effets d'une gestion conservatoire ou restauratoire).

les écoles de phytosociologie[modifier | modifier le wikicode]

  • L’école suédoise des sociations (HULT 1881, SERNANDER, Uppsala : DU RIETZ 1920, 1930, 1954), encore utilisée de nos jours en Fennoscandie.
  • L’école anglaise de la dominance (SMITH 1898, 1899, CHIPP 1927, TANSLEY 1946).
  • L’école américaine du climax (CLEMENTS 1905, 1916, 1928) à laquelle se rattachent les cartes des séries de végétation (Toulouse : GAUSSEN 1933), et les documents pour la carte de la végétation des Alpes de OZENDA.
  • L’école franco-suisse sigmatiste (Zürich, SIGMA Montpellier : BRAUN-BLANQUET 1913, 1928, 1951, 1964) à laquelle se rattachent les cartes de GUINOCHET (1956) et de LEMEE (1959).
  • L’école suisse des synusies (RÜBEL 1917, GAMS 1918).
  • L’école américaine du continuum (GLEASON 1926, 1939, CURTIS & MAC INTOSH1951, CURTIS 1959, MAC INTOSH 1967, 1968).
  • L’école russe des phytogéocénoses (SUKACHEV 1929,1954, ALECHIN 1932, 1935, LAVRENKO 1938).
  • L’école estonienne unistrate (LIPPMAA 1931, 1933, 1934, 1935).
  • L’école belge des groupes socioécologiques (Paul DUVIGNEAUD 1946), à laquelle se rattachent les travaux de PASSARGE (1964).
  • L’école française des groupes écologiques statistiques (CEPE Montpellier : GOUNOT 1969, GODRON 1967, 1971, DAGET 1968).
  • L’école française de la phytosociologie synusiale intégrée (Lille, Neuchâtel : JULVE 1985, DE FOUCAULT 1985, GILLET 1985, 2000, GILLET, DE FOUCAULT & JULVE 1991), qui puise ses racines dans les travaux de LIPPMAA, GAMS et BRAUN-BLANQUET.

Ces écoles diffèrent :

  • par leurs concepts, en particulier des unités de base (association, sociation, concept individualiste…), choisies par une approche synusiale ou phytocénotique,
  • par l’importance différente attribuée à la dominance, la constance et la fidélité des espèces, la stratification, la dynamique des groupements végétaux,
  • par leurs techniques de terrain (relevés, quadrats de taille constante, échantillonnage au hasard ou stratifié…),
  • par leurs méthodes de synthèse et de modélisation.

Phytosociologie systématique floristique - sociologie des plantes[modifier | modifier le wikicode]

La phytosociologie existe parce que les plantes, comme tout organisme vivant, ne vivent pas de manière isolée ; les espèces végétales vivent associées entre elles (et avec des animaux, des champignons, des protistes, des bactéries...), et elles modifient leur milieu selon plusieurs aspects et facteurs écologiques :

  • un aspect dit statique, réunissant les paramètres abiotiques du milieu (lumière, chaleur, humidité...).
  • un aspect dit de succession, où les écosystèmes (structurés par des groupements végétaux) se succèdent en stades différents pour parvenir à un climax homéostatique.
  • un aspect d'interactions, qui tient compte des nombreuses relations entre espèces : interactions biotiques (prédation, parasitisme, coopération, mutualisme, symbiose, compétition...), interactions abiotiques (ombrage, intoxication, fertilisation...).

C'est Josias Braun-Blanquet qui a fait prédominer l'aspect floristique plutôt que la forme (ou physionomie) des plantes, comme critère principal de détermination des associations végétales considérées. Suivant sa méthode, on considère des échantillons de terrains aux biotopes uniformes, où les espèces sont distribuées de façon répétitive. On établit alors une liste semi-quantifiée des espèces présentes sur une surface semblant floristiquement homogène, supérieure à l'aire minimale des groupements considérés. Le choix de la forme et de la taille de la zone relevée dépend du type de végétation considéré. Par surface floristiquement homogène, on entend une surface où la liste d'espèces ne varie pas, indépendamment de la répartition plus ou moins agrégée des individus.

On estime aussi la couverture respective des espèces selon deux critères :

  • l'abondance-dominance : surface occupée par chaque espèce végétale en proportion de la surface totale occupée par l'ensemble des plantes de la zone relevée,
  • sociabilité : distribution des individus de chaque espèce présente sur l'ensemble de l'échantillon de terrain – sont-elles régulièrement dispersées, ou apparaissent-elles selon un « motif » de répartition particulier ?

Le second critère est de moins en poins utilisé.

Les relevés botaniques effectués sont comparés entre eux pour déterminer leurs degrés de similitude (ex : espèces toujours conjointement présentes dans un certain biotope), on arrive à agréger plusieurs relevés pour finalement former des unités phytosociologiques homogènes floristiquement. On peut ensuite comparer les groupes de relevés avec ceux de biotopes similaires situés dans des régions plus éloignées, ou proches mais entièrement différents.

Classification phytosociologique des végétations[modifier | modifier le wikicode]

Les phytosociologues du XXe siècle ont construit un système de classification hiérarchique (syntaxinomie) analogue à celui de la classification classique (idiotaxinomie). Les associations végétales forment l'unité de base, et sont regroupées par similarités dans des alliances. Les alliances les plus proches dans leur structure floristique sont groupées en ordres, eux-mêmes groupés en classes. Chaque niveau de cette hiérarchie est dénommée "syntaxon" (par analogie aux idiotaxons du système de classification des organismes).

Une association végétale est nommée à partir du ou des noms de genre d'une ou de deux espèces caractéristiques présentes, auxquelles on ajoute un suffixe (en gras ci-dessous) différent selon que l'on parle d'une classe, d'un ordre, d'une alliance ou d'une association végétale:

  • Classe (suffixe -etea) : Querco-Fagetea (forêts feuillues des climats tempérés dominées par les Chênes et le Hêtre) ;
    • Ordre (suffixe -etalia) : Fagetalia (forêts feuillues des climats tempérées froides à Hêtre, Fagus sylvatica) ;
      • Alliance (suffixe -ion) : Fagion (hêtraie et associations voisines montagnardes) ;
        • Association végétale (suffixe -etum) : Abieto-Fagetum (hêtraie à sapins de moyenne montagne).

Les sous-unités éventuelles portent des suffixes spécifiques :

-etosum ; pour la sous-association,
-enion ; pour la sous-alliance,
-enalia ; pour le sous-ordre, -
-enea ; pour la sous-classe.

Classification physionomique des végétations[modifier | modifier le wikicode]

Une approche basée sur la physionomie des groupements végétaux existe aussi. Elle considère d'abord les types biologiques des espèces dominantes dans un lieu donné. L'unité considérée est la formation végétale, concept formulé dès 1838 par August Grisebach. Les formations sont insérées elles aussi dans un système hiérarchique, illustré ci-dessous par trois exemples :

Classe Buissons Formations herbacées Formations aquatiques
Sous-classe Formations xéromorphes de buissons Champs herbacés Roseaux
Groupe Formations xéromorphes de buissons très ouvertes (semi-désertiques) Champs arbustifs Roseaux de lacs d'eau douce
Formation Couverts de fougères

Ce modèle tend à être délaissé au profit du système de classification phytosociologique proprement dit, de nature floristique, car ce dernier détaille les différentes espèces présentes plutôt que de se référer principalement à la physionomie globale. Hors, la connaissance des espèces inclut la connaissance de la physionomie, alors que l'inverse n'est pas vrai.

Intérêt de la phytosociologie en écologie[modifier | modifier le wikicode]

La phytosociologie permet d'étudier les relations abiotiques des végétations avec le climat, les sols et la géomorphologie locale ainsi que les relations biotiques avec les autres communautés végétales, les communautés animales et les sociétés humaines. Ainsi, la reconnaissance des groupements végétaux révèle de manière plus précise les fonctionnements écologiques locaux, la bioindication des communautés étant l'intersection des valences écologiques de toutes les espèces les constituant.

Cartographie des végétations[modifier | modifier le wikicode]

La caractérisation des végétations repose sur des inventaires floristiques effectués selon des normes précises. L'objectif étant de décrire la diversité des végétations mondiales et de permettre la compréhension des liens fonctionnels entre les communautés de plantes et les milieux naturels ou artificiels.

L'utilisation de cartes pour la représentation spatiale des unités phytosociologiques permet une étude précise des conditions écologiques du milieu et de la répartition des espèces végétales. Selon l'échelle, on choisira l'échelon approprié d'unité de végétation, et on le représentera sur les cartes : cartes phytosociologiques ou physionomiques, cartes des formations, des types de biotopes, des ressources forestières, des valeurs agronomiques, etc.

Étude des indicateurs et des groupes écologiques[modifier | modifier le wikicode]

La phytosociologie peut servir à la bioindication. Certaines plantes sont des "indicateurs biologiques" de certains types de terrains (acidiphile, calcaire, humide, sableux, etc.). Selon le système introduit par Heinz Ellenberg, le comportement écologique d'une espèce botanique est décrit par un indicateur comprenant de 9 à 12 classes pour chaque facteur écologique primordial. Ces indicateurs précisent certaines variables de l'environnement comme la lumière, la température, la continentalité, l'humidité du sol, le pH, la quantité de nutriments dans le sol, la salinité. Par "indication biologique" on doit entendre plusieurs niveaux possibles de bioindication : présence-absence qualitative, importance quantitative des populations, modifications physiologiques héréditaires, adaptations physiologiques temporaires.

Phytosociologie et dynamique des végétations[modifier | modifier le wikicode]

Sous le concept de dynamique des végétations on regroupe toutes les modifications quantitatives et qualitatives des associations végétales au cours du temps : les modifications saisonnières phénologiques, les fluctuations pluriannuelles de la végétation, les modifications cycliques, dues notamment aux invasions de parasites, les successions autogènes ou allogènes (séries de végétation).

L'utilisation de la méthode phytosociologique à divers intervalles de temps sur un même site permet l'analyse des fluctuations ou de l'évolution de la végétation. Cette évolution peut par la suite être expliquée par l'effet de phénomènes internes (autogènes) ou externes (allogènes) à l'écosystème considéré. Ces phénomènes peuvent trouver leur origine dans des actions humaines, des changements climatiques, des cicatrisations, comme après après un incendie, etc.).

Les classes de végétations en France[modifier | modifier le wikicode]

Voir Classes CATMINAT de végétation en France

Voir aussi[modifier | modifier le wikicode]

Articles sur wikipédia[modifier | modifier le wikicode]

Phytosociologues

Références[modifier | modifier le wikicode]


Liens externes[modifier | modifier le wikicode]

Bibliographie[modifier | modifier le wikicode]

  • Marcel Guinochet, Phytosociologie, Paris, Masson et cie, , 227 p. (ISBN 2-225-35618-1)
  • Marcel Bournérias, Gérard Arnal, Christian Bock, Guide des groupements végétaux de la région parisienne, Paris, Belin, , 640 p. (ISBN 2-701-12522-7)