Technologie/Éléments théoriques et pratiques/Théorie des mécanismes/Quelques éléments de réflexion
À chaque trou son outil
[modifier | modifier le wikicode]S'il était question de percer un trou, feriez-vous le même travail avec vos ongles, un foret, un Opinel, un pain de plastic, un laser ou un plante-choux ? Sans doute pas ! En mécanique c'est pareil : à chaque problème sa méthode, ou presque. Chers lecteurs, qui êtes peut-être trop accoutumés à chercher la bonne formule avant de réfléchir, il vous faut ici faire l'apprentissage de la liberté, qui est l'exercice du choix et de la responsabilité.
A un quidam qui se vantait un jour en public d'avoir changé dix fois de métier en cinq ans, nous avons demandé si par hasard il n'était pas en train de confondre changer de boulot et changer de métier... D'autres bons esprits, parfois haut placés, affirment sans vergogne que d'un cancre à eux confié pendant huit jours, ils feront un mécanicien ; pour autant, si une molaire les chatouille alors que leur dentiste est parti en vacances, tentent-ils de recycler leur plombier ? Quand vous les rencontrerez, soyez sérieux : riez-leur au nez !
En mécanique, comme dans bien d'autres domaines, acquérir une qualification demande du temps et de la peine. Les problèmes de statique n'exigeront de vous que très peu de connaissances spécifiques, mais vous devrez accumuler patiemment les « heures de vol » sous la direction attentive d'un « pilote » expérimenté. C'est le prix à payer pour acquérir le savoir faire indispensable à votre autonomie, but ultime de tout enseignement car il faut bien qu'un jour l'élève sache se passer du maître. Règle, compas, porte-mines, ordinateur, papier, équations, vecteurs,... pratiquement aucun de vos outils ne sera propre à la mécanique. Mais gare aux mauvais choix ! Des axes mal placés, par exemple, compliqueront votre problème avec une redoutable efficacité...
C'est à sa façon de choisir et d'utiliser les bons outils que l'on peut distinguer le bon ouvrier, ou le bon mécanicien, du mauvais.
Les notations
[modifier | modifier le wikicode]Ah, si seulement tous les Professeurs pouvaient adopter les mêmes notations ! La vie serait tellement plus simple... Nous avons pensé cela, nous aussi, lorsque nous étions étudiants. Et nous avions tout faux car une notation est un outil de travail qu'il faut savoir choisir avec discernement, pour chaque problème ! Répétez-le en chœur :... à chaque trou son outil !
Chers étudiants, disons-le tout net : vos notations préférées relèvent plus souvent de la mauvaise habitude ou de la fantaisie que de la logique ou du simple bon sens. Certaines sont même si aberrantes que ne pas les interdire relèverait de la non-assistance à personne en danger !
Les valeurs numériques
[modifier | modifier le wikicode]La règle à calculs, désormais objet de musée, avait le mérite d'obliger les étudiants (et les professeurs…) à réfléchir. Le nombre d'erreurs restait tolérable, les résultats étaient en général fournis sous une forme à peu près correcte et lisible.
L'apparition des « calculettes » a bouleversé les habitudes. Les professeurs ont demandé des calculs plus nombreux et plus difficiles, sans généralement se soucier d'apprendre aux étudiants à utiliser convenablement leurs nouveaux outils. Catastrophe ! Paquets de copies après paquets de copies, la plupart des résultats numériques étaient archifaux…
Les choses vont heureusement moins mal avec les ordinateurs de poche. Lesquels, soit dit en passant, devraient se trouver effectivement dans votre poche, chers étudiants, lorsque vous venez en travaux dirigés de mécanique.
Attendez ! Juste le temps d'en attraper un et d'en exiger le maximum de décimales…
Nous divisons 355 par 113 :
C'est presque π, qui vaut : 3,141,592,653,589 …
Je demande π : 3,141,592,654
Tiens ! Il a arrondi !
Nous retranchons π de 355/113 : 0,000,000,267
Ensuite, pour voir, nous multiplions le tout par 10,000 : 0,002,667,630
Ah le bougre ! Il avait donc des réserves cachées (ce sont les digits de garde, qui servent à faire les arrondis ; nous avons de la chance, car certains ordinateurs de poche, qui en ont pourtant, refusent de les montrer) !
Pour obtenir 355/113 ou toute autre fraction du même acabit avec 45 décimales exactes, nous remisons notre superbe engin et nous appliquons la fameuse « méthode IBM » (It's Better Manually, et non Industrial Business Machines) jusqu'à obtenir la 46e pour l'arrondi… si toutefois nous savons encore calculer à la main !
Cherchant à évaluer la charge supportée par une des roues d'un camion, il se peut que nous obtenions quelque chose comme :
- 31,804,267,05 N
Nous pouvons espérer que le 3 est juste. Le 1 devient un 2 si le chauffeur fait le plein de gazole. Le 4 change quand il prend son petit déjeuner ; le 6, s'il perd un bouton de culotte et le 7, si par hasard il cire ses chaussures !
Admettons les deux, à la rigueur les trois premiers chiffres, soit 31,800 N. Chacun des chiffres suivants a une chance sur dix d'être juste. L'ensemble en a au plus… une sur dix millions !
Le résultat non arrondi n'a donc aucun sens ; en pratique il est tout simplement FAUX ! À bon entendeur, salut !
Tout professeur digne de ce nom aime les vraies valeurs et ne tolère pas qu'on lui ramène les fausses (dixit le contrepéteur fou).
Remarques :
- 22/7 est le rapport d'Archimède, 355/113 est le rapport d'Adriaenz Metius, un mathématicien hollandais (1571-1635).
- On peut retenir les 32 premières décimales de grâce au nombre de lettres de chacun des mots du célèbre quatrain :
- Que j'aime à faire apprendre un nombre utile aux sages !
- Immortel Archimède, artiste ingénieur,
- Qui de ton jugement peut priser la valeur ?
- Pour moi, ton problème eut de pareils avantages.
- Même appliquée aux mathématiques, la poésie a cependant ses limites : le chiffre suivant est un zéro !