Goélette Cardabela/Première croisière d'essais par la Corse et l'île d'Elbe

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Résumé[modifier | modifier le wikicode]

Cette première navigation après 20 ans d'efforts et d'usures familiales, a été d'un grand réconfort mais aussi une épreuve difficile après avoir failli couler en baie de Porto Azzuro (île d'Elbe).

Cette croisière d'essai était destinée à éprouver la structure générale : sous voile, moteur, mouillage avec orin, et aussi le propulseur d'étrave original.

Rédigé le 11 août 2005 avec ce qui me reste de souvenirs.

Les premiers essais de la goélette Cardabela en croisière ont donc eu lieu cet été 2001 après examen par les affaires maritimes et avoir obtenu la première catégorie de navigation (toutes zones).

Équipement électronique : GPS, pilote automatique, girouette anémomètre, sondeur, VHF, Récepteur radio BLU.

J'étais très confiant dans la structure de la coque, des épontilles et dans les superstructures (mâture et son gréement).

Avant le départ, en juillet et août, nous avons revitalisé l'aspect des œuvres mortes par une couche de peinture polyuréthane bi composante "bleue Atlantique". Je n'avais pas trouvé de système idéal pour relever les ancres ni pour leur mise à poste. De même, nous n'avions pas eu l'occasion d'éprouver le moteur dans la durée, ni le propulseur d'étrave à turbine que j'avais inventé dans les années 70-80.

Nous voici donc partis, Marie Claude et moi en direction de la Corse avec pour objectif premier de rejoindre le petit port de Frioul, devant Marseille, dont on nous avait dit tant de bien. (Merci à Joseph aujourd'hui tristement disparu par un mauvais coup du sort devant Port Camargue).

Arrivés à port Frioul alors en cours d'aménagement côté sud, et n'ayant jamais pris une pendille, mon idée était de nous accrocher à une bouée, "et après on verra bien ...". Je confie donc la gaffe à Marie Claude avec un crochet spécial en bout, auto fermant. Je m'aide du moteur pour reculer doucement. Cardabela n'arrive pas à la bouée, ... , si ! Marie Claude essaie d'accrocher la bouée de loin mais n'arrive pas bien la gaffe s'accroche mais pas dans le crochet spécial; voulant donner un petit coup supplémentaire en marche arrière je me trompe de sens, le moteur s'emballe en marche avant, Marie Claude essaie de s'accrocher mais le moteur est vraiment plus fort qu 'elle , alors pour ne pas tomber à l'eau elle lâche tout et c'est ainsi que nous avons perdu gaffe et crochet, car nous n'avions pas amarré le bout au bateau et le crochet était trop lourd pour le peu de flottaison de la gaffe ... par 20 mètres de fond; je n'ai pas envisagé de plonger ...

Nous avons bien profité des îles Ratonneau et Pomègues. Ces îles nous plaisent et, aujourd'hui encore, nous ne ratons jamais l'occasion de nous y arrêter avec Cardabela, c'est comme une nécessité impérieuse, un appel.

Laurent nous a rejoint quelques jours plus tard, venant de Bastia à l'aube par le ferry puis par la navette de Marseille vieux port. Nous sommes partis en direction de l'île de Porquerolles avec force 5 annoncé. Donc toute toile dessus (95 m²) vitesse 9 nœuds. C'était un bon début tout fonctionnait à merveille, voiles en ciseaux Yankee 24m², trinquette14 m², misaine 24 m² et artimon 24 m². Une vague de travers nous mit en travers du vent, juste devant la presqu'île de Giens, avant la passe qui donne accès à la rade d'Hyères, et il était impossible de ramener le bateau dans le vent, le bateau gîtait autour de 30° et voulait obstinément rester en travers du vent, pas assez toilé devant, trop à l'arrière , idéal pour prendre de la vitesse bien que trop toilé, mais impossible de virer pour prendre le vent de l'arrière. MC avait déjà sorti les gilets de sauvetage ... Je décide de rentrer la grand voile arrière (Voile d'artimon ), je débride l'écoute de la grand voile de misaine et l'écoute me brûle en me filant dans la main gauche. Je vais ensuite au pied du mât d'artimon pour rentrer la voile. La drisse d'artimon, câble en inox souple, était alors enroulée sur un emmagasineur et lorsque je lâche le frein du tambour, la manivelle de l'emmagasineur vient violemment me frapper le bras. (Inutile de vous dire que j'ai vite changé ce système par une drisse textile, un bloqueur, et un winch self tayling). Mais ce n'est pas fini car après avoir repris la route nous sommes bien arrivés au port de Porquerolles où nous devions faire le plein de gasoil.

Le moteur de Cardabela est équipé d'une boîte de vitesse de 404 ce qui permet des croisières économiques (2,5 l/h en 3ème vitesse de la boîte) d'une part et d'avoir aussi de la force (2ème vitesse de la boîte) sur l'hélice en cas de besoin. Ce système m'évite une hélice à pas variable.

Donc arrivés au port nous étions en mode croisière (3ème) donc pas de force sur l'hélice , et le vent qui nous poussait sur les autres bateaux ... Le port était particulièrement encombré en cette période de l'année; voiliers, bateaux à moteurs en attente de carburant, ferrys, même des nageurs ! Vite, arrêter le moteur, descendre dans la cale, passer en 2ème, remettre le moteur en marche; çà n'a jamais été aussi rapide !... À cette époque nous n'avions pas de manœuvres extérieures pour changer de vitesse. Ouf ! Les équipiers des autres bateaux, nous voyant en difficulté avaient préparé les gaffes et les défenses ...

À Porquerolles, étant donné nos difficultés à manœuvrer nous avons dû accoster à un poste assez éloigné et nous avons dû nous ravitailler en carburant à l'aide des Jerrican.

Mouillage obligatoire pour la nuit, à l'est de la rade, avec contre nous ce petit vent de force 5 ...

Dès le lendemain matin nous voilà fin prêts pour la traversée vers le Cap Corse ... sans vent ! Ce fut une traversée sur une mer d'huile , une traversée chaude sous un soleil de plomb. Nous avons assisté à de nombreuses chasses de gros poissons, nous avons croisé cinq petits baleineaux qui devaient attendre leur mère. Nous n'avions alors aucune expérience de pêche, nous avons corrigé cela au fil des ans ... Dans la nuit de la traversée nous avons été envahis par des libellules en quantité incroyable; il fallait pousser les libellules du coude pour lire la carte marine.

Nous avons séjourné quelques jours devant les plages de Pietra Corbara et Lavasine (Est du cap) où le passage au loin des navires à grande vitesse faisaient fortement rouler le bateau par les vagues qui arrivaient jusqu'aux plages, puis nous avons mouillé l'ancre sous la citadelle de Bastia où nous étions plus tranquilles. Nous avons ainsi pu profiter de Nathalie et Émilie, Laurent avait été appelé au feu dés notre arrivée au mouillage de Pietra Corbara.

Notre orin était, à l'époque , ramené à bord; çà fonctionnait bien avec peu de longueur de mouillage (20 mètres). On ramenait l'ancre par le guindeau jusqu'à environ 1 mètre sous la flottaison puis on ramenait l'ancre sous les barres de flèches du beaupré par l'orin. On fixait l'ancre avec des sangles bloquantes.

Aujourd'hui nous avons toujours le même système mais l'orin n'est plus ramené à bord en raison des gros ennuis d'entortillement autour de la chaîne d'ancre; en 2002 on avait mis deux heures à démêler 50 mètres de chaîne de 50 mètres d'orin ; maintenant l'orin est fixé à une bouée comme c'est l'usage habituellement (et on prie le bon dieu pour que les voisins de bateau qui mouillent de plus en plus près de nous, ne se prennent pas l'orin dans leur hélice). On ramène l'ancre au guindeau, puis on récupère la bouée pour fixer l'ancre sous les barres de flèches du beaupré à un dispositif spécialement aménagé en fonction du type d'ancre utilisé.

Nous avions envie de visiter l'île d'Elbe et le vent venant d'est levait un petit clapot alors ce fut une bonne raison pour nous décider ... Nous avons d'abord visité deux petites anses au sud de l'île où nous sommes chaque fois restés pour une nuit mouillés sur ancre plate dans un sable de bonne tenue. Le troisième jour nous sommes allés à Porto Azzuro. Là c'était bien et beau et le village nous a plu. Nous étions en septembre et le fond de la baie n'était pas trop encombrée. Je craignais à l'époque de mouiller par 10 mètres de fond alors nous sommes allés plus au fond, là où il y a beaucoup de posidonies. Je me disais que par 3 mètres de fond je pourrais plus facilement surveiller et m'occuper de l'ancre en cas de problème. L'ancre plate de 40 kg devait être suffisante avec 20-25 mètres de chaîne ? C'était vrai tant qu'il n'y avait pas trop de vent le système a tenu jusqu'à force 7; mais à force 8 on a dérapé ! Marie Claude voulait s'amarrer à une barge, sous son vent ; je savais, par mes anciennes expériences, que c'était une mauvaise idée mais pas pour les raisons qui vont suivre :

Nous voilà donc remontant l'ancre pour nous amarrer à la barge; mais avec force 8 ce n'était pas évident surtout que nous avions peu l'expérience des manœuvres avec Cardabela. Je décidai d'approcher de la barge en marche arrière car lors d'un accostage précédent à cette barge un plaisancier nous avait demandé de lui lancer un cordage pour nous faciliter la manœuvre. Le cordage passa sur le feu de route qui fut instantanément arraché et projeté à la mer comme une fusée. Cette approche par l'arrière fut plus réussie et c'est Marie Claude qui l'amarra après avoir sauté à bord de la barge. Le bateau amarré ainsi pouvait être ramené à la barge à l'aide du propulseur d'étrave. Au premier essai le bateau ne pivotait pas, alors j'ai mis les gaz ... pas de résultat. tout à coup le moteur s'est mis à fumer, puis à s'arrêter ... J'ouvre le capot moteur ... de l'eau plein le compartiment moteur, jusqu'aux buses d'aspiration d'air , de l'eau par dessus le plancher de la descente ... Le bateau coule ! Mais pourquoi ?
Marie Claude saute dans le bateau pour sauver l'essentiel (les papiers, l'argent, etc.) ressort et attache le sac de survie à la barge.
Marie Claude lance des SOS à la main, les gens lui répondent Hou-ou-ou avec les mêmes signes de mains.

Sauvetage ; je descends au moteur par la cabine, j'ai de l'eau jusqu'au cou, je vois que le tuyau de refoulement de la turbine n'est plus fixé; l'eau de mer entre tranquillement par là; je prends la "châtaigne" à plusieurs reprise par le courant des batteries car je n'avais pas eu la présence d'esprit de couper les alimentations aux commutateurs. Marie Claude me passe un coussin du carré et je l'introduis dans la turbine pour freiner l'arrivée d'eau afin de me laisser le temps de fermer les vannes d'arrivée.

Ensuite ... pompage de toute cette eau, et le moteur ? foutu ?

Rinçage du compartiment moteur à l'eau douce, dessalage de tout ce qui est possible, surtout les câbles électriques, démarreur, alternateur, relais, ... tout ce qui avait trempé dans l'eau, puis j'ai imbibé tous les câbles électriques d'huile hydrofuge.

L'eau pompée, j'essaie de faire tourner le moteur à l'aide d'une grosse clef à molette ... le moteur n'est pas bloqué, il y a urgence à le faire tourner ...

Procédure d'urgence : vidanger l'huile du carter pour le cas où il y aurait de l'eau mélangée à l'huile. Il est tard et où trouver de l'huile moteur ? Nous quittons le bord avec l'annexe en quête d'huile moteur. On rame jusqu'au port avec l'énergie du désespoir. Arrivés au poste à carburant qui fermait nous avons pu obtenir au prix fort 8 litres d'huile super extra, pour moteur de Ferrari sans doute; mais l'essentiel n'est-il pas de sauver le moteur ? On rame ensuite jusqu'au bateau contre les vagues et le vent. (Depuis il y a toujours 7 litres d'huile moteur à bord)

Rentrés au bateau je procède au remplacement de l'huile, je fais tourner un peu à la clef à molette; ... toujours pas bloqué ! Je fais ensuite tourner le moteur au démarreur par petits coups pour faire circuler l'huile neuve et propre pour finir par tenter de démarrer ... À la quatrième tentative le moteur démarre; quel bonheur ... Je laisse tourner le moteur quelque temps afin de laisser l'eau s'évacuer. Le moteur à l'arrêt je vérifie l'aspect de l'huile à la sonde de niveau; l'huile est propre, elle n'est pas blanchâtre, il n'y a donc pas de trace d'eau visible.

Il reste à procéder au nettoyage du carré; Marie Claude avait déjà bien commencé. Nous décidons de retourner vers La Grande Motte dès que le temps le permettra.

Le lendemain matin le vent avait tourné et venait d'est. Les vagues de 30 à 50 centimètres chahutaient Cardabela qui se heurtait à la barge. Il était temps de partir ...

Pas moyen de faire tourner le démarreur ... je le démonte et j'arrive à le faire tourner à vide; je le remonte et je fais démarrer le moteur avec un câble électrique. Voici la procédure : Je descend au moteur et me tiens prêt avec mon bout de câble électrique, Marie Claude met le préchauffage pendant quelques secondes et je fais démarrer ...

Ça marche ! On y va ... plus question d'arrêter le moteur ! Heureusement nous avions fait le plein de gasoil.

Nous avons ainsi navigué jusqu'au lendemain matin. Il devenait nécessaire de se ravitailler en carburant. Nous avons mis le cap sur le port de Portofino. Arrivés un peu tôt pour le poste à carburants nous amarrons Cardabela à proximité, car il aurait été difficile de manœuvrer dans le peu de place disponible pour atteindre ce poste. Nous décidons à regret de couper le moteur. Un militaire vient nous dire que nous ne pouvons pas rester là car une vedette militaire doit arriver bientôt. Nous expliquons que nous sommes en panne moteur et qu'il faut réparer; il ne comprend pas le français et nous n'arrivons pas à nous exprimer en italien. Le militaire repart et revient avec une personne qui parle assez difficilement dans notre langue mais on arrive à se faire comprendre. On essaie de mettre le moteur en marche ... il ne repart plus ! On nous donne une heure pour réparer. Je démonte le démarreur, il marche, je le remonte, çà démarre au câble électrique ! Alerte au tableau électrique : Plus de pression d'huile ! Le capteur fuit; je le démonte, je le bouche avec une allumette (merci SEITA) et je ne reconnecte pas la sonde. Après redémarrage tout semble fonctionner correctement. La vedette arrive, le responsable du poste à carburant aussi; on embarque vite fait 40 litres de gasoil au Jerrican pendant que la vedette attend notre départ ...

Le soir, la nuit tombée, nous arrivons dans les parages de port Imperia. Nous sommes fatigués. Nous cherchons vainement l'entrée du port parmi toutes ces lumières. C'est au GPS que nous arrivons à trouver l'entrée. Nous avons pu passer la nuit à un quai qui devait être libéré le lendemain matin à 7 heures. Debout à 6 heures le petit déjeuner réparateur a été bien apprécié et nous sommes partis à l'heure convenue. Avec ce que nous avions en carburant nous pouvions rejoindre Villefranche où nous avons mouillé dans la rade, le plus près possible de la plage.

Gilles avait téléphoné chez VETUS pour obtenir un démarreur neuf : environ 9000 francs (1350 euros). Nous sommes allés à Nice avec notre démarreur afin de faire un échange standard ou obtenir un démarreur neuf. Ce fut impossible car VETUS n'a pas monté la couronne d'origine sur ce moteur Peugeot , et a aussi modifié le déclencheur du démarreur. Merci VETUS ...

Charlie, un ami garagiste de Marie Claude a examiné le démarreur et nous a dit qu'il est encore en bon état. Il faudra simplement le dessaler et le mariniser dès que possible.
Nous avons passé une matinée avec Gilles et Léa.
Nous avons fait le plein de carburant en partant. Avec 140 litres de carburant nous pouvions rejoindre La Grande Motte.

La nuit, dans la rade d'Hyères nous avions un vent contraire qui réduisait notre vitesse à 3 nœuds. Au petit matin nous étions devant les calanques de Cassis, le spectacle était fantastique avec ces falaises blanches dans la petite brume matinale et pétole de vent.

Arrivés à La Grande Motte nous étions heureux d'avoir rejoint notre quai.
J'ai démonté et marinisé l'alternateur avec les conseils avisés de mon voisin et spécialiste Louis Bergès. Le démarreur a lui aussi été marinisé et j'ai pu changer la couronne porte balais. Les relais de préchauffage et du démarreur ont été remplacés et tout semblait rentré dans l'ordre jusqu'à l'été 2002 où les séquelles de cette aventure nous ont joué un bien mauvais tour.

Dernière modification : 07 janvier 2006 - Récupéré de http://vesubien.free.fr/mariposas/navigation_2001.htm