La Grande Chasse aux sorcières, du Moyen Âge aux Temps modernes/La sorcellerie de premier type (XIe au XIIe siècle)

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XIe et XIIe siècles : répression des hérésies et des minorités[modifier | modifier le wikicode]

La Grande Chasse aux Sorcières se prépare au cours des XIe et XIIe siècles, car la répression des minorités se développe. Les minorités juives, les homosexuels et les sectes sont persécutées pour hérésie par les pouvoirs religieux. Ces persécutions installent un climat de terreur. L’explication en est double : les hérésies se multiplient à l’aube du second millénaire et une forte tendance à la persécution apparaît. Cette évolution implique certains changements de comportement qui seront favorables à la Chasse.

L’apparition du concept de soupçon, ainsi que la disparition progressive de la présomption d’innocence préparent la Grande Chasse. Les accusés doivent ainsi prouver leur innocence et les accusateurs n’ont plus à prouver leur culpabilité.

L’Église cherche à protéger sa doctrine en combattant toute déviance. Pourtant, les hérésies se développent de façon inquiétante dans la seconde moitié du XIe siècle avec les hérétiques dualistes (Manichéens, Cathares, Albigeois) dont la doctrine dérive en une cosmologie originale et les Vaudois, une secte évangéliste. Au départ, l’Église se borne à excommunier les hérétiques, mais par la suite elle cherche à les réprimer par des bûchers.

La sorcellerie des XIe et XIIe siècles[modifier | modifier le wikicode]

Le maleficium ou sorcellerie de premier type existe en fait depuis l’Antiquité. Il s’agit d’une magie populaire qui coexiste avec des pratiques plus évoluées comme la nécromancie. Elle semble avoir des caractéristiques communes partout. Cette magie populaire permet de connaître le futur, changer le temps, rendre impuissant, amoureux ou haineux, faire tomber malade hommes ou animaux et tuer à distance. Dans le monde romain, elle est urbaine, mais en Allemagne et en Scandinavie elle reste rurale.

La sorcellerie est déjà largement condamnée avant l’introduction du Christianisme dans l’Empire romain. Celui-ci ne fait qu’accentuer les mesures prises contre les maléficieurs. Le Christianisme transforme aussi progressivement la sorcellerie. Les formules se christianisent; on fait appel aux Saints et à la Vierge pour faciliter les opérations magiques. (Claude Lecouteux, “Le livre des grimoires”)

L’Enfer et le Diable se transforment[modifier | modifier le wikicode]

La persécution des sorcières, représentation de Verena Trost, Barbara Meyer et Anna Lang (1574).

Une nouvelle sorcière dite du second type, diabolique, apparaît. Avant que ne s’affirme son caractère de servante du Diable, il faut que ce dernier cesse de n’être que tentateur et devienne conspirateur.

La croyance populaire accorde au Diable une certaine réalité même si les élites le considèrent en général comme un symbole. Aux XIe et XIIe siècles, avec l’angoisse que suscite la multiplication des hérésies, le Diable cesse d’être un symbole et devient tangible.

Le Diable acquiert de nouvelles caractéristiques. Certaines empruntées à la mythologie et aux divinités antiques, complètent celles admises par la population. D’autres font très clairement référence au Christianisme comme ses ailes d’ange déchu, sa couleur noire, symbole du mal ou sa personnalité. Il cesse d’être simplement un tentateur peu fréquentable, libidineux et noceur pour devenir l'incarnation du Mal.

Si jusqu'alors le Diable a pu être à peu près contenu en Enfer, dès le XIe siècle ses sorties sont plus remarquées. Les artistes, notamment ceux qui décorent les églises, représentent le Diable sous des formes diverses. Des écrivains et des prédicateurs en parlent et prétendent l’avoir rencontré. Cependant, cela ne provoque pas encore de très grandes psychoses. Le mal reste contenu.