Les suites et séries/Les suites de puissances et la formule de Faulhaber

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La suite des carrés des entiers naturels, celle des cubes, et bien d'autres se dérivent aussi à partir de la suite des entiers. Dans cette section, nous allons étudier les suites de puissances, à savoir les suites de la forme :

Nous avons déjà vu le cas où k=1, qui n'est autre que la suite des entiers naturels. Et nous savons déjà que la somme associée vaut :

Dans ce chapitre, nous allons voir les autres cas. Nous allons commencer par la suite des carrés, puis voir la suite des cubes, puis le cas général.

La suite des carrés (nombres pyramidaux carrés)[modifier | modifier le wikicode]

Après avoir vu la somme des n premiers entiers, nous allons poursuivre en voyant la somme de leurs carrés. Encore une fois, il s'agit d'une suite de Riemann, dont la forme est la suivante :

La somme des n premiers carrés, qui n'est autre que le énième nombre pyramidal carré, vaut :


Démonstration

Illustration du quatrième nombre pyramidale.

Cette somme peut se représenter sous la forme d'une figure géométrique, comme les nombres triangulaires. Mais cette forme est en trois dimensions : c'est une pyramide dont la base est carrée. D'où le nom de nombres pyramidaux carrés donné aux nombres provenant d'une somme des n premiers carrés. On voit que la pyramide est composée de plusieurs couches (n couches pour être précis), chaque couche étant un carré. La somme des carrés correspond donc au volume de la pyramide et ce fait nous permet de trouver une formule pour le calculer.

Prenons trois de ces pyramides, et assemblons-les comme illustré ci-dessous. On voit que le résultat ressemble à un pavé de côtés (n, n, n+1), si ce n'est qu'il y a quelques cubes en trop au sommet (n gris ans le schéma ci-dessous). Les cubes qui manquent forment un triangle de côté n, ce qui fait qu'il y a exactement (le énième nombre triangulaire) cubes en trop.

Preuve géométrique de la formule de la somme des carrés.

L'observation géométrique précédente peut se traduire en équation. Le pavé est composé de trois pyramides, plus du énième nombre triangulaire. En notant le volume d'une pyramide et le énième nombre triangulaire, on a :

Le pavé a un volume de .

Le énième nombre triangulaire vaut  :

Enfin, le volume d'une pyramide est la somme des n premiers carrés.

Simplifions :

On divise par trois :

Simplifions :


Démonstration

Pour démontrer cette formule, nous allons utiliser les notations suivantes pour la somme des n premiers entiers, des n premiers carrés et des n premiers cubes :

Pour faire la démonstration, nous allons partir du développement du cube de n+1 :

Appliquons maintenant cette formule sur tous les nombres de 1 à n + 1 :

  • ...

Additionnons le tout en colonnes. On trouve alors :

Or, on voit que vaut, par définition . Faisons le remplacement :

Développons  :

Or, on sait que : , ce qui donne :

Mettons au même dénominateur :

La suite des cubes (nombres triangulaires carrés)[modifier | modifier le wikicode]

Représentation visuelle de l'identité de Nicomaque de Gérase.

Maintenant, passons à la suite de l'inverse des cubes, définie par :

On peut prouver que :

Ce qui peut s’écrire comme suit, sachant que  :

Cette identité est connue sous le nom d'identité de Nicomaque, en l'honneur du découvreur de cette formule, Nicomaque de Gérase. Il existe plusieurs démonstrations de cette formule, mais la plus simple est clairement la démonstration par induction.


Démonstration

Pour commencer, la formule est valable pour n = 1 :

Maintenant, supposons que la formule soit valable pour n, et regardons ce que cela donne pour n+1. Partons de la formule de la somme des cubes jusqu’à n+1, écrite comme suit :

Vu qu'on suppose que la formule de Nicomaque est valide pour n, appliquons-la :

Mettons le tout au même dénominateur :

Factorisons  :

Développons le terme entre parenthèses :

On utilise alors l'identité remarquable  :

On voit donc que la formule de Nicomaque est respectée pour n+1, si elle est respectée pour n. L'induction est donc valide.


Démonstration

A plus b au carre.

Il existe aussi une démonstration géométrique de l'identité de Nicomaque. Cette démonstration se base sur l'étude d'un carré de côté (a+b) bien particulier. Rappelons l'identité remarquable suivante :

Dans le cas qui nous intéresse, nous allons prendre et , ce qui donne .

On a donc :

En faisant le remplacement , on a :

Simplifions le terme de droite :

Maintenant, examinons le terme : . En utilisant la formule précédente, on peut l'écrire de la manière suivante : . En injectant dans l'équation précédente, on a :

Et on répéte le procédé autant de fois qu'il le faut, jusqu'à ne plus avoir que des cubes dans le terme de droite. On a alors :

En clair, on a :

Le cas général : la méthode récursive[modifier | modifier le wikicode]

Dans cette section, nous allons voir une méthode générale pour calculer la somme :

La méthode en question demande cependant de connaitre les sommes pour la puissance immédiatement inférieure k-1. En clair, pour calculer la somme pour k=5, il faut connaitre la formule pour k=4. La formule en question est la suivante :

Le cas de la somme des carrés[modifier | modifier le wikicode]

La formule se comprend assez bien sous forme géométrique. Pour l'étudier, commençons par le cas le plus simple, où l'on cherche à avoir la somme des carrés. Pour cela, étudions un rectangle tel que sa hauteur soit égale à et sa longueur soit égale à la somme des premiers entiers. Le tout est illustré ci-dessous, dans le cas où n = 8. Sa surface est donc de :

Sur sa longueur, on a découpé les distances égales à 1, 2, 3, 4, etc. En jaune, on représente les carrés de côté 1, 2, 3, 4, etc. L'aire en jaune est donc égale à :

Il ne reste qu'à calculer la différence entre rectangle et somme des carrés. Sur la première ligne, on voit qu'il manque (1+2+3+4+..+n). Sur la seconde ligne, il manque (1+2+3+4+5+ ... + (n-1). Et ainsi de suite. En clair, la surface totale manquante est égale à :

En combinant le tout, on obtient la formule vue plus haut, mais dans le cas où k=2:

Démonstration géométrique de la somme partielle des carrés - illustration avec k = 2 et n=8.

On peut alors combiner la formule précédente avec la formule . On a alors :

On sort le 1/2 du dernier terme :

On développe la dernière somme :

On soustrait la somme des deux côtés :

Le terme de droit se factorise en :

On multiplie par des deux côtés :

En faisant le remplacement, on trouve :

Soit le même résultat que nous avions trouvé plus haut.

Le cas de la somme des cubes[modifier | modifier le wikicode]

Le raisonnement précédent marche aussi pour la somme des cubes, sous réserve que l'on change la longueur du rectangle. On garde une hauteur de (n+1), sauf que cette fois-ci la longueur du rectangle est changée pour la somme des carrés . Sa surface totale est donc de :

On peut ensuite découper la longueur en segments de longueur . On peut alors créer des rectangles avec chaque segment, dont la hauteur est de k. Leur surface est donc égale à . La somme totale de ces rectangles a une surface de :

La différence entre les deux sommes précédentes est composé d'une somme de lignes. Chaque ligne a pour surface la somme des carrés jusqu’à un certain rang, tous les rangs étant représentés. La surface totale occupée par ces lignes est donc de :

En combinant tout cela, on a la formule générale :

En faisant le remplacement avec les équations précédentes, on trouve :

Démonstration géométrique de la somme partielle des cubes - illustration avec n=4.

Le cas général[modifier | modifier le wikicode]

le raisonnement peut se généraliser pour un k quelconque. Il suffit de prendre un rectangle de hauteur et de longueur égale à (donc une puissance en-dessous de celle voulue). Sa surface totale est donc de :

On peut ensuite découper la longueur en segments de longueur . On peut alors créer des rectangles avec chaque segment, dont la hauteur est de k. Leur surface est donc égale à . La somme totale de ces rectangles a une surface de :

La différence entre les deux sommes précédentes est composé d'une somme de ligne qui ont pour surface . La surface totale occupée par ces lignes est donc de :

En combinant tout cela, on a la formule générale :

En faisant le remplacement avec les équations précédentes, on trouve :

Le cas général : la formule de Faulhaber[modifier | modifier le wikicode]

Maintenant, étudions le cas général, mais sans recourir à une récursion.

Et pour cela, commençons par étudier quelques exemples.

Les exemples montrent que la formule finale est toujours un polynôme de degré égal à et on peut démontrer que cela se généralise à toute somme de puissance. De plus, le premier terme est toujours de la forme . On peut donc établir l'approximation suivante :

On peut même aller plus loin en regardant le second terme, qui est toujours de la forme . On a donc :

Par contre, il ne semble pas y avoir de règle évidente pour les autres termes.

Maintenant, cherchons une formule non pas approchée, mais exacte.

Une approche intuitive de la formule de Faulhaber[modifier | modifier le wikicode]

Il existe une formule qui permet de calculer le cas général, appelée la formule de Faulhaber, du nom de son découvreur. Pour comprendre comment elle a été découverte, étudions les premiers exemples. Nous allons supposer que les formules sont des polynômes de degré et allons tenir compte des termes nuls.

Le premier terme est égal à . En factorisant , on obtient :

Triangle de Pascal.

Reste à trouver un moyen de calculer les coefficients, dont on voit qu'ils sont le produit de deux termes : un terme entier et une fraction. Maintenant, comparons les termes entiers avec ceux du triangle de Pascal, un triangle de nombres très connu en mathématiques et souvent utilisé dans des domaines divers. On voit que les termes entiers correspondent exactement à ceux du triangle de Pascal. Un triangle de pascal est donné ci-contre pour que vous puissiez comparer avec les termes des polynômes précédents. Par définition, le nombre situé à la ligne numéro et la colonne est égal à ce qu'on appelle le coefficient binomial . Pour rappel, le coefficient binomial donne le nombre de configurations de éléments parmi un ensemble de éléments. On les calcule avec la formule suivante :

.

Les polynomes précédents se reformulent donc :

Graphe des premiers nombres de Bernoulli.

Les coefficients fractionnaires placés juste avant les coefficients binomiaux sont appelés les nombres de Bernoulli , en référence à leur découvreur. En soi, les nombres de Bernoulli sont conçus de manière à ce que la méthode présentée au-dessus marche. On peut les fabriquer par des séries génératrices ou d'autres méthodes assez complexes, mais ils n'ont rien de particulier à eux seuls. Du moins, c'est ce qui apparaît au premier abord, mais ils sont utilisés dans divers développements mathématiques, comme en analyse, en théorie des nombres et dans d'autres domaines. Le énième nombre de la suite de Bernoulli sera notés dans ce qui suit. Les premiers nombres de Bernoulli sont : Tous les termes impairs au-delà de sont égaux à zéro, ce qui élimine beaucoup de termes. Ils sont définis par la formule récursive suivante :

La formule de Faulhaber : formalisation[modifier | modifier le wikicode]

Formalisons les observations précédentes. Pour commencer, les premières observations nous disent que la formule est un polynôme de degré  :

On factorise alors , ce qui donne des polynômes obtenus de la forme :

On sait que les coefficients sont le produit d'un coefficient binomial par le nombre de Bernoulli .

Une formule équivalente, mais plus lisible, est la suivante :