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Mémoire/La localisation des différents types de mémoire dans le cerveau

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(Redirigé depuis Mémoire/Cerveau)
Système nerveux central & périphérique du corps humain.

Dans le chapitres précédents, nous avons surtout étudié la mémoire du point de vue de psychologie cognitive, sans nous préoccuper de ce qui se passe dans le cerveau. Mais de nos jours, on a une petite idée de ce qui se passe dans le cerveau de quelqu'un qui apprend. Nous savons aussi que les différents types de mémoire ne sont pas localisés au même endroit dans le cerveau. Il existe des zones du cerveau spécialisées pour la mémoire procédurale, d'autres pour la mémoire déclarative, etc. Dans ce chapitre, nous allons voir où sont localisées les différents types de mémoire dans le cerveau.

Rappels sur l'anatomie cérébrale

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Diagramme des trois subdivisions principales du cerveau.

Pour comprendre la localisation de la mémoire dans le cerveau, allons commencer par un petit descriptif des différentes aires du cerveau. On peut considérer que le cerveau d'un humain est composé de trois grandes structures, elles-mêmes divisibles en aires cérébrales plus petites : le cervelet, le tronc cérébral et le reste appelé « cerveau antérieur » (forebrain en anglais).

  • Le tronc cérébral se situe dans le prolongement de la moelle épinière. Pour simplifier, il s'occupe des fonctions essentielles pour la survie : état de veille, respiration, rythme cardiaque, respiration, vomissement, digestion, motricité du visage, etc. Il n'est pas impliqué dans la mémoire, sauf de manière très indirecte, ce qui fait que nous n'en parlerons pas dans ce qui suit.
  • Le cervelet est une sorte de mini-cerveau, posé sur le tronc cérébral, qui contient autant de neurones que le reste du cerveau ! Son rôle est essentiellement moteur : il corrige les mouvements fins, en corrigeant de potentielles erreurs de trajectoire. Lorsqu'il est endommagé, les mouvements sont maladroits, semblables à ceux d'une personne ivre.
  • Le reste est appelé le cerveau antérieur. Il prend en charge tout le reste, qu'il s'agisse de la motricité, des sensations ou des fonctions intellectuelles de haut-niveau. C'est lui qui nous intéressera dans le reste du chapitre.
Le cervelet.

Le cervelet est une sorte de petit sous-cerveau placé à l'arrière du crane, d'où le nom "cervelet" qui veut dire « petit cerveau.». À lui seul, il contient autant de cellules que tout le cerveau réuni tout en occupant seulement 10 % de la taille du cerveau. Il est chargé de gérer l’équilibre, le tonus musculaire, la coordination des mouvements, la motricité fine, et aurait d'autres fonctions annexes. Sans lui, les mouvements seraient grossiers, peu précis et beaucoup plus lents. Il n'est donc pas étonnant que celui-ci soit aussi impliqué dans l'apprentissage moteur : c'est le siège de la mémoire procédurale, celle des automatismes moteurs. Il est aussi impliqué dans certains apprentissages, comme le fameux conditionnement de Pavlov que nous verrons dans quelques chapitres.

Le cervelet a un rôle clair, mais indirect, dans l'apprentissage moteur et la mémoire procédurale. La preuve en est que les lésions du cervelet perturbent l'apprentissage de nouveaux mouvements. Des expériences sur des singes montrent bien l'effet des lésions du cervelet. Dans ces expériences, les singes doivent maintenir leur regard sur un objet mobile et l'expérimentateur observe les mouvements des yeux du singe. Si on endommage les muscles qui contrôlent les mouvements oculaires, le singe n'arrive plus à fixer son regard là où il le doit. Mais le singe s'adapte rapidement, grâce à l'apprentissage moteur, ce qui lui permet de compenser ce handicap, voire parfois de faire revenir ses mouvements oculaires progressivement à la normale. Du moins, c'est le cas si le cervelet du singe est sain. Par contre, un singe avec un cervelet endommagé ne le pourra pas, car son apprentissage moteur est altéré.

L'apprentissage moteur ne fait pas intervenir que le cervelet, mais aussi une aire du tronc cérébral appelée l'olive inférieure. Les sujets avec une olive inférieure endommagée ont les mêmes déficits d'apprentissage moteur que les sujets atteints de lésion au cervelet. Le raison est que l'olive inférieure contrôle la plasticité synaptique des cellules de Purkinje. En effet, des axones partant de l'olive inférieure et forment des synapses assez spéciales avec les cellules du cervelet. Ces synapses contrôlent la plasticité synaptique des cellules du cervelet.

Le cervelet est aussi impliqué dans certains cas de conditionnement classique. Les expériences sur le sujet conditionnent un flash lumineux à un réflexe de clignement des paupières. Ce conditionnement est particulièrement bien conservé chez presque toutes les espèces de vertébrés. De manière générale, le cervelet semble être l'endroit où se situe ce conditionnement bine précis. Les sujets chez qui le cervelet est endommagé ne peuvent pas subir ce conditionnement. À l'heure actuelle, on connaît le circuit qui permet l'apprentissage de ce réflexe conditionné. On sait qu'il regroupe l'olive inférieure? des noyaux localisés dans le tronc cérébral, le cervelet et les noyaux rouges (ces derniers commandent le clignement des paupières).

Le cerveau antérieur

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Le cerveau antérieur est ce qu'il reste du cerveau quand on enlève le cervelet et le tronc cérébral. Il regroupe deux structures anatomiques appelées diencéphale et télencéphale, elles-même subdivisées en plusieurs aires cérébrales. Les aires cérébrales principales sont les suivantes : le thalamus, le complexe hypothalamus-hypophyse, le néocortex, le complexe amygdalien et les ganglions de la base. Le thalamus peut être vu comme un simple relai sensoriel, qui fait l'intermédiaire entre les nerfs et le reste du cerveau antérieur. Le complexe hypothalamus-hypophyse sécrète certaines hormones et s'occupe du maintien de certaines fonctions vitales. Ils ne nous intéresseront pas dans la suite du cours, du moins pas directement. Les trois aires suivantes sont quant à elle nettement plus intéressantes pour qui s'intéresse à la mémoire.

Amygdale cérébrale

L'amygdale cérébrale est une aire cérébrale impliquée dans la réponse émotionnelle. Elle est impliquée dans le conditionnement classique et les apprentissages de Pavlov.

Les ganglions de la base sont un ensemble d'aires cérébrales assez dispersées. Une partie des ganglions de la base se trouve dans le tronc cérébral (le noyau de la substance noire), d'autres se trouvent dans le thalamus et le reste est situé non loin du cortex cérébral. La fonction de l'ensemble est encore mal comprise, mais on sait que les ganglions de la base sont fortement impliqués à la fois dans la motricité, et dans le système de la récompense (un ensemble d'aires cérébrales chargées de la motivation et du plaisir). Ils seraient notamment impliqués dans la sélection des actions, l'inhibition des mouvements parasites, mais aussi dans la motivation et la sensation de plaisir. Ils sont impliqués dans la mémoire procédurale et dans le conditionnement opérant.

Le cortex cérébral est la zone la plus extérieure du cerveau, celle qui forme une couche qui surplombe toutes les autres structures. Concrètement, le cortex se distingue des autres aires cérébrales par la manière dont les neurones sont rangés. Les neurones en dehors du cortex forment des amas globalement sphériques, appelés des noyaux ou encore des ganglions. Mais le cortex est composé de couches de neurones superposées. De plus, les couches sont alignées de manière à ce que les neurones se relient en colonnes qui traversent les couches.

La surface du cerveau fait des replis et des creux : le cortex est dit plissé. Les plis sont nommés gyrus ou circonvolutions cérébrales, alors que les creux entre les plis sont nommés des sulcus ou sillons. Pour les creux très marqués, on parle aussi de scissures, ou de fissures. Ces scissures découpent le cerveau en plusieurs structures anatomiques distinctes : hémisphères cérébraux, lobes cérébraux et bien d'autres.

Hémisphères cérébraux.

Le sillon principal découpe le cerveau en deux hémisphères séparés par une "fissure", un sillon. Ces deux hémisphères ne sont toutefois pas isolés et peuvent communiquer entre eux par l'intermédiaire d'un ensemble de synapses et de neurones réunis dans une structure que l'on appelle le corps calleux. Ce dernier n'est qu'un ensemble de "nerfs" qui connecte les deux hémisphères (le terme nerf n'est pas correct dans le sens où un nerf intracérébral est appelé un faisceau).

Les autres sillons principaux séparent le cortex en six lobes, dont quatre sont visibles à la surface du cerveau. On trouve ainsi :

  • le lobe frontal situé sous le front ;
  • le lobe pariétal situé sous le sommet du crâne ;
  • le lobe temporal situé sous les tempes ;
  • le lobe occipital situé sous l'occiput (arrière de la tête).
Lobes du néocortex.

Il semblerait que chaque lobe a une fonction particulière, comme le laissent penser les conséquences de lésions localisées dans un seul lobe. Chaque lobe est plus ou moins spécialisé dans certains traitements sensoriels ou cognitifs. Pour simplifier, voici un aperçu de la fonction de chaque lobe cérébral.

Lobe cortical Fonction
Lobe occipital Vision, traitements visuels de base (détection des formes, des couleurs, ...).
Lobe temporal Audition, compréhension du langage, reconnaissance des objets, mémoire, émotions, ....
Lobe frontal Motricité, comportement, intellect (mémoire de travail inclut).
Lobe pariétal Toucher et proprioception, perception du mouvement et de l'espace.
Lobes insulaire et limbique Mal connue, mais liée aux émotions, à la mémoire et à la prise de décision.

Le lobe temporal médian et la mémoire déclarative

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Hippocampe cérébral.
Hippocampe cérébral - 2.

Pour commencer, nous allons voir une partie du lobe temporal, appelée lobe temporal médian. L'ensemble du lobe temporal médian est présente sur la face interne du cerveau, à l'opposé de la surface du cerveau. Le cortex sur cette face fait plusieurs replis à la suite, au point d'avoir une forme de petit cheval, voire d'hippocampe. D'ailleurs, cette partie du lobe temporal médian, en forme d'hippocampe, est justement appelée l'hippocampe. Dans la vulgarisation, l'hippocampe est souvent appelé l'"aire de la mémoire", mais c'est là une simplification grossière. En réalité, le consensus scientifique actuel est que tout le lobe temporal médian est impliqué dans la mémoire déclarative, au moins sur le moyen-terme. La vulgarisation fait cependant la confusion entre l'hippocampe proprement dit, et le lobe temporal médian.

Pour être plus précis, le lobe temporal médian regroupe les aires cérébrales suivantes :

  • Le gyrus parahipocampique, ou lobe temporal médian, qui contient :
    • le cortex postrhinal , aussi appelé cortex parahippocampique ;
    • le cortex périrhinal ;
    • le cortex entorhinal.
  • La région hippocampique dans le cortex limbique, elle-même composée :
    • du gyrus denté ;
    • de l'hippocampe ;
    • du subiculum.
Hippocampe et aires associées.

Le regroupement des différents aires du lobe temporal médian n'est pas très clair et les auteurs utilisent plusieurs subdivisions, les deux plus courantes étant la région hippocampique et la formation hippocampique. La première regroupe gyrus denté, hippocampe et subiculum. La formation hippocampique y ajoute le cortex enrothinal. Ces subdivisions sont illustrées ci-dessous.

Anatomie du lobe temporal médian.

Les lésions du lobe temporal médian entraînent une amnésie antérograde

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Le lobe temporal médian est très important pour la mémoire déclarative. Cela est attesté par l'étude de patients dont le lobe temporal médian est atteint, qui montrent une impossibilité à former de nouveaux souvenirs ou d'acquérir de nouvelles connaissances). Le cas le plus connu est celui de H.M, que l'on a vu dans les chapitres précédents. Pour rappel, H.M est un patient qui, pour le soulager de ses graves crises d'épilepsies, s'est fait retirer une partie importante de son lobe temporal médian. Cette opération entraîna l'apparition d'une amnésie antérograde (impossibilité de former de nouveaux souvenirs). Concrètement, il était incapable de mémoriser un visage, de reconnaître les médecins qui le soignaient depuis des années, ne pouvait se souvenir de sa nouvelle adresse ni reconnaître les lieux alentours, etc. Sa mémoire était littéralement celle d'un poisson rouge et il oubliait tout après quelques secondes. Par contre, sa mémoire d'avant l'opération était pourtant intacte, de même que sa mémoire implicite et sa mémoire de travail. Il était atteint d'une amnésie antérograde.

On sait, grâce à la méthode des lésions, que toute amnésie antérograde est corrélée à des lésions dans le lobe temporal médian et réciproquement. Contrairement à ce qui est souvent affirmé, l’hippocampe n'est pas la seule région impliquée dans l'amnésie. Les lésions circonscrites à l'hippocampe causent des déficits mnésiques moins marqués que les lésions qui débordent sur le cortex entorhinal, qui eux-même sont moins sévères que quand les cortex périrhinal et parahippocampique sont aussi lésés. En somme, plus la lésion est étendue dans le lobe temporal, plus les déficits mnésiques seront marqués. Les lésions de l'hippocampe donnent des amnésies rétrogrades de quelques années ou mois, tandis que les lésions des lobes temporaux médians donnent des déficits de plusieurs décennies, voire plus.

La mémoire sémantique semble un petit peu moins touchée que la mémoire épisodique par ces lésions à l'hippocampe. Il existe des patients atteint de lésions à l'hippocampe qui peuvent apprendre des faits ou des concepts, même si cet apprentissage est lent et demande beaucoup de répétitions. Par exemple, un patient amnésique du nom de Clive Wearing, devenu amnésique dans les années 1960, savait ce qu'est le SIDA alors que celui-ci n'a été découvert que plusieurs années après son accident. Un autre patient, surnommé Gene par souci d'anonymat, avait perdu sa mémoire épisodique, mais avait conservé toutes ses connaissances sémantique et pouvait en acquérir de nouvelles. Il existe aussi des cas d'enfants rendus amnésiques par des lésions à l'hippocampe lors de la naissance, ou dans l'enfance. Ces enfants n'ont souvent aucune mémoire épisodique, comme tous les patients qui ont des lésions à l'hippocampe. Cependant, ils arrivent à avoir une scolarité normale, à apprendre leurs cours, et ont des résultats scolaires tout à fait normaux.

Une autre observation, relativement robuste, est un effet de latéralisation. Le lobe temporal médian de l'hémisphère gauche n'a pas la même utilité que celui de l'hémisphère droit. La différence semble liée au type de matériel à mémoriser : les stimulus verbaux semblent traités par le lobe gauche, alors que le matériel non-verbal semble traité à droite. Les lésions du lobe temporal médian gauche entraînent surtout des difficultés pour mémoriser des noms et d'autres items verbaux, alors que les lésions à droite entraînent des difficultés à mémoriser des visages, des lieux, etc. Les études d'imagerie cérébrales récentes semblent confirmer ces observations cliniques, avec cependant quelques controverses quant à la nature réelle de la dichotomie gauche-droite. Cela semble compatible avec la latéralisation hémisphérique du langage, la majorité des sujets ayant leur langage latéralisé dans l'hémisphère gauche.

La consolidation systémique : le transfert des connaissances du lobe temporal médian vers le néocortex

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L'étude des patients amnésiques, dont H.M n'est qu'un représentant parmi d'autres, a fait penser aux scientifiques que le lobe temporal médian est le lieu de stockage à court terme des souvenirs et connaissances. Un indice en faveur de cette hypothèse est que les lésions du cortex temporal médian se traduisent par une bonne conservation des souvenirs anciens, malgré la présence de l'amnésie rétrograde pour les souvenirs récents. Les médecins ont depuis longtemps établi que plus un souvenir est ancien, plus il a de chances de survivre à une lésion du lobe temporal médian. Cette constatation porte d'ailleurs le nom de loi de Ribot, du nom de son découvreur. Cela signifie clairement que le stockage a très long terme des informations sémantiques et épisodiques ne dépend pas du lobe temporal médian et est plutôt localisé dans le néocortex. Avec le temps, ces informations migreraient vers le reste du cortex cérébral, qui est le lieu de stockage à long terme des informations en mémoire déclarative.

Pour expliquer la loi de Ribot, diverses théories ont été inventées. La théorie la plus en vogue est la théorie de la consolidation systémique, qui stipule que les informations migrent du lobe temporal médian vers le néocortex, au bout d'un certain temps. Après l'apprentissage, les connaissances apprises sont temporairement stockées dans le lobe temporal médian. Par la suite, un mécanisme de consolidation systémique fait migrer les connaissances de l'hippocampe vers le néocortex. Lors de la consolidation, les connaissances sont progressivement migrées dans leur position finale dans le cerveau et sont plus profondément intégrées dans les réseaux mnésiques existants. Le lobe temporal médian enregistrerait les associations et relations formées lors de l'apprentissage, mais pour une courte durée. À long terme, ces associations et relations se développeraient lentement dans le cortex, par rappel répétés ou lors du sommeil.

Notons que ce processus de consolidation systémique n'a rien à voir avec le processus de consolidation synaptique, qui consiste en un renforcement des synapses nouvelles formées, qui dure environ une heure. Le nom est le même, mais le processus est totalement différent.

Le mécanisme de consolidation est encore mal compris et on ne sait pas encore comment les informations migrent vers le néocortex. La théorie la plus prometteuse à ce sujet est celle du mécanisme de neural replay. Cette hypothèse part du principe que les connaissances/souvenirs se forment en associant entre elles des informations localisées dans le néocortex. Tout apprentissage se fait alors en connectant entre eux des connaissances de base, déjà connues et intégrées dans le néocortex, que nous appellerons des items basiques. Les associations/connexions entre items basiques se forment très facilement dans le lobe temporal médian, lors de l'apprentissage, en un seul essai et sans répétition. Par contre, les associations dans le néocortex demandent beaucoup de répétitions pour se mettre en place. L'hypothèse est que régulièrement, notamment lors du sommeil, le cerveau ferait des séances de répétitions régulières de ce qu'il a appris récemment. Il réactiverait les items de base de manière à consolider les associations dans le néocortex. Ce faisant, les associations dans le néocortex s'affineraient et deviendraient de plus en plus fortes, alors que les associations dans le lobe temporal médian péricliteraient.

Illustration du processus de consolidation.

La théorie de la consolidation permet d'expliquer les différences de solidité entre mémoire épisodique et sémantique par le fait que les informations sémantiques sont vues et répétées fréquemment : là où un évènement personnel n'est vécu qu'une seule fois, les informations sémantiques sont vues et perçues à de multiples reprises. Quelques observations indiquent qu'une partie de ce processus de consolidation a lieu dans le sommeil : des sujets qui sont privés de sommeil après avoir acquis un souvenir ou une connaissance ont de moins bons résultats à des tests de mémoire que des sujets qui ont pu dormir.

La consolidation systémique aurait lieu en partie lors du sommeil, ce qui explique l'effet positif du sommeil sur la mémoire. Le consensus actuel dit que la consolidation a lieu préférentiellement lors du sommeil profond, lors des phases de sommeil lent. Pour rappel, le sommeil est découpé en périodes de 1h30, chaque période étant composée de deux phases de sommeil successives : une phase de sommeil lent profond où le cerveau a une activité électrique régulière, et une phase de sommeil paradoxal où l'activité électrique est désorganisée comme lors de l'éveil. La consolidation a lieu lors de l'éveil et lors du sommeil lent, avec une nette préférence pour le sommeil lent. Par contre, la consolidation n'a pas particulièrement lieu lors du sommeil paradoxal, où alors autant que lors de l'éveil. La preuve en vient des expériences de privation de sommeil lent ou paradoxal. Privez quelqu'un de sommeil lent et sa mémoire va en pâtir, sans compter sa santé qui se dégradera à vitesse grand V. Mais privez-le de sommeil paradoxal et il ne se passera pas grand chose de notable, si ce n'est des variations d'humeur. D'ailleurs, les antidépresseurs qui agissent sur la sérotonine réduisent fortement la quantité de sommeil paradoxal? Mais n’entraînent aucun déficit cognitif notable et n'ont aucun impact sur la mémoire.

Le lobe frontal et la mémoire de travail

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Cortex préfrontal.

Le lobe frontal est, comme son nom l'indique, la partie du cerveau située sous le front. Il s'agit d'une aire cérébrale très étendue chez les primates, notamment les humains. Du point de vue de la fonction, on peut séparer le lobe frontal en deux aires cérébrales séparées : le cortex préfrontal et le cortex moteur. Le cortex moteur est impliqué dans la motricité volontaire, mais n'a rien à voir avec la cognition. À l'opposé, le cortex préfrontal est l'aire cérébrale primordiale pour de nombreuses capacités cognitives.

La lésion du cortex préfrontal entraîne un syndrome frontal, qui se caractérise par des troubles du comportement ainsi que des troubles intellectuels très variés. Les patients atteints expriment toute une constellation de symptômes très divers : ils ont une motivation altérée, deviennent apathique ou au contraire désinhibés et impulsifs, ont des problèmes de concentration, des déficits d'attention, des difficultés à réfléchir, des difficultés à résoudre des problèmes, une prise de décision dégradée, des difficultés à planifier des tâches, une mémoire de travail atteinte, quelques troubles subtils de la mémoire déclarative, etc. Si la plupart des patients exprime une constellation variée de symptômes, il n'est pas si rare que l'on observe des cas "purs" qui forment des sous-syndromes distincts, avec un syndrome majoritairement cognitif et un syndrome purement comportemental.

Cette distinction entre syndrome comportemental et syndrome frontal cognitif semble liée à l'anatomie du cortex préfrontal. L'étude anatomique du cortex préfrontal semble indiquer qu'il est lui-même subdivisé en aires distinctes, aux fonctions distinctes. L'anatomie du cortex préfrontal n'est cependant pas simple et la terminologie n'est pas des plus stable. Pour ne pas arranger le tout, la terminologie et le découpage des aires du cortex préfrontal a changé avec le temps.

De ce qu'on sait de nos jours, on peut raisonnablement découper le cortex préfrontal en quatre aires cérébrales principales, elles-mêmes regroupées en deux grandes sections : le cortex préfrontal latéral et le cortex préfrontal ventromédian. Le premier est localisé surtout sur la face visible du cerveau, sur le coté gauche ou droit, alors que le second est placé à sa base et à la surface de la fissure qui sépare les deux hémisphères. L'étude des lésions semble indiquer que le premier est impliqué dans les capacités cognitives et la mémoire, alors que se second est en charge du comportement et de la régulation émotionnelle. Les patients avec des lésions au cortex préfrontal ventromédian ont des capacités intellectuelles globalement préservées, mais de lourds troubles du comportement et des difficultés à contrôler leurs émotions. À l'inverse, les patients avec des lésions dans le cortex préfrontal latéral ont des troubles cognitifs majeurs, des troubles du langage et une mémoire de travail altérée, mais pas de troubles majeurs du comportement (ou alors seulement sous la forme d'une apathie).

Délimitation du cortex préfrontal dorsolatéral et ventrolatéral.

Pour ce qui est de la mémoire, le cortex latéral prend en charge la mémoire de travail proprement dit. Des lésions de ce cortex sont associées à des troubles de la mémoire de travail, et réciproquement. Et ce serait même une portion bien précise du cortex préfrontal latéral qui serait impliquée dans la mémoire de travail. En effet, le cortex préfrontal latéral est subdivisé en deux aires distinctes : le cortex préfrontal dorsolatéral et le cortex préfrontal ventrolatéral. Les limites de ces deux cortex sont indiquées ci-contre. Le cortex préfrontal ventrolatéral serait lié à la production du langage et aurait notamment un rôle à jouer dans la récupération d'informations en mémoire déclarative lors de la production de phrases. Mais son rôle mnésique reste surtout indirect. Le cortex préfrontal dorsolatéral serait celui qui prend en charge la mémoire de travail proprement dit.

Diverses études d'imagerie fonctionnelle indiquent que le cortex préfrontal dorsolatéral est actif lors des tâches de mémoire de travail. Les études IRM sont claire : le cortex préfrontal dorsolatéral s'active lors de tâches qui impliquent la mémoire de travail ou qui testent les fonctions exécutives, mais reste silencieux sinon. D'autres études ont montré que les neurones de cette aire cérébrale restent actifs tant que le sujet maintient une information en mémoire de travail, mais se taisent quand le sujet n'a plus besoin de la maintenir. Mais force est de constater que ces observations sont assez imprécises et sujette à interprétation. Une chose est certaine, cependant : le cortex préfrontal forsolatéral semble plus être l'aire du superviseur attentionnel que de la mémoire de travail proprement dit. Des lésions de cette aire cérébrales n'endommagent pas la boucle phonologique ou le système de répétition articulatoire, par exemple. De même, l'effet de telles lésions ne semblent pas avoir énormément d'impact sur la mémoire de travail visuelle. Par contre, elles entraînent des déficits attentionnels, ainsi que des problèmes au niveau des fonctions exécutives, qui sont censées être le fait du superviseur attentionnel.

Le chapitre peut se résumer avec le schéma suivant :

Localisation anatomique des différents types de mémoire à long-terme.