« La Grande Chasse aux sorcières, du Moyen Âge aux Temps modernes » : différence entre les versions

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La sorcière qui lit l’avenir, fait tomber amoureux ou malade est crainte et désapprouvée, mais tolérée. Une transformation de l’image de la sorcière et de celle du Diable intervient au {{s-|XII|e}}. Elle et le Diable deviennent des conspirateurs qui cherchent à empêcher le royaume de Dieu. La sorcière est recherchée puis jugée avant d’être punie, d’abord légèrement. Les conditions de vie sont dures et le Diable est tenu pour responsable. La Réforme accélère le phénomène. Plus l’Église catholique perd d’influence sur cette question, plus les bûchers s’imposent à l’issue des procès. Autour de 1600, la justice pénale cherchant à soustraire la société à l’influence du Diable se montre impitoyable. À l’aube des Lumières, les accusations provoquent des scandales et la dynamique de la Chasse s’épuise. Les pouvoirs centraux émergeants mettent alors un terme aux poursuites. Les raisons profondes de cette Chasse restent une énigme : est-ce dû à l’émergence de pouvoirs centraux, au rejet des valeurs rurales, ou à l’attitude des élites ? Chacun de ses éléments et d’autres ont sans doute joué un rôle. Aucune cause unique ne peut être mise en évidence. Mais l’analyse récente proposée par ces auteurs permet de se faire une meilleure idée des processus qui ont conduit à la grande Chasse...
La sorcière qui lit l’avenir, fait tomber amoureux ou malade est crainte et désapprouvée, mais tolérée. Une transformation de l’image de la sorcière et de celle du Diable intervient au {{s-|XII|e}}. Elle et le Diable deviennent des conspirateurs qui cherchent à empêcher le royaume de Dieu. La sorcière est recherchée puis jugée avant d’être punie, d’abord légèrement. Les conditions de vie sont dures et le Diable est tenu pour responsable. La Réforme accélère le phénomène. Plus l’Église catholique perd d’influence sur cette question, plus les bûchers s’imposent à l’issue des procès. Autour de 1600, la justice pénale cherchant à soustraire la société à l’influence du Diable se montre impitoyable. À l’aube des Lumières, les accusations provoquent des scandales et la dynamique de la Chasse s’épuise. Les pouvoirs centraux émergeants mettent alors un terme aux poursuites. Les raisons profondes de cette Chasse restent une énigme : est-ce dû à l’émergence de pouvoirs centraux, au rejet des valeurs rurales, ou à l’attitude des élites ? Chacun de ses éléments et d’autres ont sans doute joué un rôle. Aucune cause unique ne peut être mise en évidence. Mais l’analyse récente proposée par ces auteurs permet de se faire une meilleure idée des processus qui ont conduit à la grande Chasse...

== La fin des bûchers ==
=== La montée des doutes et des résistances ===
L’Église, même si elle n’est pas innocente, joue un rôle modérateur. La doctrine défendue par le Haut-Clergé reste dans la ligne du Canon Episcopi affirmant que les sorcières font des rêves coupables. Certains clercs restent toujours fidèles à cette ligne, d’autres dérivent dans les fantasmagories du « Malleus ». Pourtant, des voix raisonnables se font entendre dès la seconde moitié du {{s-|XVI|e}}, prenant en compte le rôle des problèmes de voisinage ou celles des médecins considérant les sorcières comme des malades. Mais ces voix sont rapidement submergées par celles des juristes et des démonologues qui permettent à la chasse de durer. Des procès de plus en plus scandaleux finissent par rallier la majorité de l’élite intellectuelle aux sceptiques. L’imagerie diabolique et la peur irraisonnée imposées déjà avec peine au peuple finissent par se dissiper. Les mentalités changent profondément pour permettre l’intervention des pouvoirs centraux. Finalement, les pouvoirs publics centralisés réussissent à imposer la fin des poursuites lorsque la population se rend compte qu’il y a eu trop de passion et de sang. Ainsi la France, très centralisée, les abolit rapidement alors que l’Allemagne, où les tensions entre catholiques et protestants restent vives, ne le fait que tardivement.

=== Les possessions scandaleuses et la réponse des pouvoirs publics ===
À l’instar de la sorcellerie, la possession est un phénomène qui traverse les époques. Une recrudescence des possessions annonce la fin des poursuites pour sorcellerie. À la suite de cas devenus très célèbres et documentés par les démonologues, un grand nombre de jeunes filles influencées par la nouvelle conception de l’Enfer et le climat de haine religieuse qui règne entre catholiques et protestants, se disent possédées et dénoncent les responsables qui sont traduits en justice. Certains cas sont impressionnants, des jeunes filles se contorsionnent, jurent, etc. Le nombre de démons censé les habiter s’accroît à chaque cas et devient extravagant. Devenues des centres d’intérêt, tous prêtent attention à leurs accusations. Le cas le plus célèbre (Salem, 1692) où les filles du pasteur Parris se disent possédées et accusent la gouvernante ramenée des Caraïbes d’être responsable. Mais comme à Salem, les possédées dénoncent d’autres personnes qu’elles savent être des sorcières. Ces dénonciations multiples finissent par remonter trop haut dans l’échelle sociale (famille du gouverneur du Massachusetts, pour Salem) et les pouvoirs publics font stopper les poursuites.


=== Conséquences de la Chasse aux sorcières ===
Si on considère que la société avait besoin à ce moment de boucs émissaires pour exorciser toute la pression occasionnée par les mauvaises récoltes, la réforme, la contre-réforme, la guerre de Trente Ans, le fossé qui se creusait entre le peuple et ses élites, alors on peut penser que la Grande Chasse a rempli son office. Le siècle des Lumières éclôt dans une certaine mesure en réaction à la Chasse et les élites intellectuelles se réconcilient avec la population pour qu’éclate ensuite la Révolution française. Comme nous l’avons vu, le droit a évolué parallèlement à la Chasse. Le pouvoir central s’est renforcé pour unifier les codes et les règlements. L’histoire des idées retiendra sans doute les transformations de l’image du Diable, les changements opérés sur l’image de la sorcière, même si elle n’est plus diabolique aujourd’hui, mais aussi ceux qu’a subis l’image de la femme. Même s’il est délicat de mettre en évidence des relations de causes à effets directs, la Grande Chasse aux sorcières qui a éclaté dans toute sa puissance au seuil des Temps modernes s’insère indiscutablement dans l’évolution de notre société.


== Conclusion ==
== Conclusion ==

Version du 10 mai 2009 à 13:45

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Résumé

Représentation d'un bûcher à Derenburg en 1555

Ces événements historiques ont toujours été mystérieux. La sorcière fascine depuis l’Antiquité. La grande Chasse est difficile à appréhender pour nos intelligences rationalistes. Elle pose beaucoup de questions, d’abord, sur les raisons d’une telle tuerie, mais aussi sur son ampleur tant sur le plan de l’intensité que de la géographie, sur l’identité de ceux qui furent poursuivis et de ceux qui les jugèrent, et enfin sur son évolution et sa fin aussi soudaine que son commencement. R. Mandrou, R. Muchembled, B.P. Levack, et G. Bechtel ont tous porté un regard nouveau sur la chasse aux sorcières dans leurs livres. Tous édités dans les quarante dernières années, ils reviennent sur l’interprétation de Michelet et nuancent le rôle de l’Église.

La sorcière qui lit l’avenir, fait tomber amoureux ou malade est crainte et désapprouvée, mais tolérée. Une transformation de l’image de la sorcière et de celle du Diable intervient au XIIe siècle. Elle et le Diable deviennent des conspirateurs qui cherchent à empêcher le royaume de Dieu. La sorcière est recherchée puis jugée avant d’être punie, d’abord légèrement. Les conditions de vie sont dures et le Diable est tenu pour responsable. La Réforme accélère le phénomène. Plus l’Église catholique perd d’influence sur cette question, plus les bûchers s’imposent à l’issue des procès. Autour de 1600, la justice pénale cherchant à soustraire la société à l’influence du Diable se montre impitoyable. À l’aube des Lumières, les accusations provoquent des scandales et la dynamique de la Chasse s’épuise. Les pouvoirs centraux émergeants mettent alors un terme aux poursuites. Les raisons profondes de cette Chasse restent une énigme : est-ce dû à l’émergence de pouvoirs centraux, au rejet des valeurs rurales, ou à l’attitude des élites ? Chacun de ses éléments et d’autres ont sans doute joué un rôle. Aucune cause unique ne peut être mise en évidence. Mais l’analyse récente proposée par ces auteurs permet de se faire une meilleure idée des processus qui ont conduit à la grande Chasse...

Conclusion

Nous connaissons les circonstances qui entourent la Grande Chasse qui s’insère dans son époque même si elle semble anachronique. Grâce à cette vue d’ensemble donnée par Robert Mandrou entre autres, les cas particuliers semblent moins mystérieux. Pourtant, un élément reste flou : le facteur déclenchant. La société et les élites ont pris la menace au sérieux et la Chasse s’est engagée. Mais nous n’en connaîtrons peut-être jamais les raisons profondes ; est-ce l'émergence de pouvoirs centraux, le mouvement civilisateur, le rejet des traditions rurales, les livres, l’attitude des élites ? Une chose est sûre, on ne peut mettre en évidence une cause unique. Robert Muchembled parle à ce propos d’une « irritante énigme ».

Bibliographie

  • Colette Arnould, Histoire de la sorcellerie en Occident, Paris, Librairie Jules Tallandier,
  • La Sorcière et l’Occident, Éditions Plon,
  • Guy Bechtel, La Sorcière et l’Occident, Paris, Éditions Plon,
  • Claude Lecouteux, Le Livre des Grimoires, Paris, Éditions Imago,
  • Brian P. Levack, La Grande Chasse aux sorcières [« The Witch-Hunt in Early Modern Europ »], Londres, Longman,
    ,1991, Paris, Champ Vallon pour la traduction française
  • Robert Mandrou, Magistrats et sorciers en France au XVIIe siècle, Paris, Seuil,
  • Robert Mandrou, Possession et sorcellerie au XVIIe siècle, Paris, Hachette,
  • Robert Muchembled, La sorcière au village, Paris, Éditions Gallimard et Julliard,
  • Emma Godard, « La Chasse aux Sorcières »
  • Marie-Frédérique Landais et Robin Jossen, « La Grande Chasse aux sorcières, ou La Femme : objet privilégié de Satan »