« Philosophie/Philosophie de l'esprit/Ce que Marie ne savait pas » : différence entre les versions

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Si Marie apprend quelque chose de nouveau par son expérience de la couleur, le physicalisme est faux. En effet, le physicalisme soutient que tout est de nature physique, y compris les états mentaux, et l'on peut donc (ou on doit pouvoir le faire) donner une explication ''complète'' de ces derniers en termes physiques (il importe peu ici de savoir ce que cela ''signifie'' d'être de nature physique ; ce qui compte est que le physicalisme soutient que ''tout'' est physique, ou peut être expliqué en termes physicalistes). Or, Marie savait tout de la science de la perception des couleurs, c'est-à-dire qu'elle pouvait expliquer ''entièrement'' la couleur en termes physicalistes. Pourtant, elle ne pouvait pas savoir à quoi ressemblait l'expérience de la couleur rouge. Or, l'expérience de la couleur rouge est une nouvelle connaissance. Marie a donc appris quelque chose qui ne se trouve pas dans la connaissance complète de la couleur, quelque chose qui n'est donc pas de nature physique (autrement dit les qualia, ce que cela fait de voir une couleur). Donc, le physicalisme est faux. C'est cette objection que l'on désigne par l'expression d' « argument de la connaissance ».
Si Marie apprend quelque chose de nouveau par son expérience de la couleur, le physicalisme est faux. En effet, le physicalisme soutient que tout est de nature physique, y compris les états mentaux, et l'on peut donc (ou on doit pouvoir le faire) donner une explication ''complète'' de ces derniers en termes physiques (il importe peu ici de savoir ce que cela ''signifie'' d'être de nature physique ; ce qui compte est que le physicalisme soutient que ''tout'' est physique, ou peut être expliqué en termes physicalistes). Or, Marie savait tout de la science de la perception des couleurs, c'est-à-dire qu'elle pouvait expliquer ''entièrement'' la couleur en termes physicalistes. Pourtant, elle ne pouvait pas savoir à quoi ressemblait l'expérience de la couleur rouge. Or, l'expérience de la couleur rouge est une nouvelle connaissance. Marie a donc appris quelque chose qui ne se trouve pas dans la connaissance complète de la couleur, quelque chose qui n'est donc pas de nature physique (autrement dit les qualia, ce que cela fait de voir une couleur). Donc, le physicalisme est faux. C'est cette objection que l'on désigne par l'expression d' « argument de la connaissance ».

== Réponse ==

Puisque l'argument de la connaissance consiste à soutenir que la connaissance de ce que cela fait d'avoir l'expérience de x est impossible sans avoir l'expérience de x, l'objection majeure à cette expérience de pensée consiste à soutenir que la connaissance physique complète d'un phénomène permet de prévoir ce que cela fait d'avoir l'expérience de ce phénomène. En d'autres termes, cette expérience prétendue nouvelle peut être déduite de connaissances antérieures. Illustrons cette réponse avec une autre expérience de pensée, inventée par [[w:David Hume|David Hume]].

=== La nuance de bleu ===

[[Image:Missing blue shade.svg|center|thumb|Peut-on avoir l'idée de la nuance manquante, sans en avoir d'abord une impression ?]]


== Bibliographie ==
== Bibliographie ==

Version du 7 octobre 2009 à 13:42

Ce que Marie ne savait pas (What Mary Didn't Know) est un article de Frank Jackson qui décrit une expérience de pensée nommée la chambre de Marie[1]. Cette expérience de pensée est conçue pour illustrer l' « argument de la connaissance ». Cet argument de la connaissance est une objection contre la thèse physicaliste qui soutient que l'univers est entièrement de nature physique, y compris tout ce que l'on désigne par le terme de « mental » (conscience, volonté, sentiments, etc.).

L'expérience de pensée

L'expérience de pensée est décrite comme suit :

« Marie est une brillante scientifique qui est forcée, peu importe pour quelle raison, d'étudier le monde depuis une chambre noire et blanche par le moyen d'un écran de télévision en noir et blanc. Elle se spécialise dans la neurophysiologie de la vision et nous supposerons qu'elle acquiert toutes les informations physiques qu'il y a à recueillir sur ce qui se passe quand on voit des tomates mûres ou le ciel, et quand nous utilisons des termes comme « rouge », « bleu », etc. Par exemple, elle découvre quelle combinaison de longueurs d'onde provenant du ciel stimule la rétine, et comment exactement cela produit, via le système nerveux central, la contraction des cordes vocales et l'expulsion d'air des poumons qui aboutissent à la prononciation de la phrase : « Le ciel est bleu ». [...] Que se produita-t-il quand Marie sortira de sa chambre noire et blanche ou si on lui donne un écran de télévision couleur ? Apprendra-t-elle quelque chose, ou non ? »

En d'autres termes : nous imaginons une scientifique qui connait tout ce qu'il y a à savoir sur la science des couleurs, mais qui n'a jamais eu l'expérience de la couleur. La question de Jackson est : quand elle fait l'expérience de la couleur, apprend-t-elle quelque chose de nouveau ?

Les implications de cette expérience

La question de savoir si Marie apprend quelque chose par son expérience des couleurs a deux implications importantes : l'existence des qualia et l'argument de la connaissance utilisé contre le physicalisme.

Existence des qualia

Si Marie apprend quelque chose de nouveau, cela prouve l'existence des qualia (terme par lequel on désigne les propriétés subjectives, qualitatives, de l'expérience). En effet, si elle apprend quelque chose de nouveau, ce doit être la connaissance du qualia de voir le rouge. En conséquence, on doit admettre que les qualia sont des propriétés réelles, puisqu'il y a une différence entre une personne qui a l'expérience d'un qualia, et une personne qui n'a pas cette expérience.

L'argument de la connaissance

Si Marie apprend quelque chose de nouveau par son expérience de la couleur, le physicalisme est faux. En effet, le physicalisme soutient que tout est de nature physique, y compris les états mentaux, et l'on peut donc (ou on doit pouvoir le faire) donner une explication complète de ces derniers en termes physiques (il importe peu ici de savoir ce que cela signifie d'être de nature physique ; ce qui compte est que le physicalisme soutient que tout est physique, ou peut être expliqué en termes physicalistes). Or, Marie savait tout de la science de la perception des couleurs, c'est-à-dire qu'elle pouvait expliquer entièrement la couleur en termes physicalistes. Pourtant, elle ne pouvait pas savoir à quoi ressemblait l'expérience de la couleur rouge. Or, l'expérience de la couleur rouge est une nouvelle connaissance. Marie a donc appris quelque chose qui ne se trouve pas dans la connaissance complète de la couleur, quelque chose qui n'est donc pas de nature physique (autrement dit les qualia, ce que cela fait de voir une couleur). Donc, le physicalisme est faux. C'est cette objection que l'on désigne par l'expression d' « argument de la connaissance ».

Réponse

Puisque l'argument de la connaissance consiste à soutenir que la connaissance de ce que cela fait d'avoir l'expérience de x est impossible sans avoir l'expérience de x, l'objection majeure à cette expérience de pensée consiste à soutenir que la connaissance physique complète d'un phénomène permet de prévoir ce que cela fait d'avoir l'expérience de ce phénomène. En d'autres termes, cette expérience prétendue nouvelle peut être déduite de connaissances antérieures. Illustrons cette réponse avec une autre expérience de pensée, inventée par David Hume.

La nuance de bleu

Peut-on avoir l'idée de la nuance manquante, sans en avoir d'abord une impression ?

Bibliographie

  • "Epiphenomenal Qualia" by Frank Jackson first appeared in Philosophical Quarterly, 32 (1982), pp. 127-36 (texte anglais en ligne)
  • "What Mary Didn't Know", Journal of Philosophy 83, pp. 291-295, 1986

Notes

  1. L'expérience de pensée a d'abord été publiée en 1982 dans "Epiphenomenal Qualia", puis en 1986, dans "What Mary Didn't Know". Nous utilisons le titre de ce dernier article, car celui-ci comporte en plus une discussion des objections opposées à l'expérience de pensée.