« États généraux du multilinguisme dans les outre-mer/Thématiques/La transmission des langues : la prise en compte des langues d'origine et des acquis culturels dans l'apprentissage du français ; leur place dans le système éducatif » : différence entre les versions

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*Idem à l’ESEN de Poitiers (formation des Inspecteurs de l’Éducation nationale), rouage essentiel à la cohérence et à l’efficacité du dispositif.
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*Signer la [[w:Charte européenne des langues régionales ou minoritaires|charte européenne des langues régionales ou minoritaires]].
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==Atelier : Multilinguisme, éveil à la diversité et intercompréhension==
==Atelier : Multilinguisme, éveil à la diversité et intercompréhension==

Version du 14 mars 2012 à 15:30

Présentation générale

Le consensus qui a réuni les participants est la nécessité, pour tous les élèves de France métropolitaine et d’outre-mer, de parvenir à une maîtrise de la langue française et de sa langue maternelle. Il est entendu que les langues sont des créations de l’esprit humain qui permettent l’élaboration et la transmission du sens, et qui constituent le véhicule des connaissances et des concepts, dès la petite enfance. C’est pourquoi, il est crucial, dans un contexte scolaire, d’intervenir sur la langue maternelle, dès la petite enfance, car c’est en formant de bons bilingues que l’école formera de bons francophones.

  • L’enjeu de cette thématique était d’élaborer des propositions de travail concrètes, appuyées par des arguments rationnels et scientifiques.
  • Multilinguisme, éveil à la diversité et intercompréhension.
  • L’enseignement des langues d’origine, en lien avec le français, dans une perspective plurilingue.
  • La prise en compte des langues d’origine dans l’acquisition de compétences linguistiques, hors du système scolaire.


Atelier : La prise en compte des langues d'origine dans l'acquisition de compétences linguistiques, hors du système scolaire

Résumé

En général, on aborde cette question en posant la problématique suivante : comment utiliser les langues parlées par les participants pour faciliter l’apprentissage du français ? Il est clair qu’en Guyane comme à Mayotte, le recours aux langues parlées par les apprenants aident considérablement à établir des conditions favorables d’apprentissage et facilitent l’acquisition du français. Ainsi, le programme « École des parents » mis en place à Mayotte, est cité en exemple car le constat a été fait de l’efficacité du recours à la langue d’origine des apprenants pour un meilleur apprentissage du français. Les formateurs notent que les interactions entre shimahoré et français, maintiennent la motivation des participants pour la maîtrise de la langue nationale. Toutefois il semble nécessaire de dépasser cette approche qui instaure de fait une hiérarchie entre les langues en instrumentalisant les unes au service de l’apprentissage d’une autre et de réfléchir sur des solutions donnant un réel droit de cité à la diversité linguistique et culturelle et aux langues maternelles. En effet l’ensemble des participants s’accorde sur l’idée que toutes les langues évoquées dans le cadre de cet atelier – langues de Mayotte, langues amérindiennes et bushinenge, créoles antillais et guyanais - ont été et sont encore mal menées et qu’il y a nécessité de promouvoir, de sauvegarder et de transmettre les langues d’origine. Ces langues, après qu’elles aient été marginalisées par une politique linguistique de monolinguisme, méritent une attention particulière pour leur préservation. Dans cette perspective de sauvegarde, les initiatives locales devraient être favorisées car la société civile, les parents et les multiples réseaux associatifs et communautaires doivent se mobiliser pour la préservation des langues d’origine. Les réseaux de lecture publique pourraient contribuer à cette action de mise en valeur des langues d’origine en partenariat avec les réseaux associatifs. Il ne faut pas tout attendre de l’école et de l’Éducation nationale. L’idée même d’agir dans ce sens contribuerait à éviter la marginalisation des langues dont la pratique ne serait plus restreinte au seul espace familial. Pour accompagner ces initiatives, il serait nécessaire de promouvoir un vrai programme de production de supports et d’œuvres en langues locales – vidéo, audio, cinéma, publicité, sites internet etc., au-delà du matériel didactique. Ainsi pour la Guyane, l’existence d’une dizaine de livres dans chaque langue régionale est souhaitable comme base de départ. En effet il faut rendre les langues d’origine plus attractives, notamment auprès des jeunes, et ouvrir des perspectives aux locuteurs. Des perspectives qui ne s’estomperaient pas à l’école primaire par exemple. Les possibilités d’enseignement des langues d’origines dans le secondaire, voire à l’université sont vivement souhaitées. En effet, il semble qu’un « vrai travail » est à faire auprès des locuteurs des différentes langues pour les sensibiliser à l’intérêt et l’importance de la diversité linguistique et susciter un intérêt renouvelé pour les langues locales car beaucoup de locuteurs n’y voient pas ou plus d’intérêt direct. Ceci est une conséquence logique de la hiérarchisation des langues par laquelle les langues « autochtones » furent dévalorisées. Mais, selon plusieurs intervenants, une prise de conscience se fait jour, notamment avec la question de l’écriture des langues ; Ainsi bien que les contextes linguistiques, l’histoire, les rapports entre les langues diffèrent entre les Antilles, la Guyane et Mayotte, il paraît que une préoccupation commune : la diffusion des langues à l’écrit qui est une demande portée par les locuteurs eux-mêmes afin de donner une « lisibilité » de leur culture au plus grand nombre notamment par internet. En ce qui concerne l’organisation et l’animation de ces activités locales, et au-delà de la promotion et de la sauvegarde des langues d’origine, il parait nécessaire de privilégier une culture multilingue de l’éducation. En effet, deux contextes d’intervention pour les formateurs ou les animateurs existent : un contexte dans lequel les participants partagent une même langue et ont pour objectif soit de passer à l’écrit dans cette langue, soit d’apprendre le français. Un contexte dans lequel le groupe en formation est multilingue et/ou les participants sont plurilingues. Les formateurs ou les animateurs doivent mobiliser des compétences de gestion du groupe, des connaissances sur les langues et des techniques pédagogiques différentes.

Préconisations

  • Lancer sans attendre des activités d’apprentissage des langues d’origine tant à l’oral qu’à l’écrit pour que la proposition existe, soit offerte et que les locuteurs (et plus largement les personnes intéressées) puissent mener un apprentissage linguistique mais aussi culturel. (par exemple, projet de l’école wayana).
  • Mener un travail d’information auprès d’une large public pour sensibiliser à la diversité linguistique et culturelle du monde, discuter des statuts des langues afin de rétablir les locuteurs dans leurs compétences, d’amorcer l’apprentissage d’une langue sans exclure les autres langues pratiquées, et ce, particulièrement dans les situations formelles de formation dans les quelles il serait bon de promouvoir un travail pédagogique de type « éveil aux langues ». Ce travail doit contribuer également à la sauvegarde des langues en danger, en attirant l’attention les locuteurs sur la richesse de leur langue, véhicule de leur culture afin qu’ils se mobilisent pour la préserver.
  • Travailler à une production de matériel – livres, écrits divers, vidéo, audio internet – qui au-delà de l’enregistrement ou de la conservation, soit une production créative pour contribuer à la diffusion et à l’attractivité des langues et notamment pour que les jeunes ait envie de les utiliser et/ou de les apprendre.
  • Sensibiliser les décideurs afin que des espaces soient ouverts pour mener ces travaux, notamment les collectivités locales (initiative du conseil général de Mayotte qui a créé une direction des langues régionales) mais aussi les services de l’État car il faudrait ouvrir un espace de débat avec les ministères qui gèrent les formations en français ou lutte contre l’illettrisme et qui actuellement referment de plus en plus les objectifs sur un apprentissage fonctionnel du français dans un optique monolingue de promotion du français.

Conclusion

Il est nécessaire de se mobiliser en faveur de la diversité linguistique et d’une approche multilingue de l’éducation, de privilégier une attitude ouverte en direction de toutes les initiatives visant à mener un travail de sauvegarde des langues véhicules des représentations, des connaissances et de l’expression du monde de leurs locuteurs. L’image dévalorisante des langues d’origine doit impérativement être abandonner pour ensuite passer à une dynamique de renaissance du concept langue/culture.


Atelier : L’enseignement des langues d’origine, en lien avec le français, dans une perspective plurilingue

Résumé

La question centrale posée par cet atelier est celle du contact, sur un plan didactique, entre langue(s) de socialisation / langue(s) de scolarisation. Pourquoi et comment, dans un contexte plurilingue, enseigner une langue « en lien » avec une ou des autres langue(s) ? Quel(s) mode(s) opératoire(s) privilégier, sur un plan institutionnel, pour permettre une mise en place effective d’une « perspective plurilingue » ?

Les travaux récents sur le développement langagier plurilingue, et les apports des recherches en didactique du plurilinguisme permettent d’envisager des approches didactiques qui s’inscrivent dans la perspective plurilingue évoquée dans le titre de cet atelier.

Mais cette vision de l’enseignement des langues nécessite des aménagements à divers niveaux : posture de l’enseignant, rapport à la norme, curriculum, formation, outils, évaluation…

De fait, les discussions qui ont eu lieu dans cet atelier se sont articulées autour de trois axes principaux :

  • sociolinguistique
  • didactique
  • institutionnel

Par ailleurs, l’appellation « langues d’origine », expression contenue dans le titre, a été fortement remise en question. On pourrait alors suggérer ( ?) le couple « langue(s) de socialisation / langue(s)s de scolarisation ». Cette formulation a l’avantage d’inclure, si la situation le justifie, le français dans les langues de socialisation, mais de le distinguer du français « de scolarisation », lui même incluant les diverses variétés de français utilisées à l’école. d’inclure aussi les diverses langues vernaculaires dans les répertoires langagiers activés au sein de l’école, tant par les élèves que par les enseignants.

Préconisations

Plan sociolinguistique

  • Soutenir les actions d’outillage, d’aménagement des langues (graphie, extension des usages …)
  • Développer des actions de sensibilisation / information de type « grand public » notamment à destination des parents d’élèves et de toute la communauté éducative mais pas seulement.

Plan didactique

  • Soutenir et susciter des recherches-actions, à la fois contextualisées aux aires concernées et inscrites dans une démarche comparatiste grâce à des partenariats ciblés.

sur la didactique du plurilinguisme et les décloisonnements linguistiques sur l’utilisation des langues vernaculaires dans l’enseignement des « DNL » (disciplines non linguistiques)

  • Soutenir et susciter la production de manuels bi-plurilingues, de manuels contextualisés

Plan institutionnel

  • Demander qu’une politique linguistique ad hoc soit clairement établie dans chaque DROM-CTOM (en s’appuyant sur les plans sociolinguistique et didactique évoqués ci-dessus) :

en activant concrètement les dispositifs existants (commissions académiques, textes sur l’enseignement des « langues régionales », …) en établissant des partenariats pérennes et solides avec la communauté scientifique, et particulièrement avec des sociolinguistes spécialisés dans les questions d’aménagement linguistique et didactique en initiant une réflexion sur les modalités d’évaluation dans l’objectif de concevoir une évaluation qui ne pénalise pas les élèves, notamment dans les DNL (utilisation de référents culturels inconnus, mauvaise compréhension des consignes …)

  • Exiger que des modules traitant des questions sociolinguistiques de la diversité linguistique et de leurs implications didactiques soient intégrés aux maquettes des masters « Éducation ».
  • Idem en formation continue
  • Idem à l’ESEN de Poitiers (formation des Inspecteurs de l’Éducation nationale), rouage essentiel à la cohérence et à l’efficacité du dispositif.
  • Signer la charte européenne des langues régionales ou minoritaires.


Atelier : Multilinguisme, éveil à la diversité et intercompréhension

Résumé

L’éveil à la diversité linguistique et culturelle (Éveil aux langues en France, EOLE en Suisse…) et l’intercompréhension entre langues (parentes, proches ou non) font aujourd’hui « classiquement » partie des approches dites plurielles (l’approche interculturelle et la didactique des langues intégrée étant peut-être plus connues). Après une définition rapide de ces approches, nous sommes partis du constat que le multilinguisme des outre-mer était largement méconnu et le plurilinguisme des élèves largement ignoré, ou du moins pas suffisamment valorisé par l’école de tradition monolingue. Un autre constat est celui de l’insécurité linguistique et scripturale très importantes chez les élèves réunionnais, calédoniens, guadeloupéens… sans parler des résultats aux évaluations nationales. Dans les différents « contextes » évoqués (différents départements et territoires d’outre-mer), se posent les questions cruciales de valorisation des pratiques langagières, des compétences plurilingues et de la (des) culture(s) des élèves. Il y a d’ailleurs un paradoxe de l’école outre-mer dans le sens où elle souhaite faire des élèves plurilingues dans les langues supra-nationales sans prendre en compte ou s’appuyer sur leurs compétences plurilingues (pour l’enseignement des langues étrangères). La prise en compte des compétences plurilingues des élèves est par conséquent un défi pour l’école qui est émettrice et consommatrice de normes proposant des programmes scolaires qui ne « sont pas faits pour héberger les monstres » (Marcais, cité in Prudent, 1981). Il a été par ailleurs rappelé que les approches plurielles ne sont pas en concurrence avec l’enseignement des langues dites « maternelles » ou d’origine » ou « régionales » ou « locales » ou langues d’outre-mer. L’éveil aux langues (comme les autres approches plurielles) a (ont) comme finalité de Contribuer à la construction de sociétés solidaires, linguistiquement et culturellement pluralistes (Candelier). C’est une démarche caractérisée par des activités portant simultanément sur plusieurs langues de tout statut y compris sur des langues que l’école n’a pas l’intention d’enseigner. L’éveil aux langues peut ainsi contribuer à modifier les représentations tant pour les enseignants que pour les élèves des langues (et cultures) minorées, langues de la migration et du bi/plurilinguisme.

Préconisations

  • S’appuyer sur les travaux de recherches, les outils, les pratiques innovantes existants : Enseignement du français avec une progression des apprentissages (approche globalisante) ; diffusion des guides de didactique adaptée dans différents espaces créolophones (Robert Chaudenson) ; mobilisation de la didactique intégrée ; didactique des contacts de langues, didactique du plurilinguisme, sociodidactique…
  • L’éveil aux langues a été évalué en France mais aussi à la Réunion et en Guyane (voir bibliographie). Il est temps d’arrêter les évaluations et de passer à l’étape de diffusion, d’information, de formation des enseignants (du premier degré en particulier) et de création d’outils d’éveil aux langues (des Dom-Tom)
  • Généraliser la formation à l’éveil aux langues notamment, et pour que les enseignants pratiquent l’éveil aux langues, il faut créer les outils (pourquoi pas éveil aux langues des outre-mer ?)

Production d’outils par un groupe de travail (enseignants expérimentés avec formation sociolinguistique et didactique), mutualisation et diffusion de ces outils (internet).

  • Nécessité d’une politique linguistique (définition et mise en œuvre + pilotage local ).

Bibliographie

  • ADELIN, E. et EYQUEM, M. Adaptation de la dictature du français aux situations de créolophonie. Guide du maître – La Réunion, cycle 2 (CP-CE1), OIF, Direction de l’éducation et de la formation, programme d’apprentissage du français en contexte multilingue, 2010, 150 p.
  • CANDELIER, M. et DE PIETRO, J.-F. « Les approches plurielles : cadre conceptuel et méthodologique d’élaboration du cadre de référence pour les approches plurielles », Blanchet P., et Chardenet P., 2011, Guide pour la recherche en didactique des langues et des cultures. Approches contextualisées. Les Archives Contemporaines, 252-264.
  • CANDELIER, M. Proposition pour un ou des module(s) pour Master Professeur des Ecoles. L’école et les langues – Développer le plurilinguisme, 2008, disponible sur : http://acedle.org/spip.php?article1028CANDELIERMichel,
  • CANDELIER, M. « Approches plurielles, didactiques du plurilinguisme : le même et l’autre », Les cahiers de l’Acdele, 2008, volume 5, numéro 1, p. 65-90.
  • CANDELIER, M. et alii, Cadre de référence pour les approches plurielles, CELV, 2007  http://carap.ecml.at/Portals/11/documents/C4pub2007F_20080228_FINAL.pdf
  • CANDELIER, M. « Toutes les langues à l’école ! L’éveil aux langues, une approche pour la Guyane ? », in Léglise I. et Migge B., Pratiques et représentations linguistiques en Guyane, Regards croisés, IRD éditions, 2007, pp. 369-386
  • CANDELIER, M. « Evlang, l’éveil aux langues, une proposition originale pour la gestion du plurilinguisme en milieu scolaire », In, Contribution au Rapport mondial de l’UNESCO, construire des Sociétés du savoir, 2003. Http//pluriliangues.univ-lemans.fr/
  • CANDELIER, M. L’éveil aux langues à l’école primaire. Evlang : bilan d’une innovation européenne, Bruxelles, De Boeck – Duculot, 2003.
  • CHAUDENSON, R. « Compte rendu », in FATTIER, D. (coord.), Études créoles, Vers une didactique du français en milieu créolophone, Actes du colloque du Cap-Vert, Vol. XXVIII, Paris : L’Harmattan, p. 227-242.

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