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L'utilisation des instruments et particulièrement des antennes a une incidence directe sur la température. En effet, plus un instrument est utilisé, plus il dégage de la chaleur. Lors de la conception du système de contrôle thermique, les ingénieurs prennent en compte ces sources d'énergie.
L'utilisation des instruments et particulièrement des antennes a une incidence directe sur la température. En effet, plus un instrument est utilisé, plus il dégage de la chaleur. Lors de la conception du système de contrôle thermique, les ingénieurs prennent en compte ces sources d'énergie.
=== Distance au Soleil : facteur intermédiaire ===
=== Distance au Soleil : facteur intermédiaire ===
La valeur de l'énergie solaire varie selon <math>\frac{1}{r^2}</math>, avec <math>r</math> la distance au Soleil. En conséquence, pendant les mois d'hiver, où la Terre est plus éloignée du Soleil, la température à bord du satellite
La valeur de l'énergie solaire varie selon <math>\frac{1}{r^2}</math>, avec <math>r</math> la distance au Soleil. En conséquence, pendant les mois d'hiver, où la Terre est plus proche du Soleil, la température à bord du satellite
a tendance a être légèrement inférieure que celle rencontrée pendant les mois d'été.
a tendance a être légèrement supérieure à celle rencontrée pendant les mois d'été.


=== Facteurs à long terme ===
=== Facteurs à long terme ===

Version du 8 février 2014 à 18:39

Les satellites sont soumis à de nombreuses contraintes thermiques. C'est pour cette raison que chaque engin spatial embarque, dans la plate-forme, un système de régulation thermique nommé Thermal Control Subsystem (TCS, en Français Système de Contrôle Thermique).

Les enjeux du contrôle thermique

Les sources de chaleur des satellites sont nombreuses ; il s'agit, par exemple, de l'électronique, du rayonnement du Soleil...

L'objectif du contrôle thermique est de réguler la température de chaque équipement, afin d'assurer la bonne marche de l'engin. Certains composants doivent être maintenus en-dessous d'une température-limite, comme les transistors : les hautes températures diminuent leur durée de vie et leur fiabilité, alors qu'ils constituent un composant fondamental, utilisés en nombre dans chaque module électronique. De la même manière, les processeurs doivent être refroidis constamment en raison de la grande quantité de chaleur qu'ils dissipent.

En outre, les capteurs « optiques », c'est-à-dire ceux basés sur la technologie CCD, demandent des températures stables afin d'éviter la dilatation ou la contraction des lentilles. Enfin, les réservoirs de carburant, généralement d'hydrazine[1], doivent être maintenus au-delà de 10°C, faute de quoi le liquide hautement explosif gèlera, rendant impossible son utilisation et risquant d'endommager les parois, de la même manière qu'une bouteille d'eau remplie à ras-bord placée au congélateur est déformée.

La charge utile est maintenue entre 0 et 40°C et les batteries électriques à 25°C afin de garantir leurs performances sur le long terme. Une batterie trop chaude ou trop froide stocke et délivre peu de tension.

Unité Intervalle de températures
Électronique -10 à +40°C
Communications -10 à +40°C
Batteries +0 à +25°C
Système de propulsion +10 à +50°C
Panneaux solaires -190 à +120°C
Couches extérieures +400 à +1600°C
Températures « typiques » dans différentes unités. Source : About Spacecraft Thermal Control, ESA, 2003.

Le système de contrôle thermique est conçu d'une façon simple et fiable, s'accommodant d'une grande marge de températures. Un contrôle même réduit doit être assuré en cas de panne majeure. On distingue ainsi deux types de régulations :

  • les régulations passives, autonomes, basées principalement sur les échanges radiatifs impossibles à réguler (le segment sol n'en a aucune visibilité) mais prévisibles ;
  • les régulations actives, commandées par le sous-système ou le segment sol.

Le vide spatial et la loi de Stefan

Résultats expérimentaux.

Sur Terre, la majorité des échanges de chaleur se font par convection et conduction, c'est-à-dire par contact entre deux milieux (par exemple entre un radiateur et l'air ambiant). Dans l'espace, il n'y a pas d'air : les pertes par conduction sont donc quasi-absentes. L'étude d'une plaque chauffée puis placée sous une cloche à vide montre que le refroidissement est plus long qu'une même plaque placée dans l'air. Cette expérience met en évidence les effets de la convection et de la conduction.

Dans l'espace, les échanges thermiques se font donc presque uniquement par voie radiative (infrarouges).

Selon la loi de Stefan-Boltzmann, la puissance totale rayonnée en W/m² par un corps absorbant toute l'énergie qu'il reçoit (corps noir) s'exprime par la formule : . Où désigne la température de l'objet en kelvins et la constante de Stefan-Boltzmann, valant environ W/m².K.

Les facteurs de variation de la température

Les fluctuations de la température à bord d'un satellite résultent de la combinaison d'un grand nombre de facteurs. Les effets causés par ces facteurs peuvent s'étaler sur quelques heures à plusieurs jours, jusqu'à plusieurs années.

Facteurs à court terme

L'attitude du satellite

Lors des opérations de routine, l'attitude du satellite est maintenue par l'AOCS. Cette attitude détermine la quantité d'énergie solaire reçue par le satellite et donc la température des faces extérieures du satellite. En effet, l'énergie solaire reçue par une surface diminue quand l'angle d'incidence augmente, selon la formule , avec l'angle d'incidence et l'énergie reçue quand l'angle d'incidence est nul. En orbite terrestre, vaut environ 1371 W/m².

Les éclipses

L'orbite du satellite peut comporter des phases « d'éclipse », c'est-à-dire des périodes où le Soleil est masqué par la Terre. En résulte un blocage total de l'énergie solaire reçue normalement par le satellite : la température diminue rapidement. Pendant ces périodes d'éclipse, le satellite doit restabiliser sa température.

Prenons l'exemple du satellite Spot-4, placé sur une orbite héliosynchrone à 830 km d'altitude et avec une inclinaison de 98,8°. La période orbitale est de 101,5 minutes ; pendant les deux-tiers de cette période, le satellite est exposé au Soleil, mais pendant le reste de la révolution (soit environ 35 minutes), il se trouve dans l'ombre de la Terre.

Des éclipses dues à la Lune peuvent également avoir lieu ; cependant, elles restent courtes et les effets ne sont pas aussi marqués que dans le cas d'une éclipse causée par la Terre.

Utilisation des instruments

L'utilisation des instruments et particulièrement des antennes a une incidence directe sur la température. En effet, plus un instrument est utilisé, plus il dégage de la chaleur. Lors de la conception du système de contrôle thermique, les ingénieurs prennent en compte ces sources d'énergie.

Distance au Soleil : facteur intermédiaire

La valeur de l'énergie solaire varie selon , avec la distance au Soleil. En conséquence, pendant les mois d'hiver, où la Terre est plus proche du Soleil, la température à bord du satellite a tendance a être légèrement supérieure à celle rencontrée pendant les mois d'été.

Facteurs à long terme

Diminution de la dissipation

Les éléments électroniques dissipent de la chaleur. Cette chaleur varie avec leur approvisionnement en électricité, or, cette alimentation a tendance à diminuer dans le temps, comme nous l'avons montré précédemment. Sur le satellite IUE, au lancement, la consommation était de 186 W. En raison de restrictions d'alimentation, elle n'était plus que de 148 W en fin de vie, 20 ans après. Il en a résulté une diminution globale de la température à bord du satellite.

Détérioration des systèmes de contrôle thermique

Le système de contrôle thermique perd de son efficacité au fur et à mesure, principalement au niveau de l'isolation. La MLI est détériorée en raison de déchirures, causées par les impacts de micro-météorites. Ces détériorations s'observent sur du long terme (une dizaine d'années).

Le Thermal Control Subsystem

Architecture du Système de Contrôle Thermique.

Le Thermal Control Subsystem (TCS, ou Système de Contrôle Thermique, SCT) est un sous-système de plate-forme dont l'objectif est de réguler la température du satellite. Contrairement à l'AOCS, son fonctionnement est souvent simple, il ne possède donc pas — sauf dans de rares exceptions — ses propres BUS et ordinateur, et est directement intégré dans l'ordinateur central.

Pour faire face aux variations de la température, deux types méthodes sont utilisées :

  • des méthodes actives ;
  • des méthodes passives.

Du contrôle thermique passif

Le contrôle thermique passif consiste en l'utilisation des échanges radiatifs pour réguler la température.

Les dissipateurs thermiques

Les dissipateurs thermiques de l'ISS, en aout 2005. Source : NASA

Les dissipateurs thermiques sont très employés à bord des satellites. Ils permettent de dissiper de la chaleur par rayonnement, et sont généralement formés de plusieurs plaques de matériaux hautement conductifs (aluminium par exemple).

L'isolation du satellite

Déchirure causée par une micro-météorite sur la MLI de la Station Spatiale Internationale (ISS), en 2007. Elle mesure environ 15 cm. Source : NASA

Les satellites sont la plupart du temps entourés d'une couverture dorée, très visible. Cette couverture est nommée Multi-Layer Insolation (MLI), en Français isolation multi-couches. Elle est composée de nombreux matériaux légers mais fortement réflecteurs, l'objectif étant de limiter les échanges radiatifs avec l'extérieur.

L'étude d'une plaque d'aluminium chauffée, enrobée dans une feuille de MLI puis placée dans une cloche à vide montre une diminution moins brutale de la température qu'une plaque placée dans les mêmes conditions sans la feuille de MLI.

On trouve dans ces « feuillets » du Mylar, du Kapton et du Téflon. La couche extérieure, de cm d'épaisseur, est renforcée avec de la fibre de verre, afin d'empêcher toute déchirure.

Les couvertures en MLI sont découpées à l'aide d'un patron. Les bords sont ensuite thermo-scellés, cousus, puis les plaques sont attachées à l'engin spatial en utilisant des bandes Velcro.

Chaque couche est séparée des autres par un filet, afin d'empêcher tout contact. Plus il y a de couches, plus la MLI est efficace ; on en compte en moyenne 15, bien que ce nombre puisse varier avec le budget et l'efficacité voulue.

Organisation du satellite

Les unités dissipant le plus de chaleur (ordinateur de bord par exemple) sont montés à l'extérieur du satellite, sur les faces non exposées au Soleil, afin d'éviter une surchauffe et de favoriser l'évacuation de la chaleur par rayonnement.

Du contrôle thermique actif

Le contrôle thermique passif peut ne pas être adéquat dans les situations où l'équipement contrôlé a une température nominale bien précise. Dans une telle situation, des capteurs de température sont placés sur ces emplacements critiques. Si une des températures « limites » — inférieure ou supérieure — est atteinte, les systèmes de régulation sont activés par le sous-système de contrôle thermique.

Des capteurs pour mesurer la température

Fonctionnement des capteurs de température.

Pour mesurer la température, des thermistances sont utilisées. Elles fonctionnent avec la variation de la résistance d'oxydes métalliques en fonction de la température. La température est donc « traduite » en une tension électrique analogique (on parle de transduction), puis convertie en signal digital, compréhensible par un l'ordinateur, à l'aide d'un convertisseur[2].

Les chaufferettes

Les chaufferettes sont des résistances chauffantes ; elles permettent de maintenir la température au-dessus de la valeur limite inférieure et de compenser, si l'équipement est éteint, la dissipation habituelle. Elles peuvent être allumées en permanence, gérées par le segment sol ou thermostatées automatiquement par le TCS. Typiquement, elles consistent en un circuit de métal fortement résistant (une vingtaine d'ohms) entouré entre deux couches de Kapton, un film de polymère pouvant rester « stable » dans une plage comprise entre -269°C et 400°C[3].

Les feuilles obtenues sont de tailles et de formes très variées ; elles sont peu épaisses et leur consommation comprise entre 10 et 100 watts. On en trouve sur les réservoirs de carburant et sur la majorité des charges utiles.

Modules de Peltier

Les modules de Peltier sont de petits carrés, généralement peu épais (un demi-centimètre). Par effet thermoélectrique, ils transforment un courant électrique en une différence de température. Par transfert de chaleur, une face devient chaude, l'autre froide. L'équipement à refroidir doit se mettre sur la face froide, tandis qu'il est nécessaire de positionner un mécanisme d'évacuation de la chaleur (dissipateur) sur l'autre face. Ces petits modules sont généralement utilisés pour refroidir « ponctuellement » des instruments comme les caméras. Dans d'autres cas de figure plus rares, ils sont utilisés pour transférer la chaleur de la face exposée au Soleil du satellite vers la face à l'ombre[4].

Ces modules présentent plusieurs avantages. Tout d'abord, ils sont simples et leur coût de fabrication bas. Ils n'utilisent aucun gaz (à l'inverse du cryostat, que nous allons décrire dans la section suivante) et ne demandent aucun entretien ; leur usure est très limitée dans le temps. Leur petite taille ainsi que leur grande souplesse d'usage (possibilité de faire varier le refroidissement en modulant l'intensité électrique) les rendent particulièrement adaptés pour ce travail.

Cependant, ils nécessitent une consommation électrique élevée (pour un petit module, il faut une tension continue de 5 V sous au moins 2,6 A), et leur efficacité peut ne pas être suffisante. Enfin, la surface refroidie dépasse rarement les 20 cm².

Le cryostat

Le cryostat concerne une situation extrême peu fréquente. Certaines charges utiles peuvent avoir besoin d'une température de fonctionnement très faible, de l'ordre du Kelvin. C'est le cas de PACS (Photodetector Array Camera and Spectrometer), une caméra embarquée sur le satellite scientifique Herschel de l'ESA. Cette caméra utilise un bolomètre et un spectromètre de moyenne résolution, afin d'étudier le spectre du carbone et de l'oxygène. Ce sont ces bolomètres qui nécessitent une basse température, comprise entre 2 et 0,3 K.

Une grande quantité d'hélium (2 300 litres pour Herschel) est stockée sous forme liquide dans un réservoir à 1,65 K, soit -271,5°C. L'hélium sous pression est détendu, et refroidit par détente adiabatique les parois du réservoir ainsi que les instruments qui y sont fixés. Cette « évaporation » est permanente, afin d'obtenir une température stable. Le gaz est ensuite rejeté dans l'espace par des conduits.

Du contrôle thermique semi-passif

Les louvres

Évolution de la température à l'intérieur du dispositif. Le lien entre l'ouverture des louvres et la température intérieure est clairement établi. Température extérieure : 21°C

Pour un satellite dont la valeur de la dissipation thermique varie fortement, il n'est pas possible de contrôler avec fiabilité la température ; le plus intéressant du point de vue du poids est alors de faire varier le ratio . Une méthode populaire qui permet de faire varier ce ratio est l'emploi de « louvres » (louvers en anglais). Les louvres sont composées d'une série de lamelles qui peuvent s'ouvrir ou se fermer, à la manière d'un store vénitien.

Quand les lamelles d'aluminium qui composent la louvre sont ouvertes, le ratio est faible (absorbance < émission) : le satellite dissipe de l'énergie thermique. En revanche, quand les lamelles sont fermées, le ratio est élevé (absorbance > émission) : le satellite emmagasine de l'énergie thermique. Derrière chaque panneau se trouve une rangée de dissipateurs.

L'ouverture et la fermeture des lamelles peut être soit pilotée par le TCS, soit automatique. Dans cette dernière situation, de petites plaquettes de métal, en se rétractant ou en se dilatant sous la variation de la température, actionnent les lamelles.

Nous avons fabriqué une maquette fonctionnelle de louvres afin de mettre en œuvre un tel dispositif.

Notes

  1. L'hydrazine, de formule chimique , est employée depuis la seconde guerre mondiale comme carburant pour moteurs-fusées. Elle est aujourd'hui utilisée comme mono-ergol sur les engins spatiaux, car elle permet d'obtenir une faible poussée très précise.
  2. Réalisation d'un thermomètre digital. Daniel Robert, 11 juin 2005. (page consultée le 15 janvier 2011). http://premiumorange.com/daniel.robert9/Digit/Pratique/Digit_14PS3.html
  3. Kapton. Wikipédia, l'encyclopédie libre, 6 décembre 2010. (page consultée le 16 janvier 2011). Kapton
  4. What is a Peltier Cooler. Tech-faq. (page consultée le 31 janvier 2011). http://www.tech-faq.com/peltier-cooler.html