« Le noyau atomique/Le noyau atomique : propriétés, constituants, description » : différence entre les versions

Un livre de Wikilivres.
Contenu supprimé Contenu ajouté
Ligne 162 : Ligne 162 :
[[File:Nuclear dens.png|vignette|Densité dans le noyau, en fonction de la distance par rapport au centre.]]
[[File:Nuclear dens.png|vignette|Densité dans le noyau, en fonction de la distance par rapport au centre.]]


Mais ce résultat a cependant quelques faiblesses et ne rend pas fidèlement compte de la réalité expérimentale. Si tous les noyaux ont grosso-modo la même densité, celle-ci n'est pas tout à fait constante dans le noyau. Si la densité est bien constante au centre, elle diminue à proximité de la surface du noyau. Tout se passe comme si une pellicule de faible densité entourait un cœur de densité constante. La densité diminue très rapidement dans la pellicule de surface, qui ne fait que quelques femtomètres au maximum. Les physiciens modélisent cela avec la formule de Saxon-Woods, qui donne la densité selon la distance au centre du noyau. Si on pose :
Mais ce résultat a cependant quelques faiblesses et ne rend pas fidèlement compte de la réalité expérimentale. Si tous les noyaux ont grosso-modo la même densité, celle-ci n'est pas tout à fait constante dans le noyau. Si la densité est bien constante au centre, elle diminue à proximité de la surface du noyau. Tout se passe comme si une pellicule de faible densité entourait un cœur de densité constante. La densité diminue très rapidement dans la pellicule de surface. Les physiciens modélisent cela avec la formule de Saxon-Woods, qui donne la densité selon la distance au centre du noyau. Si on pose :


* <math>\rho(r)</math> la densité à une distance r du centre du noyau
* <math>\rho(r)</math> la densité à une distance r du centre du noyau
Ligne 173 : Ligne 173 :
|<math>\rho(r) = \frac{\rho_0}{1 + e^{\frac{r - R}{l}}}</math>
|<math>\rho(r) = \frac{\rho_0}{1 + e^{\frac{r - R}{l}}}</math>
|}
|}

L’épaisseur de la pellicule de surface <math>l</math> est approximativement de 0.54 femtomètres, et est la même pour tous les noyaux.

L'équation précédente permet de déterminer l''''épaisseur de la peau''', notée e, à savoir l'épaisseur de la couche où la densité nucléaire passe de 90% de sa valeur maximale à seulement 10%. Pour cela, on peut reformuler la formule de Saxon-Woods comme suit :

: <math>\frac{rho(r)}{\rho_0} = \frac{1}{1 + e^{\frac{r - R}{l}}}</math>

On peut ensuite calculer le rayons <math>r_1</math> pour lequel <math>\frac{rho(r)}{\rho_0} = 90%</math> et le rayon <math>R_2</math> pour lequel <math>\frac{rho(r)}{\rho_0} = 10%</math>.

: <math>90% = \frac{1}{1 + e^{\frac{r_1 - R}{l}}}</math>
: <math>10% = \frac{1}{1 + e^{\frac{r_2 - R}{l}}}</math>

La différence entre ces deux rayons n'est autre que l'épaisseur de la peau e.

: <math>e = r_1 - r_2</math>


==La masse du noyau==
==La masse du noyau==

Version du 4 novembre 2018 à 15:37

Le noyau possède une masse, un rayon, une forme précise, une charge électrique, et ainsi de suite. Mais un noyau de Thorium et un noyau de Sodium différent par de nombreux points : ils n'ont pas la même masse, la même charge électrique, etc. On peut distinguer différents noyaux, qui se distinguent par leur masse, leur charge électrique, et quelques autres différences mineures. Mais ces différences proviennent toutes du nombre de nucléons, de protons et de neutrons. Selon le nombre de protons et de neutrons, la masse du noyau et sa charge varieront. Dans ce qui va suivre, nous allons étudier comment la masse et la charge électrique du noyau dépendent du nombre de nucléons. Nous verrons aussi que le nombre de nucléon influence la forme du noyau, que ce soit son volume ou son rayon, mais pas sa densité.

La durée de vie et demi-vie

Il existe des noyaux atomiques qui sont instables, c’est-à-dire qu'ils vont spontanément se transformer en un autre nucléide moins énergétique. Pour cela, ils peuvent soit perdre de l'énergie, soit perdre/gagner des nucléons. Par exemple, un noyau instable peut se briser en deux noyaux plus petits. Il peut aussi émettre un nucléon pour se transformer en un autre noyau. Dans la plupart des cas, le noyau perd des nucléons, ce qui ne transforme en un autre. Il peut aussi émettre de la lumière pour revenir à un état de moindre énergie, se transformant en un même nucléide, mais sans perdre de nucléons. Toutes ces transformations d'un noyau en un autre sont ce qu'on appelle des désintégrations radioactives. Nous verrons les différents types de désintégrations dans quelques chapitres, un futur chapitre leur étant dédié.

Les noyaux instables ont une certaine durée de vie moyenne, qui traduit le temps moyen entre leur création (le moment où le noyau se forme) et leur désintégration. Il faut noter que les désintégrations sont des évènements aléatoires, ce qui fait que la durée de vie est une durée de vie moyenne. Pour la quantifier, on utilise la demi-vie, à savoir la durée pour laquelle le noyau a une probabilité d' 1/2 de s'être désintégré. La durée de vie varie grandement selon les noyaux, allant de durée de vie infinitésimalement petites, tandis que d'autres mettent plusieurs millénaires avant de se désintégrer. Certains noyaux ont une durée de vie tellement faible qu'ils n'ont même pas le temps de capter des électrons. Ils ne peuvent donc pas former d'atomes, ce qui fait qu'ils n'ont pas d’éléments chimiques associés. Ces noyaux ont une durée de vie inférieure à secondes. Les autres noyaux peuvent capter des électrons et former des atomes chimiquement réactifs.

Dans le prochain chapitre, nous verrons ce qui détermine la stabilité (la durée de vie) des noyaux atomiques. Nous verrons que la stabilité des noyaux dépend de leur nombre de protons et de neutrons. Les noyaux avec un excès de protons ou un excès de neutrons se désintègrent rapidement, alors que les noyaux avec approximativement autant de neutrons que de protons sont plus stables que les autres. De même, nous verrons que les noyaux avec un nombre de protons ou un nombre de neutrons pair sont plus stables. Enfin, nous verrons que les noyaux qui ont des nombres de protons précis (2, 8, 20, 28, 50, 82 ou 126 protons) sont plus stables que les autres, de même que ceux avec un nombre de neutrons égal à 2, 8, 20, 28, 50, 82 ou 126. Mais laissons cela au chapitre suivant. Nous verrons l'origine de ces comportements dans les chapitres de fin du cours, quand nous parlerons des modèles de la goutte liquide et des modèles en couche du noyau.

Le nombre de nucléons (numéro atomique et nombre de masse)

Le nombre de nucléons d'un noyau est appelé son nombre de masse et est noté A. Son nom vient du fait qu'ils servait autrefois à mesurer la masse des atomes, comme nous l'avons dit dans le premier chapitre. Auparavant, les scientifiques mesuraient la masse des atomes par rapport à celle de l’hydrogène. Quand ils disaient que l'atome de Lithium-6 a un A égal à 6, cela voulait dire qu'il pèse aussi lourd que 6 atomes d'hydrogène. Le terme "nombre de masse " est resté, mais il désigne aujourd'hui le nombre de nucléons. Il faut dire que la masse de l'atome dépend principalement de celle du noyau, d'où cet abus de langage.

Le nombre atomique est égal au nombre de protons de l'atome. Pour les atomes non-ionisés, il est aussi égal au nombre d'électrons de l'atome (il y a autant d'électrons que de protons dans ces atomes). A l'origine, le nombre atomique identifiait la place dans le tableau périodique de Mendeleiev, qui correspond en réalité au nombre d'électrons (celui-ci dicte la chimie de l'atome en question). Le lien entre nombre d'électrons et de protons fait que le sens a depuis dérivé pour désigner le nombre de protons. En clair, le nombre atomique identifie l’élément chimique auquel il appartient, par son nombre de protons.

Le nombre de masse est la somme du nombre de protons Z et du nombre de neutrons N.

Notation des atomes/nucléides, en anglais.

Il existe une notation spécialisée pour désigner tel ou tel atome. Avec celle-ci, on note le symbole de l'espèce chimique à laquelle appartient l'atome, puis on place le nombre de masse à haut à gauche et le nombre de protons en bas à gauche. Ainsi, un atome de l'espèce chimique N, contenant A nucléons dont Z protons sera noté comme suit : .

  • Par exemple, l'atome de est composé de 12 nucléons dont 6 protons.
  • Comme autre exemple, l'atome de est composé de 16 nucléons dont 8 protons.
  • Comme autre exemple, l'atome de est composé de 18 nucléons dont 8 protons.

Le nombre de nucléons, de protons et de neutrons permettent d'identifier différents nucléides. Deux atomes appartiennent au même nucléide s'ils ont le nombre de protons et de neutrons (donc le même nombre de masse), ainsi que la même énergie. Certains noyaux ont le même nombre de neutrons ou de protons, ce qui permet de distinguer :

  • les isobares, qui ont le même nombre de masse (le nombre de nucléons) ;
  • les isotopes, qui ont le même nombre de protons, mais des nombres de neutrons différents ;
  • les isotones, qui ont le même nombre de neutrons, mais des nombres de protons différents ;
  • les noyaux miroirs, dont les nombres de protons et de neutrons sont échangés ;
  • les isomères nucléaires ont le même nombre de neutrons et de protons, mais pas la même énergie.

Les isomères nucléaires

Niveaux d'énergie 'paliers) possibles pour le noyau.

Les isomères nucléaires sont deux atomes avec le même nombre de protons et de neutrons, mais pas la même énergie. L'énergie d'un noyau ne varie pas continument, comme l'énergie d'un objet classique, mais est quantifiée, à savoir qu'elle évolue par paliers successifs. Cette particularité ne s'explique convenablement qu'avec la physique quantique et il n'y a pas d'explication classique. Parmi tous les paliers possibles, il y en a un qui correspond à l'état d'énergie minimal, celui où le noyau ne peut pas descendre plus bas. Ce palier est appelé l'état fondamental. Les nucléides qui ne sont pas à l'état fondamental sont plus énergétiques que les autres et sont dits en état excité. Certains nucléides naissent directement en état excité, à la suite d'une réaction nucléaire ou lors d'une désintégration radioactive. D'autres noyaux sont initialement à l'état fonde mental mais montent d'un ou plusieurs paliers en absorbant de l'énergie (en absorbant un photon ou sous l'effet de l'absorption thermique, par exemple). Les noyaux excités peuvent aussi redescendre d'un ou plusieurs paliers en perdant de l'énergie. Quand cela arrive, l'énergie perdue est émise du noyau sous la forme d'un photon, de lumière. Nous en reparlerons dans le chapitre sur la radioactivité, quand nous parlerons de la radioactivité gamma.

Les isobares

Des noyaux/atomes avec le même nombre de masse sont appelés des isobares. Des isobares ont généralement des nombres de protons et de neutrons différents, mais dont le nombre de masse est égal. Par exemple, un noyau avec un nombre de masse égal à 13 peut contenir soit 13 protons, soit 12 protons et 1 neutron, soit 11 protons et 2 neutrons, etc. Des isobares ont des masses identiques, en première approximation, du fait de la ressemblance de masse entre protons et neutrons. A contrario, des noyaux non-isobares ont des masses sensiblement différentes.

Ouvrons une parenthèse, qui anticipe le chapitre sur les désintégrations radioactives. Il arrive que certains noyaux se transmutent, quand un proton se transforme en neutron (ou inversement) : une telle désintégration est appelée une désintégration Bêta. Cette désintégration conserve le nombre total de nucléon, mais pas le nombre de protons ou de neutrons. Vu que A est conservé, le noyau se transmute en un de ses isobares.

Les isotopes

Si deux noyaux ont le même nombre de protons, il se peut qu'ils aient des nombres de neutrons (et donc des nombres de masse) différents : ce sont des isotopes d'un même élément chimique. Voici quelques exemples :

  • L'Hydrogène, avec son unique proton, a 3 isotopes : le Protium n'a pas de neutrons, le Deutérium a 1 neutron, le Tritium a 2 neutrons, etc.
  • L'Hélium, avec deux protons : l’Hélium 3 possède 3 nucléons (2 protons et un neutron) et l'Hélium 4 en a 4 (2 protons et 2 neutrons).
  • L'Uranium, avec ses 92 protons : l'Uranium 238 contient 238 nucléons, l'Uranium 235 en a 235, tandis que l'Uranium 234 en a 234.
  • Le Carbone, avec 6 protons : le Carbone 12, le Carbone 13 et le Carbone 14 ont respectivement 12, 13 et 14 nucléons.
Isotopes de l’Hydrogène : Protium, Deutérium et Tritium.

Les isotopes se comportent presque de la même manière du point de vue chimique, vu qu'ils ont le même nombre de protons (et donc d'électrons). Les isotopes occupent la même place dans le tableau périodique, ils appartiennent au même élément chimique, ce qui fait qu'on parle d'isotopes d'un élément chimique. Par exemple, tous les noyaux d'oxygène ont 8 protons, tous ceux d'uranium en ont 92, ceux de Thorium en ont 90, etc. Cependant, les isotopes d'un même élément chimique n'ont pas la même masse : les isotopes avec beaucoup de neutrons seront plus lourds que ceux avec moins de neutrons. La conséquence est que certaines réactions chimiques ou physiques ne seront pas identiques entre isotopes, du fait de cette faible différence de masse. Cela a de nombreuses applications en géologie, l'ensemble de la géologie isotopique est d'ailleurs basée sur ce genre de phénomènes !

Isotopes du Carbone, de l'Azote et de l'Oxygène.

Historiquement, l'existence des isotopes a rapidement été suggéré, avant même qu'on connaisse l'existence du noyau atomique ! Dès 1886, William Crookes a supposé que les atomes d'un même élément n'ont pas la tous la même masse. Cette hypothèse visait à expliquer les résultats des mesures des masses atomiques, qui variaient selon les auteurs et les conditions expérimentales. Mais cette piste a été accueillie assez fraichement, par manque de preuves expérimentales. Mais les preuves ont commencé par s'accumuler et l'existence des isotopes s'est imposée progressivement. En 1914, Boltwood remarqua que du Plomb est presque toujours associée à la Pechblende (un minerai d'Uranium). Frederic Soddy suppose, à juste titre, que le Plomb provient de la désintégration de l'Uranium et prédit (sur la base de sa loi de déplacement radioactif) que sa masse atomique doit être de 206. Il prédit, sur la base d'arguments similaires, que le Plomb tiré de la Thorite uranifère doit être de 208. Les deux formes de Plomb, provenant de désintégrations différentes, doivent avoir des poids atomiques différents. Vu que le poids atomique moyen du Plomb est de 207,2, il suppose que le Plomb est composé de deux isotopes : un avec A = 206 et un autre avec A = 208, les proportions donnant une moyenne de 207,2. La pesée expérimentale, réalisée par Theodore Richards et Max Lembert, confirme ces prédictions.

Par la suite, Aston découvrit que des atomes non-radioactifs ont aussi des isotopes. Pour cela, il ionise du Néon et accélère les ions ainsi créés via un champ électromagnétique. Ceux-ci sont ensuite envoyés sur une plaque photographique, le point d'impact sur la plaque dépendant du rapport énergie/masse. Si le Néon n'a qu'un seul isotope, on ne devrait observer qu'un seul point d'impact. Mais si le Néon n'a que deux isotopes, on doit observer deux point d'impact. L'expérience montre deux points d'impact, prouvant que le Néon possède majoritairement deux isotopes : un d'une masse atomique de 20 et un autre d'une masse atomique de 22. De plus, l'analyse de résultats montre que 90% du Néon a un A = 20 et 10% de A = 22. Cela permet de retrouver le masse atomique obtenue par les mesures précédentes, qui donnaient une masse atomique de 20,2 pour le Néon.

La forme et la taille du noyau

Noyau atomique.

Dans beaucoup d'illustrations, on représente le noyau sous la forme d'une framboise où les protons sont roses et les neutrons sont bleus. Et cette illustration n'est pas le fruit du hasard : il semble logique que les nucléons s'assemblent de manière compacte, donnant un noyau approximativement sphérique. Expérimentalement, les noyaux stables (qui ne se désintègrent pas en noyaux plus petits) sont dans ce cas et ont une belle forme ronde. Mais certains noyaux beaucoup plus instables (c’est-à-dire qui se brisent rapidement en noyaux plus petits) ne sont pas dans ce cas et ont une forme bizarroïde. Ils peuvent avoir des formes de double poires, de triple ou quadruples poires, etc. Pour les connaisseurs, ils ressemblent beaucoup aux orbitales atomiques.

Dans ce qui va suivre, nous allons prendre le cas d'un noyau sphérique, pour simplifier les calculs. Cela signifie que nous nous limitons aux noyaux assez gros, avec un nombre de masse élevé. En effet, un noyau trop petit n'a pas assez de nucléons pour ressembler à une sphère. Prenez par exemple l'atome d'Hélium-4, avec ses quatre nucléons : sa forme n'est pas vraiment sphérique. On estime que les noyaux ont une forme sphérique digne de ce nom quand leur nombre de nucléons dépasse la quarantaine (en clair : A < 40).

Le volume des noyaux sphériques

Taille du noyau dans l'atome.

Pour un noyau sphérique, les nucléons sont empilés de manière assez compacte, de qui fait qu'il y a peu d'espace vide entre les nucléons. En négligeant cet espace vide, on trouve que le volume du noyau est la somme du volume des nucléons. Et vu que tous les nucléons ont le même volume et le même rayon . Pour un noyau de ombre de masse A, on a :

Le résultat est donc que le volume d'un noyau sphérique est proportionnel à son nombre de masse.

Nous réutiliserons ce résultat dans le chapitre sur le modèle nucléaire "de la goutte liquide".

Le rayon des noyaux sphériques

La formule qui donne le volume du noyau nous permet de calculer son rayon en fonction du nombre de masse.

On remplace V par la valeur précédente :

Simplifions par

Prenons la racine cubique :

On a donc le résultat suivant :

Une mesure exacte du rayon du noyau demande de connaitre le rayon d'un nucléon? Ce qui pose quelques problèmes. Il faut dire que les nucléons et noyaux n'ont pas de limites précises, pas de frontière qui sépare leur intérieur de leur extérieur. Étant composés de particules plus élémentaires, les assimiler à une sphère exacte est une approximation certes convenable, mais reste quand même faux. En réalité, les nucléons et les noyaux sont composés de particules qui bougent sans cesse autour de leur centre de masse. Après, on peut certes calculer un rayon moyen pour cet ensemble de particules, mais difficile de faire passer ce rayon moyen pour le vrai rayon du noyau. Pas étonnant que la notion de rayon d'un nucléon soit assez floue. Les mesures du rayon moyen des nucléons et des noyaux ne donnent pas des résultats convergents. Pour sonder les noyaux, les physiciens les font entrer en collision avec des particules plus légères : des électrons, des neutrons, des particules alpha, ou autres. En observant les trajectoires après collision des particules, on peut en déduire le rayon du noyau, sa masse, et bien d'autres propriétés. C'est d'ailleurs ce qu'a fait Rutherford dans ses expériences avec des particules alpha et/ou des neutrons ! Selon la particule utilisée, le rayon du noyau n'est pas le même.

  • Si on sonde le noyau avec des électrons le rayon d'un nucléon est approximativement égal à 1,4 femtomètres, ce qui est extrêmement petit. Si on calcule le rayon du noyau avec cette valeur, on obtient une valeur particulière, appelée le rayon de charge du noyau. On a donc :
  • Si on sonde le noyau avec des particules neutres électriquement, on trouve que les nucléons ont un rayon de 1,07 femtomètres. On a donc :

Le rayon d'un noyau est 10 000 fois plus petit que l'atome : le rayon du noyau ne vaut que 0,01 % du rayon total de l'atome. Au passage, vous remarquerez que cela explique les résultats de l’expérience de Rutherford : seul 0,01 % des particules alpha étaient déviées.

La surface des noyaux sphériques

À partir du rayon, on peut trouver la surface du noyau. En effet, l'aire de la sphère nucléaire vaut exactement : , avec . On a donc :

En omettant les constantes et le rayon des nucléons, on trouve alors :

Cette formule nous dit que la surface du noyau est une puissance du nombre de masse (la puissance 2/3, pour être précis).

Nous réutiliserons ce résultat dans le chapitre sur le modèle nucléaire "de la goutte liquide".

La densité du noyau

Intéressons-nous maintenant à la densité du noyau atomique et notamment à sa répartition. Les physiciens ont depuis longtemps étudié la répartition de la masse dans le noyau, pour voir si certaines portions sont plus denses que d'autres. Après tout, les nucléons s'attirent entre eux, sans quoi les noyaux ne se formeraient pas. Cette attraction devrait compacter les nucléons vers le centre du noyau, ce qui fait que la densité évolue avec la distance au centre du noyau : les nucléons sont fortement liés au centre, un peu moins à la surface du noyau. Dans ce qui va suivre, nous allons voir comment la densité est répartie dans le noyau. On va supposer que la masse du noyau est la somme de la masse de ses nucléons, ce qui est une approximation de la réalité (on verra dans la section suivante que c'est plus compliqué). On va aussi supposer que protons et neutrons ont grosso-modo la même masse (on sait que ce n'est pas exact, mais que la différence entre les deux masses est négligeable).

Le cœur du noyau

Dans les noyaux sphériques, les nucléons sont empilés de manière compacte, ce qui fait que la densité du noyau est relativement constante dans le noyau (ici, je confonds volontairement densité et masse volumique, pour simplifier). Si c'est le cas, on peut calculer la densité du noyau à partir de la densité des nucléons, en posant la densité du noyau et celle d'un nucléon. On a alors :

On peut calculer la densité en fonction du rayon d'un nucléon. Il suffit d'injecter dans la formule précédente, ce qui donne :

On voit que densité du noyau et d'un nucléon sont égales et doivent être approximativement les mêmes pour tous les noyaux. Les seules variations de densité entre noyaux doivent provenir des différences de densité entre protons et neutrons, mais elles devraient être négligeables pour la plupart des atomes courants.

Pour ceux qui ont déjà lu le cours, ou qui savent déjà ce qu'est l'interaction forte, on peut expliquer la relative constance de la densité dans le noyau d'une autre manière. C'est dû au fait que la force forte est une force à courte distance. Au-delà d'une certaine distance, elle sature, dans le sens où elle est trop faible pour avoir le moindre impact. Chaque nucléon réagit donc seulement avec ses voisins proches et pas ceux plus éloignés. Si ce n'était pas le cas, on devrait observer une densité qui augmente progressivement en progressant vers le centre, comme on peut l'observer avec un fluide soumis à la gravité, par exemple.

La pellicule de surface

Densité dans le noyau, en fonction de la distance par rapport au centre.

Mais ce résultat a cependant quelques faiblesses et ne rend pas fidèlement compte de la réalité expérimentale. Si tous les noyaux ont grosso-modo la même densité, celle-ci n'est pas tout à fait constante dans le noyau. Si la densité est bien constante au centre, elle diminue à proximité de la surface du noyau. Tout se passe comme si une pellicule de faible densité entourait un cœur de densité constante. La densité diminue très rapidement dans la pellicule de surface. Les physiciens modélisent cela avec la formule de Saxon-Woods, qui donne la densité selon la distance au centre du noyau. Si on pose :

  • la densité à une distance r du centre du noyau
  • la densité au centre du noyau ;
  • r la distance par rapport au centre du noyau ;
  • R le rayon du noyau, dans la partie où la densité est constante ;
  • l la longueur sur laquelle la densité chute rapidement en périphérie.

L’épaisseur de la pellicule de surface est approximativement de 0.54 femtomètres, et est la même pour tous les noyaux.

L'équation précédente permet de déterminer l'épaisseur de la peau, notée e, à savoir l'épaisseur de la couche où la densité nucléaire passe de 90% de sa valeur maximale à seulement 10%. Pour cela, on peut reformuler la formule de Saxon-Woods comme suit :

On peut ensuite calculer le rayons pour lequel et le rayon pour lequel .

La différence entre ces deux rayons n'est autre que l'épaisseur de la peau e.

La masse du noyau

Pour ce qui est de la masse, il est raisonnable de dire que la masse d'un noyau est la somme de la masse de ses nucléons. Si on suppose que chaque nucléon a une masse , la masse d'un noyau de nombre de masse vaut alors :

Si on veut être plus précis, on doit distinguer la masse du proton de celle du neutron . La masse dépend alors du nombre de protons et du nombre de neutrons  :

Mais en réalité, il existe une différence entre la masse mesurée et celle calculée par la formule ci-dessus. Elle est appelée le déficit de masse et est notée  : Elle peut aller jusqu’à 10 à 15 % de la masse calculée.