« La politique monétaire/Le modèle CC/LM » : différence entre les versions

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Le modèle IS/LM est très simple sur de nombreux points et de nombreuses extensions ont tenté de palier cette grande simplicité qui fait la force pédagogique de ce modèle. Parmi ces extensions, celles qui ajoutent un système bancaire au modèle sont assez importantes, du moins pour l'étude de la politique monétaire. Dans ce chapitre, nous allons voir quelques modèles assez simples, dont le modèle CC-LM de Bernanke et Blinder.
Le modèle IS/LM est très simple sur de nombreux points et de nombreuses extensions ont tenté de palier cette grande simplicité qui fait la force pédagogique de ce modèle. Parmi ces extensions, celles qui ajoutent un système bancaire au modèle sont assez importantes, du moins pour l'étude de la politique monétaire. Dans ce chapitre, nous allons voir quelques modèles assez simples, dont le modèle CC-LM de Bernanke et Blinder.



Version du 12 décembre 2018 à 22:00

Ce chapitre peut être sauté en première lecture, et je conseille au lecteur peu aguerri de passer directement au chapitre suivant. La raison est que ce chapitre est assez complexe et qu'il est nettement moins important que les autres. De plus, sa pertinence empirique est assez faible : les études sur le canal du crédit montrent qu'il est assez peu actif de nos jours.

Le modèle IS/LM est très simple sur de nombreux points et de nombreuses extensions ont tenté de palier cette grande simplicité qui fait la force pédagogique de ce modèle. Parmi ces extensions, celles qui ajoutent un système bancaire au modèle sont assez importantes, du moins pour l'étude de la politique monétaire. Dans ce chapitre, nous allons voir quelques modèles assez simples, dont le modèle CC-LM de Bernanke et Blinder.

Il y a quelques chapitres, nous avons vu le fameux canal du crédit, qui montre que la politique monétaire influence l'offre de crédit de la part des banques. Pour résumer le fonctionnement du canal du crédit, des taux faibles stimulent l'activité économique (en augmentant l'offre de crédit), alors que des taux hauts la ralentissent. Si on traduit cela dans le langage des mathématiques, on retrouve ni plus ni moins qu'une courbe IS. En théorie, une modélisation assez fine du canal du crédit devrait permettre de retrouver une courbe IS après quelques développements mathématiques. Ce n'est ni plus ni moins que ce qu'on fait Bernanke et Blinder, dans leur article daté de 1988. Ils ont élaboré un modèle qui décrit le canal du crédit, à l'exception du canal du rationnement du crédit, et qui a pour résultat une courbe IS décroissante (entre autres résultats). Pour ce faire, le modèle part du bilan des banques, fait quelques hypothèses et arrive à retrouver cette courbe IS spéciale après moult calculs.

Le bilan des banques

Ce modèle fait quelques simplifications qui rendent plus simple l'étude du bilan des banques.

  • Le modèle suppose que le passif des banques est composé uniquement des dépôts. Ce qui fait que l'on ne tient pas compte des espèces et de l'actif net, tous deux supposés nuls.
  • Ensuite, les banques commerciales ont, comme actifs, leurs réserves, des contrats de crédits et des obligations d'état. On néglige les autres actifs, que ce soit les obligations d’entreprise ou les actions, voire l'immobilier.

Avec ces hypothèses, la base monétaire se résume aux réserves bancaires et la masse monétaire aux dépôts.

Voici le tout résumé sous forme de tableau :

Actif Passif
R : Réserves (base monétaire dans le modèle) D : Dépôts (identique à la masse monétaire dans le modèle)
C : Crédits/emprunts
O : Obligations (dette d'état dans le modèle)

L'actif et le passif sont égaux, par définition, ce qui donne :

Dans ce qui suit, on note le taux de réserve obligatoire, les réserves obligatoires et les réserves excédentaires. On a :

Retranchons les réserves obligatoires des deux cotés :

Cette équation a une interprétation assez simple. Elle nous dit ce que la banque fait des dépôts qu'elle ne doit pas mettre en réserve. Si elle n'a pas le choix d'abandonner une part des dépôts en réserves obligatoires, elle peut faire ce qu'elle veut du reste. Et les hypothèses du modèle nous disent qu'elle peut soit placer cette part en réserves excédentaire, en obligations, ou les prêter sous la forme de crédits. La répartition exacte, à savoir tel pourcentage en obligation, tel autre en crédit et tel autre en réserves excédentaires, est au choix de la banque commerciale. Dans ce qui va suivre, nous allons supposer que la banque alloue :

  • un pourcentage des dépôts libres en réserves excédentaires ;
  • un pourcentage des dépôts libres en crédits ;
  • un pourcentage des dépôts libres en obligations.

En injectant ces relations dans l'équation et en divisant par : , on trouve :

Dans ce qui va suivre, nous allons nous intéresser à seulement deux coefficients : r et c. Une fois qu'on connait ces deux coefficients, on connait fatalement le troisième, en raison de l'équation précédente. La valeur de ces coefficients est influencée par les taux, comme nous allons le voir ci-dessous.

La courbe CC

Dans ce qui suit, on notera le taux d'intérêt sur les crédits et le taux sur les obligations d'état, Y le PIB et p le risque des crédits.

Maintenant, étudions un peu le coefficient c, qui indique combien de crédits sont accordés. Le modèle fait les hypothèses suivantes sur la dépendance du crédit aux taux. On doit distinguer l'offre de crédits de la part des banques, à savoir la quantité d'argent qu'elles sont disposées à prêter, de la demande de crédits des agents (ménages et entreprises). Les banques peuvent prêter au maximum , mais rien ne dit qu'elles vont réussir ou vouloir tout prêter. Comme dit plus haut, elles ne vont prêter qu'une part limitée de , qu'un pourcentage de cette somme. Pour le dire mathématiquement, l'offre de crédit de la part des banques est la suivante :

Il y a plusieurs raisons à cela. Déjà, les banques peuvent peuvent refuser de prêter à certains clients, par crainte de ne pas être remboursés. L'offre de crédit dépend donc du risque des crédits qu'elle fournit. Ensuite, l'offre dépend des taux en vigueur sur les crédits : des taux trop faibles ne compensent pas le risque de non-remboursement et ne sont pas rentables, contrairement à des taux plus élevés. Et enfin, l'offre de crédit dépend aussi des taux sur les obligations. Le fait est que les banques ont le choix entre crédits et obligations pour placer les dépôts. Entre des crédits risqués et les obligations sures, le choix final dépend des taux en vigueur. Si les taux sont élevés, les obligations deviennent plus intéressantes que les crédits : elles donnent des taux élevés sans risque, alors que les crédits donnent des taux similaires, mais avec un risque bien plus élevé. Par contre, des taux faibles rendent les crédits bien plus rentables que les obligations, ce qui compense le risque pris. Pour résumer, l'offre de crédit des banques dépend des taux sur les obligations, du taux sur les crédits et du risque des crédits.

Ensuite, il se peut que la demande de crédit ne soit pas suffisante : les banques peuvent avoir plus d'argent dans les caisses que de demandes de crédit par les ménages et entreprises. Mathématiquement, cela traduit le fait que l'offre et la demande de crédit s'égalisent. Sachant que la demande de crédit de la part des ménages et entreprises dépend du PIB et des différents taux (), on obtient l'égalité suivante :

L'investissement I est égal à la quantité de dette circulant dans l'économie, à savoir la somme des obligations et des crédits.

Pour résumer, l'investissement dépend de plusieurs paramètres : les taux sur les crédits et obligations, ainsi que le risque des crédits et du PIB. On néglige le PIB, ce qui donne :

Le PIB dépend de l'investissement, via le multiplicateur keynésien, toute chose égale par ailleurs. Le PIB dépend donc des mêmes paramètres que l'investissement, ce qui donne :

Cette équation nous dit qu'il existe une dépendance directe entre le PIB et le taux des crédits, leur risque et le taux des obligations.

La courbe LM

Au niveau purement monétaire, le modèle s'intéresse à la base monétaire et la masse monétaire.

  • La masse monétaire B est égale à la somme des dépôts dans les banques. Rappelons que le modèle ne tient pas compte des espèces ou d'autres composants de la masse monétaire.
  • La base monétaire M se résume aux réserves, obligatoires et excédentaires. Encore une fois, c'est lié à l'absence d'espèces dans le modèle.

Les chapitres précédents nous ont appris que , sur le marché monétaire, une offre de monnaie rencontre une demande de monnaie. L'offre de monnaie est égale à la base monétaire crée par la banque centrale, multipliée par le multiplicateur du crédit. On a donc :

, avec R les réserves (la base monétaire, dans ce modèle), M la masse monétaire et le multiplicateur du crédit.

Quand à la demande de monnaie, elle dépend des taux d'intérêt et du PIB. Les taux d'intérêt en question sont supposés être ceux des obligations et non le taux des crédits. Le tout est résumé par l'équation suivante :

A l'équilibre, offre et demande de monnaie sont égales :

On peut calculer le multiplicateur du crédit (le ratio entre masse monétaire et base monétaire) en divisant D par R.

Rappelons que, d'après le bilan des banques pris en compte dans le modèle, on a :

.

De plus, le modèle suppose que le coefficient r est influencé par le taux des obligations :

Ces hypothèses permettent de calculer l'inverse du multiplicateur du crédit :

Le multiplicateur du crédit vaut donc :

La masse monétaire est donc la suivante :

L'équilibre entre les deux courbes

On peut tracer les deux équations, celle qui donne la masse monétaire et celle qui donne le PIB, sur un graphique i-Y. On a alors deux courbes :

  • Une courbe croissante, appelée courbe MM, est celle du multiplicateur du crédit. Elle dit que plus le PIB augmente, plus les taux sur les obligations augmentent, de même que les taux sur les crédits. Elle remplace la courbe LM.
  • Une courbe décroissante, appelée courbe YC, celle de l'équation du dessus. Elle montre que plus les taux sur les obligations et les crédits baissent, plus le PIB augmente. Elle remplace la courbe IS.

Si on résume le modèle, voici comment les diverses variables sont influencées entre elles :

Augmentation de : PIB Masse monétaire Crédit Taux d'intérêt sur les obligations
Réserves
Demande de monnaie
Offre de crédit
Demande de crédit