« Cosmologie/L'évolution des perturbations avant le découplage » : différence entre les versions

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m Chaque zone de surdensité, supposée sphérique, a créé des ondes sonores dont le front d'onde a une forme sphérique. La taille maximale que peut
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===L'horizon sonore===
===L'horizon sonore===


Chaque zone de surdensité, supposée sphérique, a crée des ondes sonores dont le front d'onde a une forme sphérique. La taille maximale que peut prendre cette sphère dépend du temps écoulé depuis le big-bang et la recombinaison. La sphère de taille maximale correspond à une onde sonore crée lors du big-bang et figée lors de la recombinaison : c'est pour cela qu'on l'appelle l''''horizon sonore'''. Le rayon de cette sphère se calcule en faisant l'intégrale de la vitesse du son dans le plasma primordial sur l'âge de l'univers au moment de la recombinaison.
Chaque zone de surdensité, supposée sphérique, a créé des ondes sonores dont le front d'onde a une forme sphérique. La taille maximale que peut prendre cette sphère dépend du temps écoulé depuis le big-bang et la recombinaison. La sphère de taille maximale correspond à une onde sonore crée lors du big-bang et figée lors de la recombinaison : c'est pour cela qu'on l'appelle l''''horizon sonore'''. Le rayon de cette sphère se calcule en faisant l'intégrale de la vitesse du son dans le plasma primordial sur l'âge de l'univers au moment de la recombinaison.


: <math>R_s = \int c_s (1 + z) dt</math>
: <math>R_s = \int c_s (1 + z) dt</math>

Version du 25 juillet 2020 à 14:00

Pour commencer ce chapitre, nous allons partir de l'équation du chapitre précédent.

Avant la recombinaison, le rayonnement et la matière étaient fortement couplé au point que toute sur-densité attirait aussi des photons en plus de la matière. Les photons ne pouvaient pas fuir de la sur-densité et ne pouvaient donc pas transférer la chaleur vers l'environnement. L'évolution du fluide cosmologique était donc adiabatique, ce qui a pour conséquence que l'entropie du fluide ne pouvait pas varier. Sous cette hypothèse, l'équation précédente se simplifie et devient :

Illustration des séries de Fourier.

Le terme est une fonction qui associe une perturbation de densité à tout endroit de l'espace et à chaque instant (on devrait d'ailleurs l'écrire , mais passons). On dit aussi que cette fonction décrit un champ de densité. Or, il existe un théorème qui nous dit que tout champ peut être décomposée en champs périodiques semblables à des cosinus ou sinus. Ces champs périodiques sont des formellement des ondes de forme cosinusoïdales ou sinusoïdales. Dans notre cas, la forme de ces ondes est l'équivalent en trois dimension d'un sinus/cosinus. En additionnant un certain nombre (potentiellement infini) de ces ondes de base, pondérées par un coefficient, on peut obtenir n'importe quelle champ résultant. C'est ce qu'on appelle la transformée de Fourier des fonctions continues. Le champ de densité ne fait pas exception et on peut utiliser ce théorème pour décomposer le champ de densité en une somme d'ondes. Si on note chaque onde élémentaire , le théorème de Fourier nous donne l'équation suivante :

, avec le vecteur d'onde, un vecteur de norme .

On peut injecter l'équation précédente dans l'équation du début de section. Le résultat, très difficile à obtenir, est pourtant surprenamment simple :

L'équation différentielle précédente ressemble formellement à une équation d'oscillateur harmonique amorti. On rappelle qu'un oscillateur harmonique est un système soumis à une force de rappel proportionnelle à la distance : . La force de rappel est ici la somme de la pression et de la gravité, qui poussent le système à osciller de manière périodique. Pour obtenir un système amorti, il faut ajouter un terme de friction, qui tend à réduire l'amplitude des oscillations au fil du temps. Ici, la force de friction est le poids des baryons, qui force le système à se compresser. La forme générale d'une équation d’oscillateur harmonique est la suivante :

On voit que les deux équations précédentes sont identiques si on pose : , et .

Les solutions de cette équation sont de la forme :

, avec et les solutions de l'équation du second degré .

Le comportement de la solution dépend selon la valeur des racines. On distingue trois cas, qui sont décrits dans le tableau ci-dessous.

Discriminant Interprétation dans l'équation du fluide cosmologique
Cas périodique amorti Le discriminant de l'équation du second degré est positif. La pression et la gravité se compensent l'une l'autre.
Cas apériodique Le discriminant de l'équation du second degré est négatif. La pression est plus forte que la gravité.
Cas critique Le discriminant de l'équation du second degré est nul. La gravité est plus forte que la pression.

Nous allons voir chaque cas l'un après l'autre.

Le cas stable : la distance de Jeans

Lorsque la pression est égale à la gravité, on a :

Cette équation dit simplement que la perturbation est stable : elle s'accentue au même rythme que l'expansion la dilue (terme d'entrainement de Hubble). En clair : la perturbation est stable et ne change pas. Mais rappelons-le, cela n'arrive que pour une longueur d'onde précise, appelée rayon de Jeans. Cette longueur d'onde donne la taille de la sur-densité pour laquelle la perturbation se stabilise. Cela fonctionne pour les perturbations sphériques, même si elles ne sont pas périodiques (la magie des fonctions de Fourier...). On le calcule comme suit :

On utilise alors l'équation  :

Simplifions par  :


Démonstration

On peut donner une autre démonstration du raton de Jeans. Pour cela, imaginons le cas où il n'y a aucune force de pression. Toute sur-densité va alors s'effondrer sur elle-même en mettant un certain temps, que l'on va appeler temps d'effondrement. Les équations de la physique classique disent que ce temps est proportionnel à :

Maintenant, ajoutons les forces de pression. La transmission des forces de pression se fait par l'intermédiaire d'ondes de pression, qui se déplacent dans la sur-densité. Si l'onde de pression a le temps de traverser la sur-densité sur sa longueur, elle pourra contrecarrer l'effondrement avant que celui-ci soit terminé. Évidemment, il faut que l'onde de pression soit suffisamment puissante, mais on suppose que c'est le cas. Une sur-densité ne peut donc pas s'effondrer si le temps d'effondrement est égal au temps de parcours de la sur-densité par l'onde de pression. Pour l'exemple d'une sur-densité sphérique et homogène de rayon , de masse et d'ondes de vitesse , ce temps de parcours vaut :

Une sur-densité s'effondre sur elle-même si :

On peut alors calculer le rayon R, appelé rayon de Jeans. Celui-ci est simplement le rayon au-delà duquel la sur-densité ne peut pas s'effondrer sur elle-même.

D'autres calculs donent la mase de Jeans, à savoir la masse au-delà de laquelle la sur-densité s'effondre sur elle-même, quelque soit la pression pour la contrecarrer.

Le cas où G > P : la croissance/décroissance infinie

Prenons maintenant une perturbation dont la taille est supérieure à la longueur de Jeans. Dans ce cas, on n'a qu'une seule solution à cette équation différentielle, qui est de la forme :

On voit que cette solution est la somme de deux solutions particulières :

  • la première est une fonction , strictement croissante ;
  • la seconde est une fonction , strictement décroissante.

Dit autrement, toute structure d'une taille supérieure au rayon de Jeans va soit s'effondrer sur elle-même sous l'effet de sa propre gravité, soit gonfler à cause de l'expansion.

Une croissance/décroissance linéaire

Pour une perturbation dont la taille est bien supérieure à la longueur de Jeans, l'équation d'évolution se simplifie alors en :

Cette équation a précisément deux solutions qui ont une croissance ou décroissance linéaire :

Formellement, les fonctions et correspondent à la vitesse de croissance des structures. Elles sont proportionnelles au facteur d'échelle :

On peut alors comparer la vitesse de croissance entre un univers dominé par la matière, un autre dominé par le rayonnement et un dernier dominé par l'énergie noire. Le premier cas correspond à un univers après le découplage, alors que le second correspond à ce qu'on observe avant le découplage. Rappelons que l'on a, respectivement , pour des univers dominés par la matière, le rayonnement et l'énergie noire :

, et

Ce qui donne :

, et

On voit que dans des univers dominés par la matière ou le rayonnement, les perturbations ne grandissent pas très vite mais le font en suivant une loi de puissance. Cette croissance est inférieure à celle observée dans un univers statique, pour lequel on aurait :  ! C'est avant le découplage, dans un univers dominé par le rayonnement, que la croissance des structures est la plus lente. Leur croissance a été plus rapide après le découplage, leur vitesse de croissance ayant quelque peu augmenté lors du passage à un univers dominé par la matière. Ce résultat porte le nom d'effet Meszaros.

Le cas où P < G : les oscillations acoustiques de baryons

Illustration de l’oscillation de densité - équation d'un oscillateur harmonique amorti.

Une perturbation dont la taille est inférieure au rayon de Jeans correspond au cas amorti. Dans celui-ci, la solution de l'équation est une fonction d'onde de la forme :

L'équation n'a que des solutions ondulatoires dont l'amplitude diminue au cours du temps. Dit autrement, la perturbation pulse, elle grossit avant de dégonfler et ainsi de suite, indéfiniment. On peut interpréter cette solution physiquement comme suit. Sous l'effet de la gravité, de petites zones de surdensités vont se former et vont se contracter sous l'effet de la gravité. Cette contraction va réchauffer la matière dans la zone de surdensité, ce qui en augmentera la pression de radiation (on néglige totalement la pression de la matière baryonique). Cette pression luttera contre la force de gravité, forçant la surdensité à gonfler et à se dilater. Cette dilatation fait chuter sa température, et sa pression fait alors de même. La gravité reprend alors ses droits, en devenant plus forte que la pression, et un nouveau cycle commence. Ce gonflement/dégonflement periodique de la surdensité va retentir sur son environnement : elle va former des ondes de compression/décompression qui se propagent dans le plasma primordial. Ces ondes ne sont autre que des ondes sonores  ! En clair : l'évolution des inhomogénéités cause des ondes sonores primordiales, aussi appelées oscillations acoustiques de baryons.

Lors du découplage, ces ondes sonores se sont figées, les photons n'agissant plus sur la matière. La pression de radiation reste la même, mais celle-ci influence relativement eu la matière, laissant la gravité faire son travail. Ne pouvant plus contrecarrer la gravité, la pression de radiation cesse de donner naissance aux oscillations acoustiques de baryons. Les zones de surdensité cessent d’osciller et s'effondrent sur elles-mêmes, donnant naissance à diverses structures : de futures galaxies pour les surdensités de grande échelle, notamment. Cependant, on trouve encore une trace des oscillations acoustiques de baryons dans le fond diffus cosmologique. On verra que ces oscillations acoustiques de baryons ont laissé de petite perturbations de températures dans le fond diffus. Nous en reparlerons dans le prochain chapitre.

L'horizon sonore

Chaque zone de surdensité, supposée sphérique, a créé des ondes sonores dont le front d'onde a une forme sphérique. La taille maximale que peut prendre cette sphère dépend du temps écoulé depuis le big-bang et la recombinaison. La sphère de taille maximale correspond à une onde sonore crée lors du big-bang et figée lors de la recombinaison : c'est pour cela qu'on l'appelle l'horizon sonore. Le rayon de cette sphère se calcule en faisant l'intégrale de la vitesse du son dans le plasma primordial sur l'âge de l'univers au moment de la recombinaison.

La vitesse du son dans un gaz de photon est égale à . Elle augmente quelque peu du fait de la présence des baryons dans la réalité.

Il se trouve que l'horizon sonore correspond à la longueur de l'onde sonore de plus grande amplitude possible : la sur-densité a eu le temps maximal pour se compresser.