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Cette théorie explique certaines observations dans le cadre des expériences de '''décision lexicale'''. Le principe de ces expériences est simple : on donne une phrase à un cobaye, et il doit dire si celle-ci est vraie ou fausse. L'expérimentateur mesure le temps mis par le cobaye pour répondre : plus le temps mis à répondre est long, plus le cerveau a dû parcourir de nœuds dans la mémoire sémantique pour tomber sur le bon. Ce expériences avaient étés utilisées pour confirmer le modèle taxonomique de Collins et Quillians. Ces expériences avaient montré que les concepts superordonnés avaient un temps de réponse plus long que les concept sous-ordonnés. Même chose pour l'accès aux propriétés d'un concept : celles stockées dans les concepts superordonnés ont un temps d'accès plus long que celles stockées plus bas dans l'arbre taxonomique.
Cette théorie explique certaines observations dans le cadre des expériences de '''décision lexicale'''. Le principe de ces expériences est simple : on donne une phrase à un cobaye, et il doit dire si celle-ci est vraie ou fausse. L'expérimentateur mesure le temps mis par le cobaye pour répondre : plus le temps mis à répondre est long, plus le cerveau a dû parcourir de nœuds dans la mémoire sémantique pour tomber sur le bon. Ces expériences avaient été utilisées pour confirmer le modèle taxonomique de Collins et Quillians. Ces expériences avaient montré que les concepts superordonnés avaient un temps de réponse plus long que les concept sous-ordonnés. Même chose pour l'accès aux propriétés d'un concept : celles stockées dans les concepts superordonnés ont un temps d'accès plus long que celles stockées plus bas dans l'arbre taxonomique.


Mais il ressort aussi que plus un concept est familier, plus on peut vérifier les phrases qui y rapportent rapidement, sans que la position dans la hiérarchie taxonomique n'y change quoique ce soit. Il semblerait que certains exemples soient plus faciles à traiter que les autres, alors que ces concepts sont au même niveau dans la hiérarchie. De plus, lorsqu'on demande à un sujet de donner un exemple d'un concept, c'est ces concepts familiers qui ressortent le plus. Certains exemples seraient ainsi plus représentatifs d'un concept que les autres.
Mais il ressort aussi que plus un concept est familier, plus on peut vérifier les phrases qui y rapportent rapidement, sans que la position dans la hiérarchie taxonomique n'y change quoique ce soit. Il semblerait que certains exemples soient plus faciles à traiter que les autres, alors que ces concepts sont au même niveau dans la hiérarchie. De plus, lorsqu'on demande à un sujet de donner un exemple d'un concept, c'est ces concepts familiers qui ressortent le plus. Certains exemples seraient ainsi plus représentatifs d'un concept que les autres.


Il est possible de rendre compte de l'effet de typicalité assez facilement dans le modèle de Collins et Quillians. Il suffit d'associer une certaine force aux associations entre concepts. Plus la force d'un lien est importante, plus la traversée du lien sera rapide. Les concepts typiques sont reliés à leur super-ordonnés avec des liens très forts, très rapides. Les concepts moins typiques seraient quant à eux reliés avec des liens moins forts, moins rapides. Cela expliquerait les différence en terme de temps de réaction ou de production.
Il est possible de rendre compte de l'effet de typicalité assez facilement dans le modèle de Collins et Quillians. Il suffit d'associer une certaine force aux associations entre concepts. Plus la force d'un lien est importante, plus la traversée du lien sera rapide. Les concepts typiques sont reliés à leur super-ordonnés avec des liens très forts, très rapides. Les concepts moins typiques seraient quant à eux reliés avec des liens moins forts, moins rapides. Cela expliquerait les différences en termes de temps de réaction ou de production.


===Relations thématiques===
===Relations thématiques===


De plus, la hiérarchie taxonomique est violée dans certains cas spécifiques. Par exemple, il est plus lent de vérifier la véracité de la phrase "un chien est un mammifère", que pour la phrase "un chien est un animal", alors que les théories hiérarchiques prédisent l'inverse. De nombreux phénomènes similaires ont étés documentés et seraient assez fréquents. Par exemple, le mot "canari" a tendance à évoquer le mot "cage" plus rapidement que le mot "être vivant". Ce qui est difficile à expliquer avec le modèle de Collins et Quillians. Pour rendre compte de ce genre d'observations, on doit postuler que d’autres formes de relations existent. Par exemple, le modèle de Collins et Loftus ajoute des connexions entre catégories du même niveau (qui appartiennent au même concept superordonné), ainsi que des relations entre arbres taxonomiques. De nos jours, ces dernières relations portent le nom de sont regroupées, par convention, dans un ensemble extrêmement hétérogène appelé '''relations thématiques'''. Ces relations, avec les relations taxonomiques (catégorielles), permettent de former une représentation de situations ou d'évènements. Il peut s'agir de relations de causalité entre évènements, de relations qui permettent de localiser des objets, et bien d'autres encore.
De plus, la hiérarchie taxonomique est violée dans certains cas spécifiques. Par exemple, il est plus lent de vérifier la véracité de la phrase "un chien est un mammifère", que pour la phrase "un chien est un animal", alors que les théories hiérarchiques prédisent l'inverse. De nombreux phénomènes similaires ont été documentés et seraient assez fréquents. Par exemple, le mot "canari" a tendance à évoquer le mot "cage" plus rapidement que le mot "être vivant". Ce qui est difficile à expliquer avec le modèle de Collins et Quillians. Pour rendre compte de ce genre d'observations, on doit postuler que d’autres formes de relations existent. Par exemple, le modèle de Collins et Loftus ajoute des connexions entre catégories du même niveau (qui appartiennent au même concept superordonné), ainsi que des relations entre arbres taxonomiques. De nos jours, ces dernières relations portent sont regroupées, par convention, dans un ensemble extrêmement hétérogène appelé '''relations thématiques'''. Ces relations, avec les relations taxonomiques (catégorielles), permettent de former une représentation de situations ou d'évènements. Il peut s'agir de relations de causalité entre évènements, de relations qui permettent de localiser des objets, et bien d'autres encore.


==Schémas et scripts==
==Schémas et scripts==
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On pourrait penser que les mots et les concepts sont identiques en mémoire sémantique. Cependant, les linguistes ont depuis longtemps établit la différence entre signifiés et signifiants : la signification d'un mot d'un côté et son écriture ou sa prononciation de l'autre. Dit autrement les mots ne sont que des étiquettes qui permettent de référencer un concept, une idée. Ainsi, les scientifiques ont postulé d'existence d'une mémoire spécialisée dans les signifiants : le '''lexique mental''', ou mémoire lexicale. Elle permet de savoir comment prononcer un mot, comment l'écrire, etc. Elle contient aussi les symboles comme les lettres, les syllabes, les sons d'une langue (maternelle ou non), et les chiffres, voire certains nombres. Ce lexique mental serait composé de plusieurs lexiques mentaux spécialisés. On trouverait ainsi :
On pourrait penser que les mots et les concepts sont identiques en mémoire sémantique. Cependant, les linguistes ont depuis longtemps établi la différence entre signifiés et signifiants : la signification d'un mot d'un côté et son écriture ou sa prononciation de l'autre. Dit autrement les mots ne sont que des étiquettes qui permettent de référencer un concept, une idée. Ainsi, les scientifiques ont postulé d'existence d'une mémoire spécialisée dans les signifiants : le '''lexique mental''', ou mémoire lexicale. Elle permet de savoir comment prononcer un mot, comment l'écrire, etc. Elle contient aussi les symboles comme les lettres, les syllabes, les sons d'une langue (maternelle ou non), et les chiffres, voire certains nombres. Ce lexique mental serait composé de plusieurs lexiques mentaux spécialisés. On trouverait ainsi :
*un lexique pour la compréhension orale, qui stocke la prononciation des mots.
*un lexique pour la compréhension orale, qui stocke la prononciation des mots.
*un lexique pour la lecture, qui stocke la représentation visuelle et/ou orthographique des mots ;
*un lexique pour la lecture, qui stocke la représentation visuelle et/ou orthographique des mots ;
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===Les lieux===
===Les lieux===


Les lieux, auraient aussi une représentation spéciale, dédiées. Ceux-ci sont parfois regroupés dans ce qu'on appelle la '''mémoire topographique'''. Cette mémoire nous permet de reconnaître les lieux déjà visités, et de savoir où nous sommes. De nombreuses expériences ont étudié cette forme de mémoire, essentiellement chez les animaux. Elles ont commencé dans les années 1930, grâce aux travaux de Tolman. Ceux-ci portaient sur des rats, qui devaient s'orienter dans des labyrinthes et en trouver la sortie. A l'époque, on croyait que les rats s'orientaient dans les labyrinthes grâce à des séries de conditionnements. Mais cette théorie avait quelques problèmes : les rats apprenaient tout de même relativement vite, plus vite que ce que l'on pouvait attendre de conditionnements. De plus, certaines observations posaient problèmes.
Les lieux, auraient aussi une représentation spéciale, dédiées. Ceux-ci sont parfois regroupés dans ce qu'on appelle la '''mémoire topographique'''. Cette mémoire nous permet de reconnaître les lieux déjà visités, et de savoir où nous sommes. De nombreuses expériences ont étudié cette forme de mémoire, essentiellement chez les animaux. Elles ont commencé dans les années 1930, grâce aux travaux de Tolman. Ceux-ci portaient sur des rats, qui devaient s'orienter dans des labyrinthes et en trouver la sortie. À l'époque, on croyait que les rats s'orientaient dans les labyrinthes grâce à des séries de conditionnements. Mais cette théorie avait quelques problèmes : les rats apprenaient tout de même relativement vite, plus vite que ce que l'on pouvait attendre de conditionnements. De plus, certaines observations posaient problèmes.


Si on apprend à un rat à trouver la sortie d'un labyrinthe, celui-ci peut prendre jusqu'à une bonne dizaine ou centaine d'essais avant de trouver la sortie à coup sur. Maintenant, si on entraine un rat dans un labyrinthe, et que l'on bloque un passage stratégique dans le labyrinthe, le rat est censé devoir réapprendre de zéro, et retrouver son chemin à partir de rien. Or, une fois mis dans cette situation, les rats mettent très peu de temps pour retrouver la sortie, et certains la trouvent directement du premier coup. Tout se passe comme s'ils savaient s'orienter dans le labyrinthe, et qu'ils cherchaient simplement une voie alternative à partir de leur position et de ce qu'ils ont mémorisé du labyrinthe. Tolman supposa que les rats avaient une forme de mémoire topographique, et qu'ils pouvaient utiliser des cartes mentales.
Si on apprend à un rat à trouver la sortie d'un labyrinthe, celui-ci peut prendre jusqu'à une bonne dizaine ou centaine d'essais avant de trouver la sortie à coup sûr. Maintenant, si on entraine un rat dans un labyrinthe, et que l'on bloque un passage stratégique dans le labyrinthe, le rat est censé devoir réapprendre de zéro, et retrouver son chemin à partir de rien. Or, une fois mis dans cette situation, les rats mettent très peu de temps pour retrouver la sortie, et certains la trouvent directement du premier coup. Tout se passe comme s'ils savaient s'orienter dans le labyrinthe, et qu'ils cherchaient simplement une voie alternative à partir de leur position et de ce qu'ils ont mémorisé du labyrinthe. Tolman supposa que les rats avaient une forme de mémoire topographique, et qu'ils pouvaient utiliser des cartes mentales.


Par la suite, d'autres expériences virent le jour, non pas sur des rats, mais sur des singes. La première de ces expériences utilisa un protocole assez simple. L'expérimentateur promenait un singe sur son dos, dans un enclos assez grand, très grand (quelques kilomètres carrés). L'expérimentateur faisait beaucoup de détours, tournait en rond, et faisait en sorte d'avoir un trajet le plus chaotique possible. Lors du trajet, l'expérimentateur cachait de la nourriture à un endroit bien précis, et faisait en sorte que le singe le voit cacher la nourriture. Ensuite, l'expérimentateur continuait sa promenade avec le singe sur les épaules. Par la suite, il relâchait le singe à un endroit très éloigné de la cachette de la nourriture. Là, d'autres expérimentateurs regardaient, avec des systèmes de caméras, quel était le trajet du singe. Évidemment, celui-ci se précipitait sur la nourriture, comme un gros goinfre. Mais chose surprenante, le singe ne refaisait pas le trajet de expérimentateur à l'envers : il prenait directement le chemin le plus court ! En clair : il avait mémorisé l'organisation de l'enclos lors de sa promenade et avait fabriqué un représentation suffisante pour lui permettre de s'orienter et de déterminer le chemin le plus court. Conclusion : les singes aussi ont une mémoire topographique.
Par la suite, d'autres expériences virent le jour, non pas sur des rats, mais sur des singes. La première de ces expériences utilisa un protocole assez simple. L'expérimentateur promenait un singe sur son dos, dans un enclos assez grand, très grand (quelques kilomètres carrés). L'expérimentateur faisait beaucoup de détours, tournait en rond, et faisait en sorte d'avoir un trajet le plus chaotique possible. Lors du trajet, l'expérimentateur cachait de la nourriture à un endroit bien précis, et faisait en sorte que le singe le voit cacher la nourriture. Ensuite, l'expérimentateur continuait sa promenade avec le singe sur les épaules. Par la suite, il relâchait le singe à un endroit très éloigné de la cachette de la nourriture. Là, d'autres expérimentateurs regardaient, avec des systèmes de caméras, quel était le trajet du singe. Évidemment, celui-ci se précipitait sur la nourriture, comme un gros goinfre. Mais chose surprenante, le singe ne refaisait pas le trajet de l'expérimentateur à l'envers : il prenait directement le chemin le plus court ! En clair : il avait mémorisé l'organisation de l'enclos lors de sa promenade et avait fabriqué une représentation suffisante pour lui permettre de s'orienter et de déterminer le chemin le plus court. Conclusion : les singes aussi ont une mémoire topographique.


Ces expériences ont mené les psychologues à créer le concepts de '''carte cognitive''' : il s'agit d'une représentation mentale d'un ou de plusieurs lieux, qui permet de s'orienter et de se localiser dans l'espace. Pour résumer, ces cartes cognitives sont des schémas de lieux, dans le sens : schémas en mémoire à long terme comme on l'a vu il y a quelques chapitres). D'après les théories sur le sujet<ref>McNamara, Hardy and Hirtle (1989)</ref>, ces cartes cognitives sont composées d’éléments, les régions, reliées ensemble par des relations. Les éléments en question sont des régions, tandis que les relations sont les routes qui relient les régions entre elles. Ces régions sont définies par des frontières, qui peuvent prendre différentes formes : ce peut être des frontières physiques, voire des frontières sans signification.
Ces expériences ont mené les psychologues à créer le concept de '''carte cognitive''' : il s'agit d'une représentation mentale d'un ou de plusieurs lieux, qui permet de s'orienter et de se localiser dans l'espace. Pour résumer, ces cartes cognitives sont des schémas de lieux, dans le sens : schémas en mémoire à long terme comme on l'a vu il y a quelques chapitres). D'après les théories sur le sujet<ref>McNamara, Hardy and Hirtle (1989)</ref>, ces cartes cognitives sont composées d’éléments, les régions, reliées ensemble par des relations. Les éléments en question sont des régions, tandis que les relations sont les routes qui relient les régions entre elles. Ces régions sont définies par des frontières, qui peuvent prendre différentes formes : ce peut être des frontières physiques, voire des frontières sans signification.


==Références==
==Références==

Version du 14 avril 2021 à 12:50

La mémoire sémantique peut contenir une grande quantité d'informations, qu'elles soient visuelles, verbales, sémantiques, ou autre. De nombreuses théories existent concernant le stockage des informations en mémoire sémantique. La plupart tombent d’accord sur un point : le cerveau humain classe les informations en concepts abstraits, qu'il s'agisse de catégories ou de concepts plus élaborés. Lorsque notre cerveau perçoit des choses via la vision ou l’ouïe, il organise sa perception en fonction de ces concepts et les utilise pour faire des prédictions, effectuer des inférences, des raisonnements, ou de résoudre des problèmes.

Catégories

Au niveau psychologique, les représentations les plus étudiées sont les catégories, des ensembles d'objets ou d'évènements qui ont des points communs. Chaque catégorie peut se définir de deux façons : soit on liste tous les éléments de la catégorie, soit on précise quels sont les points communs de ses membres. On peut remarquer que la seconde consiste à donner la définition de la catégorie. La première méthode est appelée la méthode par extension et l'autre par compréhension. Comme on va le voir, ces deux méthodes ressemblent fortement aux représentations mentales possibles.

Définitions et règles verbales

Certaines théories stipulent que chaque concept est stocké dans le cerveau par une définition. Celle-ci serait mémorisée sous la forme d'une liste de propriétés et/ou d'informations élémentaires appelées des traits sémantiques. Chacun d'entre eux stocke une information spécifique. Par exemple, l'information "le chat a des poils" est un morceau irréductible d'information comme un autre. De même, le concept canari contiendra des traits sémantiques du genre : "couleur jaune", "peut voler", "oiseau", et ainsi de suite. Une concept est donc une liste des propriétés communes que tous ses exemples respectent. Chaque concept serait mémorisé comme étant une unité, qui serait reliée aux traits sémantiques qui le compose. Cependant, diverses observations semblent remettre en cause cette possibilité, quoique certains concepts puissent utiliser ce genre de modèle mental.

Prototypes

Une observation importante dans la réfutation des seules règles mentales provient des deux psychologues Eleanor Rosch et George Lakoff, ont effectué diverses observations et ont sorti un article nommé "Cognitive Representation of Semantic Categories" (1975). Ces deux psychologues ont demandé à 200 étudiants de noter un ensemble d'objets sur une échelle de 1 à 5. La question déterminant la note était : est-ce que cet objet est un bon exemple de meuble. Et la liste était presque intégralement remplie de meubles. On pourrait croire que la notation des meubles variait suivant l'étudiant, suivant sa culture (les étudiants étaient de diverses nationalités), son environnement socioprofessionnel, etc. Mais en fait, on trouvait très peu de différences : les réponses étaient presque identiques, et étaient peu corrélées avec les diverses variables mentionnées plus haut. Quel que soit l'étudiant, certains objets étaient plus mis en avant et était considérés par tous comme étant plus des meubles que les autres. Cette expérience illustre l'effet de typicalité : certains objets sont considérés comme de meilleurs représentants d'une catégorie.

Exemple de la généralisation du prototype du concept d'arbre.

Cela a fait naître l'idée suivante. Une nouvelle théorie de la catégorisation était née : la théorie cognitive du prototype. D'après cette théorie, les catégories sont représentées par un objet idéal, le prototype, qui définit à quoi doit ressembler un objet de la catégorie. Ce prototype est une sorte de représentant idéal de la catégorie, l'objet parfait. Lorsqu'on veut savoir si un autre objet appartient à cette catégorie, celui-ci est comparé au prototype : plus celui-ci est proche, plus on considérera que l'objet appartient à la catégorie. Cette comparaison peut privilégier certains attributs sur d'autres, ou ne pas mêler d'attributs du tout. Ainsi, une chaise sera un meilleur exemple de meuble qu'un rideau, vu qu'il est plus proche de ce prototype idéal. Une armoire sera assez proche du prototype et sera considérée comme un meuble, mais moins qu'une chaise.

Lors de l'abstraction d'un prototype à partir d'exemples, le cerveau va se baser sur la fréquence des propriétés dans les exemples présentés. Le problème est que le cerveau ne peut pas vraiment faire la différence entre les propriétés qui permettent de classer avec quasi-certitude un objet dans la catégorie, et celles qui viennent d'une simple ressemblance. En effet, deux objets peuvent être très similaires sont pour autant appartenir à la même catégorie. Par exemple, un dauphin ou une baleine ont beau ressembler fortement aux autres poissons, ce sont des mammifères. Le cerveau n'apprend pas à faire la différence entre les propriétés essentielles, partagées par tous les membres de la catégorie et partie prenante de la définition, et les propriétés facultatives qui sont fréquentes chez certains membres de la catégorie, mais pas tous.

Pour donner un exemple, on peut citer l’expérience de Lupyan (2012). Dans celle-ci, il a demandé à un premier groupe de cobaye de dessiner un triangle, tandis qu'un second groupe devait dessiner une figure à trois cotés. Dans le groupe triangle, le dessin du triangle été dessiné avec une base horizontale dans 82% des cas, et était isocèle dans 91% des cas. Mais dans le groupe "trois cotés", ces deux proportions sont de 50% seulement ! De même, les participants ont tendance à surévaluer l'inclinaison d'un triangle quand on leur dit qu'il s'agit d'un triangle, comparé à un groupe test dans lequel on dit aux participants que la figure est un polygone à trois cotés.

Exemplaires

Cependant, la représentation mentale des prototypes est assez peu connue. Pour éviter les écueils de la théorie du prototype, certains psychologues ont émis l'idée qu'une catégorie est stockée par extension, c'est à dire sous la forme d'un rassemblement d'exemples. Prenons l'exemple d'un chien. La première fois qu'un enfant voit un chien, le cerveau stocke toutes les informations sur ce chien en mémoire. A chaque fois que cet enfant voit d'autres chiens, il enregistrera encore toutes les informations de ces chiens dans des compartiments séparés en mémoire à long terme. Ces chiens seront associés au mot chien, mais seront stockés indépendamment : ils forment des exemplaires de la catégorie "chien". A chaque fois qu'on veut savoir si un objet appartient à une catégorie, le cerveau va "ouvrir" la catégorie, et vérifier tous les exemplaires. Si il trouve un exemplaire identique à ce qu'il perçoit, alors il reconnait l'objet. Sinon, l'objet n'est pas dans la catégorie.

Dans les faits, cette théorie pose quelques problèmes, mais à quelques confirmations expérimentales. Il semblerait que l'humain utilise à la fois exemplaires et prototypes. Les catégories ayant beaucoup d’éléments utilisent des prototypes, tandis que les catégories utilisant peu d’éléments se contentent d'une liste d’exemplaires. Il semblerait que l'exemplaire soit le mécanisme de catégorisation principal chez les enfants en bas-age, avant d'être supplanté par la catégorisation par prototypes au cours de la croissance.

Représentations multiples

Depuis les années 2000, de nombreuses observations semblent indiquer que ces catégories peuvent s'apprendre par plusieurs mécanismes, localisés dans des régions distinctes du cerveau. Mais cela ne veut pas dire que tous les systèmes d'apprentissage des catégories sont utiles en contexte scolaire. Pour les concepts et catégories, il existerait deux grands mécanismes de catégorisation et d’apprentissage des catégories :

  • un système qui gère des règles verbalisables, des définitions ;
  • un système qui se base sur la similarité avec des exemples connus.

Le premier système, va simplement induire et appliquer des définitions. Apprendre de nouvelles catégories avec ce système demande soit d'induire une règle à partir d'exemples, soit de recevoir une définition claire et précise via un apprentissage déductif. Le second système va mémoriser des exemples et potentiellement utiliser leur similarité pour abstraire une catégorie. Ce calcul de similarité entre deux entités est souvent très rapide et inconscient, contrairement à l'utilisation de définitions et de règles. L'apprentissage de catégories avec ce système se fait par induction à partir d'exemples.

Réseaux et traits sémantiques

La mémoire sémantique n'est pas qu'une simple armoire de concepts accolés les uns sur les autres. Si c'était le cas, se rappeler quelque chose nécessiterait de rechercher le matériel à rappeler dans toute la mémoire sémantique : cette recherche serait vraiment longue et inefficace. Or, se rappeler de quelque chose n'est pas si difficile. Les modèles actuels de la mémoire sémantique résolvent ce problème en supposant que la mémoire est structurée de manière à faciliter le rappel. Les concepts sont non seulement reliés à leurs propriétés, mais aussi aux autres concepts. La mémoire à long-terme est (au moins en partie) intégralement constituée d'un réseau de connaissances, reliées entre elles par des relations. Par exemple, un mot est associé au concept qui porte ce nom, plusieurs idées sont reliées entre elles par un lien logique, etc. L'ensemble de nos connaissances est mémorisé dans un gigantesque réseau de concepts, réseau qui mémorise le sens des choses, les liens entre concepts.

Relations taxonomiques

La recherche sur la mémoire dite sémantique a longtemps mis l'accent sur une forme d'organisation bien précise : les classifications. Les concepts seraient ainsi classés dans des hiérarchies de catégories, spécifiques à un domaine ou une discipline. On peut voir le tout comme un système de poupées russes : les catégories plus spécifiques sont incluses, emboîtées dans les catégories plus générales du niveau supérieur de la hiérarchie. Les concepts les plus concrets sont situés près de la base de la hiérarchie et les plus abstraits en haut. On peut préciser que les exemples sont intégrés dans ces hiérarchies : ils sont situés tout en bas et sont vus comme des catégories très spécialisées. Une telle hiérarchie est appelée une structure cognitive. Elle relie des concepts en faisant appel à trois types différents de relations taxonomiques :

  • les hyperonymies vont relier les catégories à des catégories plus générales, qui englobent la catégorie de base : le concept « Cocker » sera relié au concept « Chien », le concept « Chat » sera relié au concept « Animal », etc ;
  • les hyponymies vont relier chaque catégorie à ses catégories dérivées, les catégories plus concrètes qu'on obtient en spécialisant la catégorie avec l'ajout de propriétés : la catégorie « félins » sera reliée aux concepts de « chat », « tigre », « lion », « panthère », etc ;
  • les relations structurales, qui relient les catégories et exemples à leurs propriétés : c'est grâce à ces relations qu'on sait qu'un oiseau peut voler, qu'un canari est jaune, et ainsi de suite.

Un des premiers modèles de la mémoire sémantique, le modèle de Collins et Quillian se basait exclusivement sur de telles structures cognitives. Celui-ci dit que les propriétés peuvent être communes. Par exemple, les concepts « oiseau » et « canari » partagent les propriétés suivantes : les deux peuvent voler, ont des plumes, des ailes, etc. Cela vient du fait qu'un canari est un oiseau, et qu'il hérite donc des propriétés communes à tous les oiseaux : toute sous-catégorie hérite des propriétés des catégories plus générales auxquelles elle est reliée. Le modèle gère ces propriétés héritées en ajoutant une hypothèse : l'économie cognitive. Cette hypothèse dit que seules les propriétés spécifiques à un concept sont reliées à celui-ci : les propriétés héritées d'un concept plus générales sont reliées uniquement au concept le plus général, mais pas aux autres concepts. Par exemple, les propriétés « peut voler », « a des ailes », « a des plumes » seront reliées au concept « oiseau », mais pas au concept « canari ». Ce mécanisme évite les duplications inutiles de propriétés.

Organisation des classifications en mémoire.

Cette théorie explique certaines observations dans le cadre des expériences de décision lexicale. Le principe de ces expériences est simple : on donne une phrase à un cobaye, et il doit dire si celle-ci est vraie ou fausse. L'expérimentateur mesure le temps mis par le cobaye pour répondre : plus le temps mis à répondre est long, plus le cerveau a dû parcourir de nœuds dans la mémoire sémantique pour tomber sur le bon. Ces expériences avaient été utilisées pour confirmer le modèle taxonomique de Collins et Quillians. Ces expériences avaient montré que les concepts superordonnés avaient un temps de réponse plus long que les concept sous-ordonnés. Même chose pour l'accès aux propriétés d'un concept : celles stockées dans les concepts superordonnés ont un temps d'accès plus long que celles stockées plus bas dans l'arbre taxonomique.

Mais il ressort aussi que plus un concept est familier, plus on peut vérifier les phrases qui y rapportent rapidement, sans que la position dans la hiérarchie taxonomique n'y change quoique ce soit. Il semblerait que certains exemples soient plus faciles à traiter que les autres, alors que ces concepts sont au même niveau dans la hiérarchie. De plus, lorsqu'on demande à un sujet de donner un exemple d'un concept, c'est ces concepts familiers qui ressortent le plus. Certains exemples seraient ainsi plus représentatifs d'un concept que les autres.

Il est possible de rendre compte de l'effet de typicalité assez facilement dans le modèle de Collins et Quillians. Il suffit d'associer une certaine force aux associations entre concepts. Plus la force d'un lien est importante, plus la traversée du lien sera rapide. Les concepts typiques sont reliés à leur super-ordonnés avec des liens très forts, très rapides. Les concepts moins typiques seraient quant à eux reliés avec des liens moins forts, moins rapides. Cela expliquerait les différences en termes de temps de réaction ou de production.

Relations thématiques

De plus, la hiérarchie taxonomique est violée dans certains cas spécifiques. Par exemple, il est plus lent de vérifier la véracité de la phrase "un chien est un mammifère", que pour la phrase "un chien est un animal", alors que les théories hiérarchiques prédisent l'inverse. De nombreux phénomènes similaires ont été documentés et seraient assez fréquents. Par exemple, le mot "canari" a tendance à évoquer le mot "cage" plus rapidement que le mot "être vivant". Ce qui est difficile à expliquer avec le modèle de Collins et Quillians. Pour rendre compte de ce genre d'observations, on doit postuler que d’autres formes de relations existent. Par exemple, le modèle de Collins et Loftus ajoute des connexions entre catégories du même niveau (qui appartiennent au même concept superordonné), ainsi que des relations entre arbres taxonomiques. De nos jours, ces dernières relations portent sont regroupées, par convention, dans un ensemble extrêmement hétérogène appelé relations thématiques. Ces relations, avec les relations taxonomiques (catégorielles), permettent de former une représentation de situations ou d'évènements. Il peut s'agir de relations de causalité entre évènements, de relations qui permettent de localiser des objets, et bien d'autres encore.

Schémas et scripts

Dans les années 1932, le psychologue Bartellet travaillait sur l'apprentissage de matériel relativement complexe : cartes, schémas, textes, histoires, etc. Ses expériences furent les premières à montrer l'influence de la signification et des connaissances antérieures sur la mémorisation. Son expérience la plus connue porte sur la mémorisation des histoires. Dans celle-ci, il a demandé à des cobayes de lire un texte, qui narrait une légende indienne. Dans cette légende, une bonne partie des détails de l'histoire sont relativement étranges pour un occidental, et sont assez exotiques, pas vraiment familiers. Or, Bartellet a constaté divers phénomènes dans diverses épreuves de rappel et de compréhension du texte. Premièrement, les détails étranges du texte étaient souvent oubliés, alors que les détails cohérents ou culturellement congruents étaient bien mémorisés. Quand ils n'étaient pas oubliés, ces détails étaient rationalisés, et les cobayes étaient certains que leur version, plus « cohérente » culturellement parlant, était celle lue dans le texte. Dans cette expérience, on voit que quelque chose a favorisé la mémorisation des détails familiers, et inhibé les détails bizarres, non-familiers. Tout se passe comme si le cerveau avait tenté d'intégrer les nouvelles informations avec les connaissances antérieures, et avait filtré les informations incohérentes. Des résultats de cette expérience, Bartellet supposa l'existence de structures mnésiques, qu'il appela schémas.

Ces schémas font que l'on retient mieux ce qui est familier, ce qui colle avec nos connaissances antérieures, nos prédictions, notre culture. La morale, c'est que plus de nouvelles informations sont cohérentes avec ce que l'on sait déjà, mieux on les retient, tandis qu'on retient mal ce qui est incohérent avec nos connaissances antérieures (bizarre, étrange, pas naturel, non-intuitif, etc). Mais ces schémas, si utiles pour raisonner et réutiliser les connaissances apprises, peuvent aussi nuire à la mémorisation ou la compréhension. Si les nouvelles informations ne s'encastrent pas bien dans un schéma, on aura tendance à les tordre pour les faire rentrer, en oubliant certains détails, en en modifiant d'autres, etc. Par exemple, confiez une liste de symptômes à apprendre à un médecin. Débrouillez-vous pour que cette liste de symptômes ne corresponde à aucune maladie connue. En même temps, faites en sorte qu'en enlevant deux symptômes, la liste corresponde à une maladie connue du médecin. Quelques semaines plus tard, le médecin se rappellera uniquement des symptômes de la maladie courante, pas des deux autres.

Les théories actuelles sur les schémas sont multiples, et diverses représentations de ces schémas sont possibles en mémoire sémantique. Dans tous les cas, ces schémas sont constitués d’éléments, reliés entre eux par des relations plus ou moins logiques. Mais leur organisation varie suivant que ces schémas représentent des objets, des systèmes, ou des événements.

Frames

Les schémas qui représentent des objets ou des systèmes sont ce qu'on appelle des frames. Il s'agit d'ensembles de cases, chaque case représentant un élément de l'objet ou du système. Fait intéressant, ces cases peuvent contenir des schémas. Par exemple, pour un objet ou système peut être composé de sous-objets assemblés ensemble. Dans la plupart des schémas, chaque part de l'objet modélisé dans le schéma correspondra à une case du schéma : chaque case contiendra un schéma du sous-objet associé. En somme, un schéma a une organisation plus ou moins hiérarchique, qui correspond plus ou moins à la structure du concept mémorisé.

Ensuite, les relations entre les cases font partie du schéma : celui-ci encapsule les relations entre les différentes cases, ce qui permet de concevoir celui-ci comme un tout logique. Ces relations, encapsulées dans le schéma, peuvent permettre de faire des inférences et des déductions. Il arrive que de tels schémas soient utilisés dans les tâches de raisonnement : ces schémas ont alors la capacité de simuler le fonctionnement de l'objet ou du système considéré. Ces simulateurs mentaux sont appelés des modèles mentaux.

Certaines de ces cases sont obligatoires, et servent à stocker les invariants communs à toute une classe de phénomènes, d'objets, ou de concepts. Les autres cases sont des détails, des informations facultatives et contextuelles, qui peuvent varier suivant la situation.

Fait intéressant, les cases vides peuvent être remplies avec des informations par défaut, si jamais aucune information contextuelle ne peut les remplir. Ce mécanisme permet d'inférer, de faire des déductions qui vont permettre de remplir les vides, de délier les non-dits de certaines situations. La meilleure des preuves, c'est que l'on peut se rappeler de choses qui n'étaient pas dans le matériel appris à l'origine : si on rattache une situation à un schéma, ces cases remplies par défaut peuvent ressortir lors d'un rappel ultérieur du matériel original.

Scripts

Il existe une autre forme de schéma mental, dédiée aux événements : les schémas d'action, ou scripts. Ces scripts sont des schémas composés d'une séquence d'étapes organisées dans un certain ordre. Ils permettent de mémoriser comment effectuer quelque chose. Par exemple, un étudiant en mathématique aura un script qui mémorise la suite d'opérations à effectuer pour résoudre une équation du second degré : d'abord calculer le déterminant, regarder son signe, récupérer la formule adéquate en mémoire, puis l'appliquer. Dans cet exemple, on remarque qu'il s'agit d'étapes relativement abstraites : cela se généralise à beaucoup de scripts.

Autres formes de connaissances

Auparavant, nous avons surtout étudié la représentation des concepts et connaissances. Mais la mémoire déclarative peut mémoriser d'autres formes d'informations. Ainsi, certains chercheurs considèrent que ce réseau conceptuel doit être complété par d'autres réseaux complémentaires, qui mémorisent non pas des connaissances, mais des informations sensorielles, visuelles, auditives, etc.

Les mots et informations lexicales

diférence entre signifié et signifiant.

On pourrait penser que les mots et les concepts sont identiques en mémoire sémantique. Cependant, les linguistes ont depuis longtemps établi la différence entre signifiés et signifiants : la signification d'un mot d'un côté et son écriture ou sa prononciation de l'autre. Dit autrement les mots ne sont que des étiquettes qui permettent de référencer un concept, une idée. Ainsi, les scientifiques ont postulé d'existence d'une mémoire spécialisée dans les signifiants : le lexique mental, ou mémoire lexicale. Elle permet de savoir comment prononcer un mot, comment l'écrire, etc. Elle contient aussi les symboles comme les lettres, les syllabes, les sons d'une langue (maternelle ou non), et les chiffres, voire certains nombres. Ce lexique mental serait composé de plusieurs lexiques mentaux spécialisés. On trouverait ainsi :

  • un lexique pour la compréhension orale, qui stocke la prononciation des mots.
  • un lexique pour la lecture, qui stocke la représentation visuelle et/ou orthographique des mots ;
  • un lexique de sortie, qui stocke comment articuler pour prononcer un mot, et éventuellement comment l'écrire ;
  • et la mémoire sémantique, qui stocke le sens des mots, les concepts qui y sont associés.

Diverses observations permettent d'établir une distinction entre une mémoire spécialisée pour les signifiés et les signifiants. Premièrement, les zones du cerveau activées lors de la lecture d'un mot sont différentes de celles activées lors de la lecture de pseudo-mots, des suites de syllabes prononçables mais sans aucun sens. Certaines zones du cerveau sont activées aussi bien avec des mots qu'avec des pseudo-mots, tandis que d'autres ne sont activées que par des mots. Par exemple, la méta-analyse de Binder, Desai, Graves et Connant (2009) montrent que les signifiés seraient localisés et traités dans des zones spécifiques des lobes temporaux, pariétaux et frontaux. De plus, certains troubles du langage impliquent une dégradation de la prononciation ou de la lecture/écoute de mots, sans pour autant que la compréhension soit altérée. On observe ainsi une dissociation entre l'écoute (lexique phonologique), la lecture (lexique orthographique), la prononciation (lexique articulatoire) et la signification (mémoire sémantique).

Les images mentales

La théorie du double-codage stipule que la mémoire contiendrait un réseau verbal, qui mémorise des concepts et des faits, et un réseau visuel, qui mémoriserait des images mentales ou des représentations visuelles. Cette théorie a été inventée pour expliquer les différences de mémorisation entre concepts concrets et abstraits. Expérimentalement, il est observé que les concepts concrets sont plus faciles à retenir que les concepts abstraits. Cela viendrait du fait que les concepts concrets sont généralement visualisables, contrairement aux concepts abstraits. On peut s'imaginer mentalement à quoi ressemble un chat, alors qu'il est plus difficile de donner une représentation des concepts de liberté ou de justice (sauf par métaphore ou analogie). Ainsi, les concepts concrets seraient représentés dans les deux sous-réseaux, tandis que les concepts abstraits le seraient uniquement dans le réseau verbal. La redondance des concepts concrets/imaginables les rendrait plus mémorables.

Les lieux

Les lieux, auraient aussi une représentation spéciale, dédiées. Ceux-ci sont parfois regroupés dans ce qu'on appelle la mémoire topographique. Cette mémoire nous permet de reconnaître les lieux déjà visités, et de savoir où nous sommes. De nombreuses expériences ont étudié cette forme de mémoire, essentiellement chez les animaux. Elles ont commencé dans les années 1930, grâce aux travaux de Tolman. Ceux-ci portaient sur des rats, qui devaient s'orienter dans des labyrinthes et en trouver la sortie. À l'époque, on croyait que les rats s'orientaient dans les labyrinthes grâce à des séries de conditionnements. Mais cette théorie avait quelques problèmes : les rats apprenaient tout de même relativement vite, plus vite que ce que l'on pouvait attendre de conditionnements. De plus, certaines observations posaient problèmes.

Si on apprend à un rat à trouver la sortie d'un labyrinthe, celui-ci peut prendre jusqu'à une bonne dizaine ou centaine d'essais avant de trouver la sortie à coup sûr. Maintenant, si on entraine un rat dans un labyrinthe, et que l'on bloque un passage stratégique dans le labyrinthe, le rat est censé devoir réapprendre de zéro, et retrouver son chemin à partir de rien. Or, une fois mis dans cette situation, les rats mettent très peu de temps pour retrouver la sortie, et certains la trouvent directement du premier coup. Tout se passe comme s'ils savaient s'orienter dans le labyrinthe, et qu'ils cherchaient simplement une voie alternative à partir de leur position et de ce qu'ils ont mémorisé du labyrinthe. Tolman supposa que les rats avaient une forme de mémoire topographique, et qu'ils pouvaient utiliser des cartes mentales.

Par la suite, d'autres expériences virent le jour, non pas sur des rats, mais sur des singes. La première de ces expériences utilisa un protocole assez simple. L'expérimentateur promenait un singe sur son dos, dans un enclos assez grand, très grand (quelques kilomètres carrés). L'expérimentateur faisait beaucoup de détours, tournait en rond, et faisait en sorte d'avoir un trajet le plus chaotique possible. Lors du trajet, l'expérimentateur cachait de la nourriture à un endroit bien précis, et faisait en sorte que le singe le voit cacher la nourriture. Ensuite, l'expérimentateur continuait sa promenade avec le singe sur les épaules. Par la suite, il relâchait le singe à un endroit très éloigné de la cachette de la nourriture. Là, d'autres expérimentateurs regardaient, avec des systèmes de caméras, quel était le trajet du singe. Évidemment, celui-ci se précipitait sur la nourriture, comme un gros goinfre. Mais chose surprenante, le singe ne refaisait pas le trajet de l'expérimentateur à l'envers : il prenait directement le chemin le plus court ! En clair : il avait mémorisé l'organisation de l'enclos lors de sa promenade et avait fabriqué une représentation suffisante pour lui permettre de s'orienter et de déterminer le chemin le plus court. Conclusion : les singes aussi ont une mémoire topographique.

Ces expériences ont mené les psychologues à créer le concept de carte cognitive : il s'agit d'une représentation mentale d'un ou de plusieurs lieux, qui permet de s'orienter et de se localiser dans l'espace. Pour résumer, ces cartes cognitives sont des schémas de lieux, dans le sens : schémas en mémoire à long terme comme on l'a vu il y a quelques chapitres). D'après les théories sur le sujet[1], ces cartes cognitives sont composées d’éléments, les régions, reliées ensemble par des relations. Les éléments en question sont des régions, tandis que les relations sont les routes qui relient les régions entre elles. Ces régions sont définies par des frontières, qui peuvent prendre différentes formes : ce peut être des frontières physiques, voire des frontières sans signification.

Références

  1. McNamara, Hardy and Hirtle (1989)