Grec ancien/Histoire de l'alphabet
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L'alphabet grec est, historiquement, le premier alphabet utilisé pour écrire une langue indo-européenne. Ce n'est pas une création ex nihilo, car il est en partie dérivé de l'alphabet phénicien. Premier alphabet à noter les voyelles, il a évolué au cours du temps et a donné naissance à de nombreux alphabets ultérieurs.
L'alphabet grec n'est pas le seul système d'écriture utilisé par les Grecs de l'Antiquité ; en effet, plusieurs siècles avant l'adaptation de l'alphabet phénicien, ils empruntèrent le linéaire A aux Minoens, et le modifièrent.
Mythes et légendes grecs sur l'origine de l'alphabet
[modifier | modifier le wikicode]La Grèce antique, dans ses écrits, nous a laissé les témoignages de ses croyances sur l'origine de son écriture.
Homère mentionne une écriture grecque lorsqu'il narre la légende de Bellérophon dans l'Iliade (VI, 168–170) :
Πέμπε δέ μιν Λυκίην δέ, πόρεν δ᾽ ὅ γε σήματα λυγρὰ
γράψας ἐν πίνακι πτυκτῷ θυμοφθόρα πολλά,
δεῖξαι δ᾽ ἠνώγειν ᾧ πενθερῷ ὄφρ᾽ ἀπόλοιτο.
« Mais [Prœtos] envoya Bellérophon en Lycie, en lui remettant des signes funestes. Sur des tablettes repliées il avait tracé maint trait meurtrier ; il lui donna l’ordre de les montrer à son beau-père, afin qu’ils fussent sa mort. » (trad. Paul Mazon)
Hécatée de Milet, un chroniqueur du milieu du VIe siècle av. J.-C., attribue l'invention de l'écriture grecque à Danaos.
Hérodote, à la fin du Ve siècle, affirme que l'écriture grecque fut adaptée des Phéniciens. Il affirmait que cet emprunt s'était réalisé par l'entremise d'une colonie phénicienne qui s'installa en Béotie. Les Grecs utilisaient le terme « φοινικικά » (les choses phéniciennes), pour désigner leur alphabet.
Origine
[modifier | modifier le wikicode]La recherche historique confirme la thèse de l'origine phénicienne de l'alphabet grec, même si l'hypothèse d'une colonie phénicienne en Grèce est rejetée.
Bien que remaniées dans la forme, les Grecs ont conservé les mots désignant les lettres phéniciennes. Ainsi, le 𐤀 phénicien, représentant un bœuf, était nommé « aleph » par ceux-ci. Le Α grec, bien qu'ayant varié dans sa transcription, est appelé « alpha » ce qui indique son origine, « alpha » ne signifiant rien de particulier en grec. La plupart des noms de lettres grecques peuvent être expliqués d'une manière similaire. La perte du sens du nom accentua d'ailleurs la modification du mot lui-même.
Un autre indice est l'ordre des lettres qui fut conservé entre l'alphabet phénicien et l'alphabet grec.
Les différents dialectes grecs utilisaient moins de consonnes que le phénicien ; par contre, la transcription des voyelles était une nécessité pour écrire efficacement les langues indo-européennes. Aussi, les Grecs modifièrent la signification phonétique de certaines lettres. Ils ajoutèrent également « υ », « φ », « χ », « ψ » et « ω » après le « τ ».
Les alphabets archaïques utilisés en Grèce présentaient des variantes, d'autant plus que le sens d'écriture n'était pas fixé (de droite à gauche, de gauche à droite et parfois même de gauche à droite sur une ligne et de droite à gauche sur la ligne suivante) ; néanmoins, certains traits communs (la même erreur de nommage de certaines de lettres par rapport au terme originel par exemple) indiquent que l'importation dans le monde grec a été un phénomène unique. Par l'étude des alphabets locaux, il est possible d'émettre des hypothèses sur l'endroit où cet échange culturel a eu lieu.
Ces alphabets locaux peuvent être divisés en deux groupes, souvent nommés « bleu » et « rouge ». Dans ces deux groupes, les lettres utilisées pour transcrire les sons [ps], [kʰ] et [ks] sont différentes. Dans les alphabets bleus, [ks] est transcrit par « ξ », [kʰ] par « χ » et [ps] par « ψ » ; dans les alphabets rouges, [ks] est transcrit par « χ », [kʰ] par « ψ » et [ps] est représenté soit par « φσ », soit par « πσ », en fonction des variantes dialectales.
À l'aide de ces variantes, et de quelques autres, on s'aperçoit que les alphabets archaïques forment des groupes et retracent les routes commerciales de la mer Égée.
De ces études, il ressort que l'emprunt de l'alphabet au phénicien aurait eu lieu au Liban actuel et que, suivant les routes commerciales de l'époque, l'alphabet s'est répandu à travers le monde grec, en commençant par Eubée et Athènes.
Évolutions à l'époque classique
[modifier | modifier le wikicode]Parmi les alphabets archaïques, c'est la variante ionienne qui s'imposa au monde grec. C'est en −403 que son usage devint obligatoire à Athènes pour tout document officiel. À cette époque, l'alphabet ionien avait déjà évolué et utilisait des lettres différentes pour transcrire les [e] et [o] longs et brefs. L'alphabet ionien continua à évoluer par la suite, devenant entre autres bicaméral. Bien qu'il fut devenu d'un usage universel dans le monde hellénistique, de légères variantes graphiques subsistèrent durant toute l'Antiquité.
Alphabets dérivés de l'alphabet grec
[modifier | modifier le wikicode]- L'alphabet étrusque, utilisé dès le VIIe siècle av. J.-C., qui donnera plus tard naissance à l'alphabet latin, est dérivé de l'alphabet grec, via les colonies de la Grande Grèce. Il convient de remarquer que l'alphabet utilisé dans ces colonies n'était pas l'alphabet ionien, mais l'alphabet utilisé à Eubée. Ainsi l'écriture étrusque dérive non de l'alphabet grec moderne, mais d'une version archaïque dudit alphabet.
- L'alphabet gotique, inventé par l'évêque Wulfila, est une adaptation partielle de l'alphabet grec dans sa graphie onciale.
- Les Coptes d'Égypte se sont servis de l'alphabet grec, auquel ils ont ajouté des lettres adaptées du démotique, pour écrire leur langue : c'est ainsi qu'est né l'alphabet copte.
- Au IXe siècle, les moines Cyrille et Méthode adaptèrent l'alphabet grec (toujours dans sa graphie onciale) pour transcrire le vieux slave, créant ainsi l'alphabet glagolitique, ancêtre de l'alphabet cyrillique.