États généraux du multilinguisme dans les outre-mer/Thématiques/Le plurilinguisme, une ressource à exploiter
Présentation générale
[modifier | modifier le wikicode]Le plurilinguisme constitue une ressource dans laquelle les locuteurs puisent au quotidien pour favoriser les interactions dans des domaines aussi variés que les échanges culturels, les transactions commerciales, les apprentissages, l'amélioration des conditions d'accueil dans les services publics, la communication en milieu professionnel… Cette richesse est cependant trop peu valorisée et prise en compte par les institutions, pour devenir le pivot d'un « mieux vivre ensemble ». Il s'agira donc, sur la base des observations produites par des chercheurs sur les effets positifs du plurilinguisme, de proposer des outils concrets pour l'action publique, en faveur de la prise en compte de la diversité.
- Propos introductif : Sophie Alby (IUFM Guyane)
- Modérateur : Xavier North (Délégation générale à la langue française et aux langues de France)
- Rapporteur général : Robby Judes ( Commissariat de l'année des outre-mer)
Transcriptions de la table-ronde
[modifier | modifier le wikicode]Cette dernière thématique plus transversale a été abordée en table ronde plénière et suivie d'une discussion entre les participants présents dont on retrouve la transcription ci-après.
- Sophie Alby : On m’a demandé d’introduire le thème « le plurilinguisme comme ressource », mais finalement, ce n’est pas une introduction, puisqu’il a été un transversal dans tous les ateliers et dans les différentes plénières, je donc vais rebondir sur certaines des choses qui ont été dites dans ces différentes séances.
Avant d’évoquer la notion de plurilinguisme comme "ressource" je voudrais revenir sur le plurilinguisme perçu comme un handicap, cela a été dit à plusieurs reprises, notamment dans les plénières. Le plurilinguisme a été et continue, aujourd’hui encore, d’être considéré comme une difficulté, un obstacle, voire un handicap et je prends pour exemple certains propos qui ont été tenus : « Le plurilinguisme est perçu comme une voie sans issue au lieu d’une ouverture, le fait de parler sa langue freinerait, empêcherait l’acquisition du français, il ne faut pas parler votre langue parce que vous allez continuer à être bête à l’école ».
Ce sont des propos qui ont été tenus et qui continuent d’être tenus. Ces représentations négatives continuent d’influencer les pratiques à l’heure actuelle. Lors d'un entretien avec une enseignante qui ne date pas de très longtemps, c’était en 2011, cette personne m'a dit qu’elle punissait les élèves car elle leur interdisait de parler leur langue dans la classe. La punition consiste souvent à leur faire recopier un texte en français. Ces pratiques sont certes beaucoup moins fréquentes qu’avant, existent encore et il reste un travail à faire dans ce domaine.
Pourtant, dans les contextes en outre-mer, le plurilinguisme est un fait avéré, il a toujours été constitutif des pratiques. Cela a aussi été entendu de nombreuses fois dans les états généraux. Par exemple, les locuteurs savaient créer des passerelles d’intercompréhension pour communiquer entre eux quelle que soit leur langue première. Les langues sont donc des ressources au quotidien, en outre-mer, dans différents domaines. En voici quelques exemples :
- le domaine de la santé :
Les langues sont des ressources pour produire de l’information et communiquer. Les campagnes d’affichage pour la prévention contre le SIDA, à l’écrit : des modes d’emploi pour les préservatifs en Guyane dans vingt-six langues ; à l’oral : des annonces radio en cinq langues également pour la prévention.
Les langues peuvent être aussi des ressources pour aider à comprendre.
- l’enseignement :
Avec des enseignants qui vont parfois utiliser les langues des élèves pour les aider à comprendre les consignes qui sont données, ou qui vont s’appuyer sur un agent territorial spécialisé des écoles maternelles (ATSEM), ou qui vont demander à des élèves de traduire et dans l’exemple que vous avez ici : l’enseignant essaie d’expliquer ce qui se passe en arrière, au rugby, à des élèves, à Apatou en Guyane, il a un peu de mal à leur faire comprendre le principe et il va demander à un élève de traduire pour lui, donc il va exploiter cette ressource dans la classe. Les langues peuvent être aussi des ressources pour mieux réussir à l’école. Je pense au dispositif des intervenants en langue maternelle. Ça peut aussi être des ressources pour développer des compétences bilingues, comme dans le cas des classes bilingues.
- L'apprentissage :
Une étude a été réalisée à Sinnamary en Guyane et les résultats ont montré que les groupes d’élèves qui étaient les plus plurilingues et qui osaient exploiter leur plurilinguisme, réussissaient mieux les tâches scolaires qui leur étaient demandées. Ce cas se situe dans le cadre des mathématiques et on voit que les enfants parlant en créole donnent des exemples en créole sur l’activité mathématiques. On a aussi eu des exemples en éducation physique et sportive, en grammaire en français où les enfants qui travaillaient sur la notion de l’adjectif allaient chercher dans leurs propres compétences et dans leur propre langue, des exemples qui leur permettaient de mieux aller vers le français et la grammaire du français ou vers le langage en général.
On a vu ce matin que les langues peuvent aussi être des ressources pour créer, on en a eu de très beaux témoignages. Toutes ces illustrations montrent que les langues sont utilisées comme ressource par les acteurs de la vie sociale, même si on peut dire que les efforts réalisés sont timides. Pour des raisons de moyens, c’est vrai, mais pas uniquement. Les représentations négatives sur le plurilinguisme constituent aussi des obstacles et il reste donc encore beaucoup à faire dans ce domaine.
Derrière les langues, il y a des locuteurs et il y a des répertoires plurilingues. Donc derrière les pratiques que j’ai présentées, derrière les actions, il y a des locuteurs qui ont la caractéristique d’être bilingues ou plurilingues, ce qui signifie que ce sont des individus qui possèdent comme richesse à leur disposition, un répertoire de langues, des façons de conceptualiser le monde, des variétés dont ils peuvent user en fonction des contextes et qui leur permettent de créer des liens, de construire des passerelles entre des univers différents qu’ils soient culturels, techniques, scientifiques, conceptuels, linguistiques. Et, malheureusement, les compétences plurilingues de ces personnes ne sont pas suffisamment valorisées ni même bien exploitées.
Je vais terminer avec non pas des propositions mais des pistes à explorer, justement, pour aller vers une perspective plurilingue et multilingue en abordant quelques thèmes qui me paraissent importants, qui ont d’ailleurs été évoqués dans pendant ces états généraux.
- La traduction :
Il y a une demande dans ce domaine. On a besoin de traduire si on veut informer sur la santé, on a besoin de traduire pour informer dans n’importe quel domaine. Donc il y a une demande de traduction qui existe, mais on peut se demander s’il y a suffisamment de formation aux métiers de la traduction dans les langues minoritaires et on pourrait peut-être envisager d’ouvrir des parcours dans ces domaines-là. Souvent, en tout cas de l’expérience que j’en ai en Guyane, des locuteurs sont sollicités pour faire des traductions, pour des services de l’État par exemple, mais sans rémunération. En quelque sorte, il travaille pour la communauté. À ma connaissance, un traducteur en anglais, en espagnol ou dans n’importe quelle autre langue, est payé pour le faire, c’est un métier, donc je pense qu’il faudrait envisager des choses dans ce domaine.
- La médiation :
Il y a un grand nombre d'actions qui sont menées dans ce domaine, beaucoup d’initiatives, mais encore une fois, on pourrait peut-être aller un peu plus loin et intégrer de manière plus organisée dans la formation aux métiers de la médiation la dimension plurilingue, mais faisons attention car il faut avoir, dans ce domaine, une réflexion sur la manière dont le fait d’avoir des médiateurs peut influencer les rôles des participants dans les interactions. Je pense notamment aux relations de pouvoir et de savoir. Je vais vous en donner un exemple dans les interactions hospitalières. Lorsqu’un médecin fait une consultation, c’est lui qui a le savoir, c’est lui qui a le pouvoir et c’est lui qui mène l’interaction. Si on met un médiateur dans cette situation-là, le médiateur est détenteur d’un savoir que le médecin n’a plus. Ça peut poser des problèmes, ça peut créer des tensions. Ces questions doivent aussi être évoquées dans les formations et elles doivent être évoquées si on met en place des médiateurs dans quelque domaine que ce soit de la vie sociale.
- l’enseignement des langues étrangères :
On pourrait envisager d’avoir une réflexion un peu plus poussée sur l’enseignement des langues étrangères qui soit un enseignement des langues étrangères organisé en fonction des contextes et des enjeux territoriaux, pas uniquement en se basant sur la valeur marchande internationale de certaines langues. Peut-être une carte des langues qui tienne plus compte de l’environnement géographique plus ou moins proche, des enjeux économiques propres au territoire, des relations que les collectivités entretiennent de manière privilégiée avec certains pays de la zone.
- L'éducation :
à l’école, sur des approches qui nous semblent vraiment intéressantes à développer et qui ont été évoquées dans ces états généraux, comme les approches plurielles avec l’éveil aux langues et au langage, l’intercompréhension entre langues voisines, d’abord tout simplement pour que les élèves se sentent mieux dans leur identité plurilingue, parce que c’est un premier pas vers le vivre ensemble et je vais en donner deux petits exemples avec les films. On voit que dans ce premier film ce sont uniquement les langues de la maison qui sont évoquées, mais dans le film suivant, vous allez voir que les enfants peuvent aussi aller un peu plus loin et parler de leur plurilinguisme en général. Il y a la manière dont ils ont appris les langues et comment le plurilinguisme devient une ressource qu’on peut présenter comme quelque chose de positif, même à l’école, ce qui n’est pas toujours le cas. Donc vous avez découvert une nouvelle variété qui s’appelle le paris ! Parce qu’elle a de la famille qui est née à Paris, elle parle le paris ! C’était juste pour montrer un aperçu de ce qu’on faisait en éveil aux langues et au langage, mais cela va beaucoup plus loin. Il y a de nombreuses expériences qui ont été menées dans de nombreux endroits là-dessus, mais on travaille aussi en éveil aux langues et au langage pour apprendre à apprendre les langues, pour mieux vivre ensemble, et ça c’est important.
Et enfin, je conclurai sur la question de la didactisation des alternances qui est un domaine sur lequel on a aujourd’hui un certain nombre de descriptions. On sait qu’il y a beaucoup d’alternances de langues au quotidien dans les classes et il faudrait peut-être passer le cap et didactiser l’alternance. Je vous remercie.
Débat
[modifier | modifier le wikicode]Merci beaucoup. Nous allons démarrer une discussion à partir des propositions de Sophie. Avez-vous des questions dans la salle ou des choses qui ont fait écho à des propos qui ont été tenus en atelier et sur lesquels vous aimeriez revenir maintenant ?
Sophie Alby : Je vous rappelle que ce ne sont pas des propositions mais des pistes.
Intervention 1 : Ce que je ne comprends pas, c'est que l'on entend que du français alors l’on parle de multilinguisme. Je ne comprends pas. Est-ce qu’il y a un problème du français avec les autres langues ? Vous l’avez évoqué et pourtant, toutes les tendances confondues, la recherche, ceci et cela, et pourtant on est toujours dans cette même démarche. Moi, j’aimerais savoir, après cette grande messe qui est très jolie, à quoi cela va aboutir exactement ? Est-ce que c’est une grande messe comme d’habitude ou est-ce que ça va aboutir à quelque chose ? Parce qu'on est habitué, dans les outre-mer, les belles paroles, les beaux écrits, sérieusement, on veut quelque chose de sérieux. Oui c’est ce que je voulais dire. Je sais que certaines personnes vont être frustrées, mais si on parle de multilinguisme, il faut que de l’autre côté, les administrations se mettent au pas des locaux comme ils aiment bien dire. Mais si ils ne se mettent pas au pas on n’est plus dans le multilinguisme même dans le linguisme comme on veut, je connais pas les termes en français, mais vous voyez ce que je veux dire.
Sophie Alby : Je ne pense pas que cela s’adressait à moi !
Je vais passer le micro à Xavier North et puis il y avait une autre question de Monsieur, là-haut, je viendrai vous donner le micro après la réponse de Xavier North.
Xavier North : Je voudrais répondre à cette interpellation qui me paraît très légitime en effet. Pourquoi une rencontre sur le multilinguisme où on entend que parler français ? J’espère d’ailleurs qu’on n’entendra pas seulement parler français, puisque tout à l’heure, lors de la cérémonie de clôture, nous aurons la chance d’entendre plusieurs langues. Mais je crois qu’il faut assumer aussi une situation qui est la notre, c’est que le français est la langue commune des territoires ultramarins, comme elle est la langue de la République. C’est notre langue partagée. Et je crois que c’est aussi un message très fort que nous faisons passer en choisissant, pour nous exprimer, une langue commune. J’ajoute qu’il y aurait, et chacun le comprend aisément, une petite impossibilité pratique à permettre à cinquante langues, car ce n’est pas moins de cinquante langues qui sont parlées en outre-mer, de s’exprimer dans cette salle. Si l’on devait mettre en place des dispositifs d’interprétation simultanée, ça n’est pas un seul amphithéâtre qu’il faudrait, c’est au moins deux ou trois. Cinquante fois cinquante au minimum, n’est ce pas, pour permettre à toutes les langues d’être traduites en toutes les langues. On voit la difficulté. C’est d’ailleurs la difficulté essentielle d’un monde polyphonique, d’un monde plurilingue. Il y a des circonstances où il faut choisir une langue commune et nous l’assumons entièrement.
Alors quant à la seconde question que vous avez évoquée, est-ce un colloque parmi d’autres ? Est-ce une énième rencontre sur le multilinguisme ? Parce que des colloques sur le multilinguisme, il y en a partout sur la planète. Eh bien, nous avons la présomption, peut-être le fol espoir, en tout cas l’ambition, qu’il n’en soit pas ainsi et que cette rencontre débouche sur des recommandations adressées aux pouvoirs publics, adressées aussi à la société civile, aux citoyens. Certaines de ces propositions, on va le constater tout à l’heure, sont très concrètes, et il nous reviendra de veiller à leur réalisation.
Seefiann Deie : intervention en langue bushinenge
Peut-être qu’il faudrait que je traduise ? Bonsoir, loin de moi de faire une prestation artistique. La première équipe de la première soirée à l’ouverture a fait ce qu’il y a de mieux. Je prends la parole ici en tant que président du conseil des populations amérindiennes et bushinenge qui est une instance consultative mais bien inscrite dans les règles de la République.
Le constat que je fais c’est pourquoi ce rendez-vous, aujourd’hui, avec vous qui venez de tous les horizons des outre-mer ? Ça a été le souhait du gouvernement, mais à la demande suite aux états généraux des guyanais qui ont fait une revendication bien précise les concernant, qui est la prise en compte des langues locales et des spécificités de leur condition de langues des minorités et pas minorités dans le système étatique gouvernemental de la République et de l’Administration. On est bien d’accord. Sinon, pourquoi le kanak sort de la Kanakie, prend l’avion, fait trente heures de vol pour venir ici en Guyane ? Si le discours qu’il peut avoir ici est le même qu’il peut avoir à la Kanakie ? Qu’est-ce qui explique ça ? Eh bien, c’est notre diversité, le fait qu’on puisse prendre des positions, au-delà de l’espace et du temps, et pouvoir les déterminer ensemble et se réunir ici en Guyane, parce que le rendez-vous cette fois-ci était donné en Guyane, et aider la République à construire une nouvelle société française qui n’est pas celle de l’autre mais du notre ensemble. Donc concernant l’organisation, le collègue a commencé en nous disant qu’il ne comprend pas comment l’organisation est faite de manière monolingue, mais c’est normal, c’est parce que notre esprit a été habitué au monolinguisme. Donc ce n’est pas la peine de venir me dire qu’on pouvait s’arranger autrement ou que tout va bien. Non. Parce que justement, cette situation est la résonance de ce qui se fait à tous les niveaux de la stratification administrative de la République française. Est-ce que c’est clair ? Et nous, petites gens au village que je représente, on en pâtit. Parce que ça fait un discours unique, à sens unique et un discours biaisé et toutes les dimensions linguistiques que l’on peut avoir et pouvoir s’exprimer en fonction de notre quotidien pour décrire nos quotidiens, on ne peut pas le retrouver entre les deux pages d’une loi de la République. Donc voilà notre situation. Je pense qu’il est important, parce qu’on attend tous le discours et les annonces de Monsieur Mitterrand, notre ministre à tous, ministre de la république, je pense qu’il est important que, chacun dans son terroir, puisse valoriser ses langues, valoriser ses positions, continuer chacun dans sa famille à parler toutes ses langues et seulement comme ça qu’on va s’en sortir. Il est important, pour nous guyanais en tout cas, que les demandes que nous avons faites pendant les états généraux soient respectées. Notamment la mise en place d’une structure permettant la prise en compte du multilinguisme en Guyane. Alors pourquoi ne pas matérialiser en Guyane ce pôle d’excellence linguistique qu’on demande ? On ne l’a pas demandé avec des lettres mortes, on l’a demandé, il faut que ça soit ici. Il faut qu’on l’ait, comme on a cette université qui est en train de se mettre en place, on a d’autres besoins et ce sont les français de Guyane comme d’outre-mer qui ont besoin d’éléments, d’outils, de choses concrètes, ici, en Guyane. Donc voilà ce que je voulais vous dire dans un premier mot. Et arrêtons d’être dans des états généraux où tout est correct. Rien n’est correct justement, c’est pour ça qu’on se réunit. C’est pour ça qu’on passe autant d’heures dans l’avion. Parce que sinon vous restez chez vous, chacun dans son île, et tout va bien. Mais si on est là, c’est parce que les choses ne vont pas bien. Et il faut savoir le dire, chacun dans sa langue. Voilà ce que je voulais vous dire et j’espère qu’il y aura des gens qui vont pouvoir écrire ça correctement et rapporter ça à tous les niveaux de nos administrations. Merci.
Jocelyn Thérèse : Bonsoir Mesdames et Messieurs. Je remercie Sophie de la présentation. Je suis le premier vice président du conseil consultatif des populations amérindiennes et bushinenge. Le président vient de parler et je voudrais compléter ce qu’il a dit. Dans ces états généraux, nous voudrions que la France lève ses réserves, sur la convention sur les droits de l’enfant et sur l’article qui précise que les langues autochtones, les langues des enfants autochtones ne sont pas prises en compte. Il faudrait donc modifier cette position de la France vis à vis de cette convention. Et que la France applique la totalité des articles de cette convention.
La deuxième convention que d’autres pays ont ratifiée, comme l’Espagne, la Hollande et autres, est la convention 169 de la convention internationale du travail qui est sur la table de l’Union Européenne. Il n’est pas normal que les pays membres de l’Union Européenne qui veulent être les premiers en matière de droits de l’homme, et que certains pays comme la France ne ratifient pas cette convention. Il est souhaitable que la France ratifie cette convention et qu’elle soit applicable en outre-mer, là où il y a des peuples autochtones. Et là on aurait un cadre juridique et on pourrait donc avoir un cadre légal pour travailler sérieusement sur ces questions.
Le troisième élément, c’est la déclaration des droits des peuples autochtones des Nations Unies qui a été ratifiée par la France. Il faudrait que l'on puisse sérieusement voir comment on applique ces articles justement consacrés à l’éducation, à l’identité et aux institutions scolaires qui sont contenues dans cette déclaration et que nous allions vers un enseignement, vers une éducation, vers la paix et non pas vers un enseignement et une éducation vers les conflits. Nous souhaitons, en Guyane, que nos enfants apprennent à avoir une éducation pour vivre dans la paix. Donc nous sommes aujourd’hui dans un pays où tout semble être en harmonie, mais où, à tout moment, tout peut déraper et justement, ces questions de discrimination, ces questions de la non prise en compte de notre identité et de nos langues sont un problème et ça peut exploser.
Nous ne voulons pas arriver à cette limite. Je crois qu’il est encore temps qu’on puisse s’asseoir et dialoguer sérieusement pour mettre en place les moyens et les profils des institutions que nous souhaitons ici. Voilà ce que je voulais dire.
D’autre part, nous, nos langues, les wayanas, tekos, lokonos et les six langues autochtones en Guyane font partie des 390 autres langues menacées de disparition dans les 50 ans à venir et qui sont basées en Amazonie. Je crois donc qu’il y a un volet des outre-mer, il y a aussi un volet amazonien qu’il faut ouvrir, et en ce sens, nous prenons l’initiative, dès l’année prochaine, avec l’UNICEF, d’organiser avec nos organisations amazoniennes, un séminaire important, international, et nous souhaitons que la direction des langues françaises soit aussi notre partenaire si elle veut continuer à travailler sérieusement dans cette orientation. Voilà.
Merci. Je vous propose qu’on prenne encore deux interventions, puis qu’ensuite on donne la parole au modérateur pour pouvoir continuer la discussion sur la base de ce qui s’est dit dans les ateliers.
Intervention 4 : Moi je ne ferai pas de guerre. On est en société et comme dit le collègue Jocelyn, il ne faut pas que lorsque les autochtones, c’est-à-dire les personnes qui viennent des outre-mer disent quelque chose, on passe un peu le cap. Il faut que ça soit dans le texte. Ce que vous allez rédiger, ce que Seefian Deie a dit, il faut qu’il soit dedans, ce que j’ai dit aussi et ce que Jocelyn a dit il faut que ce soit dedans. Parce que l'on sait comment ça se passe. C’est-à-dire que le français il faut savoir bien le lire et il faut le mettre parce qu’on nous a tellement eu avec ces genres de choses. Sérieusement, je veux que ce soit quelque chose en paix, pas en conflit comme a dit le camarade.
Je pense que Xavier North vous l’a dit tout à l’heure, mais les séances plénières sont filmées comme vous voyez et enregistrées, ce qui nous permettra de rédiger des actes les plus complets et, à l’issue des états généraux, nous collecterons l’ensemble des notes, des préparations d’atelier des rapporteurs et des modérateurs afin de rédiger les actes les plus exhaustifs possibles.
Intervention 5 : Monsieur North, je voudrais vous rappeler que nous vous avions déjà dit, quand vous êtes passé à la Réunion, actuellement, après avoir eu un programme académique sur lequel nous avons travaillé pendant un an et demi, deux ans, nous l’avons utilisé même pas deux ans je crois, et c’était un outil produit localement. Et voilà que peu de temps après on nous a proposé d’adosser notre enseignement au cadre européen des langues. Vraiment, je crois que c’est un cadre qui ne nous convient pas. Il me semble que c’est un cadre qui est prévu pour l’enseignement des langues étrangères, à la Réunion en tout cas, pour beaucoup de réunionnais, c’est une langue maternelle et je voudrais que vous nous entendiez concernant ce cadre. Je crois qu’il n’est pas fait pour nous. Merci d’entendre à nouveau.
Xavier North : Je me permets de répondre à cette remarque. J’en avais pris bonne note en passant à la Réunion et je promets d’intervenir sur ce point, j’en ai tout à fait conscience. Le cadre européen de référence pour les langues, comment voudrait-on qu’il s’adapte à l’ensemble des situations linguistiques sur la planète et, notamment, à celle que vous évoquez ? Le créole n’est pas une langue étrangère, c’est une langue de France. Le créole réunionnais est une langue de France. Moi-même, je suis délégué général à la langue française et aux langues de France. Ça n’est pas un vain mot, c’est au cœur de ma mission, donc je me sens un devoir d’intervenir auprès des autorités compétentes, le ministère de l’Éducation nationale, pour favoriser, susciter les évolutions nécessaires de ce cadre afin de faire en sorte que le créole ne soit pas enseigné comme une langue étrangère. Ça n’en est pas une. Je le confirme de la manière la plus nette.
Intervention 6 : J’aimerais juste rajouter quelque chose sur les programmes. Avec les programmes nationaux, on nous a demandé de faire un programme de créole où on avait 4 cases où on devait développer les thèmes selon les pays, les zones créolophones, mais ce serait intéressant qu’on nous entende enfin, qu’on note que ce n’est pas le créole, ce sont les créoles et ce sont des langues qui sont des langues à part entière et chaque créole est une langue. Donc en ce moment, on a l’impression qu’au niveau de l’État, on considère le créole comme un ensemble et donc, quand on se retrouve dans une salle avec les différentes zones justement, on se rend bien compte qu’on n’est pas du tout dans la même langue ni dans la même culture. Ce serait donc quand même intéressant de le noter et de prendre cela en compte pour les programmes.
Xavier North : Je crois que ceci a été dit très nettement lors d’une séance de restitution ou peut-être dans un atelier et on en a pris bonne note, évidemment. Les créoles parlés à la Martinique, à la Guadeloupe, à la Réunion sont des créoles différents, ce sont des langues à part entière, ce ne sont pas différentes formes d’un même créole, c’est parfaitement clair.