Droit constitutionnel/La Constitution

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Notion de constitution[modifier | modifier le wikicode]

La Constitution, selon la théorie de la hiérarchie des normes, est la norme fondamentale d'un système juridique globalement efficace et sanctionné. C'est elle qui détermine la production et la validité des normes inférieures. Toutefois, habituellement pour définir la Constitution on préfère distinguer deux sous-ensembles : la constitution matérielle et la constitution formelle. Cette distinction apparaît selon que l'on parle de l'objet sur lequel se porte l'attention ou de la procédure appliquée pour la création d'une norme.

La constitution matérielle représente la Constitution quant à son objet, à la matière sur laquelle elle porte son attention. Il peut s'agir, par exemple, de l'organisation du pouvoir, des institutions ou du territoire. De manière plus familière, on pourrait définir la Constitution, au sens matériel, comme la norme qui porte sur des aspects essentiels, fondamentaux d'un Etat. Ainsi, lorsque l'on aborde la question de l'unité territoriale d'un État, on touche forcément, en France, à une question constitutionnelle. Oui mais voilà, cette définition est objective or la plupart des constitutions modernes comportent également un catalogue de droits subjectifs. Ce qui induit nécessairement un complément à cette définition des constitutions matérielles afin de la compléter, de la préciser. Ce complément pourrait se faire par l'introduction de la notion de constitution formelle.

La constitution formelle se définit par rapport aux procédures d'élaboration de la norme fondamentale. Ce qui signifie, lorsque l'on peut identifier une procédure spécifique, particulièrement complexe dont le but est de régler la production de normes inférieurements hiérarchiques, on peut supposer que l'on se trouve devant une norme constitutionnelle, donc en présence d'une Constitution. La notion de constitution formelle est là un bon instrument pour identifier une Constitution qui ne porte pas son nom, comme dans le cas de la "Loi fondamentale allemande".

Section I

La Constitution comme norme
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Les définitions traditionnelles de la Constitution[modifier | modifier le wikicode]

Plusieurs conceptions de la Constitution sont possibles. 2 paraissent les plus importantes.

  • conception matérielle : définir la Constitution par son contenu, par les matières sur lesquelles elles portent
  • conception formelle : formes et procédures d’adaptation de la norme fondamentale

Ces 2 concepts sont souvent opposés alors qu’en réalité ils sont complémentaires.

La conception matérielle de la Constitution[modifier | modifier le wikicode]

De manière classique, on définit une constitution par le fait qu’elle fixe les règles principales de gouvernement d’une nation. Cette conception matérielle est celle que l’on retrouve encore au XVII° s, et même au XX° s.

Le doyen HAURIOU a pu définir la Constitution comme l’ensemble des règles politiques régissant le statut du pouvoir dans l’Etat.

G. BURDEAU définissait la Constitution comme l’ensemble des règles juridiques selon lesquelles s’établit, se transmet et s’exerce le pouvoir politique.

Pour le doyen VEDEL, la Constitution est l’ensemble des règles les plus importantes pour l’état, c'est-à-dire celles qui déterminent la forme même de l’état, la forme de son gouvernement.

Un point commun relie ces 3 définitions : la Constitution est essentiellement définie par son objet. Cependant, elles ne rendent plus compte du contenu des constitutions dites « modernes ».

En effet, on trouve aujourd’hui dans une constitution non seulement des règles liées au fonctionnement des pouvoirs publics, mais aussi des règles relatives aux normes, et en particulier – ce qui aujourd’hui a pris une importance considérable – aux normes locales, ainsi que des règles relatives aux droits fondamentaux.

En outre, certaines constitutions contiennent des normes purement programmatiques ou symboliques, ce qui démontre bien qu’à lui seul le critère matériel est suffisant.

Les caractéristiques formelles des constitutions[modifier | modifier le wikicode]

La différence entre constitution écrite et constitution coutumière[modifier | modifier le wikicode]

On parle d’une constitution écrite lorsque les règles fondamentales d’un état sont inscrites dans un document dont la valeur juridique est considérée comme supérieure à celles des autres règles juridiques, applicables dans un état donné.

Ce texte se déclare lui-même comme suprême, peu importe la dénomination du document (constitution, loi fondamentale, charte, déclaration). Ce qui importe, c’est la valeur juridique du texte.

À l’inverse, une constitution coutumière correspond à un ensemble de règles juridiques qui, progressivement, ont été perçues comme supérieures, sans toutefois avoir été écrit dans un document unique (Constitution du Royaume de France).

En Grande-Bretagne, aujourd’hui encore, il existerait une constitution coutumière composée de règles encadrant l’action du parlement. La plus ancienne de ces règles remonte au début du XIII° s, le plus récent est le « Human Rights Act » de 1998 - qui incorpore dans le droit britannique la Convention Européenne des Droits de l’Homme.

2 facteurs influencent le choix entre ces constitutions :

  • le système de droit applicable

En Europe Continentale, le système de droit romano-germanique repose sur une tradition de droit écrit, alors qu’à l’inverse, la Grande-Bretagne est sous une tradition de « Common Law » qui repose essentiellement sur la règle du précédent : c’est le juge qui, au fil des affaires qu’il va connaître, va créer le droit.

  • l’idée de l’origine du droit

Lorsque l’on adopte une constitution écrite, c’est parce que l’on accorde du crédit à l’idée que le droit doit être posé, c'est-à-dire que les règles juridiques dans un état donné constitue du droit positif (droit fait par la volonté des peuples ou de leurs représentants).

Dans cette hypothèse, rédiger une constitution écrite, c’est simplement exprimer au plus haut niveau la volonté du peuple.

À l’inverse, si l’on conçoit le droit comme la projection d’un ordre naturel établi par Dieu, c'est-à-dire émane du droit naturel, alors il n’est pas utile d’adopter une constitution écrite.

Cette division entre constitution écrite et constitution coutumière doit être relativisée. Les constitutions coutumières sont de plus en plus rares, et même l’exemple britannique prête à discussion.

En effet, la Constitution coutumière britannique est plutôt aujourd’hui constituée par un ensemble disparate de règles écrites, la question étant plutôt de savoir s’il ne faudrait pas les codifier, les rassembler. Il s’agit d’ailleurs d’un débat actuel en Grande-Bretagne, ravivé avec la perspective d’une constitution pour l’Europe, mais aujourd’hui abandonnée.

D’autre part, on constate à l’inverse que, même s’agissant des constitutions écrites, on voit apparaître des éléments coutumiers, c'est-à-dire des pratiques constitutionnels qui se répètent et sont perçus comme créant des obligations juridiques.

Un auteur français, P. AVRIL, parle à propos de ces pratiques de « convention de la Constitution » qui sont d’interpréter dans la Constitution, et qui à force de se répéter finissent par être considérées comme de véritables normes juridiques.

Par exemple, en France, il est prévu que le Conseil Constitutionnel contrôle la conformité des lois par-rapport à la Constitution à un moment très précis, juste après le vote de la loi par le Parlement, juste avant sa promulgation par le Président de la République. Si toutefois le Président promulgue la loi très rapidement après son vote par le Parlement, aucun contrôle de constitutionnalité n’est possible.

C’est la raison pour laquelle une pratique constitutionnelle s’est instaurée, qui consiste pour le Président de la République à attendre avant de promulguer la loi, afin de vérifier que celle-ci ne sera pas frappée d’un recours en inconstitutionnalité.

2. La distinction entre constitution rigide et constitution souple

Une Constitution rigide est une constitution dont les modifications sont entourées de conditions spécifiques. Plus précisément, c’est un texte qui ne peut être révisé ou chargé dans les mêmes conditions qu’une loi ordinaire. Bien sûr, cela ne signifie pas qu’une constitution rigide ne peut jamais être modifiée, cela veut dire qu’elle doit se conformer à des mesures particulières.

La Constitution du 4 octobre 1958 est généralement présentée comme une constitution rigide, puisque sa révision suppose une intervention du peuple, par référendum : c’est la procédure normale de révision de la Constitution (définie par l’article 89).

Cette constitution a été originellement adoptée par référendum, et ce que le peuple a fait, le peuple peut le défaire ou le refaire. Cette idée simple s’appelle en droit le principe de parallélisme des formes.

Il existe aussi une procédure abrégée, plus rapide : c’est le recours au Congrès, qui est en droit constitutionnel français une instance particulière. Il s’agit de la réunion des 2 chambres – Assemblée Nationale et Sénat – au fin de réviser la Constitution. Le vote de cette instance s’exerce selon des modalités qui lui sont propres, l’article 89 prévoyant que la révision constitutionnelle n’est définitive que si elle recueille 3/5 des suffrages exprimés au sein du Congrès.

La rigidité de la Constitution est déterminante, parce qu'elle permet de mesurer la différence entre la Constitution et les lois ordinaires. C'est cette différence qui permet de justifier le contrôle de conformité des lois ordinaires par la Constitution ; elle est la raison de sa supériorité.

D'autre part, une constitution souple est un texte qui peut être modifié par un simple vote du Parlement, ce qui implique que la distinction entre loi ordinaire et la Constitution est impossible.

Parmi les exemples de constitution souples, on peur noter la Constitution coutumière britannique, puisque les éléments qui forment la Constitution en Grande-Bretagne n'ont qu'une valeur législative. Il en résulte qu'un simple vote du Parlement britannique peut modifier ces éléments considérés comme constitutionnels.

En toute hypothèse, cette absence de différenciation implique l'impossibilité de contrôler les lois ordinaires par rapport aux règles constitutionnelles.




Section II

La Constitution dans la hiérarchie des normes
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