Les contraintes du milieu spatial/Des contraintes énergétiques

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Les premières contraintes rencontrées sont d'ordre énergétique. Le satellite utilise en effet de l'énergie électrique pour fonctionner : il doit par conséquent en produire, afin que :

  • d'une part les sous-systèmes de plate-forme, chargés des tâches secondaires, puissent maintenir le satellite en état de fonctionnement ;
  • d'autre part les équipements de charge utile puissent fonctionner.

L'Electrical Power Subsystem[modifier | modifier le wikicode]

L'Electrical Power Subsystem (EPS, Système de l'Énergie Électrique) est, au même titre que l'AOCS, un des sous-systèmes du satellite. Il s'occupe de gérer l'énergie à bord.

En général, il représente entre 20 et 40 % de la masse du satellite. Lors de la conception de l'EPS, de nombreux paramètres doivent être pris en compte, comme le type de courant demandé par les clients du BUS (alternatif ou continu), le coût, la fiabilité...

Un tableau récapitulant la consommation électrique de chaque appareil est établi dès le début de la planification de la mission, entre 5 et 10 ans avant la phase opérationnelle : c'est le Power Budget (PB, Budget Énergétique).

La source « traditionnelle » : l'énergie solaire[modifier | modifier le wikicode]

Panneaux solaires fixes
Panneaux solaires en volets directionnels

En général, les satellites utilisent des panneaux solaires pour produire de l'énergie. Ils sont montés de différentes manières sur les satellites : soit fixés directement contre le corps du satellite soit montés comme des volets directionnels à l'extérieur.

Un panneau solaire est constitué de cellules photovoltaïques qui convertissent l'énergie solaire en énergie électrique par l'effet photovoltaïque.

La puissance électrique produite par les panneaux solaires varie en fonction :

  • de l'intensité solaire reçue ;
  • de l'angle d'incidence ;
  • des dégradations des cellules photovoltaïques dues aux radiations ;
  • de l'état des cellules photovoltaïques sous l'effet des gaz des propulseurs.

La quantité d'énergie solaire reçue est notée φ, il s'agit de la constante solaire. C'est la quantité d'énergie solaire reçue par une surface d'un mètre carré à 1 UA qui serait exposée perpendiculairement au Soleil. Elle vaut environ 1370 .

Si l'angle d'incidence θ n'est pas de 0°, la puissance reçue n'est pas de φ watts mais de .

Les panneaux solaires ont une efficacité propre, qui dépend du modèle et de l'état d'usure du panneau. Elle est notée et vaut .

L'intensité et la tension électrique fournie par un panneau solaire dépend de la façon dont les cellules photovoltaïques sont montées. Si elles sont connectées en série, la tension est grande ; si elles sont montées en parallèle, c'est l'intensité qui augmente. Une série de cellule est nommée une chaîne (string). Une série de chaînes est une section.

Chaque cellule est formée à partir de deux couches de silicium. Lorsqu'un photon de lumière arrive sur le panneau, son énergie crée une « rupture » entre un atome de silicium et un électron. Une différence de potentiel est ainsi créée entre les atomes chargés positivement et les électrons chargés négativement. Nous ne détaillerons pas plus le fonctionnement des panneaux solaires, n'étant pas le sujet de notre étude.

Les enjeux du contrôle énergétique[modifier | modifier le wikicode]

La réussite d'une mission dépend de la fiabilité de l'EPS, le succès de la mission reposant en premier sur la fiabilité de l'alimentation électrique. Depuis les années 1960, de nombreux progrès techniques ont permis une fiabilisation et un allègement de l'EPS.

Répartition de la consommation électrique sur Ulysses. On constate que le « TCS » — détaillé au chapitre suivant —, chargé de contrôler la température du satellite, consomme près d'un tiers de l'énergie disponible. COMS : Système de communications. D'après doc. ESA

La quantité d'énergie électrique nécessaire au satellite varie en fonction du type de mission entre 3 400 W pour un satellite d'observation et 2 500 W pour un satellite de télécommunications.

Une tension électrique doit être délivrée continuellement pendant toute la durée de vie de la mission, soit parfois 15 ans. L'EPS doit par conséquent :

  • stocker l'énergie pour le satellite ;
  • contrôler et distribuer la puissance électrique ;
  • faire face aux grandes variations de consommation ;
  • fournir des télémétries à l'ordinateur central par l'OBDH.

Cependant, la puissance reçue par les panneaux solaires décroît rapidement avec la distance, selon . Les sondes spatiales devant mener des missions au fin fond du système solaire (comme les sondes Pioneer ou Voyager de la NASA), ne peuvent donc pas compter uniquement sur le Soleil pour s'alimenter. D'autres moyens de production doivent donc être envisagés.

Les moyens de production d'énergie[modifier | modifier le wikicode]

Le choix de la source d'énergie peut s'avérer difficile, en fonction du coût et du poids attendus. La plupart du temps, une combinaison de différentes sources est utilisée. Ces sources peuvent être externes (comme l'énergie solaire) ou internes (énergie chimique). Les sources externes sont privilégiées, car elles n'augmentent pas la masse du satellite.

Tableau comparatif[modifier | modifier le wikicode]

Comparaison des différentes sources d'énergie.
Paramètre Énergie solaire Radio-isotopes Réacteur nucléaire Pile à combustible
Puissance fournie (kW) 0,2 à 300 0,2 à 10 5 à 300 0,2 à 50
Rentabilité (W/kg de matière) 25 à 200 5 à 20 2 à 40 275
Coût ($/W) 800 à 3000 16K à 200K 400K à 700K N/A
Flexibilité Faible Élevée Élevée Élevée
Dégradation Moyenne Faible Faible Faible
Stockage de l'énergie produite Oui Non Non Non
Dépendance à la quantité embarquée Non (illimité) Faible Faible Moyenne
Orbite Terrestre Interplanétaire Interplanétaire Interplanétaire

Les batteries[modifier | modifier le wikicode]

Dans la majorité des satellites utilisant comme source d'énergie principale l'énergie solaire, des batteries de stockage sont employées pour fournir du courant en continu aux systèmes pendant les périodes d'éclipse, ou lors des pics de consommation.

Une batterie est une chaine de cellules voltaïques. Elles peuvent être rechargeables (batteries secondaires) ou non-rechargeables (on parle de batteries primaires). Ce dernier type de batteries sont rechargées avant le lancement, et ne peuvent fournir de l'énergie que pour une journée, c'est pourquoi elles sont principalement utilisées sur les lanceurs, ou pendant les phases de lancement ; en effet, les panneaux solaires sont alors masqués sous la coiffe de la fusée. Les batteries secondaires sont également rechargées au sol, mais peuvent être rechargées par la suite. Elles sont donc plus lourdes (environ 45 kg).

L'énergie est délivrée par le biais de réactions électrochimiques, c'est-à-dire par transfert de charges composées de un ou plusieurs électrons ; ce sont aussi des réactions d'oxydo-réduction.

Comme pour les panneaux solaires, les batteries peuvent être placées en série ou en parallèle.

Dans la plupart des satellites qui utilise des panneaux solaires, la batterie est la source principale d'énergie électrique continue. Les batteries doivent assurer l'alimentation électrique au satellite pendant les périodes d'éclipse et les cycles de pic de consommation. Les batteries sont à base de NiH. Par le passé, du NiCd — moins efficace — a été utilisé.

À chaque orbite, les batteries effectuent des cycles de charge-décharge. Afin de tenir pendant toute la vie du satellite à ce rythme élevé (plus de 50 000 cycles !), des « lois de contrôle » ont été mises au point, après des tests. Voici une description de ces normes, selon le CNES.

  • contrôle de la quantité d'électricité déchargée par rapport à la capacité nominale de la batterie : la profondeur de décharge ne doit pas dépasser 25 %.
  • contrôle des quantités d'électricité rechargées et déchargées : leur rapport, ou coefficient de recharge, doit être géré tout juste au dessus de 1 ; sa valeur dépend de la température. Le calculateur de bord de SPOT 4 est mis à contribution pour surveiller et maîtriser l'état de charge des batteries.
  • contrôle de la tension de charge de chaque batterie par rapport à un certain seuil (36,5 Volts) qui dépend aussi de la température. Il faut limiter le courant de charge à 12 Ampères maximum. Cette gestion est assurée par un équipement électronique - le régulateur shunt jonction (RSJ) - capable de réguler le courant et la tension de charge tout en assurant l'alimentation correcte du satellite.

— Source : Techniques et technologies des véhicules spatiaux, vol. 1. CNES, 1998.

Les générateurs à radio-isotopes[modifier | modifier le wikicode]

Le RTG de la sonde New Horizons, en cours de montage dans une salle blanche. Le RTG est bien visible, en noir, à l'extérieur de la sonde. Remarquez les nombreux dissipateurs thermiques en forme d'« hélice ».

Les générateurs thermoélectriques à radio-isotopes (RTG) sont des générateurs électriques produisant de l'électricité à partir de la désintégration de différents matériaux riches en radio-isotopes[1], comme du plutonium.

Cette source d'énergie possède l'avantage d'être stable, et de pouvoir fonctionner pendant de nombreuses années sans maintenance particulière.

Un conteneur blindé, rempli de matière radioactive, sert de source de chaleur. Des thermocouples sont placés à l'intérieur ; il s'agit d'un module de deux plaques de métaux différents (généralement un couple silicium-germanium) connectés en circuit fermé ; par effet thermoélectrique, un courant est généré dans la boucle si les jonctions sont à des températures différentes.

Plus la différence de température est grande, plus de l'énergie est produite. C'est pour cette raison qu'une des deux plaquettes est munie d'un dissipateur thermique.

Cependant, ces éléments thermo-électriques sont peu efficaces, ne récupérant que 3 à 7 % de l'énergie produite.

Le radio-isotope embarqué doit avoir une période radioactive[2] courte, afin de produire un maximum d'énergie (un radio-isotope avec une période radioactive très longue, comme l'Uranium, ne se désintègre que très lentement, produisant peu de chaleur). C'est pour cette raison que le dioxyde de plutonium PuO, avec une période de 87,74 années, est très utilisé. De plus, son rayonnement est constitué de particules [3], plus facilement transformées en chaleur que les particules [4] et les rayons [5].

Sur la sonde américaine New Horizons, lancée en 2006 pour l'exploration du système solaire, un RTG a été embarqué ; il peut délivrer 200 W pendant 50 ans.

Cependant, des risques environnementaux, inhérents à la présence de composés radioactifs, ainsi que des coûts de développement élevés, empêchent la généralisation de cette méthode.

Les piles à combustible[modifier | modifier le wikicode]

Les piles à combustible sont rarement utilisées sur les satellites. En revanche, on les rencontre dans les navettes spatiales. La fabrication de l'électricité se fait d'une part avec l'oxydation sur une électrode d'un combustible réducteur (par exemple l'hydrogène) et d'autre part avec la réduction sur une seconde électrode d'un oxydant, comme que l'oxygène de l'air. Les deux électrodes étant couplées, une différence de potentiel se forme.

Facteurs de variation de l'alimentation[modifier | modifier le wikicode]

Dégradation des panneaux solaires[modifier | modifier le wikicode]

Les panneaux solaires se dégradent. Un panneau solaire ne fournira pas la même quantité d'énergie au fil du temps, en raison de la perte d'efficacité des cellules au silicium. Un « facteur de dégradation », noté $\delta$, permet d'évaluer cette dégradation. La quantité d'énergie en moins après un nombre $x$ d'années est donnée par la formule $(1-\delta)^x$ watts.

Hormis cette dégradation d'origine chimique, les panneaux solaires, en raison de leur grande surface, sont fréquemment percutées par des micro-météorites, limitant leur rendement. Enfin, les particules transportées par le vent solaire les « polluent ».

Les éclipses[modifier | modifier le wikicode]

Durant une période d'éclipse, le satellite se trouve dans l'ombre de la Terre ; les panneaux solaires ne peuvent donc plus fournir d'énergie pendant ce temps. La fréquence et la durée des éclipses dépendent de l'orbite du satellite.

Dans le cas de Spot-4 ce sont 35 minutes d'ombre sur 100 minutes de temps de parcours de l'orbite autour de la Terre. Lors de ces 35 minutes à l'ombre, Spot-4 tient toute son énergie de ses batteries car ses panneaux solaires ne lui en fournissent plus.

Dégradation des batteries[modifier | modifier le wikicode]

Les batteries utilisées sur les satellites, comme toutes les batteries utilisées en général, se dégradent. En effet, leur capacité baisse en raison de la fréquence élevée d'utilisation. De plus, les cellules qui composent la batterie s'oxydent, en raison d'une perte d'électrons.

L'usure des batteries dépend principalement du modèle utilisé et de l'orbite. Ainsi, une batterie très sollicitée embarquée sur un satellite soumis à beaucoup d'éclipses aura une durée de vie plus faible qu'une batterie peu utilisée. Cette usure est évaluée au sol par des ingénieurs spécialisés.

Dégradation des générateurs à radio-isotopes[modifier | modifier le wikicode]

Évolution de la puissance électrique délivrée par deux radio-isotopes différents en fonction du temps. On observe une grande stabilité de la puissance fournie par le PuO. Source des données : NASA

Lorsque le radio-isotope s'est entièrement désintégré, il n'y a plus de réaction, ce qui entraîne une baisse de l'énergie produite.

Notes[modifier | modifier le wikicode]

  1. Un radio-isotope est un atome dont le noyau est instable, à cause d'un « excès » de protons, de neutrons, ou des deux.
  2. Temps nécessaire à la désintégration naturelle de la moitié des atomes du radio-isotope.
  3. Les particules sont formées de deux protons et deux neutrons, à haute énergie.
  4. Les particules sont les électrons, émis lors de réactions nucléaires.
  5. Les rayons sont des rayonnements électro-magnétiques produit lors de la désintégration de certains atomes.