Les transports/Modélisation des transports

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Module 4 : Modélisation des transports

Comment un changement de la limite de vitesse d'une route modifie-t-il le comportement des automobilistes? Est-ce que cela augmente la congestion? Mais en fait, comment définit-on la congestion? Savez-vous par ailleurs qu'une route dite à capacité est en fait, quand on en prend une photo, plutôt vide?

Ce quatrième module sur la modélisation des transports vous permettra justement de répondre à ces questions. Nous allons explorer plusieurs modèles de transport qui vont faire usage de données collectées pour s’assurer qu’ils reproduisent bien les phénomènes observés et les appliquer à la planification et la conception des aménagements de transport. Nous allons présenter et discuter différents modèles de transport, parmi les plus accessibles et les plus importants.

À la fin de ce module, vous serez en mesure d'interpréter et utiliser les modèles présentés pour caractériser la demande de transport et les différents modes.

Caractéristiques des modèles[modifier | modifier le wikicode]

La modélisation est un moyen de représenter la réalité de façon simplifiée et abstraite[1]. Le choix d'un modèle dépend du contexte et des objectifs. Les modèles de transports représentent de façon simple les déplacements et comportements des personnes pour aider à la planification et la prise de décision. Les modèles de transport relèvent de différentes disciplines comme le génie civil, l'urbanisme, l'informatique, la psychologie, l'ergonomie, l'économie, la médecine, etc.

Les différents modèles utilisés en transport ont plusieurs caractéristiques importantes qui définissent une typologie.

  • Quelle est la représentation du temps et de l'espace, l'échelle et l'étendue?
    • Le temps et l'espace peuvent être représentés de façon continue ou discrète : dans une représentation continue, le temps et les positions peuvent prendre n'importe quelle valeur, alors que dans une représentation discrète, ils prennent un nombre fini, ou dénombrable, de valeurs, par exemple des intervalles de temps de durée fixe ou des « cases » dans une grille de l'espace.
    • Le modèle est-il statique ou dynamique, en temps réel ou pas? Les entrées d'un modèle statique ne changent pas pendant l'application du modèle, à la différence d'un modèle dynamique, où par exemple la demande (les débits) varie dans le temps. Quel est l'horizon de prédiction? Une heure, un jour, une semaine, une année?
    • Quelle est l'étendue spatiale du modèle? Est-ce un modèle pour un carrefour, une (section de) route, un corridor ou un réseau?
  • Quelle est l'échelle du modèle en terme des agents (véhicules, personnes)? Nous avons déjà vu que les représentations des transports peuvent être microscopiques ou macroscopiques (dans le second module). Il existe un niveau intermédiaire qualifié de mésoscopique.
  • Les processus sont-ils déterministes ou aléatoires/stochastiques? Le modèle donne-t-il une solution exacte ou nécessite-t-il des simulations pour donner une solution? Le modèle atteint-il un équilibre?
Traffic simulation types
Types de modèles de la circulation (en anglais).

Prenons l'exemple de la vitesse de marche des piétons, lors de la traversée d'une rue. Il y a une variabilité naturelle dans la population (et pour un même individu selon sa fatigue ou le motif de son déplacement par exemple). Un modèle déterministe considérera une valeur moyenne pour tous les piétons, alors qu'un modèle stochastique prendra en compte la variabilité en utilisant un échantillon tiré de la distribution des vitesses observées dans la population. Dans ce cas, il faut effectuer plusieurs simulations (réplications) du modèle avec des tirages indépendants d'échantillons.

Il y a nécessairement un compromis entre d'une part les objectifs, et d'autre part le contexte du modèle et les ressources nécessaires (temps, argent, données, puissance de calcul informatique) pour le créer et l'utiliser.

Les modèles de demande, permettant par exemple de prédire la demande de transport pour une région donnée, sont abordés dans un module sur la planification des transports (à venir). La figure ci-contre récapitule de nombreux modèles de circulation selon les caractéristiques présentées.

Les facteurs humains[modifier | modifier le wikicode]

Caractéristiques des usagères et usagers[modifier | modifier le wikicode]

Il est impossible d'entreprendre une étude approfondie des transports sans se préoccuper des facteurs humains, c'est-à-dire des caractéristiques des usagères et usagers des transports, en tant que conductrice, conducteur, passagère ou passager de véhicules, piétonne et piéton. En particulier, conduire un véhicule est une tâche compliquée qui demande des aptitudes particulières, des connaissances diverses et implique l'exécution de manœuvres dont certaines deviennent machinales ou même instinctives avec la pratique.

Les autres composantes des systèmes de transport (infrastructure et véhicules) doivent être conçues de façon sécuritaire pour toutes les personnes, quel que soit l'âge (des enfants aux personnes âgées), la santé et les capacités comme la vitesse de déplacement (marche, avec un véhicule, etc.). Les personnes ont différentes caractéristiques physiques, psychiques et intellectuelles qui jouent un rôle dans leurs déplacements :

  • les aptitudes sensorielles correspondent à la capacité des usagers à percevoir leur environnement grâce à leurs organes sensoriels : la vue est le sens le plus important, car la majeure partie de l'information nécessaire aux déplacements est visuelle;
  • les aptitudes physiques comme la vitesse de marche et le temps de perception et réaction (TPR) : le TPR est la durée entre le début du stimulus, par exemple un animal qui sort du bois en bordure de la route, et le début de la réaction de l'usager, par exemple appuyer sur la pédale de frein. Le TPR varie entre 1.0 s et 1.5 s selon l'association américaines des responsables des transports et des routes des états (AASHTO)[2]), voire plus;
  • les facteurs psychiques, comme l'attente ou la vigilance et l'attention, et sociaux;
  • les facteurs médicaux, comme la maladie et la fatigue.

Les caractéristiques des personnes sont distribuées dans la population, par exemple les personnes marchent plus ou moins vite, et varient pour une même personne selon son état (état émotionnel et niveau de fatigue) et la complexité de la tâche.

Les limitations des êtres humains sont ainsi la cause principale des inefficacités des transports et des problèmes de sécurité routière, ou comme le professeur Hani Mahmassani le souligne :

« Les limitations cognitives et comportementales des conducteurs humains sont à l'origine de l'inefficacité du système. Les décalages de perception, les temps de réaction et une tendance naturelle à réagir de manière excessive dans des situations stressantes ou à un risque perçu entraînent de la volatilité, de la congestion, de l'instabilité, des schémas d'arrêts et de départs frustrants, des "goulots d'étranglement fantômes", une perte de capacité et d'autres composants. phénomènes au niveau du système. »


("Cognitive and behavioral limitations of human drivers are at the root of system inefficiency. Perception time lags, reaction times, and a natural tendency towards over-reaction under stressful situations or perceived risk result in volatility, congestion, instability, frustrating stop-and-go patterns, « phantom bottlenecks », capacity loss, and other component- and system-level phenomena.")[3]

Modèle de hiérarchie des tâches[modifier | modifier le wikicode]

Conduire implique un nombre d'activités ou tâches discrètes et interdépendantes, qui peuvent se répartir en trois niveaux de compétences et de contrôle selon le modèle de hiérarchie des tâches[4] (dans l'ordre croissant de complexité et décroissant de priorité):

  • niveau opérationnel (contrôle) : interaction immédiate avec le véhicule et la route (tourner le volant, accélérer, changer de vitesse, etc.);
  • niveau tactique (manœuvres) : rester sur la route en sécurité (suivre la route, les véhicules, dépasser);
  • niveau stratégique (planification) : traverser le réseau pour atteindre une destination (planification du voyage, suivi de l'itinéraire).

On retrouve la hiérarchie des tâches dans tous les modes de déplacement, comme la conduite d'un véhicule et la marche.

Modèle de compensation du risque[modifier | modifier le wikicode]

Ce modèle[5] suggère que les personnes ajustent leur comportement en réponse au niveau de risque perçu : elles sont plus précautionneuses si le risque perçu augmente, et vice versa. Il s'agit d'un phénomène particulier d'adaptation du comportement. Un modèle plus spécifique est le modèle d'homéostasie du risque proposé par Wilde en 1982[6], qui pose l'hypothèse que les personnes ont un niveau cible de risque et que leur comportement s'adapte de façon à maintenir un niveau de risque proche de cette cible.

Le modèle de compensation du risque explique pourquoi les modifications aux infrastructures et véhicules destinées à améliorer la sécurité routière n'ont pas toujours l'effet escompté : les usagers adaptent leur comportement à leur nouvel environnement[7]. On peut citer plusieurs exemples en sécurité routière qui sont en accord avec le modèle (tirés de l'article Wikipedia en anglais) :

  • les freins ABS « anti-lock brakes » : plusieurs études montrent que les conductrices et conducteurs de véhicules équipés de l'ABS conduisent plus vite, plus près des autres véhicules et freinent plus tard;
  • les casques pour les cyclistes : une revue de la littérature de juridictions ayant introduit des lois rendant le port du casque obligatoire montre une augmentation du taux de port de casque de plus de 40 %, mais aucun effet significatif sur les accidents entraînant des blessures à la tête. L'autrice de cette revue de littérature conclut que le port du casque peut encourager les cyclistes à prendre plus de risques ou les conducteurs à faire moins attention lors de leurs interactions avec les cyclistes avec casque, ce qui a été montré dans une étude des distances de dépassement des véhicules [8] ;
  • un changement du sens de la circulation : lorsque la circulation est passée à droite en Suède en 1967, le nombre d'accidents et de morts dans des accidents a fortement diminué (baisse des réclamations auprès des assurances de 40 %) et a été expliqué par un phénomène de compensation du risque (le risque perçu par la conduite à droite étant plus élevé). Le nombre de morts dans des accidents de la route a de nouveau augmenté par la suite pour retourner à son niveau d'avant le changement au bout de deux ans.

Modèles macroscopiques[modifier | modifier le wikicode]

Un segment de l'autoroute René-Lévesque à La Prairie, sur la rive Sud de Montréal, à la hauteur du kilomètre et de la sortie 47 (Rue Saint-Henri): cette section comprend 6 voies au total.

Il existe de nombreux modèles macroscopiques en transport, par exemple la procédure séquentielle classique ou modèle à quatre étapes pour prédire la demande de déplacements dans une région. À la suite à la définition des variables macroscopiques de la circulation dans le module sur la représentation de la circulation, cette section présente le modèle du diagramme fondamental de la circulation des relations entre ces variables. Ce modèle s'applique à la circulation continue sur les routes avec carrefours dénivelés comme les autoroutes ou des portions de routes suffisamment longues entre carrefours (définie dans le module suivant (en développement)).

Diagramme de la vitesse moyenne en fonction du taux d'occupation
Diagramme de la vitesse moyenne en fonction du taux d'occupation pour l'ensemble des cinq voies de circulation par intervalle de 5 min (données enregistrées à la station 400432 dans la région de Sacramento, Californie, le 2018-02-01 grâce au système PeMS).

Le diagramme fondamental s'étudie au travers des trois relations entre chaque paire de variables. Une façon de l'aborder est ainsi d'explorer des données réelles collectées à des stations de collecte de données sur autoroute comme on peut le voir dans les trois graphiques ci-contre.

La première paire de variables considérée est traditionnellement la vitesse moyenne (spatiale) en fonction de la densité, « remplacée » par le taux d'occupation qui est plus facile à mesurer et a une relation à peu près linéaire avec la densité. On s'intéresse en premier aux valeurs extrêmes, c'est-à-dire lorsque le taux d'occupation est proche de zéro (pas exactement zéro, car la vitesse n'est pas définie en absence de trafic) et lorsque la vitesse est nulle. Lorsque le taux d'occupation est très faible, on voit que les vitesses sont maximales autour de 70 mi/h (environ 110 km/h). À l'autre extrémité, la vitesse est nulle lorsque la densité est élevée, ce qui correspond à une file d'attente. Cette situation n'est pas observée dans le graphique, mais s'observe par exemple sur une autoroute bloquée par un accident ou à un carrefour à feux lorsque le feu est rouge. On définit ainsi deux valeurs caractéristiques de ce diagramme :

  • la vitesse maximale (ou d'écoulement libre ou simplement libre avec 'f' pour "free") ;
  • la densité de congestion (avec 'j' pour "jam") .

Finalement, on observe une relation décroissante, c'est-à-dire que la vitesse moyenne diminue lorsque le taux d'occupation (la densité) augmente : la gêne entre les véhicules augmente lorsque la densité augmente, les conductrices et conducteurs sont moins libres de choisir la vitesse qu'ils veulent et la vitesse moyenne baisse par conséquent. On pose en fait l'hypothèse du diagramme fondamental de la route que la vitesse moyenne est une fonction de la densité seule et que cette fonction est monotone décroissante.

Diagramme du débit en fonction du taux d'occupation
Diagramme du débit en fonction du taux d'occupation pour l'ensemble des cinq voies de circulation par intervalle de 5 min (données enregistrées à la station 400432 dans la région de Sacramento, Californie, le 2018-02-01 grâce au système PeMS).

Observons maintenant le graphique du débit en fonction du taux d'occupation, avec les axes des abscisses pour le taux d'occupation alignés pour les deux premiers graphiques. Dans la première partie gauche du graphique pour des valeurs faibles de taux d'occupation, le débit augmente avec le taux d'occuption, de façon quasi-linéaire. On observer ensuite des points beaucoup plus dispersés et une tendance à la baisse des débits au-delà d'une certaine valeur de taux d'occupation.

Diagramme de la vitesse moyenne en fonction du débit
Diagramme de la vitesse moyenne en fonction du débit pour l'ensemble des cinq voies de circulation par intervalle de 5 min (données enregistrées à la station 400432 dans la région de Sacramento, Californie, le 2018-02-01 grâce au système PeMS).

On a vu que la vitesse moyenne et la densité (taux d'occupation) évoluent en sens inverses : la vitesse diminue lorsque la densité augmente. Cette relation peut être combinée à celle du débit en fonction de la densité. Ainsi, le graphique prend une forme similaire à celui du débit en fonction du taux d'occupation (densité). Le débit est faible pour la vitesse maximale , augmente alors que la vitesse reste élevée, proche de . Il atteint un maximum, puis diminue alors que la vitesse diminue aussi (correspondant à des densités élevées) jusqu'à s'annuler. Lorsque la densité atteint la densité de congestion, la vitesse est nulle et donc le débit aussi.

Tracer des relations idéalisées entre les variables, en particulier du débit en fonction de la densité ou de la vitesse moyenne, permet en particulier de définir les états de circulation. On a observé que le débit augmente lorsque la densité augmente pour atteindre une valeur maximale, avant de diminuer au-delà. Ce débit maximal est atteint pour la densité critique ou la vitesse critique . Il est ensuite possible de définir les états de circulation selon ces valeurs seuils équivalentes de densité ou vitesse critiques :

  • si ou , la circulation est fluide;
  • si ou , la circulation est congestionée.

C'est une façon de définir la congestion, qui se produit lorque la demande est supérieure à la capacité d'une route et que la demande excédentaire est stockée en amont, formant une file d'attente à densité élevée et basse vitesse. On note aussi qu'à toute valeur de débit correspond deux états de circulation de part et d'autre de la valeur critique de la densité ou vitesse (par exemple et dans la figure ci-dessous). Enfin, pour tout état de circulation caractérisé par sa densité, on retrouve la vitesse moyenne comme la pente du segment reliant l'origine du graphique au point de coordonnées sur la courbe du diagramme fondamental du débit en fonction de la densité.

Différentes fonctions ont été proposées pour ces relations, la plus connue étant l'hypothèse que la vitesse moyenne est une fonction linéaire de la densité, proposée par Greenshields en 1934. En identifiant la densité de congestion et la vitesse maximale dans la relation linéaire, l'équation s'écrit . Cette relation est cependant trop simple, la vitesse ne baissant pas autant en état fluide, et on lui préférera le diagramment fondamental triangulaire pour la relation du débit en fonction de la densité. Toute relation devrait être calibrée, c'est-à-dire ses paramètres calculés, à l'aide de données réelles de circulation, comme celles utilisées pour illustrer ce cours ou le jeu de données UTD19[9].

Illustration des états de circulation selon la densité et la vitesse moyenne
Illustration des états de circulation selon la densité et la vitesse moyenne.

Des travaux plus récents montrent des relations similaires pour les modes de transport actifs, soit les cyclistes et les piétons. Les observations sont souvent faites dans des expérimentations contrôlées avec des participants volontaires, comme on peut le voir dans l'archive de données de recherche du centre de recherche Jülich en Allemagne. Pour les piétons, il faut généraliser les variables impliquant l'espace au mouvement bidirectionnel des piétons, soit la densité en piétons par surface et le débit par unité de temps et de distance (mesurant le nombre de piétons franchissant une unité de distance d'une ligne virtuelle). Des images combinant les diagrammes fondamentaux pour les voitures, vélos et la marche sont visible sur Google[10].

L'étude de la congestion et des goulots d'étranglement se poursuit grâce à la théorie des ondes de choc et la théorie des files d'attente (qui ne sont pas couvertes par ce cours).

Modèles microscopiques[modifier | modifier le wikicode]

Intéressons-nous maintenant à des modèles microscopiques, c'est-à-dire qui représentent les déplacements et comportements de chaque personne dans les transports routiers. Cette section présente les bases de plusieurs modèles microscopiques.

Modèle général avec les facteurs humains[modifier | modifier le wikicode]

Le premier modèle est très général et peut se présenter sous la forme de l'équation conceptuelle pour chaque instant et personne avec un temps de perception et réaction défini précédemment. En fonction d'un stimulus à un instant , par exemple le son d'un véhicule, l'apparition d'une personne ou d'un animal sur la route, une information (un panneau) devenant visible, ou un ballon qui roule sur la chaussée, une personne réagit à un instant ultérieur , c'est-à-dire après le temps nécessaire pour l'information d'être perçue et de se propager jusqu'au cerveau, puis pour prendre une décision. L'action est aussi fonction de la sensibilité de la personne à qui représente son état d'esprit et de vigilance. Il faut noter que cette équation est plus générale que les phénomènes de transport qui nous occupent.

Modèles pour la circulation véhiculaire[modifier | modifier le wikicode]

Il n'est en fait pas si compliqué de reproduire la circulation véhiculaire sur des routes. Il suffit d'avoir trois modèles microscopiques :

  1. un modèle de poursuite sur une voie de circulation;
  2. un modèle de changement de voie; et
  3. un modèle d'acceptation des créneaux.

Disposer des deux premiers modèles permet de reproduire la circulation continue, et le troisième permet de reproduire la circulation aux carrefours à niveau, ce qui permet de couvrir l'ensemble de la circulation sur les réseaux routiers. Plusieurs de ces modèles sont disponibles sur le site traffic-simulation.de développé par Martin Treiber.

Modèle de poursuite[modifier | modifier le wikicode]

Un véhicule dans une voie de circulation est soit isolé, soit à proximité d'un véhicule qui le devance. Un modèle très simple pour un véhicule isolé est que son conducteur cherche à atteindre une vitesse cible, appelée vitesse désirée et notée puisqu'il s'agit d'une vitesse libre personnelle. Cette vitesse est normalement autour de la limite de vitesse, selon le niveau de risque de la personne, et serait la vitesse choisie si on utilise un régulateur de vitesse.

Lorsque la personne rattrape un véhicule plus lent, elle doit, si elle ne peut doubler tout de suite, freiner pour éviter la collision et se retrouve ainsi en situation de poursuite : le véhicule rattrapé, plus lent, est le véhicule meneur et le suivant, le suiveur. De nombreux modèles ont été proposés, et une grande famille de ces modèles décrit la réaction du suiveur en terme de son accélération : on parle de comportement en accélération. Parmi tous les modèles de poursuite existants, un ensemble de modèles a été développé à partir des années 1950 dans la compagnie General Motors. Expliquons un peu en détail le premier des cinq modèles proposés (modèle GM1) :

  • est l'accélération du véhicule suiveur à ;
  • et sont respectivement les vitesses des véhicules meneur et suiveur à ; et
  • est une constante positive dont l'unité est l'inverse d'une unité de temps.

Le modèle a deux paramètres, et qui représente la sensibilité d'un conducteur. Le modèle fonctionne comme on s'attend puisque si le suiveur rattrape le meneur, sa vitesse est plus grande et la différence des vitesses est négative, ce qui prédit qu'il va adopter une accélération négative, c'est-à-dire qu'il va freiner. Dans le cas contraire, si la vitesse du suiveur est plus faible que celle du meneur, la différence est positive, ce qui indique que le suiveur va avoir une accélération positive pour rattraper le meneur. Si les vitesses sont égales, la situation est stable avec une accélération nulle pour le suiveur. En pratique, le modèle dépend aussi du TPR : le suiveur réagit avec un certain décalage à la situation à un instant donné, ce qui peut entraîner des réactions inappropriées, des oscillations par exemple dans la distance intervéhiculaire. Un fichier d'exemple est disponible (fichiers ods ou xlsx) et permet de modifier le paramètre et d'en voir l'impact (la stabilité du modèle dépend du produit ).

Un autre modèle très populaire dit modèle du conducteur intelligent est disponible sur sur le site traffic-simulation.de.

Modèle de changement de voie[modifier | modifier le wikicode]

Le second modèle permettant de reproduire la circulation sur une route est un modèle de changement de voie. Poursuivant la description d'un véhicule en rattrapant un autre, le suiveur essaiera vraisemblablement de dépasser le meneur, plus lent, en changeant de voie. Un modèle très simple considère deux situations :

  • si la voie de circulation à la gauche du suiveur est libre, la personne peut changer de voie quand il le désire;
  • sinon, la personne cherchera un « trou », un créneau (plutôt qu'un temps intervéhiculaire) entre les véhicules dans la voie de gauche pour changer de voie.

Un changement peut se faire aussi vers la voie de droite, par exemple pour prendre une sortie. Un tel modèle nécessite au moins un créneau critique qui sera suffisant pour le conducteur suiveur pour changer de voie. C'est donc un paramètre qui peut être spécifique à chaque personne. Le modèle pourrait aussi prendre en compte la vitesse du véhicule suivant arrivant dans la voie de destination du changement. Ces paramètres peuvent aussi dépendre de l'urgence du changement de voie : changer de voie pour sortir de la route à la prochaine sortie est urgent et pourra donc pousser la conductrice ou le conducteur à accepter un créneau plus petit que lors d'un changement de voie pour atteindre sa vitesse désirée.

Modèle d'acceptation des créneaux[modifier | modifier le wikicode]

Le troisième modèle concerne le comportement d'une personne à un carrefour lorsqu'elle doit traverser un flux de circulation prioritaire, par exemple s'il y a un panneau d'arrêt ou de cédez-le-passage sur son approche. Le modèle est similaire au modèle de changement de voie. S'il n'y a pas de véhicules dans le flux prioritaire, la personne traverse. Sinon, elle attendra un créneau suffisant pour traverser le carrefour. Ici encore, la décision peut dépendre de plusieurs facteurs, en particulier la complexité de la tâche, le nombre de voies de circulation à traverser ou la nécessité ou non d'une manœuvre consistant en un virage avec insertion dans un des flux prioritaires.

C'est une situation analogue pour un piéton qui souhaite traverser une route, surtout en l'absence de traverse marquée.

Un exemple de modèle piéton[modifier | modifier le wikicode]

Illustration du modèle de forces sociales
Illustration du modèle de forces sociales.

Un des modèles de déplacement des piétons les plus connus et utilisés est le modèle de forces sociales[11]. Le principe est que le déplacement d'une personne est le résultat d'un ensemble de forces, comme si chaque piéton était une particule attirée et repoussée par différents éléments autour de lui :

  • la plupart des éléments le repousse, comme les obstacles et les autres piétons;
  • la destination du piéton l'attire.

On voit qu'il s'agit d'un modèle au niveau opérationnel (selon le modèle de hiérarchie des tâches) où la destination peut être atteinte à peu près en se déplaçant en ligne droite (en tenant compte d'obstacles). Pour des déplacements plus complexes, il faudrait décomposer l'itinéraire en une série de destinations intermédiaires (ce qui revient à la planification au niveau stratégique dans le modèle de hiérarchie des tâches). La forme mathématique du modèle est une équation continue qui est généralement calculée à chaque pas de temps si on calcule une solution numérique du modèle dans un cas particulier.

C'est un modèle simple qui peut ainsi être mis en œuvre en quelques lignes de programmation, avec un exemple très simple ici utilisant p5.js. Le modèle a de nombreux paramètres à ajuster comme la plupart des modèles microscopiques.

Calibration et validation des modèles[modifier | modifier le wikicode]

Les modèles présentés dans ce module, bien que simples en comparaison à d'autres modèles, ont plusieurs paramètres à ajuster pour bien correspondre à la réalité et être utilisés dans des cas d'étude spécifiques. C'est encore plus le cas pour les modèles microscopiques où les valeurs des paramètres dépendent de chaque véhicule ou personne, généralement tirés dans une distribution dont les paramètres doivent être identifiés. Ces modèles sont utilisés pour anticiper les impacts de changements aux systèmes de transport à toutes les échelles, comme la géométrie d'une rue, d'un carrefour jusqu'à l'ajout d'infrastructures ou technologies entièrement nouvelles. C'est pourquoi il est crucial d'avoir des paramètres de manière à ce que les modèles reproduisent au mieux les comportements réels qui seront observés une fois le changement mis en œuvre. C'est particulièrement difficile pour des changements qui n'existent pas encore, par exemple un premier carrefour giratoire dans une région ou des technologies d'automatisation de la conduite.

Ce sujet est très important, mais aussi très technique puisqu'il repose sur des notions d'optimisation et probabilités. Cette section aborde les enjeux de qualité des modèles et décrit la méthode générale de calibration et validation de modèles.

Il n'existe pas de solution exacte pour dériver les paramètres à partir d'observations réelles pour la plupart des modèles microscopiques utilisés en transport, hormis pour un nombre limité de paramètres qui ont un sens physique. Même dans ce cas, la distribution de ces paramètres dans la population concernée, par exemple celles du TPR ou de la vitesse désirée, n'est pas toujours connue. La façon d'utiliser ces modèles est de les simuler, généralement à pas de temps régulier en utilisant les équations du modèle. Un exemple est fourni pour le modèle de poursuite présenté plus haut. La simulation de ces modèles est nécessaire, car ce sont des modèles complexes lorsqu'ils sont appliqués à un ensemble de personnes dont le résultat ne peut être prédit à partir des équations du modèle.

Un exemple plus avancé de modèles microscopiques simulés est disponible sur le site traffic-simulation.de développé par Martin Treiber dont l'interface montre la quantité de paramètres pour des cas d'application avec de petits réseaux routiers.

La calibration des modèles est le processus visant à trouver les valeurs d'un ensemble de paramètres d'un modèle, ce qui nécessite des données réelles pour la calibration et la validation. Par données réelles, on veut dire des données collectées par observation du phénomène qu'on cherche à reproduire. La phase de validation se distingue de la phase de calibration : un sous-ensemble des données doit être mis de côté et ne sera utilisé que pour mesurer la qualité du modèle une fois que les paramètres ont été identifiés sur les données de calibration. Dans le cas contraire, le risque est de choisir des paramètres qui reproduisent très bien les données (on parle de surapprentissage), mais donnent de moins bons résultats dans d'autres situations. Enfin, les modèles et leur simulation dépendent de plusieurs variables aléatoires, que ce soit des paramètres des modèles comme le TPR que des variables comme les instants d'apparition des véhicules dans le modèle, pour lesquels il est nécessaire de répéter les simulations.

Les étapes, simplifiées, de la préparation d'un modèle sont[12] :

  1. déterminer l'objectif du problème;
  2. déterminer les paramètres du modèle;
  3. collecter et traiter les données;
  4. déterminer les indicateurs utilisés pour décrire les déplacements, dans les simulations et les données réelles;
  5. déterminer la formulation mathématique de la qualité des paramètres (domaine de l’optimisation);
  6. calibrer les paramètres du modèle sur une partie des données;
  7. valider les paramètres calibrés sur des données non utilisées en calibration.

Cette procédure est similaire à la méthode d'entraînement des modèles de l'apprentissage automatique("machine learning") avec les jeux de données d'entraînement et de test. Cela implique que les intervenants dans les projets de transport doivent avoir de nombreuses compétences regroupées dans la dernière décennie sous le terme de science ou génie des données : bases de données, programmation, transformation et visualisation des données, probabilités, etc.

Références[modifier | modifier le wikicode]

  1. Fundamentals of Transportation / Modeling. (2020). Wikibooks, The Free Textbook Project. https://en.wikibooks.org/wiki/Fundamentals_of_Transportation/Modeling Fundamentals of Transportation/Modeling
  2. Wikipedia. Stopping sight distance. Consulté le 15 avril 2023. https://en.wikipedia.org/wiki/Stopping_sight_distance
  3. Mahmassani, H. S. (2009) Transportation System Intelligence: The Promise and Continuing Opportunities. Invited presentation at Advancing Canada's Competitive Advantage: A National Forum on Management, Montreal, CA.
  4. Michon, J. A. (1985). A critical review of driver behavior models: What do we know, what should we do? In R. Schwing & L. A. Evans (Eds.), Human behavior and traffic safety (pp. 487-525). New York: Plenum Press. http://jamichon.nl/jam_writings/1985_criticial_view.pdf
  5. Risk compensation. Wikipedia (en anglais). Consulté le 15 avril 2023. https://en.wikipedia.org/wiki/Risk_compensation
  6. Wilde, G. J. (1998). Risk homeostasis theory: an overview. Injury prevention, 4(2), 89-91 https://injuryprevention.bmj.com/content/injuryprev/4/2/89.full.pdf
  7. Section 2.17 "Risk Compensation" dans Levinson, D. M., Marshall, W., & Axhausen, K. (2017). Elements of access: Transport planning for engineers, transport engineering for planners. Network Design Lab. https://transportist.org/books/elements-of-access/
  8. Swaminathan, N. (2007). Strange but True: Helmets Attract Cars to Cyclists. Scientific American https://www.scientificamerican.com/article/strange-but-true-helmets-attract-cars-to-cyclists/
  9. Loder, A., Ambühl, L., Menendez, M., & Axhausen, K. W. (2019). Understanding traffic capacity of urban networks. Scientific reports, 9(1), 16283.
  10. Zhang, J., Mehner, W., Holl, S., Boltes, M., Andresen, E., Schadschneider, A., & Seyfried, A. (2014). Universal flow-density relation of single-file bicycle, pedestrian and car motion. Physics Letters A, 378(44), 3274-3277.
  11. Helbing, D., & Molnar, P. (1995). Social force model for pedestrian dynamics. Physical review E, 51(5), 4282.
  12. Gauthier, L., Saunier, N., Le Digabel, S., & Cao, G. (2016). Calibration of driving behavior models using derivative-free optimization and video data for Montreal highways. In Transportation Research Board Annual Meeting Compendium of Papers, 2016. 16-2988. http://n.saunier.free.fr/saunier/stock/gauthier16calibration.pdf