Manuel de psychopathologie et psychothérapie intégrative/ Introduction

Pourquoi se mettre en quête d'une pratique psychothérapique intégrative ? Plusieurs motifs sont possibles :

• La pulsion épistémophilique, la curiosité et la recherche d'autoefficacité qui amène à explorer des champs hors de sa zone de confort intellectuelle et technique ;
• L'inconfort engendré par ce que Chambon et Marie-Cardine nomment la posture de thérapeute "procustéen", consistant à s'efforcer d'ajuster le patient et sa problématique à son modèle théorique et pratique plutôt que l'inverse ;
• L'inconfort engendré par le sentiment d'une tendance hégémonique et monoidéique d'un thérapeute ne proposant qu'une unique approche et qui n'aurait pas l'honnêteté d'admettre que le problème du patient échappe au modèle qu'il maîtrise ;

Le psychothérapeute intégratif est lui-même "en danger" d'être saisi d'une tentation hégémonique au prétexte de son ouverture d'esprit et des efforts qu'il fournit pour être pluriréférentiel. Les écueils auquel ils s'expose sont :

• Le goût du néologisme et l'ivresse d'artiste qu'il procure ;
• La tentation d'une Superpsychothérapie XX qui "lave plus blanc que blanc" intégrant (et dépassant) toutes les autres ;
• Les renversements épistémologiques radicaux, qui consistent à proposer comme solution à un problème la stratégie radicalement opposée (voir Principe dialogique), par exemple :
  • Le refuge exclusif dans l'"instant présent" pour celui qui est envahi par son passé ou l'inquiétude de l'avenir ;
  • Le "lâcher-prise", le "non-agir" taoïste, pour celui qui est obnubilé par la maîtrise ;
  • Une spiritualité détachée du sens commun, éloignant de l'expérience sociale, pour un individu en crise de sens.

Dans ces 3 cas on se situe dans le registre de ce que la psychanalyse nomme la formation réactionnelle, consistant à se défendre de l'inacceptable en adoptant une attitude opposée (exemple courant dans le domaine relationnel : l'agressivité servant à gérer une impossible séparation).