Aller au contenu

Naissance des naissances « physiologique » et « naturelle »

Un livre de Wikilivres.

Corry Varner explique que coexistent deux philosophies de naissance différentes : la première est un modèle de gestion médicale. Ce cadre part du principe « que la grossesse et l'accouchement sont des processus intrinsèquement difficiles et potentiellement dangereux qui, lorsqu'ils se déroulent naturellement, entraînent souvent de mauvais résultats »[1]. Ce modèle est passé d'un processus naturel dans la vie de la plupart des femmes à une procédure médicalisée similaire à celle de la gestion de la maladie, avec de multiples « interventions »[2]

La deuxième de ces philosophies est le modèle de soins physiologiques. Ce modèle met l'accent sur les stratégies à faible technologie et les pratiques de soins de soutien pour faciliter l'accouchement en tant que processus biologique. C’est dans cette philosophie que s’inscrivent les méthodes gravitant autour de la naissance physiologique.

La naissance physiologique (NP), ou accouchement physiologique désigne le fait de donner naissance de façon aussi « naturelle » et aisée que possible, grâce aux facteurs qui favorisent les processus physiologiques et en éliminant les facteurs qui les contrarient. Au cœur du processus se trouve la revendication d'une intimité et d'une confiance qui permettent une activité spontanée de la mère et la diffusion d'ocytocine nécessaire à l'enfantement, partant du principe que la peur, le stress, les protocoles bloquent le processus et diffusent l'adrénaline, présentée comme antagoniste de l'ocytocine.

Il semble qu’il y ait un début de consensus sur la définition qu’en donne Olza & al. :

« an uninterrupted process without major interventions, such as induction, augmentation, instrumental assistance, caesarean section as well as use of epidural anaesthesia or other pain relief medications. »[3]

La première occurrence du terme « natural childbirth », naissance naturelle, assez proche de la NP semble venir des vues de l’obstétricien chrétien évangélique Grantly Dick-Read (Suffolk, 26 janvier 1890 - Wroxham, 11 juin 1959) au travers de deux ouvrages : Natural Childbirth (Accouchement Naturel) 1933, dont l’ébauche se fit dès 1919 mais qu’on lui conseilla de ne publier qu’après la validation de son exercice d’obstétricien. Puis parut Childbirth without Fear (Accouchement sans peur) en 1942.

La méthode Dick-Read[modifier | modifier le wikicode]

(Ce chapitre est plus détaillé dans une publication à paraître dans la revue Scepticisme scientifique).

Dick-Read a défini le terme naissance physiologique comme l'absence de toute intervention qui perturberait la séquence du travail, sous-entendant que les interventions médicales seraient toutes « non naturelles », ce qui reboute avec la définition de naissance physiologique. Comme l’a montré Ornella Moscucci[4], la croyance profonde de Dick-Read lui fait concevoir l’accouchement comme un exercice aussi physique que spirituel. Aussi, d’une manière un peu messianique, recommandait-il l’accouchement comme Dieu l’a prévu ("as God intended"), c’est-à-dire sans anesthésie, forceps ou autres pratiques médicales d’« ingénierie » (je traduis comme ça meddlesome).

Cela n’alla pas sans quelques ambiguïtés : après avoir qualifié la religion païenne comme la meilleure religion qu'il ait rencontrée, et le christianisme de cause majeure de la peur et de la douleur de l'accouchement[5], il a par la suite appelé le Nouveau Testament « le plus grand livre sur la santé » et a déclaré : « vous ne pouvez pas trouver une théorie moderne de la physiologie dont on ne sache pas clairement qu'elle a été reconnue dans l'application éthique du christianisme. »

Son idée-force : le caractère naturellement indolore de l’accouchement. Bien que Dick-Read a soutenu qu'il n'a jamais dit que « le travail ne fait pas mal », il a néanmoins souvent déclaré que « pour un travail parfait, l'anesthésie n'est pas nécessaire car il n'y a pas de douleur »[6]. Pour lui, la douleur naît de la peur qui provoque une tension qui, elle-même, contrarie la bonne marche de l’accouchement ; l’enchaînement peur-tension-douleur engendre un cercle vicieux car si les femmes ne craignaient pas la naissance, l'accouchement serait plus facile car la peur crée une tension qui, à son tour, cause de la douleur. C’est le cœur de la revendication de la NP.

Selon son livre de 1942, la peur, l'activation du système nerveux sympathique déclenche ce qu'il appelle le « syndrome peur-tension-douleur » pendant le travail. Selon lui, l’utérus d’une femme apeurée est littéralement blanc (?). Sans « combustible », l’utérus ne peut pas fonctionner, et les déchets ne peuvent pas non plus être évacués. Par conséquent, il y aura des douleurs et des problèmes »[7]. L’élimination de la peur et de la tension pendant le travail pourrait soulager la douleur grave dans une proportion pouvant atteindre 95 %. À son avis, cela permettrait de minimiser, sans l’éliminer, le recours aux médicaments et aux analgésiques, et entraînerait une baisse des risques courus par la mère et l’enfant soumis à une narcose profonde ou prolongée.

Il greffa à son concept de  syndrome peur-tension-douleur » une sorte de mantra : « Tense woman, tense cervix; relaxed woman, relaxed cervix » (qui préfigure ce qu'on appellera « la loi du sphincter » de Gaskin, cf. plus loin). Il déclara également qu’il croyait que l’état émotionnel et psychologique de la mère durant la grossesse avait plus d’influence sur le développement ultérieur de l’enfant que la biochimie et la génétique.

Dick-Read voyait dans la douleur ressentie l’un des effets de la « dégénérescence sociale », théorie en vogue à l’époque. En outre Dick-Read déplore le déclin de la natalité et la santé fragile des femmes des classes privilégiées. Il vante a contrario les femmes des sociétés « primitives », qui selon lui (et lui seul, puisqu’il n’a jamais précisé de quelles sociétés il parlait, et n’a que vaguement vu quelques cas non britanniques en Afrique du Sud) ne vivaient pas de douleur à l’accouchement. La recherche anthropologique a largement démontré depuis que cette affirmation était fausse. Il y a autant de variétés dans la méthode et l'expérience de l'accouchement dans les soi-disant « cultures primitives » que dans les cultures dites dites « occidentales ».

Dans le livre Motherhood in the Post-War World il ajoute :

« la femme échoue lorsqu'elle cesse de désirer les enfants pour lesquels elle a d'abord été faite. Sa véritable émancipation réside dans la liberté de remplir ses objectifs biologiques », tout en déclarant que les femmes tribales qui sont mortes en couches l'ont fait «  sans aucune tristesse ... réalisant si elles n'étaient pas compétentes pour produire des enfants pour les esprits de leurs pères et pour la tribu, elles n'avaient pas leur place dans la tribu. »[8]

Les « femmes « primitives », écrit-il dans Natural Childbirth[9] sont

« rarement troublées par des états d'anxiété ou des manifestations toxiques. Le malaise ou la maladie les empêche rarement de continuer le travail qu'ils ont l'habitude d'accomplir. La primitive sait qu'elle aura peu de mal à la naissance de son enfant. Elle sait qu’il sera petit et en bonne santé, et elle n'a aucune connaissance des os déformés par le rachitisme et les mauvaises habitudes pendant l'enfance. La naissance naturelle est tout ce qu'elle recherche ; il n'y a pas de peurs dans son esprit ; aucune sage-femme ne gâche le processus naturel ; elle a aucune connaissance des tragédies de la septicémie, de l'infection et de l'hémorragie. Avoir conçu est sa joie ; le résultat ultime de sa conception est son ambition. Finalement, et probablement alors qu'elle est encore au travail, le travail commence... Il y a incontestablement un sentiment de satisfaction lorsqu'elle ressent les premiers symptômes et reçoit les indications attendues avec impatience que son enfant est sur le point d'arriver... [elle] s'isole et, dans un fourré, tranquillement et sans être dérangée, elle attend patiemment. »

Bien entendu, outre la lecture racialiste, le fait est que Dick-Read ne documente pas ces « femmes primitives » et nous offre plutôt ses stéréotypes raciaux (ce qu’on retrouvera dans une moindre mesure chez Odent).

Il a également déclaré en 1942 : « The mother is the factory, and by education and care she can be made more efficient in the art of motherhood. » Traduction : « La mère est l'usine, et par l'éducation et les soins, elle peut être rendue plus efficace dans l'art de la maternité. » Nul mystère sur le fait que Dick-Read fut anti-féministe[10].

Cela fait écrire à Alison Phipps, directrice des études de genre à l’Université du Sussex :

« [L]es femmes qui choisissent les interventions lors de l'accouchement ou les préparations pour nourrissons (qui appartiennent en grande partie à la classe ouvrière et aux groupes ethniques minoritaires) [sont] présentées comme ignorantes et paresseuses ou au mieux ayant besoin d'éducation (ce qui alimente les stéréotypes racistes et classistes). Une formulation généreuse est que les femmes manquent de confiance pour accoucher sans technologie et doivent être éduquées pour se faire confiance… »[11]

Comme le commente Amy Tuteur dans son article The racism of natural childbirth and breastfeeding advocacy[12] :

« Le paradoxe surprenant est que les défenseurs de l'accouchement naturel et de l'allaitement maternel prétendent imiter les mères « indigènes », qu'ils considèrent comme authentiques et proches de la nature, tout en diabolisant simultanément les mères de couleur dans leur propre pays qu'ils considèrent comme trop ignorantes pour reconnaître la naissance et l'allaitement, et trop paresseuses pour employer les bonnes méthodes. Il faut alors les forcer dans un « choix éclairé ».

Et Tuteur de s’interroger : « Cela vous fait vous demander: où en seraient les défenseurs de l'accouchement naturel et de l'allaitement sans les représentations racistes des mères de couleur ».
Paradoxalement, les mères réclamaient semble-t-il les services de Dick-Read – il faut dire qu’il avait la publicité facile : des allégations de publicité non professionnelle avaient ailleurs poussé les partenaires de Dick-Read à Woking à dissoudre leur groupe en 1938, le National Health Service lui refuse un poste de consultant hospitalier en 1948 pour les mêmes raisons, et de fait, déménageant en Afrique du Sud, il encourut la même chose, puisqu’il failli voir suspendre son autorisation d’exercer par le registre médical et dentaire sud-africain (il y eut un procès, que D-R gagna). Mais ses idées auraient été grandement contestées en interne, au point qu’il fut dit-on expulsé de la clinique de Londres. Alors Dick-Read a fondé une clinique privée au numéro 25 de Harley Street. Cette contestation en interne me laisse perplexe, car en soi il n’y avait rien de fondamentalement nouveau dans les apports de Dick-Read. L’importance de l’état mental d’une future mère en vue d’un accouchement sans anicroche était déjà revendiqué en 1832 sous la plume de l’obstétricien Thomas Denman :

« Comme les infirmités et l'état particulier du corps ont une influence puissante sur l'esprit, et que les affections de l'esprit ont en diverses occasions un effet réciproque sur le corps, on pourrait raisonnablement s'attendre à ce que le progrès d'un travail soit parfois avancé ou entravé par les passions. On trouve constamment que la crainte d'un travail, ou la même impression de toute autre cause au moment du travail, diminue souvent l'énergie de tous les pouvoirs de la constitution et diminue ou supprime complètement pendant un certain temps l'action des parties. concernés par l'accouchement. On observe aussi qu'un flux joyeux des esprits, qui naît de l'espoir d'un événement heureux, inspire aux femmes une activité et une résolution extrêmement utiles et favorables dans cette situation »[13].

De même, vingt ans encore avant, Samuel Bard écrivait la même chose[14]. Et Dick-Read connaissait ces auteurs, pour les avoir déjà cités.

Idem, la question de l’ingénierie obstétricale était un problème ancien, fort débattu par exemple lors de l’introduction de l’ergot au début du XIXe - ou de sa réintroduction, car l’une première mention de l'ergot a été faite par un médecin allemand, en 1582, Adam Lonitzer, comme remède utilisé par les sages-femmes pour les accouchements. On le retrouve encore indiqué en 1808 par un médecin américain, Stearns, comme agent ocytocique dans Account of the Pulvis Parturiens. Il faudra attendre 1824 que Hosack montre le danger son l'usage pour accélérer les accouchements, et on le gardera seulement pour le contrôle des hémorragies post-partum[15]. Ce débat refit surface lorsque James Y Simpson a introduit l'anesthésie générale en obstétrique en 1847. Caton remarque que les arguments utilisés contre l'anesthésie en 1847 ressemblent à ceux utilisés par Dick-Read un siècle plus tard pour promouvoir l'accouchement naturel[16]. Les accusations d' « ingérence » ont réapparu au XXe siècle, lorsque certains obstétriciens ont commencé à recommander l'utilisation systématique de la version podalique (manœuvre qui consiste à saisir les pieds du fœtus pour l'extraire par le siège), l'épisiotomie et l'exploration manuelle de l'utérus même pour les accouchements normaux[17].

Comme ses contemporains l’avaient remarqué, Dick-Read ne lisait pas vraiment la littérature de l’époque et préférait sa propre « expérience » clinique, pourtant fort maigre avant l’élaboration de sa théorie.
Un physiologiste écrivait à son propos : « Je trouve très difficile d'obtenir quoi que ce soit que l'on puisse par le plus grand hasard appeler preuve scientifique » (j’ai perdu la ref). Les articles critiques étaient nombreux, dont probablement le plus incisif parut dans le Journal of the American Medical Association en 1950[18]. Ses auteurs, deux éminents obstétriciens américains, ont contesté l'affirmation selon laquelle les femmes des « sociétés moins industrialisées » ont un travail moins douloureux, et l'idée que seule la peur rend les contractions douloureuses. Ils ont soutenu que l'éducation à l'accouchement n'élimine pas sa douleur, ont documenté comment la mortalité maternelle et infantile avait diminué avec les méthodes obstétricales modernes, et a déclaré qu'il n'y avait aucun avantage psychologique prouvé d'une «naissance naturelle». Bien que les auteurs ne mentionnent Dick-Read qu'indirectement, leur article réfute chaque point de sa théorie « peur-tension-douleur ». Un éditorial d’ Obstet. Gynecol Survey s’en émut également[19].
En 1956 fut fondée par Prunella Briance the UK Natural Childbirth Association, maintenant appelée National Childbirth Trust. Dick-Read en fut le premier président.

1957 fut l’année miraculeuse de Dick-Read. Il reçut du Pape une médaille d’argent, la BBC fit un documentaire sur lui (montrant pour la 1ère fois un accouchement à la télévision en Grande-Bretagne, et peut-être même au monde), et Thomas A. Noyes fit sa biographie chez Heinemann Editions, intitulée « Doctors Courageous ». La même année sort le disque Natural Childbirth- A Documentary Record of The Birth of a Baby Delivered By Dr Grantly Dick Read LP[20].

Il est décédé en 1959.
Points critiques

Les connaissances de ces trente dernières nous montrent que les effets de stress, les attentes, et les effets contextuels nocebo jouent, bien sûr, dans l’accouchement comme dans toute situation clinique. Mais pour les évaluer, il ne faut pas compter sur Dick-Read, dont les propositions sortent de son chapeau : que la douleur ne naîtrait que de la peur n’est pas soutenu par les preuves (et pour cause, il n’en a jamais colligé). Son « syndrome peur-tension-douleur » est très archaïques, et sa phrase légendaire « Tense woman, tense cervix; relaxed woman, relaxed cervix » est beaucoup trop simpliste pour être prise telle quelle

La psychoprophylaxie obstétrique de Lamaze[modifier | modifier le wikicode]

De son vivant, Dick-Read fut également un peu doublé par la gauche, en la personne du français Fernand Lamaze qui revendiqua « l’accouchement sans douleur » (ASD), psychoprophylaxie obstétrique (PPO) ou méthode Lamaze. J’emprunte ici au travail d’Evelyne Vander Heym[21] et de Marilène Vuille[22].

Le docteur Fernand Lamaze est le chef de service de la maternité des Bluets, ouverte en novembre 1947. C’est une réalisation sociale des syndicats CGT de la Métallurgie de la région parisienne. En 1956 Lamaze fait paraître avec René Angelergues, André Bourrel, Roger Hersilie, Bernard Muldworf, Pierre Vellay et Henri Vermorel un livre fondamental de l'histoire de l'obstétrique : Qu'est-ce que l'accouchement sans douleur, par la méthode psycho-prophylactique ?[23]

En 1950, Lamaze avait lu un rapport du professeur russe A.P. Nikolaiev sur la doctrine du physiologiste Pavlov, basée sur la découverte de l'intervention du système nerveux supérieur dans les grandes fonctions de l'organisme ; Nikolaiev démontrait qu'une éducation « psychique » de la femme enceinte pouvait lui permettre d'accoucher sans douleur. se fondant en partie sur le conditionnement mental.

La méthode soviétique, généralisée à toute l’URSS en 1951, est diffusée dans le monde, sous le nom de « psychoprophylaxie obstétrique » (PPO), par les relais que lui offrent les partis communistes. C’est le cas en France où Fernand Lamaze est à la tête d’une délégation envoyée par le PCF en 1951 à Leningrad pour observer les méthodes soviétiques. Cette délégation comprend Georges Heuyer (pédopsychiatre), Benjamin Weill-Hallé (fondateur de la puériculture), Marie-Andrée Lagroua Weill-Hallé ; tous ne sont pas communistes, mais tous sont issus de la Résistance

Ils assistent à un accouchement naturel sans douleur, ce qui se pratiquait couramment en URSS.

« Ce fut pour moi un véritable bouleversement de voir cette femme accoucher sans aucune manifestation douloureuse… tous ses muscles étaient relâchés… pas la moindre angoisse dans ses yeux, pas un cri, pas la moindre goutte de sueur ne perlait sur son front, pas une seule contraction du visage. Le moment venu, elle a fait les efforts de pousser sans aucune aide, dans un calme absolu…Après avoir été le témoin d'une chose pareille, je n'avais plus qu'une préoccupation : transplanter cela en France et… cela devenait pour moi une idée fixe. »[24].

À son retour, avec le docteur P. Vellay, il jette les bases d'une expérimentation reposant sur « trois conditions essentielles » : obstétricale, (normes d'un accouchement naturel), physique, (entraînement régulier et méthodologique, sous contrôle médical, permettant d'obtenir une parfaite condition physique) et psychique, où, dit-il :

« il s'agit de placer l'écorce cérébrale, le cortex, dans des conditions d'activité maxima. Pour cela, on s'efforce de supprimer tous les éléments qui peuvent être dépresseurs… ; une éducation, une connaissance des faits réels de l'accouchement parviendront à atteindre ce résultat. La parole jouera le rôle d'un puissant excitateur conditionnel qui fera disparaître les vieux réflexes conditionnés qui liaient dans l'esprit des femmes la douleur à l'acte de l'enfantement ».

Fernand Lamaze, en 1952, et son équipe améliorent encore la technique soviétique, notamment en ajoutant la technique de la « respiration du petit chien », inventée par le kinésithérapeute André Bourrel. L’expérimentation des Bluets, puis sa généralisation, sont dues à la conjonction de trois facteurs : l'engagement militant et financier de l'Union des Syndicats des métallurgistes de la Seine, l'équipe motivée de la maternité des Métallurgistes, l'adhésion enthousiaste des femmes dès 1952, avec l'effet propagande des « premières accouchées sans douleur », relayé par la CGT, l'Union des femmes françaises, le Parti communiste français, ainsi que dans certaines œuvres de fiction comme Le cas du docteur Laurent, du réalisateur communiste Jean-Paul Le Chanois, avec Jean Gabin (1957). Comme le pointe Vuille :

« Un objectif politique prolonge l’objectif médical de la psychoprophylaxie obstétricale : celui d’apporter la démonstration de la supériorité de la science médicale soviétique sur la science « bourgeoise ».

L'équipe des Bluets met en place un dispositif pédagogique de préparation à l'accouchement sans douleur conçu comme une suite logique d'entretiens théoriques et de séances physiques, collectifs. Fait révolutionnaire, les pères sont invités à participer à ces « cours ». Très vite, les besoins matériels et d'accompagnement se mesurent en locaux, temps médical et para-médical, en formations spécifiques, en moyens d'information et de communication de masse.

Les réactions ne se font pas attendre… Lamaze, communiste membre du PCF reçut immédiatement la critique de « matérialiste ». À deux reprises, Lamaze et Vellay sont traduits devant le Conseil de l'Ordre des Médecins ; ils seront blanchis en 1954. Pie XII crée la surprise, le 8 janvier 1956, en prenant position en faveur de l'ASD devant sept cents gynécologues et médecins. Il déclare : « la méthode est irréprochable du point de vue moral ».

En décembre 1952, la Gazette médicale de France se fait l'écho des 500 premiers accouchements réalisés aux Bluets avec la méthode PPO. Lamaze et Vellay concluent à la viabilité de l'expérience et à la nécessité de la généraliser dans la société française : avec 92 % de réussite, le taux de césariennes avait baissé, les femmes se levaient plus tôt, il y avait moins de phlébites car le temps de travail avait diminué.

1953 : la bataille pour l'application généralisée de la méthode est engagée. Aux Bluets l'organisation de la préparation se met en place, avec le soutien logistique des syndicats qui entreprennent sa popularisation dans les entreprises de la région parisienne. Le personnel bénéficie de formations adaptées, de modules d'accueil, et la maternité devient un lieu de stage pour les médecins et les sages-femmes. Le 26 janvier, Lamaze prononce une communication à l'Académie de médecine de Paris. Quelques mois plus tard, une conférence et un film réalisé par la maternité sont présentés au Conseil municipal de Paris, devant le Préfet de la Seine et le directeur de l'Assistance Publique. Je pense que le film est celui de Pierre Guilbert, Méthode psycho-prophylactique d’accouchement sans douleur, 1953[25].

Le 13 mars 1953, un projet de loi déposé par le groupe parlementaire communiste recommande l'enseignement généralisé de l'ASD avec les moyens correspondants. Le 26 janvier 1954, la ville de Paris met à la disposition de six maternités de l'Assistance Publique 15 millions de francs, afin « [d'expérimenter] des méthodes d'accouchement sans douleur ». En 1955, ce crédit est porté à 55 millions. La période conquérante est ouverte avec les Bluets comme « lieu pionnier pour les femmes ». Le soutien apporté à cette aventure par l'Union des femmes françaises (UFF) fut primordial. Dès 1953, Simone Gillot, sa présidente (Livre de Simone Gillot, À chacun son chemin), est sollicitée par le docteur Lamaze. Auguste Gillot est maire de Saint-Denis, la toute nouvelle maternité y ouvre un service d'accouchement sans douleur dont Simone Gillot devient la coordinatrice et, le 24 décembre 1954, une première maman y accouche. Le 1er juillet 1956, l'Assemblée Nationale adopte le projet de remboursement des six séances préparatoires à l'ASD, étendu à huit entretiens en 1960.

Techniquement parlant, « la méthode psychoprophylactique détermine une restructuration du cerveau par un apprentissage rationnel en vue d’une adaptation à une situation nouvelle et future : l’accouchement. »[26]. Dans la théorie psychoprophylactique, explique Vuille :

« la douleur de l’accouchement n’est pas provoquée par les contractions utérines, mais par une mauvaise interprétation par le cerveau des signaux que l’utérus lui envoie. D’où la volonté de « restructurer » le cerveau par une instruction appropriée. Exprimé un peu différemment, la douleur ressentie par la parturiente « correspond à une organisation fonctionnelle particulière de son cerveau » ; l’éducation, en « réorganisant le fonctionnement cérébral de la femme enceinte », lui permet d’accoucher sans douleur[27] ».

Cette éducation est double : elle consiste d’une part à transmettre des connaissances scientifiques et médicales aux femmes enceintes, d’autre part à leur enseigner des « procédés d’indolorisation », soit des exercices de respiration et de « relâchement neuromusculaire » exécutés dans des postures et à des moments précis. » Lamaze écrit :

« D’ignorante, donc passive, qu’elle était pendant la grossesse et pendant l’accouchement, la femme enceinte est devenue éminemment active d’un bout à l’autre de sa grossesse, grâce à une éducation scientifique. »[23]

Marilène Vuille :

« Dans le milieu communiste où l’accouchement sans douleur s’implante, l’éducation est d’une importance primordiale, pour autant bien sûr que ses contenus soient sanctionnés par les cadres du Parti. Le médium de l’éducation est le langage, dont le potentiel est immense, puisqu’il peut à lui seul créer des réflexes conditionnés et les détruire. « Le langage est le seul moyen qui nous soit fourni pour préparer la femme à son accouchement », écrit l’obstétricien communiste Roger Hersilie[28]. D’où la nécessité de parler dans une langue « scientifique », « rationnelle » et d’exclure de son vocabulaire tout terme « erroné ». Ainsi, pendant les cours et l’accouchement lui-même, le mot « contraction » remplace le mot « douleur », qui ne doit franchir les lèvres ni des membres de l’équipe médicale, ni des femmes enceintes et de leurs proches. La croyance dans le potentiel conditionnant du langage amène les théoriciens de l’accouchement sans douleur à construire la notion d’asepsie verbale, définie comme « la suppression des mots inducteurs de douleurs »[29]. Le mot douleur est banni du vocabulaire psychoprophylactique, sauf dans l’expression « accouchement sans douleur », où son effet s’inverse grâce à la préposition « sans » : « L’expression “sans douleur” a une valeur en soi, que comprennent tous ceux qui ont étudié le rôle du “langage”. Supprimer ce terme ou le nier équivaut à ignorer la valeur du mot et son rôle dans l’analgésie obstétricale. »[30]. Le langage est ainsi reconnu comme une technologie puissante, dont l’emploi doit être étroitement surveillé dans les cabinets de consultation, les salles de cours de préparation, les salles de travail, et jusque dans les couloirs de l’hôpital, afin d’éviter des maladresses lourdes de conséquences. »


Les femmes enceintes apprennent deux principaux types de respiration correspondant à des moments différents de l’accouchement : une respiration ample et profonde pour le début du travail et les intervalles entre les contractions, une respiration superficielle et accélérée (ou haletante) pendant les contractions. Elles doivent les exercer plusieurs fois par jour à domicile. L’intérêt de ces techniques est multiple aux yeux des psychoprophylacticiens. Tout d’abord, elles permettent de maintenir le cerveau actif, ce qui constitue un objectif en soi, étant donné le rôle prédominant attribué à l’activité cérébrale dans l’indolorisation ou l’adaptation à l’accouchement. La respiration haletante en particulier « permet une concentration maximale de l’activité nerveuse, donc un freinage de qualité supérieure, à condition que cette activité ne soit pas mécanique, mais volontaire. »[31]. La respiration en deux temps assure ensuite une bonne oxygénation du cerveau et des muscles en travail, ainsi que du fœtus. Finalement, ces techniques obligent la femme à prendre conscience du travail qui se produit dans son corps, à l’« analyser » et à s’y adapter. La respiration haletante est censée être « en harmonie parfaite avec la contraction »[32] ; l’acte respiratoire de la femme, « dirigé et conscient », la met en quelque sorte en phase avec le travail de l’utérus qui, même si les psychoprophylacticiens se gardent bien de le dire, se produit indépendamment de sa volonté ».

Lorsqu’elle assiste à l’accouchement, la préparatrice d’accouchement sans douleur ou, à défaut, une infirmière ou une sage-femme, peut aider la parturiente à maintenir le bon rythme respiratoire en agitant très vite sa propre main à la hauteur de son visage, paume horizontale, doigts allongés et serrés. Colette Jeanson décrit ce geste effectué dans ses cours par le kinésithérapeute de la maternité des Métallurgistes à Paris, au début des années 1950 ; la main bat chaque mesure, « dans un rythme parfait », qui permet à la parturiente d’harmoniser sa respiration avec l’intensité de la contraction. On voit la sage-femme effectuer ce même geste à la maternité des Lilas dans la proche banlieue parisienne, dans le film Julien. Maternité des Lilas, de Gilles Nadeau et Marie-Noëlle Rio (1969). Marilène Vuille écrit :

« Le kinésithérapeute André Bourrel était l’époux de la sage-femme Micheline Bourrel que l’on voit dans le film (...) Leur collaboration étroite explique qu’ils aient adopté des gestes identiques. Je ne saurais dire si ce geste était répandu dans d’autres maternités. Ce n’est qu’un exemple parmi les gestes effectués par les praticien-ne-s de l’accouchement sans douleur en soutien ou en miroir à une action requise des parturientes. Un autre geste consiste à ramener fermement ses poings serrés contre sa poitrine en donnant à la parturiente l’ordre d’attraper les barres des étriers ; on l’observe dans les premiers films réalisés à l’hôpital des Métallurgistes, ainsi que dans la fiction du réalisateur communiste Jean-Paul Le Chanois (1956)»


L’autre pan de l’apprentissage technique de l’accouchement sans douleur est nommé « relâchement neuromusculaire ». Les psychoprophylacticiens rejettent avec véhémence le terme « relaxation », qu’ils assimilent à un endormissement de la conscience et à la méthode d’accouchement sans crainte (ou accouchement naturel) définie par Grantly Dick-Read. Les techniques proposées par les médecins soviétiques et par leurs adeptes français sont similaires à celles de Dick-Read. À quelques variantes près, qui ne sont certes pas tout à fait anodines, il s’agit de techniques respiratoires, posturales et de relaxation. C’est-à-dire de moyens d’atténuer ou de supporter la douleur qui, loin d’avoir été inventés au XXe siècle par de savants médecins européens, ont été utilisés bien avant notre ère en divers endroits de la planète, qu’ils aient été ou non intégrés dans un système ou une discipline codifiée (comme le yoga). Mais les promoteurs de l’accouchement sans douleur refusent tout rapprochement de leur méthode avec des techniques immémoriales, ainsi qu’avec la méthode concurrente d’un médecin anglais hostile au communisme. Il n’existe à leurs yeux qu’une seule véritable méthode d’accouchement indolore, mise au point « en fonction des données expérimentales de la physiologie matérialiste pavlovienne »[33]. La résolution du problème de la douleur dans l’accouchement ne pouvait provenir que d’un pays socialiste, c’est-à-dire à l’avant-garde sur les plans aussi bien politique que scientifique et médical.

Émile Baulieu écrit :

« Les déserts deviennent vergers au pays de Staline et la prophétie “tu enfanteras dans la douleur” a fait son temps. De tels “miracles” ne se produisent pas au hasard. »[34].

Le rejet du mot « relaxation » participe de cette logique. La relaxation est conçue comme un état d’inhibition cérébrale, alors que « l’accouchement sans douleur doit être obtenu par une activation du cortex cérébral »[35].

La recommandation soviétique de conserver les yeux grands ouverts est respectée en France. Dans le film de 1957 (1956 ? 1953 ?) Naissance, de Jean-Pierre Marchand[36] dont Pierre Vellay (1919-2007), figure majeure de la psychoprophylaxie obstétricale française et adjoint de Lamaze est le directeur scientifique, celui-ci donne à plusieurs reprises à une parturiente l’ordre d’ouvrir les yeux « complètement », « bien comme il faut ». D’autres obstétriciens mentionnent l’ouverture des yeux dans le comportement d’« adaptation à l’expulsion » (voir par exemple Serge Bazelaire et Roger Hersilie [1963]). Les adeptes de l’accouchement sans douleur craignent que, pendant les contractions, les parturientes ne se laissent absorber par leurs sensations et ne sombrent dans une sorte de transe. Tout en leur dictant l’attitude ou l’action souhaitée, ils s’efforcent de leur faire maintenir le contact visuel.

Une séquence du film Naissance montre par exemple un cours de préparation à l’accouchement dans lequel Pierre Vellay explique :

« l’ovule est une masse inerte, ne possédant aucune mobilité propre » ; il « s’échoue » dans la cavité utérine, où les spermatozoïdes « se portent rapidement au devant de [lui] ».

L’opposition entre activité masculine et passivité féminine et d’autres stéréotypes de genre imprègnent le corpus psychoprophylactique, même si l’activité des femmes (et surtout l’activité appropriée de leur cerveau) est considérée indispensable à la « réussite » de leur accouchement. D’autres savoirs – ceux qui portent sur les relations entre utérus et cerveau, sur les réflexes conditionnés et sur le langage – sont marqués par l’orientation politique des psychoprophylacticiens .

En tant qu’entreprise politique, l’accouchement sans douleur participe d’une éthique de la lutte. André Bourrel tente de galvaniser les « élèves » qui assistent à ses cours prénataux :

Jeanson :

« Le phénomène de l’accouchement vous sera tout à fait connu ; vous serez des femmes tout à fait conscientes, et non plus soumises. Vous aurez les armes de la connaissance et vous livrerez un combat. »[37]

L’accouchement sans douleur se propagera en Europe et aux US dans les années 50-60.
  • Parution du livre Thank You, Dr. Lamaze, de Marjorie Karmel (1959)
  • Création de The American Society for Psychoprophylaxis in Obstetrics, alias Lamaze International, par Marjorie Karmel et Elisabeth Bing.

Vuille pointe très bien dans son article de 2005 que la PPO est dirigée exclusivement par des hommes, dont aucun ne se déclare de près ou de loin féministe[38]. Il est alors mis au service d’autres buts, notamment celui du maintien d’un certain ordre obstétrical (au double sens du respect de la tranquillité et de la hiérarchie), et commencera a être contesté par les mouvements féministes et par l’usage de l’anesthésie locorégionale. Vuille note qu’elle persistera tout de même dans les cours de préparation à la naissance, quoiqu’« amputée de son postulat fondateur (selon lequel la douleur de l’accouchement n’a pas de base somatique) ».


Vuille ajoute :

« En dépit des hautes ambitions qu’elle nourrit au moment de son émergence (éradiquer la douleur de l’enfantement, contribuer à l’avènement d’une société socialiste), la méthode psychoprophylactique ne repose pas sur des technologies de pointe, mais sur des techniques modestes et des dispositifs usuels. Ces derniers n’ont certes pas permis d’atteindre les objectifs visés. Ils ont toutefois exercé un impact majeur sur la prise en charge des femmes enceintes et sur la manière dont celles-ci se représentent et vivent leur accouchement. À l’inverse d’une vision répandue, l’accouchement sans douleur a participé à bien des égards à ce que les critiques de l’obstétrique dominante ont qualifié de « médicalisation de la naissance ».

Même les médecins qui doutent du pouvoir analgésique de l’accouchement sans douleur apprécient le comportement des patientes préparées à cette méthode : elles sont disciplinées, plus calmes et plus coopératives que les autres. Dans cette approche, l’accouchement est conçu comme le travail d’une équipe composée de professionnels et de profanes. La parturiente a pour mission de contrôler son comportement, tandis que le membre professionnel en charge (médecin ou sage-femme) contrôle l’accouchement lui-même, donne des ordres à la parturiente et prend les décisions qu’il juge opportunes. L’autorité des professionnels n’est pas remise en cause, mais au contraire renforcée par l’accouchement sans douleur.
Jusqu'en Hollande, où enfanter à domicile avec une sage-femme est la norme dans les décennies d’après-guerre, l’accouchement sans douleur sert d’argument à l’hospitalisation de la naissance[39]. Plusieurs médecins expriment en outre l’idée que la psychoprophylaxie permet de préparer les femmes non pas tant à accoucher sans douleur, mais du moins à bien se comporter pendant leur accouchement, sans trop d’agitation ou trop d’interférence avec les actes obstétricaux : familiarisées avec l’optique et les procédures médicales pendant leur préparation, elles n’y opposent pas de résistance le moment venu.
Scénarisant le combat contre Lamaze, Dick-Read présenta désormais sa méthode comme britannique, ou anglaise, nationalisant la controverse. Puis le Pape Pie XII lui-même intervint en prononçant une encyclique spéciale sur les valeurs morales et spirituelles de «l'accouchement naturel ». Le texte, publié dans son intégralité dans le New York Times, note que certains patients et médecins croient encore que le soulagement de la douleur de l'accouchement, par quelque moyen que ce soit, peut contrevenir à l'intention divine. Bien que la douleur de l'accouchement puisse avoir une valeur spirituelle, explique le pape, rien dans la tradition de l'Église catholique n'interdit aux êtres humains d'utiliser des méthodes appropriées pour la soulager. Bien qu'il ne juge pas les mérites relatifs des méthodes « anglaise » ou « russe », le pape met en garde contre le fait de permettre à une fascination pour l'une ou l'autre de supplanter les valeurs spirituelles qui devraient accompagner chaque accouchement. Dans la mesure où la méthode anglaise est peut-être moins « matérialiste », il croit qu'elle peut être préférable pour ceux qui veulent une « délivrance chrétienne »[40].
Bien entendu, les journaux s’en emparèrent de par le monde, avec des titres variables : « Le Pape autorise l'accouchement sans drogue », « Le Pontife approuve le système d'accouchement sans douleur » et « La méthode russe (celle de Lamaze) est acceptable pour les mères catholiques ». Read, lui, considéra que l'encyclique était adressée à lui seul – bien qu’elle batte en brèche son présupposé de la naissance originelle sans douleur, le pape rappelant que :

« l'accouchement sans douleur, considéré comme un fait général, contraste clairement avec l'expérience humaine courante aujourd'hui, ainsi que dans le passé, même depuis les temps les plus reculés... dans la mesure où car les sources historiques permettent de vérifier le fait. Les douleurs des femmes en couches étaient proverbiales... et la littérature, tant profane que religieuse, fournit la preuve de ce fait ».

À partir de la seconde moitié des années 1970, l’accouchement sans douleur est dénoncé comme une duperie[41]. Les critiques, peu nombreuses mais implacables, le ramènent à une forme d’oppression emblématique des rapports de domination entre les sexes, dans laquelle le corps des femmes est instrumentalisé par le pouvoir médical masculin. L’anesthésie locorégionale apparaît alors comme l’alternative idéale, qui permet à la fois de réduire effectivement la douleur des parturientes et de leur laisser la conscience claire pour les premiers moments de la vie de leur enfant. Sa progression est toutefois très lente en France jusqu’à la mise en œuvre par le gouvernement du « plan périnatalité » 1993-2000, dont la lutte contre la douleur constitue l’un des piliers[42]. En 1980, le taux d’analgésie péridurale est de 4 % en France, alors qu’il est de 22 % aux États-Unis[43]. En 1987, le taux français n’est toujours que de 5 % ; il passe à 37,5 % en 1993[44]. La progression s’accélère à partir de l’entrée en vigueur du plan de périnatalité, qui prévoit la prise en charge intégrale du coût de la péridurale par l’assurance-maladie, et ceci pour toutes les femmes, alors que seule une indication médicale donnait jusqu’alors droit au remboursement. En 1995, presque une parturiente sur deux (48,6 %) bénéficie d’une analgésie péridurale ; le taux atteint 58 % en 1998, 62,8 % en 2003 et 70 % en 2010[45]. Le manque d’anesthésistes en maternité constitue la principale cause du lent démarrage de l’analgésie péridurale en France. Cependant, l’approche psychoprophylactique de la douleur, dont une partie des professionnel-le-s de l’obstétrique sont encore imprégnés dans les années 1980, a certainement contribué à freiner le recours à cette technique pour les accouchements normaux.

Au final, la psychoprophylaxie obstétricale n’a pas contribué à l’avènement du socialisme et n’est parvenue à indoloriser l’accouchement que pour une minorité de femmes pendant une période limitée. Cependant, en dépit de sa fugacité, elle a contribué à la transformation du paysage obstétrical dans la seconde moitié du XXe siècle. En systématisant des pratiques (telle la position sur le dos tant décriée par les critiques féministes de la naissance[46], mais surtout en redéfinissant l’accouchement comme un événement qui se prépare (qui s’« apprend »), qui nécessite une socialisation des femmes enceintes et de leurs proches à la culture médicale, et en instaurant un rapport entre profanes et professionnel-le-s dans lequel les premières s’en remettent aux second-e-s pour l’apprentissage d’un comportement et pour la conduite de l’accouchement, la psychoprophylaxie a concouru à la médicalisation de la naissance[47]. Il est donc très réducteur de ne voir en elle qu’une alternative ou une résistance à la médicalisation, du fait de son mode de prise en charge non pharmacologique de la douleur. L’opposition prégnante dans l’historiographie féministe entre des technologies masculines invasives (instruments, moniteur fœtal, perfusion, péridurale, etc.) et des pratiques féminines respectueuses de la personne enceinte et de son corps (peu d’instruments, « accompagnement » solidaire, engagement corporel), entre les « mains de fer » des médecins et les « mains de chair » des sages-femmes[48], entre la dépendance induite par des technologies « lourdes » et l’autonomie offerte par des techniques « légères » (ou plus « naturelles ») s’avère peu pertinente pour comprendre le rôle complexe et partiellement contradictoire joué par l’accouchement sans douleur dans l’histoire de la naissance au XXe siècle. L’examen de cette méthode plaide pour plus de flexibilité dans l’interprétation du potentiel d’asservissement ou d’émancipation des techniques, en particulier de leur effet sur l’agentivité des femmes.

Note : dans « Le bébé est un mammifère », Odent écrit :

« Les Français sont responsables des errements les plus significatifs. Ainsi Lamaze, accoucheur français, père de la psycho-prophylaxie occidentale, disait et écrivait qu’une femme doit apprendre à accoucher de la même façon qu’on apprend à parler, à lire ou à nager. Ces fausses routes ont été empruntées partout dans le monde et, avec le temps, ont mené à la crise. Les propos de l’accoucheur américain Bradley vont encore plus loin dans ce sens : « imaginez – écrivait-il – qu’une femme apprenne avec un préavis de 9 mois qu’elle sera jetée à l’eau. Je parie qu’elle utilisera ce délai pour apprendre à nager »[49].

Points critiques

Même si le corps théorique de la méthode est bringuebalant et ses injonctions politiques et patriarcales plus que douteuses, il y a des prémisses d’utilisation de méthodes très proches de l’hypnosédation actuelle. Pour information, l’hypnose comme état modifié de conscience est un sujet débattu, mais il faut savoir que, que ce soit en hypnothérapie, en hypnosédation ou en hypnose de spectacle, un état modifié de conscience n’est pas nécessaire pour comprendre leur intérêt. On dit parfois qu’il n’y a pas besoin d’hypnose dans l’hypnose, et que garder ce terme ne répond qu’à des enjeux publicitaires.

La « méthode naturelle » de Bradley[modifier | modifier le wikicode]

Le contexte du milieu du XXe est riche de diverses méthodes. Celle-ci fut pensée vers 1949 par Robert A. Bradley, du Kansas, (1917-1998), d’abord entomologiste (!) puis obstétricien. La date de 1947 revient souvent dans les biographies, mais à moins qu’il n’ait eu son idée de méthode en même temps que son diplôme de médecin, ce qui semble un peu prématuré (sans jeu de mot) cette date est peu probable.

On dit qu’il fut fort inspiré par sa vie à la ferme dans le Nebraska, où les animaux naissaient sans médicament ni détresse (cela ressemble à de très fréquentes hagiographies, et ça lui sera renvoyé, des lamaziens le surnommant Barnyard Bradley, Barnyard signifiant basse-cour). Il trouvait détestable l’obstétrique qu’il qualifiait d'« obstétrique knock-em-out, drag-em-out ». à une époque où les mères étaient retenues dans des lits d'hôpital et incapables de se déplacer librement pendant le travail en raison des médicaments qui leur étaient administrés. Il est connu pour cette citation très chrétienne : « C’est Dieu, et non nous, qui nous assigne une date de naissance ». On a vu plus tôt que la date de naissance est le fruit d’un très complexe mécanisme mal connu :-))

La méthode s'appuie fortement sur la formation des pères (il est légitime de penser qu’au temps de Bradley on imaginait mal les couples homosexuels) pour qu'ils deviennent des « entraîneurs » ou des partenaires du travail. Les enseignants de la méthode Bradley complètent généralement ces techniques primaires par une formation à différentes positions de travail et à des mesures de confort. Son livre princeps est Husband-Coached Childbirth, paru en 1965.

La méthode naturelle Bradley, appelée aussi « naissance coachée par le conjoint » eu une forte audience aux États-Unis, entre autres parce qu’elle fut défendue par la LLL, la LecheLeague. Gros retentissement en Californie, où il fonda l’American Academy of Husband-Coached Childbirth, à Sherman Oaks, quartier de Los Angeles, CA en 1970. Elle fut vantée par des acteurs et actrices célèbres, comme David Hasselhoff, Donald Sutherland et Sissy Spacek.

Les enseignants de la méthode Bradley croient qu'avec une préparation adéquate, une éducation et l'aide d'un coach (métaphore sportive, « entraîneur » parfois) aimant et solidaire (le père), la plupart des femmes peuvent accoucher naturellement, sans médicaments ni chirurgie. Les cours enseignent la nutrition, la relaxation et la respiration naturelle comme techniques de gestion de la douleur, ainsi que la participation active du mari en tant que coach. La méthode elle-même est une application de ce que le Dr. Bradley a appelé « les six besoins de la femme en travail » :

  • relaxation profonde et complète ;
  • respiration abdominale ;
  • calme, obscurité et solitude ;
  • confort physique ;
  • et les yeux fermés et l'apparition du sommeil ; (ce qui ne fait que 5 donc il m’en manque un !)

Bien que Lamaze fut décédé en 1957, Bradley n’eut de cesse jusqu’à sa mort de dénier à la méthode Lamaze son statut de « naturelle » car Lamaze acceptait l’anesthésie, tandis que les Lamaziens et d’autres dénoncèrent la méthode Bradley comme entraînant des attentes d’accouchement naturel déraisonnablement élevées chez les mères.

L’écrivaine étasunienne Suzanne Arms a suggéré que la vraie mesure pour départager les deux méthodes seraient le nombre de naissances non médicalisées qu’elles apportent respectivement. Dans « Immaculate Deception » (1975), Arms écrit :

« For all the talk, the popularity, the trendiness and occasional faddishness surrounding natural childbirth, the process itself is seldom achieved. » (Malgré tous les discours, la popularité, la tendance et la mode occasionnelle entourant l'accouchement naturel, le processus lui-même est rarement atteint.)[50]

La Bradley Organization à Sherman Oaks revendique 96% de naissances non médicalisées. Mais en lisant le travail de Vaner, on constate qu’« À ce jour, [2015] il n'existe aucune étude bien conçue sur la méthode Bradley, et les données disponibles sont basées sur des résultats auto-déclarés ».[51]

L’organisation Lamaze, elle n’a semble-t-il pas de chiffres à données, du moins au pic de la controverse à la fin des années 1980 (cet article du Los Angeles Times de 1987 en est la preuve[52]).

La méthode Mongan[modifier | modifier le wikicode]

L’HypnoBirthing, ou méthode Mongan a été développée par Marie Madeline F. Mongan, née Flanagan (1933-2017), surnommée « Mickey », née à San Diego.

Ella inventé son programme Hypnobirthing semble-t-il en 1988. Il est indiqué qu’elle est donc master of Education en 1971 et M.H y., certifiée en hypnose, en 1988 (mais je n’arrive pas à savoir de quelle institution, et selon l’institution, c’est un peu la foire).

Il est écrit partout qu’elle fut doyenne universitaire, et dans le détail c’est devenue doyenne du Pierce College for Women, non mixte, (qui exista de 1951 à 1972) aujourd'hui disparu, à Concord, New Hampshire. Elle également ouvert la Thomas Secretarial School à Concord en 1980, qui a fermé ses portes en 1996 (deux fermetures, bizarre, je n’ai pas eu le temps de bien en chercher les raisons).

Mais elle n’a jamais été professionnelle de santé. Son expertise en santé vient de ses propres accouchements : elle a narré aux journalistes avoir dû se battre dans les années 50 pour accoucher sans médicament et sans forceps, ce qui a commencé par lui être refusé pour ses deux premiers enfants, (au point d’être sanglée dit-elle – mais ça ressemble à du sorytelling) puis accepté.

HypnoBirthing, The Mongan Method est le titre actuel de son livre, dans sa 4e édition, paru d’abord en 1992 sous le nom de HypnoBirthing: A Celebration of Life

En 2000, elle a fondé l'Institut HypnoBirthing (maintenant HypnoBirthing International), qui certifie les doulas, les sages-femmes, les médecins comme éducateurs en hypnonaissance.

Inspirée par Grantly Dick-Read, le motto de Mongan est celui-ci : « la croyance que chaque femme a en elle le pouvoir de faire appel à son instinct maternel naturel (!) pour donner naissance à ses bébés dans la joie et le confort d'une manière qui reflète le mieux la nature » [53]. Elle part du principe que relaxation, visualisation et auto-hypnose, centrées sur la conviction que l'accouchement n'a pas à être douloureux.

Madame Mongan, dans le Boston Globe :

« Je ne pouvais tout simplement pas croire que nous avions un Créateur avec un sens de l'humour si déformé qu'il ferait de nous des êtres sexuels et rendrait l'accouchement si angoissant ».

Dans le Chicago Tribune en 2002 : « Notre philosophie est d'apprendre à une femme à connaître son corps et à lui faire confiance ; son corps saura comment le faire ».

« C'est plus qu'une promenade dans un pré ou le long du rivage. Cela les amène à l'état le plus profond. Ce n'est pas toujours sans douleur, mais c'est plus facile, plus confortable et plus spirituel ».

Mongan ne pense pas que les femmes aient besoin d'apprendre tous les dangers possibles de l'accouchement ou de la grossesse à moins qu'elles ne s'appliquent réellement à leur situation. Les informations supplémentaires augmentent la peur et pourraient entraîner de véritables symptômes négatifs (nocebo). Du point de vue éthique, c’est un peu limite...

Idem que pour la méthode Bradley, Vaner indique qu’il n’y a pas de données probantes autres que purement déclarative sur la portée de la formation à cette méthode. La seule étude à ma connaissance à 3 bras, mais en simple aveugle, est celle de la danoise Annette Werner & al (2013) : y furent comparés un groupe d'hypnose recevant trois leçons d'une heure d'auto-hypnose avec des enregistrements audio supplémentaires pour faciliter l'accouchement, un groupe de relaxation recevant trois leçons d'une heure de diverses méthodes de relaxation et de pleine conscience avec des enregistrements audio pour une formation supplémentaire, et un groupe recevant uniquement les soins prénataux habituels.

Le résumé :

« Aucune différence n'a été trouvée entre les trois groupes sur la durée depuis l'arrivée au service des naissances jusqu'à la phase d'expulsion de la deuxième étape du travail, la durée de la phase d'expulsion ou d'autres résultats à la naissance. Moins de césariennes d'urgence et plus de césariennes électives ont eu lieu dans le groupe hypnose. Aucune différence n'a été observée entre les groupes pour le succès de la lactation ou les soins à l'enfant, mais moins de femmes du groupe hypnose ont préféré une césarienne lors de futures grossesses en raison de la peur de l'accouchement et des expériences de naissance négatives. »

Werner conclue donc :

« L'apprentissage de l'auto-hypnose pour faciliter l'accouchement, enseigné sous forme de bref cours, n'a montré aucun effet sur la durée de l'accouchement et sur d'autres résultats de la naissance »[54].

Dans un des rares papiers cosignés par Mongan, « Outcomes of HypnoBirthing », de nombreux bienfaits sont avancés, en comparaison avec des soins classiques, mais sans prévenir le fait que les femmes se tournant vers la méthode hypnobirthing ont déjà des déterminants particuliers en termes d’échantillon, donc difficile d’en tirer des conclusions fermes[55].

Néanmoins, il ne faudrait pas être surpris que ce type de méthode apporte une diminution de la peur de l’accouchement (qui se mesure au moyen d’un questionnaire appelé Wijma) qui ait un impact anti-nocebo non négligeable sur les appréhensions. Les travaux de Bourane et Aksu semblent aller dans ce sens[56], de même que ceux de Akbaş & al[57].

La méthode Mongan connaît une certaine notoriété, moins par ses résultats réels que parce qu’elle a utilisée par les membres de la famille royale britannique Kate Middleton et Meghan Markle, l'actrice Jessica Alba, le mannequin Gisele Bundchen, et l’actrice Emily Deschanel, entre autres.

Frédérick Leboyer[modifier | modifier le wikicode]

Le gynécologue obstétricien Frédérick Leboyer (1918-2017) est né Alfred Lazare Lévy mais changea de nom pour fuir les persécutions anti-juives durant la seconde guerre mondiale. Il rencontre en 1962 Yogeshvar Chattopadhyaya, alias Swami Prajnanpad, un guru indien du védanta non-dualiste (probablement Ramanuja). Parjananpad a prôné une sorte de mélange entre spiritualité hindoue et psychanalyse, prônant l’Adhyatma yoga, le yoga tourné vers soi, qui eut un fort impact sur Leboyer. Le gynécologue obstétricien Frédérick Leboyer (1918-2017) est né Alfred Lazare Lévy mais changea de nom pour fuir les persécutions anti-juives durant la seconde guerre mondiale. Il rencontre en 1962 Yogeshvar Chattopadhyaya, alias Swami Prajnanpad, un guru indien du védanta non-dualiste (probablement Ramanuja). Parjananpad a prôné une sorte de mélange entre spiritualité hindoue et psychanalyse, prônant l’Adhyatma yoga, le yoga tourné vers soi, qui eut un fort impact sur Leboyer.

La critique de la surmédicalisation de l'accouchement et des pratiques médicales dommageables aux femmes et aux bébés atteint son apogée en France en 1974, concomitamment aux mouvements de type MLAC. Une psychanalyse (!) au cours de laquelle il revit (!) les traumatismes de sa propre naissance lui fait écrire :

« J’ai eu une naissance atroce [il est né post mature et au forceps]. En la revivant, j’ai découvert que ce n’était pas par bonté que j’endormais mes accouchées. En les empêchant de souffrir, de crier, de hurler, c’est la souffrance de ma mère, ce sont ses cris, et mes cris à moi aussi que j’essayais d’effacer. Ce fut très dur de découvrir ça… très… »[58].

Dur de prendre au sérieux une telle mémoire natale, qui est cérébralement impossible. Puis il lit le livre du viennois Otto Rank (1884-1939), Le traumatisme de la naissance (1924, en français, 1928) qui soutient l’idée (qui n’est pourtant pas du tout étayée) qu’à la naissance, tout être humain subit un traumatisme majeur qu’il cherche ensuite à surmonter en aspirant inconsciemment à retourner dans l’utérus maternel. Il fait de la première séparation biologique d'avec la mère le prototype de l'angoisse « psychique ».

Mélange de psychanalyse désuète, donc, et de spiritualisme hindoue, dans une période de contestation de la deuxième vague féministe, l’amenèrent à publier « Pour une naissance sans violence » (Seuil,1974), dont les recommandations seront appliqués par le chirurgien et obstétricien Michel Odent dans la maternité de l'hôpital de Pithiviers qu'il dirige. À la même époque, des accouchements démédicalisés typés Leboyer ont eu lieu dans certaines communautés du MLAC. Le MLAC a été fondé en 1973 notamment pour proposer des IVG dans les bonnes conditions, malgré l'interdiction de cette pratique. Certaines femmes ont raconté y avoir mieux vécu leur IVG que leur accouchement, ce qui a encouragé certains groupes locaux de cette association à également accompagner des accouchements. Une séquence montrant un tel accouchement figure dans le documentaire Regarde, elle a les yeux grands ouverts de Yann Le Masson[59].

Celui qu’on appelle « le médecin qui regarde l’accouchement par les yeux de l’enfant qui naît » explique que la relation qui unit la mère à son enfant est une relation amoureuse, et que c'est cette relation qui doit être privilégiée au moment de l'arrivée de l'enfant. Je trouve ce genre d’affirmation fort creuse, et faussement informative. D’ailleurs, elle passe sous silence les mères qui ne ressentent pas d’élan sentimental vers l’enfant, et en souffrent.

Il prône également l'importance du premier geste, qui doit être de déposer l'enfant sur le ventre de sa mère pour qu'il continue à en sentir la chaleur et le battement cardiaque (probablement justifié pour des raisons d’ocytocine, cf plus loin, mais cela ne semble pas être la base de son argument). Il préconise ensuite de clamper le cordon ombilical, c’est-à-dire la pose d’une pince pour interrompre la circulation du sang avant de le couper, uniquement lorsqu'il a cessé de battre. Selon lui, « ce geste facilite le passage à la respiration pulmonaire, et le rend moins traumatisant. » (?) Je trouve ailleurs sur divers forums l’argument de couper le cordon le plus tard possible pour faire bénéficier au bébé de toutes les cellules souches du placenta. Point critique

Point critique

C’est vrai que le sang de cordon contient des cellules souches (hématopoïétiques) sanguines, qui sont capables de produire toutes les autres cellules trouvées dans le sang, y compris les cellules du système immunitaire. Et les greffes de cellules souches hématopoïétiques (CSH) de sang de cordon peuvent être utilisées pour traiter plusieurs maladies du sang, comme la leucémie. Donc donner le cordon à des banques de sang (publiques!) se tient, mais il est très peu probable que ce soit utile pour l’enfant en question, et l’argument de laisser le cordon en place plus longtemps ne semble pas avoir d’intérêt direct question cellules souches. Il semble plutôt que ce soit une question de statut en fer car durant les premières minutes de vie, il existe une transfusion de sang importante entre le placenta et le nouveau-né via le cordon ombilical. Mais on soupçonne qu’un délai trop long augmente les risques de problèmes respiratoires, de polycythémie (surproduction de cellules sanguines par la moelle osseuse) ou encore d’hyperbilirubinémie, concentration anormalement élevée de bilirubine, entraînant un ictère (une jaunisse).

Les décodeurs du Monde se sont penchés sur la question il y a peu, et rapportait un consensus scientifique existe en faveur du clampage du cordon ombilical rapidement dans la 1ere ou 2e minute qui suit la naissance. Si la norme était encore au début des années 2000 de le faire dès les soixante premières secondes de vie, cette intervention « précoce » n’est plus recommandée (hors nécessité de réanimation) par l’Organisation mondiale de la santé (OMS), qui préconise depuis 2014 de le faire après une à trois minutes « pour toutes les naissances ». Maintenir la circulation du sang entre le placenta et le nouveau-né pendant ce laps de temps peut en effet contribuer à « améliorer le bilan en fer du nourrisson jusqu’à six mois après la naissance », selon l’OMS.

Jusqu’à il y a peu, les seules études randomisées ont été effectuées dans des pays où la déficience en fer est largement répandue. J’ai lu une étude de 2011[60] réalisée sur des bébés suédois : quatre cents enfants nés après une grossesse sans risque ont été randomisés pour avoir leur cordon ombilical coupé tôt – moins de dix secondes après la naissance – ou de façon retardée – plus de trois minutes après. A deux jours, il y avait moins de cas d’anémie chez les enfants clampés tardivement. A quatre mois, si tous les enfants présentaient le même taux d’hémoglobine, chez ceux clampés la concentration en ferritine était supérieure de 45% en moyenne. Aucun effet secondaire n’a été démontré. Les auteurs préconisent de retarder la coupure du cordon, car elle bénéficierait donc aussi aux enfants nés dans des régions à faible prévalence de déficience en fer et pourrait être considéré comme un standard après une grossesse dite « normale ». Mais la crainte est d’accroître les risques d’hémorragies post-partum, première cause de mortalité maternelle (16 %) avec l’argument que plus on laisse le placenta à l’intérieur, plus on a un risque d’hémorragie. L’OMS écrit que « Le risque d’hémorragie du post-partum reste identique que le cordon soit clampé précocement ou tardivement »[61]. De même, « Les études suggèrent que le clampage tardif du cordon ombilical apporte jusqu’à 75 mg de fer (réserve nécessaire pour 3,5 mois) au bébé jusqu’à ses six mois et que les effets bénéfiques les plus importants sont observés chez les enfants nés à terme de mères présentant une carence en fer et chez les bébés de poids de naissance inférieur à3 000 grammes »[62](mais la référence a vingt ans).

Une revue systématique de 2018[63] a fait le travail sur les bébés prématurés  et a conclu que le clampage différé à plus de 60 secondes réduit la mortalité hospitalière, ce qui appuie les lignes directrices actuelles recommandant le clampage différé chez les prématurés.

Leboyer a également vanté l’accès de la parturiente à la « conscience de l'enfantement » et qu'elle vive la naissance de façon « intense ». Il a pour cela élaboré une préparation « sensible », par laquelle le corps acquiert souplesse et postures « justes », et son âme « joie et conscience ». Nombreuses notions floues difficiles à évaluer. De fait, il a fait provende d’outils variés, tels que des mouvements issus des arts martiaux chinois (sans évaluation à ma connaissance), ou encore des sons inspirés de « la » musique indienne et accompagnés de la tempura, instrument ressemblant à un luth. Il a incité les parturientes à trouver leur tonalité propre (?), et à chanter le raga indien, composé de huit notes permettant aux femmes de s'apaiser le jour J. Il explique : « lorsque les contractions arrivent, asseyez-vous et chantez. Vous verrez que, spontanément, elles s'arrêtent. » C'est ainsi qu'il participa à l'ouverture de la première « maternité chantante » à Pithiviers en association avec Marie-Louise Aucher (1908-1994) créatrice de la psychophonie (terme qui provient du courant spirite d’Allan Kardec) et de son dérivé, le « chant prénatal ».

De notre lecture de l’ouvrage « L’homme sonore », de Madame Aucher (1977) et de la littérature disponible, nous constatons que le fait de chanter a effectivement des effets intéressants, mais certainement pas avec les arguments de Madame Aucher. En 2021 une étude comparant chant, musique et groupe témoin, a montré des effets immédiats : musique et surtout chant ont des effets positifs sur l'état émotionnel, le stress (cortisol) et le lien (ocytocine). De plus, le groupe de chant a montré une plus grande réduction du cortisol et une plus grande amélioration de la valence que le groupe de musique. En examinant des effets plus prolongés, des effets significatifs sur l'auto-efficacité générale et la proximité perçue avec l'enfant à naître (mesurée avec une échelle visuelle analogique) ont été trouvés. Il y a aussi des résultats probants sur la transmission de messages de santé par le chant dans des contextes de faible alphabétisation[64]. Mais il s’agit de chant, et non de psychophonie. Selon Marie-Louise Aucher, certaines parties du squelette humain pourraient vibrer (?) lorsqu'un son émis provenant de la voix même de la personne, ou bien d'une source extérieure correspond à leurs fréquences de résonance (Un do 4, émise par exemple par un orgue, pourrait alors être ressentie par des vibrations au niveau de la vertèbre dorsale DXII, dont la fréquence de résonance correspondrait à celle du do 4). Dans l'autre sens, lorsqu'une personne présente une difficulté d'émission vocale pour un son (c'est-a-dire pour une fréquence donnée), cela correspondrait, selon Aucher, à un trouble fonctionnel d'une partie du corps. Il n’y a absolument aucune étude sérieuse sur le sujet, ce qui montre que la théorie de Mme Aucher s’est construite sans fait, ce qui est très mauvais signe.

Ina May Gaskin[modifier | modifier le wikicode]

Ina May Gaskin, née en 1940 sous le nom de Middleton, a été surnommée « la mère de la sage-femme authentique ».

Dans son livre spiritual Midwifery (1976) :

« … Les femmes enceintes et les mères qui accouchent sont des forces élémentaires, dans le même sens que la gravité, les orages, les tremblements de terre et les ouragans sont des forces élémentaires. Afin de comprendre les lois de leur flux d'énergie, vous devez les aimer et les respecter pour leur magnificence en même temps que vous les étudiez avec la précision d'un vrai scientifique »[65].

(J’ai des notes sur ses livres, et sur The Farm, qui me laisse perplexe à plus d’un titre ! Mais je n’ai pas eu le temps de les colliger).

La critique de la médicalisation américaine de la naissance s'exprime principalement dans le mouvement hippie, notamment porté par la sage-femme Ina May Gaskin (1940-). Cette dernière fondera une communauté, The Farm, à Summertown, dans le Tennessee, basée sur un vœu de pauvreté, la valeur sacrée du mariage, la non-violence et le « respect de la Terre, sur un comportement straight, sans contraception artificielle, un découragement de l’avortement et où l'on peut accoucher « naturellement ». Elle est apparue dans des films comme Orgasmic Birth: The Best-Kept Secret (2009) (réalisé par Debra Pascali-Bonaro) et The Business of Being Born (2008) (réalisé par Abby Epstein et produit par Ricki Lake ). Elle apparaît également dans With Women: A Documentary About Women, Midwives and Birth (2006), et elle est présentée dans un documentaire de 2013 sur The Farm appelé American Commune .

Il me semble que le courant « accouchement naturel » a été instrumentalisé par certaines sage-femmes souhaitant à tout prix (à raison ?) reprendre le contrôle sur les médecins qualifiés de chirurgiens, voire de bouchers, cela au prix d’arguments recevables sur le plan sociologique, mais aussi d’arguments simili-scientifiques. Dans un contexte US, où il n’y avait que 275 sages-femmes en 1963, 4000 en 1995 et plus de 11000 en 2016.

Points critiques

- Est développée une haine viscérale des césariennes. Autant la critique d'une systématisation est audible, autant il est difficile de trouver une procédure médicale qui a sauvé plus de vies que les césariennes, les chiffres sont formels.

- Les césariennes nuisent au lien mère-enfant : je ne trouve pas de fondement à cela. Le seul travail que j’ai trouvé testant la différence de lien mère-enfant (avec questionnaire) comparait des femmes ayant accouché par césarienne élective et celles par césarienne d’urgence. « Aucune différence significative entre les deux césariennes en ce qui concerne la liaison, la réponse du nouveau-né à la séparation ou le type d'alimentation n'a été observée à aucun moment », écrivent Forti-Buratti & al 2017[66].

- Les césariennes entraînent des problèmes de santé à long terme chez les bébés : cela ne semble pas le cas systématiquement. Il semble accepté que la prévalence de la mortalité maternelle et de la morbidité maternelle est plus élevée après une césarienne qu'après un accouchement vaginal, comme le montrent Sandall é al.[67] (risque accru, non systématique mais accru, de rupture utérine, de placentation anormale, de grossesse extra-utérine, de mortalité à la naissance et d'accouchement prématuré). Mais les études contrôlées sont rares.

Quant aux bébés il y a des débuts de preuves que les bébés nés par césarienne ont différentes expositions hormonales, physiques, bactériennes et médicales, et que ces expositions peuvent modifier subtilement la physiologie néonatale.

« Les risques à court terme de comprennent un développement immunitaire altéré, une probabilité accrue d'allergie, d'atopie et d'asthme, et une diversité réduite du microbiome intestinal intestinal. La persistance de ces risques plus tard dans la vie est moins bien étudiée, bien qu'une association entre l'utilisation des césariennes et une plus grande incidence de l'obésité et de l'asthme à la fin de l'enfance soit fréquemment signalée. Il existe peu d'études qui se concentrent sur les effets de la CS sur les résultats cognitifs et éducatifs » (Sandall & al.)[67] .

- Les césariennes nuisent au microbiome intestinal du bébé. Il y a des des études allant effectivement dans ce sens.

(j'ai des nouvelles refs à mettre ici)

La composition du microbiote digestif est effectivement différente entre un enfant né voie basse ou par césarienne, elle reste différente jusqu’à dans l‘enfance (Shao & al. 2019)[68].

Mais il est dur de savoir si c’est la césarienne, ou les raisons menant à la césarienne, qui agissent. La version commune est celle-ci : le nourrisson naissant par voie basse ingérant des bifidobactéries présentes dans le vagin de sa mère, cela aura un effet protecteur sur le système immunitaire du bébé, et créerait un terrain favorable pour la colonisation à long terme de son propre tube digestif par des bactéries utiles à son métabolisme. A contrario, s’il est extrait chirurgicalement du ventre maternel, il n’entre pas en contact avec ces souches bactériennes, et de fait serait plus sensibles à la colonisation par des espèces pathogènes souvent associées à des risques d’asthme, d’allergies, ou de diarrhées.

J’en profite pour dire que malgré les espoirs, les tentatives d’ensemencement de bébé nés par césarienne avec des microbes vaginaux à la naissance ne semblent apporter aucun bénéfice à 1 mois et 3 mois[69]. L’espoir était né d’une étude de 2016[70] très médiatisée, dans laquelle des chercheurs étasuniens disaient montrer qu’en administrant des tissus imbibés de la flore bactérienne interne de sa mère, le bébé rattraperait sur le plan immunitaire. Mais je suis circonspect, car le nombre de sujets était très très faible, sur seulement un mois, sans randomisation. Et Alexander Khoruts pointe que des antibiotiques ont été donnés à toutes les mamans ayant accouché par césarienne et pas aux autres, bref autant de failles dans le protocole, qui me font m’étonner que ce soit passé dans Nature Medicine. D’autres études mieux ficelées sont en cours, comme celle de Carpén & al. avec transplantation de flore fécale maternelle selon un protocole randomisé, dont on attend les résultats[71].

J’ai lu par ailleurs que a présence d'un microbiote non dominé par Lactobacillus dans un endomètre réceptif a été associée à des diminutions significatives de l'implantation de grossesse[72].

On lit ailleurs que les césariennes modifieraient l'ADN du nourrisson : là, il est difficile de voir pas comment ce serait possible. Est-ce une mauvaise compréhension d’une autre étude ?

A creuser : « Aussie docs slam mental health screening of C-section women » ( Des médecins australiens dénoncent le dépistage de la santé mentale des femmes qui choisissent la césarienne), par Jackie Sinnerton, The Weast Australian, 25 dec 2020. « Les obstétriciens australiens se sont engagés à lutter contre toute décision d'envoyer les femmes enceintes ayant demandé une césarienne chez un psychiatre... »

Revenons à Mme Gaskin. La rigueur ne semble vraiment pas être son point fort.

Le principal apport conceptuel d’I. M. Gaskin semble être la loi du sphincter, ou sphincter law, en 2004[73]. Davis et Pascali-Bonaro (2010) écrivent p. 35 :

« Tout comme le sphincter, anal, le col est sensible aux influences extérieures, notamment à la tension et au manque d’intimité. Elle pose avec humour la question : « vous serait-il facile de faire caca à la demande, ou sans intimité, ou selon un emploi du temps prédéfini ? »[74].

Lisons Gaskin :

« Sphincters open best in conditions of privacy and intimacy, without time limits * Sphincters do not operate under orders such as ‘urinate now!’, ‘push!’, or ‘poop!’ but do respond well to gentle praise and laughter (the owner’s) ». (...)

« There is the risk of the sphincter closing if the person is suddenly frightened, upset, or embarrassed due to high levels of adrenaline in the bloodstream  ». (...)

« Most importantly is the observation that the state of relaxation of the mouth and jaw is directly correlated to the ability of the cervix, the vagina, and the anus to open to full capacity. A relaxed and open mouth favours a more open vagina and cervix. » (...)

La naturopathe Breanne Kallonen, sur son site écrit par exemple :

• « Les sphincters s'ouvrent mieux dans des conditions d'intimité et de confidentialité, sans limite de temps. ».

• « Les sphincters ne fonctionnent pas sous des ordres tels que "uriner maintenant !", "pousser !" ou "caca !", mais ils réagissent bien aux louanges et aux rires doux (du propriétaire)

• « Il existe un risque de fermeture du sphincter si la personne est soudainement effrayée, bouleversée ou gênée en raison d'un taux élevé d'adrénaline dans le sang. ».

• « Le plus important est l'observation que l'état de relaxation de la bouche et de la mâchoire est directement corrélé à la capacité du col de l'utérus, du vagin et de l'anus à s'ouvrir à pleine capacité. Une bouche détendue et ouverte favorise un vagin et un col plus ouverts. »[75]

Il faut savoir qu’Ina M. Gaskin ne brille pas par sa méthodologie. Elle est connue pour avoir inventée des données sur les grossesses post-terme et sur la mortalité maternelle. Elle a par exemple prétendu que le taux de mortalité maternelle aurait doublé au cours de la dernière génération, alors que c'est factuellement faux. La prétendue augmentation, si j’en crois Amy Tuteur[76], est presque entièrement due à deux révisions distinctes des certificats de naissance qui ont élargi la classification des décès maternels pour inclure des décès qui n'auraient pas été inclus auparavant. Elle a aussi martelé que l'Organisation mondiale de la santé recommandait un taux de césarienne de 10 à 15 % en négligeant de mentionner que la recommandation avait été rétractée

Quand elle écrit : « … I will start with the observation that the vagina and the cervix—not just the anus and the urethra—are sphincters, that is, the circular muscles surrounding the opening of organs which are called upon to empty themselves at appropriate times. », elle s’étonne d’être la première à en parler, n’en trouvant pas trace dans la littérature du XXe siècle.


Point critique

C’est assez logique qu’elle n’ait rien trouvé. Car... ni le vagin, ni le col de l'utérus ne sont des sphincters.

Un sphincter est un muscle circulaire qui entoure l'ouverture d'un organe. Le vagin a quelques fibres musculaires, mais la plupart de sa force musculaire est longitudinale et le col de l'utérus n'est pas fait de muscle ou n'est pas du tout entouré de muscle, ne possède même pas de cellule musculaire, comme l’explique l’obstétricienne gynécologue Amy Tuteur. Le col de l'utérus n'est pas non plus un sphincter. Sonia S. Hassan & al. expliquent :

« Le col de l'utérus est essentiellement un organe du tissu conjonctif. Les muscles lisses représentent moins de 8 % de la partie distale du col de l'utérus. Il est peu probable que la compétence cervicale, définie comme la capacité du col à retenir le conceptus pendant la grossesse, dépende d'un mécanisme sphinctérien musculaire traditionnel. Des expériences dans lesquelles des bandes de col de l'utérus ont été incubés avec de la vasopressine (une hormone qui induit la contractilité) indiquent que la réponse contractile du col de l'utérus est nettement inférieure que celle du tissu obtenu à partir de l'isthme du fond de l'utérus.Il est maintenant bien établi que le fonctionnement normal du col pendant la grossesse dépend de la matrice extracellulaire. »[77].

Certes, le corps humain possède de nombreux muscles sphincters, dont le sphincter anal et deux sphincters urétraux (interne et externe). Il y en a d'autres : le sphincter supérieur de l'œsophage, qui s'ouvre lorsque la nourriture passe dans l'estomac, le sphincter d'Oddi, qui contrôle la libération de bile et d'enzymes pancréatiques dans le duodénum, ​​et l'iris, qui contrôle la taille de la pupille pour réguler la quantité de lumière pénétrant dans l'œil.

Il est inexact voire faux de dire que les sphincters ne sont pas sous le contrôle volontaire de leurs propriétaires. Le fait qu'un sphincter soit ou non sous contrôle volontaire dépend de s'il est fait de muscle lisse ou de muscle squelettique. Le sphincter urétral externe et le sphincter anal externe sont sous contrôle volontaire (fort heureusement) même s'il y a une autre partie de ce sphincter, interne, qui est involontaire (communication de ma collègue SaraEve Longsorth Graham). Tout l'intérêt de l'apprentissage de la propreté est d'apprendre aux enfants à contrôler ces sphincters.

Je suis étonné de retrouver cela dans la thèse de Stéphanie St-Amand (2013), qui par ailleurs aborde de belles critiques (cf. plus loin) :

« On sait que chez toutes les femelles mammifères, la stimulation de l’activité néocorticale est antagoniste des fonctions réflexes dont fait partie l’accouchement (le phénomène d’inhibition est encore plus important chez les grandes primates et chez l’humaine étant donné la grosseur et le développement de leur néocortex). Ceux et celles qui assistent la femme en travail devraient donc s’assurer de préserver celle-ci des principaux stimuli de l’activité néocorticale qui sont : le langage, la lumière vive, la sensation d’être observée, le stress et la peur. Le seul fait d’être observée suscite la gêne, laquelle déclenche une réaction de type « fight or flight » et la production de catécholamines, ce qui empêche le relâchement et la dilatation du col utérin (un sphincter), un acquis de l’évolution qui permet de fuir un éventuel danger (Buckley, 2004a, 2004b; Odent, 2001b; Uvnäs Moberg, 2003). Comme le dit la sage-femme Ina May Gaskin : « Our sphincters are shy! » (Citation tirée du documentaire Orgasmic Birth (2009), réalisé par Debra Pascali-Bonaro). En d’autres mots : il faut être à l’aise et rassurée pour enfanter spontanément. Dans le contexte de la surveillance étroite à l’hôpital, souvent en présence de plusieurs personnes, il est aussi facile pour une femme d’enfanter de façon spontanée et rapide (sous l’effet du réflexe d’éjection fœtale inaltéré) que d’atteindre l’orgasme en résolvant une équation mathématique complexe. »[78] (pp. 144-145)

Nous reviendrons sur ces points

Anecdote : on doit à Gaskin une manœuvre dite « Gaskin Maneuver » visant à réduire la dystocie de l’épaule du nouveau-né (elle a écrit quelques articles mineurs sur le sujet, dont « For the first time in history an obstetrical maneuver in named after a midwife » (pour la première fois dans l'histoire, une manoeuvre obstétricale reçoit le nom d'une sage-femme)[79]. Après recherches, il semble que cette manœuvre, parmi d’autres (comme celle dite « manœuvre de Menticoglou » et la technique de traction de la sangle axillaire postérieure) ait bien un intérêt[80].

Michel Odent[modifier | modifier le wikicode]

Les conceptions de Michel Odent (1930) sont l’élément central de la NP. Selon lui, il faut corriger l’attitude « intellectuelle prédominante ».

« Comprendre l’accouchement comme un processus involontaire, mettant en jeu des structures anciennes, primitives, mammaliennes du cerveau, conduit à rejeter l’idée reçue selon laquelle la femme peut apprendre à accoucher. Cette interprétation permet même d’admettre qu’on ne peut pas aider activement une femme à accoucher. On ne peut aider un processus involontaire ; on peut seulement éviter de trop le perturber »[49].

A la suite des auteurs précédents, il dénonce des facteurs d’environnement inhibiteurs du processus de parturition. Il utilise un argument ambigu : les femmes n’ont guère attendu la médecine moderne occidentale pour accoucher. D’une part le concept de médecine occidentale est désuet (en plus d’être d’un dualisme anthropologique primitiviste), et il est recommandé de parler de médecine basée sur les preuves. D’autre part si les femmes n’ont guère attendu la médecine pour accoucher, il s’agit d’un biais du survivant : nous sommes (sauf mort en couche) tou·tes issu·es de femmes ayant réussi à accoucher, mais la mortalité à la naissance des mères et des enfants était bien plus grande par le passé. C’est une sorte de raisonnement à rebours qui ne tient qu’au prix d’oublier en route le grand nombre de femmes décédées en couche dans l’histoire

Le problème posé par les techniques médicales (péridurale, césarienne, injection d’ocytocine artificielle, forceps, ventouse, épisiotomie) est un éternel problème de balance bénéfices/inconvénients : leur usage dans les hôpitaux modernes sauvent indéniablement la vie des mères et des bébés en danger, mais, appliquées systématiquement aux accouchements dits « normaux », elles sont susceptibles de perturber le processus physiologique et d’entraîner des complications. Le problème est du même type que celui des vaccinations : pour des cas individuels le choix peut être différent que pour un traitement collectif à l’échelle de la santé publique. Comme l’écrit Pruvost, « L’impératif de garantir au plus grand nombre un accouchement physiologique peut dans ce cas n’être pas une revendication première, c’est plutôt le principe de naissance respectée (qu’il s’agisse d’une césarienne ou d’un accouchement physiologique) qui prévaut, l’essentiel étant de garantir du bien-être à la mère et à l’enfant à naître. »[81]

Un état de transe ?[modifier | modifier le wikicode]

Odent (1979) affirme que les parturientes ont besoin d’entrer dans un état de transe où elles cessent d’intellectualiser l’événement. Ce serait une sorte d’état de conscience modifié, intemporel / avec distorsion du temps, thèse qui semble remonter à Tricia Anderson (1961-2007), sage-femme britannique, chercheuse et coéditrice de The Practicing Midwife une revue très pratique publiée au Royaume-Uni. Le papier qui est mobilisé à ce propos lui est post-mortem, et compose un chapitre de livre en 2010[82]. Le parallèle est fait de manière un peu rapide entre le « let go » ressenti et la transe hypnotique selon Ermelando V. Cosmi 1995, dont j’ai lu le papier[83], et qui n’apporte qu’une vague étude tirée d’un livre de 1961 d’August[84].

Objectivement, la caractérisation d’état de conscience modifié est très problématique sur le plan des données et des signatures cérébrales, et le mot transe est objectivement impropre, car de toute façon trop polysémique. D’autres auteurs comme Olza & al. (2020) ont suggéré qu'un état de conscience altéré adviendrait par des voies neurohormonales. Mais cela me semble plus déclaratif qu’autre chose. Davis & Pascali-Bonaro (2010) insistent également p. 25 : « les ondes cérébrales des femmes en travail, quand elles ne sont pas perturbées par l'ocytocine de synthèse ou d'autres intervention, sont en fréquence thêta »[74] (qu'elles relient à l'intuition, aux perceptions extra-sensorielles (sur lesquelles il n'y a pas de preuve probante), à la résolution spontanée des problèmes). Il est légitime d'avoir de gros doutes sur ce genre de déclaration sans preuve, qui plus est car les ondes théta ne sont pas homogènes (cf. chapitre 5.5).

Un réflexe d’éjection du fœtus ?[modifier | modifier le wikicode]

Odent postule un concept qui lui est quasi-propre (mais qui ne vient pas de lui) : le réflexe d'éjection du fœtus. En fait Odent prend cette notion de réflexe d'éjection du fœtus à Niles Polk Rumely Newton (il le dit dans son article de 2018). Un certain nombre d’auteurs et autrices (comme Davis & Pascali-Bonaro p. 38) parlent d’un « chercheur », alors qu’il s’agit d’une femme.

Michel Odent :

« Dans les années 1980, j'ai suggéré qu'un authentique réflexe d'éjection du fœtus est également possible chez l'homme, mais qu'il est généralement réprimé par l'activité néocorticale. Avec le soutien de Niles Newton, j'ai écrit que sauver ce terme de l'oubli serait une clé pour faciliter une compréhension radicalement nouvelle des particularités de la parturition humaine (Odent 1987 ; Newton 1987). J'avais observé que, dans des situations exceptionnellement rares, les femmes peuvent parfois éprouver un tel réflexe, caractérisé par un accouchement après une courte série de contractions irrésistibles et puissantes sans aucune place pour les mouvements volontaires. Lorsqu'un réflexe typique se produit, il y a une élimination évidente du contrôle néocortical : les femmes semblent être « sur une autre planète » ; dire des bêtises; se comporter d'une manière généralement considérée comme inacceptable à l'égard des femmes civilisées ; se retrouver dans les postures les plus inattendues, les plus bizarres, souvent des mammifères penchés en avant ou quadrupèdes. Le réflexe ne démarre pas toujours à la même phase de descente de la partie présentant le fœtus. »

« Il est facile d'expliquer pourquoi le concept de réflexe d'éjection du fœtus n'est pas compris après des milliers d'années de socialisation de l'accouchement. C'est précisément lorsque l'accouchement semble imminent que l'accoucheuse tend à devenir encore plus intrusive. Le réflexe d'éjection du fœtus peut être précédé par l'expression soudaine et explosive d'une peur avec une référence fréquente à la mort » (Odent 1991). « Toute tentative de rassurer par des mots peut interrompre la progression vers le réflexe d'éjection du fœtus » (Odent 2000). « Dans le contexte particulier d'une société pré-alphabétisée et pré-agricole de Nouvelle-Guinée, Wulf Schiefenhovel a pu filmer discrètement des femmes accouchant dans la brousse, sans aucune assistance, à travers d'authentiques réflexes d'éjection du fœtus semblables à ceux que certaines femmes modernes peuvent parfois éprouver dans des situations idéales. En général, toute interférence tend à ramener la femme en travail « sur terre » et tend à transformer le réflexe d'éjection du fœtus en une seconde étape du travail, qui implique des mouvements volontaires. Aujourd'hui, il n'existe pas de recette simple pour surmonter des milliers d'années de conditionnement culturel. Cependant, je peux décrire un environnement compatible avec un authentique réflexe d'éjection du fœtus, même dans le cas de femmes modernes hautement civilisées. Le réflexe est plus susceptible de se produire dans une petite pièce sombre à une température ambiante confortable, sans personne autour, à part une figure maternelle discrète et silencieuse assise dans un coin ».
Selon Michel Odent, la phase d’expulsion (les poussées) n’existe que parce que nous perturbons l’accouchement. Sans perturbation, la dilatation complète serait suivie d’un réflexe d’éjection du fœtus. Le bébé sort sans effort de la part de la mère, il glisse et il n’y a pas de poussée active. Il existe des témoignages de cela, mais rares sont les observations, puisque le fait d’observer est censé perturber le processus : quand un phénomène est prétendu vrai, mais que l’observer le rend timide, je suis toujours circonspect, car grande est la litanie des concepts timides du même genre, irréfutables par essence. Et son papier central sur le sujet cite en grande part ses propres travaux, ceux de Newton et de Ferguson.
En cherchant dans Pubmed, Sciencedirect, Cochrane Lib le syntagme « Fetus Ejection Reflex », apparaissent peu de choses : je retrouve l'hypothèse originale de Newton d'un réflexe d'éjection du fœtus psychoactif et neurohormonal, mis en parallèle avec le réflexe d'éjection du lait ». (Newton 1987[85]) Newton, décédée en 1993[86], pointait « l'importance écologique de la capacité de l'environnement à réguler le travail et la lactation». Quatre types de mécanismes d'expulsion du fœtus discutés par Ferguson sont passés en revue, en mettant l'accent sur le besoin de plus de recherche. Ce « réflexe », décrit par Newton, proviendrait d'une élévation brutale de l'adrénaline de la femme à la sortie du bain, par le même mécanisme que la peur. Odent rapproche ce phénomène des habitudes des tribus indiennes qui lors d'accouchements longs et difficiles, déclenchaient la peur chez les femmes en simulant une attaque. Celle-ci entraînait, d'après lui, le réflexe de déjection du fœtus (histoire qui semble sortie du chapeau). Il rappelle (Le bébé, p. 37) que la vieille (?) habitude obstétricale de déclarer « faites chauffer les fers ! » créé une peur (du même type que la sortie de l’eau du bain) stimulant le soi-disant réflexe. J'ai tenté ma chance avec « réflexe de Ferguson », du nom de cet auteur, James Kenneth Wallace Ferguson (1907–1999)[87] qui publia en 1941[88], sans succès. Il y a aussi Higuchi 1987[89], une étude sur des rats ayant montré que le réflexe d’éjection du fœtus serait supprimé lorsque l’on procède à une ablation bilatérale de nerfs pelviens. Mais je ne vois pas ce qu’on peut tirer de cette information. De fait, il n’y a pratiquement plus mention du fameux soi-disant réflexe dans la littérature mondiale depuis presque 40 ans.

Parmi les revendications d’Odent, il y a la fin de la systématisation du décubitus dorsal (ce qui n’est pas infondé du tout, cf. chapitre 3) mais aussi minimiser le monitoring des accouchements, ne plus faire d’injection d’ocytocine de synthèse, on y reviendra.

Il est clair que la systématisation de ces méthodes vient d’une recherche de rationalisation des prises de risques, tant par le corps médical qui se « couvre » que par les parturientes elles-mêmes, baignées dans ce que certain·es appellent une culture de la peur, très moderne, et de minimisation des risques telle que les proposent les entreprises assurantielles.

La volonté de parer à l’urgence immédiate ou éventuelle amène à des techniques et dispositifs successifs pouvant expliquer la surmédicalisation. Vania Jimenez, professeure agrégée au Département de médecine familiale de l'Université McGill, à Montréal écrit :

« L’usage excessif de la césarienne nous paraît une manifestation de la culture de la peur dans laquelle nous baignons tous. »[90]

Là encore, il va être difficile de trancher entre l’intérêt collectif d’une pratique, et l’intérêt particulier d’une personne qui accouche. On abordera l’ocytocine de synthèse au chapitre Ocytocine.

Odent a de manière ambiguë défendu la professionnalisation de professions paramédicales type doulas, ostépathes, haptonomistes. Là encore, c’est très ambigu : il y a tout l’intérêt de redonner du pouvoir de l’expertise aux parturientes, ce qui semble aller sous le sens. Mais est-ce au prix d’importer avec de nouvelles professionalisations ? Et si oui, la vigilance doit être de mise sur la scientificité des techniques proposées. On voit bien le problème avec l’haptonomie et l’ostéopathie, en particulier la version cranio-sacrée, sur laquelle j’ai publié avec mes collègues du CORTECS et dont les fondement (le MRP, mouvement respiratoire du crâne) sont objectivement une vue de l’esprit[91].

Il défend l’idée que la mélatonine serait une hormone importante pendant l’accouchement, qui expliquerait pourquoi les femmes accouchent plus souvent la nuit et plus facilement dans la pénombre. Il y aurait des récepteurs à mélatonine dans l’utérus (ce qui est à peu près vrai, voir plus loin).
Pour Michel Odent, chez l’humain, le néocortex est l’ennemi de l’accouchement.

Selon Odent, il faut corriger l’attitude « intellectuelle prédominante » :

« Comprendre l’accouchement comme un processus involontaire, mettant en jeu des structures anciennes, primitives, mammaliennes du cerveau, conduit à rejeter l’idée reçue selon laquelle la femme peut apprendre à accoucher. Cette interprétation permet même d’admettre qu’on ne peut pas aider activement une femme à accoucher. On ne peut aider un processus involontaire ; on peut seulement éviter de trop le perturber »[92].

Lorsque le néocortex des femmes est stimulé, il inhibe le processus physiologique de l’accouchement. Un exemple qu’il présente à l’appui de cette idée est que le nouveau-né sait nager à la naissance. Puis son néocortex se développe et il perd sa capacité natatoire. Plus tard il devra apprendre à nager. On dit souvent que l’analogie ne peut faire office de preuve, et ici le lien entre la capacité natatoire et le processus d’accouchement est artificiel, et non argumenté.

Il est important, dit-il, de laisser « la femme » dans sa bulle, dans son « état de conscience modifié » et de la laisser sécréter les hormones dont elle a besoin. Parmi les choses qui stimuleraient le néocortex, la lumière… Nous reviendrons sur ces points au chapitre Mélatonine et Autres questions.

Il invoque le fait qu’« on ne se sentirait pas observé quand on est dans le noir » (p. 26) (ce qui ne me semble pas aller de soi) et que les mammifères se cachent pour mettre bas, et je m’arrête un instant dessus.

Les mammifères se cachent-ils pour mettre bas ?[modifier | modifier le wikicode]

Odent invoque les effets de changement de milieu, avec les travaux sur les souris de Niles Newton[93], dérangées par le changement de milieu non familier, qui a priori montrent qu’une mammifère a nécessairement besoin de se cacher.

Cette idée est reprise par Davis et Pascali-Bonaro (p 14) : « chez tous les mammifères, le travail s’interrompt si la femelle se sent observée (les souris enfermées dans des cages de verre montrent clairement ce comportement) », donnant pour référence Newton & al. 1979[94].

Il existe environ 5000 espèces de mammifères, il me semble d’emblée un peu présomptueux d’affirmer qu’elles se cachent toutes pour mettre bas. Alors j’ai contacté mes collègues et amis le biologiste Cyrille Barrette, l’éthologue Agatha Liévin Bazin, Jean-Louis Hartenberger, Pierre Kerner, Elise Huchard sur la question : toutes les mammifères s’isolent-ils pour mettre bas ?

Cyrille Barrette me dit qu'à peu près toutes les espèces de phoques, d’otaries et de morses mettent bas sur les grèves ou sur la banquise, au milieu de tout le monde.

Agatha Liévin-Bazin ajoute qu'il y a un paquet de contre exemple chez certains mammifères sociaux, où en effet, les femelles qui mettent bas ne s'isolent pas (assez probablement chez des sociétés où les lignées matrilinéaires jouent un rôle pivot ds la société). Elle m’a donné des papiers chez des singes (grands et petits) qui indiquent que les femelles ont plutôt tendance à s'entraider. Ici[95], chez les langurs, où une femelle multipare aide à l'accouchement d'une jeunette ; là chez les bonobos[96]. Il semble que chez les cétacés (dauphins, orques surtout), d'autres femelles restent pas loin pour notamment aider le bébé à aller vers la surface pour prendre sa première inspiration, le temps que sa mère se remette. J'ai aussi lu sur ce blog (tenu par des étudiant.e.s de master et de thèse), que les mâles orques risquaient d'agresser les mères en train d'accoucher et que d'autres femelles pouvaient les tenir à distance[97]. Possible que chez les éléphants, ce soit pareil. Les autres membres de la troupe ne sont jamais bien loin.

J’ai écrit à Elise Huchard à Montpellier, qui a fait sa grosse revue sur l'infanticide, qui m’a répondu :

« Il me semble clair que cette affirmation est non-vérifiée et non étayée par la littérature scientifique ; c'est fréquent que les 'social scientists' proposent des affirmations sans le moindre fondement sur ce que font, ou ne font pas les autres animaux. Pour le trait qui vous intéresse (i.e. s'isoler ou non pendant la mise-bas) je pense qu'il y a de fortes variations entre espèces, qui reflètent assez probablement

(1) le risque de prédation: une femelle est très vulnérable pendant la mise-bas et c'est sans doute pour ça qu'elle peut se cacher dans certaines espèces, par ex pour ne pas donner naissance en milieu ouvert et exposé si le groupe est très exposé, ou au contraire s'assurer de donner naissance au coeur du groupe pour être mieux protégée dans d'autres cas ; (2) le risque d'infanticide: dans les espèces où le risque d'infanticide est élevé, notamment de la part des autres femelles, les femelles pourraient avoir tendance à s'isoler des congénères pour mettre bas ; mais ce n'est pas toujours le cas et parfois d'autres stratégies sont privilégiées, comme donner naissance de façon synchrone chez les mangoustes rayées, voir les travaux de Mike Cant par ex.

Enfin la structure sociale est importante, et l'isolement des femelles peut dépendre de leur rang social. Je crois qu'il y a des travaux sur les hyènes tachetées ; il me semble (mais je ne suis pas sûre) que les femelles subordonnées (mais pas les femelles alpha) s'isolent pour les toutes premières semaines des petits car elles ont un fort risque d'infanticide de la part des femelles dominantes, mais elles sont ensuite contraintes de ramener leurs petits au sein de groupe social lorsque ceux-ci sortent du terrier et ont besoin de protection face aux prédateurs.

Enfin, chez les babouins chacma que j'étudie, les femelles semblent parfois s'isoler mais ce n'est pas systématique ; je suppose qu'elles n'ont pas toujours la possibilité de le faire (notamment, si le groupe est en mouvement, il leur faut suivre et elles ne peuvent s'arrêter que très brièvement pour accoucher). Par ailleurs, les naissances sont très rapides et elles n'ont peut-être pas toujours le temps de s'isoler (je les ai déjà vues accoucher en marchant). Beaucoup accouchent de nuit et du coup nous ne savons pas comment ça se passe.

En bref, je pense que votre question est complexe, intéressante, et nécessiterait une étude biblio approfondie pour apporter une réponse plus étayée. Je ne suis vraiment pas sûre que ce trait ait été étudié de façon systématique dans un contexte comparatif (quelles sont les espèces qui s'isolent ou pas, et pourquoi) mais ce serait for intéressant de le faire. En tous les cas, je ne pense pas que toutes les femelles s'isolent systématiquement. De toute façon, c'est rare qu'une généralité sur les comportements soit vraie vu la diversité et l'étendue du groupe des mammifères, comme vous le notez très justement. »

Elle ajoutera :

« En regardant vite fait, j'ai trouvé ces articles auxquels ça peut être utile de jeter un œil ; ces articles suggèrent qu'il n'y a pas nécessairement d'isolement actif de la femelle, mais qu'elle peut parfois se retrouver un peu périphérique au moment de la parturition car elle prend du retard par rapport à son groupe (cf. le quatrième article). Il y a beaucoup d'autres références anecdotiques, mais peu de revues systématiques et la seule que j'ai trouvé ne s'intéresse pas directement à la question de l'isolement. »

https://onlinelibrary.wiley.com/doi/full/10.1111/mms.12864

https://www.sciencedirect.com/science/article/abs/pii/0304395985901617

https://karger.com/fpr/article-abstract/42/1/62/142351/Parturition-in-Wild-Gorillas-Behaviour-of-Mothers?redirectedFrom=fulltext

https://www.sciencedirect.com/science/article/pii/S0376635708001563

Dans le papier de 2018 par Elisa Demuru & al je lis (traduction-maison) :

« Tous les primates sont des animaux sociaux, mais la composition des groupes sociaux de primates et l'étendue des interactions sociales diffèrent considérablement d'une espèce à l'autre (Fleagle, 2013) et cela se reflète certainement sur le moment de la parturition. Selon les espèces et les relations interindividuelles, les femelles pourraient accoucher de manière isolée ou au sein de leur groupe social et, dans ce dernier cas, le type et l'étendue des interactions sociales avec les autres membres du groupe pourraient être très variables, comme le confirment les études disponibles. décrivant la parturition chez les primates non humains »[98].

Et Demuru & al. de citer pour l’isolement: Duboscq, Neumann, Perwitasari-Farajallah, & Engelhardt, 2008; Nowak, Porter, Lévy, Orgeur, & Schaal, 2000; Starin, 1988.

Pour un groupe sans interactions sociales : Kinnaird, 1990; Peker, Kowalewski, Pavé, & Zunino, 2009; Turner & al., 2010; Windfelder, 2000 ;

Pour un un groupe avec de nombreuses interactions sociales : Ding, Yang, & Xiao, 2013; Douglas, 2014; Pan & al.., 2014.

Je n’ai pas compulsé toutes ces refs. Demuru :

« Plusieurs facteurs expliquent cette rareté des observations. Chez les espèces diurnes, les livraisons ont généralement lieu la nuit, ce qui rend leur observation très difficile (Jolly, 1972). Dans la nature, les mères peuvent chercher des endroits sûrs/cachés, augmentant ainsi la difficulté à suivre les accouchements, alors qu'en captivité, les mères peuvent être séparées de leur groupe pour des raisons vétérinaires, excluant ainsi la possibilité d'enquêter sur la dynamique sociale qui se produit pendant la naissance. Il est actuellement impossible de tirer des conclusions sur l'étendue de la socialité de naissance chez les primates non humains en raison de l'absence de rapports multiples sur la même espèce qui ne permet pas de comprendre si certaines formes de soutien social sont présentes/récurrentes chez des espèces autres que les humains ».

On m’indique aussi Nowak et Lévy, des chercheurs qui bossaient à l'INRAE de Nouzilly, sur l'attachement mère-petit chez les brebis. Mais ce sont beaucoup des études en labo/conditions captives, et sur des animaux domestiques (donc plein de biais).

En résumé, tout porte à croire que Michel Odent fait feu de tout bois, et offre des généralités inexactes sur ce sujet.

Je ne m’appesantis pas sur d’autres trucs plus douteux encore : il affirme que par exemple « l’éloignement des hommes tend à cultiver le mystère, le mystère que représente pour les hommes le monde des femmes et la naissance ? Et l’attrait sexuel se nourrit de mystère » (Le Bébé…, p. 33). Difficile de faire quelque chose avec des truismes de ce genre. Il s’appuie en cela sur les travaux de Samuel Janus à New York qui tendrait à montrer un taux d’impuissance sexuelle élevé chez les hommes ayant participé à la naissance du bébé – ce qui, même si ça avait un sens, ne me semble pas démontrer son point , ceci dit. Il ne donne pas la reférence, mais Je pense qu’il s’agit de A Sexual Profile of Men in Power, co-écrit avec Barbara Bess et Carol Saltus en 1977.
Odent sombre ensuite dans des interprétations de type psychanalytique :

« En fait, dit-il, il s’agit d’un désintérêt sexuel pour leur propre femme » (??). Et il invoque les millions d’années d’agressivité qui furent nécessaire à la survie, et dit-il « partager l’émotion d’une scène de naissance est difficilement compatible avec l’éducation de celui qui a pour mission d’être prêt, éventuellement, à tuer froidement » (p.33).

C’est le genre de phrase qui m’inquiète, car s’il peut affirmer des choses aussi grotesques, il faut vraiment regarder scrupuleusement le reste de son œuvre (qui fort heureusement ne se résume pas à ça). C’est la raison pour laquelle il voit d’un très bon œil l’arrivée des childbirth educators, sans diplôme particulier, mères avant tout. On a une division des tâches qui mettrait en PLS les actrices des deux dernières vagues féministes.

Les facteurs d’environnement inhibiteurs ?[modifier | modifier le wikicode]

Odent dénonce des facteurs d’environnement inhibiteurs du processus de parturition

Cette partie n'est pas du tout rédigée. Voici les ressources glanées.

  • Stark Mary ann : Importance of the Birth Environment to Support Physiologic Birth (2016)
  • Nilsson C… : Effects of Birthing Room Design on Maternal and Neonate Outcomes: A Systematic Review (2020)
  • R. Sosa et al. : The effect of a supportive companion on perinatal problems, length of labor, and mother–infant interaction :The New England Journal of Medicine (1980)
  • Orli Dahan : Birthing consciousness: A lacuna in evolutionary psychological science (2021)

L’environnement électronique

Il s’appuie en cela sur The Lancet 12 déc 1987, méta-A monitoring / sans monitoring avec juste écoute d’une sage-femme à intervalles réguliers. Seule différence : augmentation du taux de césariennes et de forceps (p 18)

Davis, Pascali-Bonaro 2010 p 57 étude Collège am des obst : monitoring à intervalles judicieux (monitoring intermittent) ont d’aussi bons résultats qu’avec le monitoring en continu (Obst & Gynecology 106(6) 2005)

Davis, Pascali-Bonaro 2010 p. 58 nourrissent des doutes sur l’effet des ultrasons : elles mobilisent 3 publis :

- Kieler Epidemiology 2001

- Rodgers, Midwifery Today 80, 2006

- Fowlkes, journal of Ultrasound Med, 2008


Y a-t-il des publications sur le vécu et la durée de l’accouchement en fonction de l’environnement (nombre de personnes, lumière, langage, interventions routinières, etc.) ?

Je ne sais répondre à cette question, n'ayant pas cherché.

L’adrénaline

→ renvoi au chapitre spécifique

Que penser du cerveau « primitif » et du néocortex ?[modifier | modifier le wikicode]

« Un accouchement facile et rapide est corrélé avec une attitude particulière de la femme, qui semble être « dans sa bulle », qui n’interagit plus avec son entourage, qui semble ailleurs, qui ne parle plus, qui se comporte différemment que d’habitude ». Selon Michel Odent, cela correspond à un état modifié de conscience, induis par un cocktail hormonal, notamment les endorphines. Dans cet état, le néocortex de la femme diminuerait son activité, permettant aux structures archaïques du cerveau de prendre pleinement en charge le processus. Ces structures sont responsables d’autres processus physiologique, comme la digestion, l’endormissement, l’éternuement, le rythme cardiaque, etc. la volonté n’y prend pas part. On ne peut pas décider quand on digère, quand on arrête et à quelle vitesse on digère. Par contre, la digestion peut être perturbée par un évènement extérieur, comme un grand danger. »

Il écrit :

« Pendant l’accouchement, la partie active du cerveau est la partie primitive, ancienne, celle que l’on a en commun avec tous les mammifères. C’est le cerveau primitif qui doit secréter les hormones nécessaires aux contactions utérines efficaces. Les inhibitions, elles, viennent du nouveau cerveau, du néocortex (…) En réduisant l’activité de ce nouveau cerveau (..) on change d’état de conscience. C’est pourquoi on peut arrêter le progrès d’un accouchement en demandant à la future mère son n° de Sécurité Sociale, c’est-à-dire en stimulant son néocortex. » Une phrase-motto : « la longueur d’un accouchement est proportionnelle au nombre de personnes alentour ».

Quels sont ses arguments ?


Il les prend dans les films de Wulf Schiefenhövel sur naissances chez les Eipos en Nouvelle-Guinée. Il écrit :

« En 1978, lors d'une conférence « d'ethno-obstétrique » à Gottingen, en Allemagne, j'ai eu l'occasion de voir les films de Wulf Schiefenhövel (de l'Institut Max Planck) chez les Eipos, qui vivent dans les hautes terres de Nouvelle-Guinée. Les Eipos n'étaient pas parfaitement représentatifs d'une ethnie pré-agricole, puisqu'ils avaient des jardins et des cochons. Cependant, ils avaient encore des caractéristiques paléolithiques. Les naissances n'étaient pas socialisées et, dans les films réalisés par Wulf et sa femme, on voit des femmes accoucher dans la brousse, sans aucune assistance »[99].


Je n’ai pas trouvé ces films. Mais je suis heurté par des lieux communs qui étaient déjà évincés à son époque. Primo, on est dans de l’anthropologie dite « primitive » ; qui était à la mode dans les années 30. Secundo, la question des « caractéristiques paléolithiques » est vraiment pauvre : selon la caractéristique choisie, presque tout peuple peut se retrouver classé paléolithique. Odent sous-entend qu’au paléolithique les naissances n’étaient pas socialisées, ce qui me semble non corroboré par la paléoarchéologie – nous avons demandé à Marylène Patou-Mathis avec Sarah Duflon.

Question : « Les preuves archéologiques relatives à l'accouchement durant le Paléolithiques sont très rares. Nous trouvons chez certains auteurs revendiquant un plus grand respect de la physiologie, le postulat que les femmes accouchaient seules et sans assistance avant le néolithique. Quelles sont les données, si vous en avez, sur la manière dont les femmes accouchaient au paléolithique? Étaient-elles seules, accompagnées, et si oui uniquement d'autres femmes? Avons-nous une idée des lieux de naissance (intérieur, extérieur) et des positions d'accouchement? Existait-il des rituels entourant la naissance ? »


Réponse de Madame Pathou-Mathis :

Aucun argument ne vient étayer ces allégations cependant l'abondance des petites  statuettes représentant des femmes enceintes en particulier celles perforées (amulettes ?) pourrait suggérer que la grossesse et l'accouchement  étaient une affaire de femmes.

Question : « Il est commun de dire que l'accouchement a toujours été dangereux et a emporté un grand nombre de femmes et de bébés avant l'arrivée de l'obstétrique moderne. Avez-vous une idée du taux de mort maternelle et fœtale en couche selon les différentes périodes de la préhistoire et connaissez-vous les causes ou facteurs de risque de cette mortalité ? » Réponse de Madame Patou-Mathis[100] :

Aucune donnée quantitative cependant les squelettes de femme dépassant les 40 ans est extrêmement rares (contrairement à ceux des hommes ). On a découvert un cas intéressant. Dans la grotte de Santa Maria di Agnano, près de Ostuni (Brindisi, Italie), une des sépultures (Ostuni 1), datée à 24410 ± 320 ans BP, contenait le squelette d’une femme jeune adulte disposé sur le côté en position légèrement fléchie. Elle a été enterrée au terme de sa grossesse ; le squelette du foetus, dont le crâne est situé dans le petit bassin de la femme, est bien conservé. Elle est richement parée (une coiffe de coquillages percés, d'autres coquillages ornaient son vêtement, une canine de cerf percée), quelques outils en silex avaient été déposés près d’elle et de l'ocre rouge était concentrée sur le crâne. (E. Vacca, D. Coppola. The Upper Palaeolithic burial at the cave of Santa Maria di Agnano (Ostuni, Brindisi): preliminary report Riv. Antropol., 71 (1993), pp. 275-284).

Question : « avez-vous des données sur la gestion du cordon ombilical à la naissance ainsi que celle du placenta ? Réponse de Madame Patou-Mathis :

Non.

Question : « avez-vous des données sur le temps moyen d'allaitement et le nombre de bébés par femme ?" Réponse de Madame Patou-Mathis :

Dans les populations préhistoriques, d’après les analyses isotopiques de dents d’humains du Paléolithique moyen et supérieur (Néanderthaliens et premiers Homo sapiens), l’âge du sevrage complet se situerait entre 2,5 et 6 ans,par exemple, les deux jeunes frères néanderthaliens du site d’El Sidron (Espagne) sont nés à trois ans d’intervalle (Carles Lalueza Fox & al., Genetic Evidence for Patrilocal Mating Behavior Among Neandertal Groups », PNAS, vol. 108 (1), p. 250-253, 2011). D’après des études paléoanthropologiques, les filles étaient en âge de procréer à environ 11,5 ans chez les Néanderthaliens (12,5 ans pour les garçons) et environ 13,5 ans chez les premiers Homo sapiens (14,5 ans pour les garçons).

Revenons à Schiefenhövel : en quoi le fait qu’une caractéristique d’un peuple, pris parmi plein d’autres, devienne une règle ? D’autant qu’il pourrait y avoir mille raisons à ce que Schiefenhövel (dont les méthodes sont bien moches, soit dit en passant) n’ait pas capté des accouchements assistés, peut être de jour et dont il était exclu (d’où son « vol d’image nocturne »?). Bref, la trame argumentative est bien maigre, et pleine de jugements de valeur. Il invoque d’autres peuples

  • les Turkmènes des rives de la mer Caspienne (pas de ref à l’appui de ça).
  • Les tribus indiennes (?) du Canada (vu leur nombre, on peut dire que c’est très très imprécis).

Il mobilise aussi le livre de Daniel L. Everett, Don't Sleep, There Are Snakes: Life and Language in the Amazonian Jungle (2009). Everett, missionnaire et linguiste, qui a passé près de 30 ans de sa vie parmi les Pirahãs, dans la jungle brésilienne amazonienne au bord de la rivière Maici :

« Les Pirahãs ont conservé de nombreuses caractéristiques des sociétés paléolithiques (?), puisque ( ? pourquoi « puisque »?) la préparation et la plantation des champs de manioc ont commencé au cours du XXe siècle. L'utilisation de machettes importées est également récente. Dans un tel contexte, il faut lire avec attention ce qu'écrit Everett sur l'accouchement. Une femme accouche généralement par elle-même et il n'y a pas de place spéciale pour le travail. Cela dépend de la saison. Pendant la saison sèche, lorsqu'il y a des plages le long de la Maici, une forme courante d'accouchement consiste pour la femme à aller seule dans la rivière jusqu'à la taille, puis à s'accroupir et à accoucher, de sorte que le bébé naisse directement dans la rivière. Non seulement il n'y a pas de notion d'accoucheuse mais, de plus, l'attirance des femmes travailleuses pour l'eau se confirme comme un comportement humain répandu. C'est probablement le seul document écrit sur un groupe ethnique dans lequel des bébés naissent occasionnellement dans l'eau ».

Pour affirmer cette dernière phrase, il faudrait effectuer une revue systématique.

Enfin, il se réfère à Marjorie Shostak (anthropologue, sans diplôme d’anthropologie) et son mari, Melvin Konner (lui anthropologue diplômé), qui ont écrit sur les « naissances solitaires et sans aide » chez les chasseurs-cueilleurs africains !Kung San, qui vivent dans le désert du Kalahari (Eaton, Shostak et Konner 1988). On constatera que :

- la ref donnée n’est pas bonne (car l’article prône un régime paléolithique, et ne parle pas des!Kung San) ;

- la bonne ref est un livre, Nisa : The Life and Words of a !Kung Woman, publié pour la première fois par Harvard University Press en 1981. Je ne l’ai pas lu. Possible que ça tienne la route – mais on est dans du cherry picking, sans une analyse globale des chasseurs-cueilleurs.

L’usage des termes cerveau primitif, néocortex etc. sont typiques de ce qu’on appelle la « pseudo »théorie du cerveau triunique, introduite à des fins illustratives par Paul D. MacLean[101], et qui doit son immense succès à l’auteur semi-mystique Arthur Koestler dans The ghost in the machine (1967), à Howard Bloom, au romancier Julian Barnes, mais aussi, aussi surprenant que cela paraisse, à Carl Sagan (dans The Dragons of Eden, 1977).

Cette théorie, qui utilise une analogie avec les couches successives des écorces d’un arbre, repose sur l'hypothèse d'une évolution du cerveau humain en plusieurs phases, qui correspondrait à l'apparition sur Terre des différentes classes phylogénétiques d’eucaryotes.

La structure anatomique la plus ancienne de notre cerveau correspondrait à un cerveau dit primitif, archaïque, primaire ou « reptilien » situé le plus profondément. Il aurait environ 400 millions d'années. Il remonterait à l'époque où des poissons sortirent de l'eau et devinrent batraciens.

Le cerveau paléo-mammalien, ou limbique, serait le deuxième, apparaissant avec les premiers mammifères vers 220 million d'années. Il serait à l'origine de notre système limbique dévolu aux principaux comportements instinctifs et à la mémoire. Il permettrait les émotions et déclencherait les réactions d'alarmes du stress.

La structure la plus récente, correspondant au cerveau humain, néo-mammalien ou néocortex, serait située à la périphérie du cerveau, à l'extérieur. Il n'aurait que 3,6 millions d'années, date d'apparition des Australopithèques africains qui avaient la particularité d'être bipèdes, ce qui implique un développement accru du cerveau. Il permettrait notamment le raisonnement logique, le langage et l'anticipation des actes.

MacLean s’est inspiré des travaux neuroanatomiques comparatifs effectués par Ludwig Edinger au début du XXe siècle, puis Charles Judson Herrick et Elizabeth C. Crosby, comme l’indique Reiner (1990)[102].

Hélas, cette théorie est grandement fausse sur le plan évolutif[103].

Bien sûr, le cerveau humain est le résultat de périodes de céphalisation successives. Mais les structures dites du cerveau 'mammalien' ont évolué à travers la spécialisation de structures présentes depuis les plus anciens des vertébrés. Ainsi le néocortex a évolué à partir de structures déjà existantes dont le pallium ; il n'a pas été rajouté par-dessus le reste du cerveau comme le suggère le modèle triunique. L’archipallium, le fameux « cerveau reptilien » est toujours présent chez les mammifères, il correspond au cortex olfactif. On sait aussi maintenant que les ganglions de la base (structures dérivées du plancher du cerveau antérieur et constituant le complexe reptilien de MacLean) occupent une partie beaucoup plus petite du cerveau antérieur des sauropsides (oiseaux+ « reptiles ») qu'on ne le supposait auparavant, et existent chez les amphibiens et les poissons ainsi que les mammifères et les sauropsides. Ces ganglions de la base se trouvent dans le cerveau antérieur de tous les vertébrés modernes, donc ils datent très probablement de l'ancêtre évolutif commun des vertébrés, il y a plus de 500 millions d'années, et non des « reptiles » (entre guillemets car ce n’est pas un clade). L’imaginaire d’un comportement stéréotypée et rituelle des sauropsides comme le suggère le complexe reptilien de MacLean est battu en brèche par les études, par exemple les capacités cognitives très sophistiquées de certains oiseaux (corvidés, perroquet gris etc)

On sait désormais que les structures du système limbique, qui, selon MacLean, sont apparues chez les premiers mammifères, existent chez de nombreux vertébrés modernes. Même le trait « paléomammalien » des soins parentaux à la progéniture est répandu chez les oiseaux et existe chez certains poissons. L'évolution de ces systèmes remonte vraisemblablement à un ancêtre vertébré commun. Des études récentes basées sur des données paléontologiques et des preuves anatomiques comparatives suggèrent fortement que le néocortex était déjà présent chez les premiers mammifères émergents.

Et bien que les non-mammifères n'aient pas de néocortex au sens propre (c'est-à-dire une structure comprenant une partie du pallium, constitué de six couches caractéristiques de neurones), ils possèdent des régions palléales. Les oiseaux et les reptiles possèdent généralement trois couches dans le pallium dorsal (l'homologue du néocortex des mammifères).

Le télencéphale des oiseaux et des mammifères établit des connexions neuroanatomiques avec d'autres structures télécencéphaliques, comme celles faites par le néocortex. Il assure la médiation de fonctions similaires telles que la perception, l'apprentissage et la mémoire, la prise de décision, le contrôle moteur, la pensée conceptuelle.

Dans le cas de la peur, les sens apportent le message stressant pour l'organisme ; le message nerveux visuel passe des globes oculaires aux corps géniculés latéraux. Puis les axones de ces deux noyaux de la région thalamiques gagnent le cortex visuel primaire situé, comme son nom l'indique, dans le néocortex. Puis des axones de ce cortex visuel primaire gagnent les régions thalamiques sous‑corticales et parviennent à l'amygdale, situés selon le modèle du cerveau triunique dans la partie paléo-mammalienne, avant de transmettre les signaux appropriés aux modifications corporelles, notamment à la substance grise périaqueducale chargée de provoquer la contraction musculaire et située, encore selon le modèle triunique, au sein du cerveau reptilien.

Donc, même si des connexions relient le cortex frontal aux autres aires néo-corticales de même qu'aux structures sous-corticales et notamment au striatum (donc le cerveau reptilien), ces aires conservent une relative autonomie. En revanche, des lésions de ce cortex s'accompagnent de troubles à la fois cognitifs et affectifs

De plus, le cortex préfrontal, illustration de sa relative indépendance, a pour fonction de supprimer les influences - internes ou externes - potentiellement sources d'interférence avec la réalisation anticipée du comportement.

Donc l’idée d’une indépendance de trois cerveaux clairement distincts est simpliste et trompeuse, de même que présenter les interactions entre les structures comme conflictuelles en raison de la séparation anatomique du cerveau. Michel Odent a utilisé une métaphore bien périmée.

Un livre récent en français, de Sébastien Lemerle, « Le cerveau reptilien » (2021) semble faire le tour de cette question.

Autres auteurs/rices[modifier | modifier le wikicode]

Il conviendrait de lire de mière approfondie les acteur·ices du domaine suivant·es :

  • Isabelle BRABANT, Vivre sa grossesse et son accouchement : Une naissance heureuse, Chronique Sociale, 2003
  • Alain TORTOSA, Guide de la grossesse à l'usage des futurs parents. Le jour où les femmes ont abandonné leur grossesse à la "science", Éditions Archilogue, 2008
  • Joelle TERRIEN, Passage de Vies, Pour une naissance libre éditions l'Instant Présent, 2008
  • Sarah FARRI, Comment accoucher avec le sourire... Ou presque !, AFNIL, 2019
  • Aurore Koechlin, Suivre et être suivie. L’émergence, la consolidation et la déstabilisation de la norme gynécologique en France (1931 2018)

Délimitation du concept de naissance physiologique[modifier | modifier le wikicode]

En reprenant la définition donnée précédemment, voici la définition telle que je la comprends.

La naissance physiologique (NP), ou accouchement physiologique désigne le fait de donner naissance de façon aussi saine et aisée que possible, grâce aux facteurs qui favorisent le processus naturel, en éliminant les facteurs qui le contrarient, et en évitant les interventions majeures comme l’induction, l’assistance instrumentale, la césarienne, la médication anesthésique et la péridurale. Au cœur du processus se trouve la revendication d'une intimité et d'une confiance qui permettent une activité spontanée de la mère et la diffusion d'ocytocine nécessaire à l'enfantement, partant du principe que la peur, le stress, les protocoles bloquent le processus et diffusent l'adrénaline, présentée comme antagoniste de l'ocytocine.

Discussion de McKenzie & Montgomery (2021)[104] :

« Il y a une rareté surprenante de littérature obstétricale et sage-femme explorant la naissance physiologique non perturbée et en particulier, les expériences des femmes. À notre connaissance, c'est la première fois que les expériences des femmes qui accouchent librement sont présentées comme un moyen de comprendre comment les femmes se comportent instinctivement pendant l'accouchement et les effets physiques et émotionnels qui y sont associés. Mais il s'agissait d'une étude qualitative à petite échelle et les résultats ne sont donc pas généralisables ».

Les flux théoriques qui semblent imbiber la NP me semblent fréquemment spiritualistes ou religieux, parfois New Age / naturalistes, parfois féministes et parfois autonomistes. On peut néanmoins lire dans le méta-récit de McKenzie et Montgomery (2021)[104], que les femmes ayant recours à la naissance physio n'étaient pas « anti-médecine ». S’encastrent tels des legos plusieurs concepts qui proviennent de l’accouchement sans douleur (ASD), la PPO de Lamaze, la naissance naturelle de Bradley, et l’accouchement naturel de Dick-Read, etc. cela fait une sorte de fourre-tout qui fait écrire à Timothy Rowe :

« Plus de 80 ans plus tard [après Dick-Read], les partisans de l’accouchement naturel interprètent ce terme de différentes façons : les significations attribuées à ce terme vont de l’accouchement à l’hôpital en évitant les narcotiques (ou l’anesthésie régionale) à l’accouchement à domicile sans aucune intervention médicale[105]. Essentiellement, ce terme a été « dénaturé ». Ainsi, je peux blâmer Grantly Dick-Read d’avoir introduit ce terme dans le lexique de notre domaine, sans exiger de ceux qui l’ont suivi qu’ils utilisent le terme « accouchement naturel » de la façon dont Dick-Read le faisait[106] ».

Néanmoins, que venir chercher dans la Naissance physiologique ?[modifier | modifier le wikicode]

Il semble que la NP ;

- propose la fin du « monopole médical » sur la position d’accouchement[107]

- casserait un peu la construction clinique des trois phases du travail : « les femmes de notre étude n'ont pas décrit leurs travaux dans un langage associé au modèle biomédical de l'accouchement. Il n'y avait aucune référence aux première, deuxième et troisième étapes du travail ou de la dilatation. Les « descriptions mécaniques » des changements apportés au corps d'une femme étaient également absentes des descriptions de l'expérience subjective du travail » (Olza & al., 2018)[108]. Dixon & al. (2013)[109] disent que bien que les étapes du travail puissent être connues à l'approche de la naissance, elles ont peu de sens pour les femmes pendant le travail et notent que l'accent mis sur la dilatation cervicale et le temps écoulé conduit à sous-évaluer l'intuition et la connaissance expérientielle.

- vante une sorte d’état de conscience modifié, intemporel / avec distorsion du temps, qui ne semble pas correctement documentée.

Sur le plan politique, la question se pose de savoir si la NP doit être apolitisée, ou au contraire assortie d’un discours politique, et si oui, lequel ? La neutralité politique est-elle possible en matière de naissance ?

Pruvost s’inquiète de ce point :

« Contre toute attente, le corpus de récits d’accouchement à domicile, francophones, qui circule sur internet n’est que très rarement assorti d’un point de vue ouvertement militant, comme s’il importait de lisser la portée de l’événement pour convaincre d’un bout à l’autre de l’échiquier politique. Il faut savoir lire entre les lignes pour déceler des partis pris clairement écologistes, et plus rarement anticapitalistes. Nos observations ethnographiques au sein de rencontres nationales ou internationales entre partisan·e·s de la naissance respectée montrent pourtant de claires distinctions entre des discours modérés sur la « démocratisation » du droit à l’accouchement de son choix sans préoccupation écologique ou anticapitaliste et des discours (plus minoritaires) de plus franche rupture avec l’expansionnisme colonial et postcolonial du modèle industriel hégémonique. »

L’un des écueils serait par exemple de tomber dans de l’écoféminisme, peu connue pour son réalisme effectif, et dans des conceptions essentialistes telles que le proposent les mouvements type Wicca ou gravitant autour des notions de Déesse-mère, qui en prétendant nous faire avancer sur les droits des femmes, nous fait retomber dans des conceptions spiritualistes voire religieuses, avec ordre moral, dont on pensait être débarrassé. Je pense que les héritières des féministes matérialistes et de l’école de Chicago ont la meilleure piste de travail, par des positions anti-capitalistes, anti-hégémonique du système industriel, anti-patriarcales et écologistes non spiritualistes.


Notes et références[modifier | modifier le wikicode]

  1. Goer H., Romano A. (2012). Optimal care in childbirth: The case for a physiologic approach. Seattle, WA: Classic Day, p.3.
  2. Pour une introduction à cete question, Hinote B. P., Wasserman J. A. (2012), The Shifting Landscape of Health and Medicine: Implications for Childbirth Education April 2012 The International journal of childbirth education: the official publication of the International Childbirth Education Association 27(2):69-75
  3. Olza, P. Leahy-Warren, Y. Benyamini, M. Kazmierczak, S.I. Karlsdottir, A. Spyridou, E. Crespo-Mirasol, L. Takács, P.J. Hall, M. Murphy, S.S. Jonsdottir, S. Downe, M.J. Nieuwenhuijze, Women's psychological experiences of physiological childbirth: A meta-synthesis, BMJ Open, 8 (2018), pp. 1-11, 10.1136/bmjopen-2017-020347.
  4. Ornella Moscucci, « Holistic obstetrics : the origins of “natural childbirth” in Britain », Postgraduate Medical Journal, 79-929, 2003, pp. 168-173.
  5. Dans Dick-Read D., Revelation of Childbirth. London, Heinemann, 1943, pp. 41-52.
  6. Thomas AN: Doctor Courageous: The Story of Grantly Dick Read. London, Heinemann, 1957, pp. 76.
  7. Selon, Laura Shanley, « Comment calmer la douleur lors d’un accouchement non assisté ? », trad. De Stéphanie Souhaité, dans Catherine Dumonteil-Kremer (dir.), Élever son enfant... autrement. Ressources pour une éducation alternative, Sète, La Plage, 2003, p. 48.
  8. "Woman fails when she ceases to desire the children for which she was primarily made. Her true emancipation lies in freedom to fulfill her biological purposes," as well as stating that tribal women who died in childbirth did so "without any sadness...realizing if they were not competent to produce children for the spirits of their fathers and for the tribe, they had no place in the tribe."
  9. Dick-Read G., Natural Childbirth. London, Heinemann, 1933, p.86.
  10. Women Voicing Resistance: Discursive and narrative explorations, dirigé par Suzanne McKenzie-Mohr et Michelle N. Lafrance, 2014, vérifier.
  11. Alison Philips : « The New Reproductive Regimes of Truth », chapitre du live The Politics of the Body: Gender in a Neoliberal and Neoconservative Age, Polity, 20.
  12. https://www.skepticalob.com/2020/06/the-racism-of-natural-childbirth-and-breastfeeding-advocacy.html.
  13. Denman T., An introduction to the practice of midwifery. London, E. Cox, 1832, p. 235. Cité par Caton.
  14. Bard S: A Compendium of the Theory and Practice of Midwifery Containing Practical Instructions for the Management of Women During Pregnancy, in Labour and in Child-Bed. New York, Collins and Co., 1812, p. 122.
  15. HOSACK David, Observations on Ergot. 7 pages. 8vo, disbound; lightly dampstained. New York, 1822.
  16. Caton D: Obstetric anesthesia: The first ten years. ANESTHESIOLOGY 1970;33:102-9.
  17. Holmes RW: The fads and fancies of obstetrics: a comment on the pseudoscientific trend of modern obstetrics. Am J Obstet Gynecol 1921;2:224-37.
  18. Reid D, Cohen ME: Trends in obstetrics. JAMA 1950;142:615-23.
  19. Eastman N: Editorial. Obstet Gynecol Survey 1951;6:163-7.
  20. par Argo Records en Grande-Bretagne et Westminster Records aux États-Unis. Il est toujours disponible en CD (Pinter Martin).
  21. « Le docteur Lamaze met au point l'accouchement psychoprophylactique dit sans douleur Mars 1952 » Commemorations Collection 2002, https://francearchives.gouv.fr/fr/pages_histoire/40009.
  22. « L’invention de l’accouchement sans douleur, France 1950-1980 » Travail, genre et sociétés 2015/2 (n° 34), pages 39 à 56 https://www.cairn.info/revue-travail-genre-et-societes-2015-2-page-39.htm?ref=doi et L’obstétrique sous influence : émergence de l’accouchement sans douleur en France et en Suisse dans les années 1950, dans Revue d’histoire moderne & contemporaine 2017/1 (n° 64-1), pages 116 à 149
  23. 23,0 et 23,1 Dr Fernand Lamaze. Qu'est-ce que l'accouchement sans douleur par la méthode psycho-prophylactique : Ses principes, sa réalisation, ses résultats (1956) p. 112.
  24. Interview de F. Lamaze dans la Revue des travailleuses de la CGT - juin, juillet 1953.
  25. Extrait ici https://www.canal-u.tv/chaines/videotheque-smm/anthropologie-medicale/methode-psycho-prophylactique-d-accouchement-sans
  26. Merger et Chadeyron, 1983, p. 76 ; italiques dans l’original.
  27. Qu'est ce que l'accouchement sans douleur par la méthode psycho-prophylactique, coll. « Savoir et connaître », Éditions La Farandole, Paris, 1956, pp. 50 et 51.
  28. Dans Hersilie Roger, 1962, « Aspects scientifiques de la physiologie pavlovienne appliquée à l’obstétrique », Paris, Cahiers du Centre d’études et de recherches marxistes (cerm)., 1962, p 14. Cité par Vuille. J’ai lu par ailleurs que Lamaze a beaucoup reproché à Hersilie d’avoir pratiqué un avortement, alors interdit. Dans Marianne Caron-Leulliez, ‎Jocelyne George, L'accouchement sans douleur: histoire d'une révolution oubliée, 2004, p. 126
  29. Muldworf Bernard, 1959, « Les bases théoriques de l’accouchement sans douleur par la méthode psychoprophylactique », Congrès de l’accouchement psychoprophylactique (Reims les 30 et 31 mai 1959). Discussions [ou Bulletin de la Société française de ppo, vol. 1, n° 1], pp. 8-32. P.30, cité par Vuille.
  30. Vellay Pierre et Vellay-Dalsace Aline, 1956, Témoignages sur l’accouchement sans douleur par la méthode psychoprophylactique, Paris, Le Seuil, p. 33.
  31. Bazelaire Serge et Hersilie Roger, 1963, Maternité. Fécondation, grossesse, accouchement, nourrisson, Paris, La Table ronde, p. 113.
  32. Jeanson Colette, 1954, Principes et pratique de l’accouchement sans douleur, Paris, Le Seuil, p. 95.
  33. Lamaze, ibid, p. 14.
  34. Dans « L’accouchement sans douleur a des bases scientifiques », La nouvelle critique, revue du marxiste militant, vol. 5 n°43, fév 1953, p139 https://pandor.u-bourgogne.fr/archives-en-ligne/functions/ead/detached/NC/NC_1953_02_n043.pdf
  35. Bonstein, 1958, p. 9 ; traduction de l’auteure
  36. 1957, Naissance : méthode psychoprophylactique d’accouchement, Direction médicale : Dr Pierre Vellay, Production : Robert Courtot, Cinétest, S.l., 34 mn. Ici : https://www.youtube.com/watch?v=v3nOfR9pB-Q.
  37. op.cit, p. 75 ; italiques dans l’original
  38. Marilène Vuille, Le militantisme en faveur de l’Accouchement sans douleur, dans Nouvelles Questions Féministes 2005/3 (Vol. 24), pp. 50-67.
  39. WITHUIS Jolande, 1988, « Pijnloos bevallen: een kwestie van mentaliteit. Over de lichaamsbeleving van communistische vrouwen in de koudeoorlog » [titre anglais: « Painless childbirth: a mental issue. Physical pain and Dutch communist women during the Cold War »], AmsterdamsSociologisch Tijdschrift, vol. 15, n° 2, pp. 235-265
  40. Article du NY Times. Citation de Caton.
  41. JAUBERT Marie-José, 1979, Les Bateleurs du mal-joli. Le mythe de l'accouchement sans douleur, Paris, Balland.
  42. Rumeau-Rouquette Claude, 2001, Bien naître. La périnatalité entre espoir et désenchantement, Paris, Editions EDK.
  43. M ICHAELS Paula A., 2014, Lamaze. An International History, New York, Oxford University Press.
    Je n’ai pas lu ce livre
  44. Schweyer, 1996
  45. Charrier et Clavandier, 2013.
  46. par exemple Sheila Kitzinger 1985.
  47. Vuille, 2010.
  48. Rich, 1976.
  49. 49,0 et 49,1 Odent Michel, Le bébé est un mammifère, p. 14.
  50. Suzanne Arms, Immaculate Deception (1975).
  51. Corry A Vaner, Comparison of the Bradley Method and HypnoBirthing Childbirth Education Classes, J Perinat Educ. 2015; 24(2): 128–136. https://www.ncbi.nlm.nih.gov/pmc/articles/PMC4744344/ doi : 10.1891/1946-6560.24.2.128.
  52. Tug of War Between Two Natural Childbirth Methods, par Ann Japenga, 24 mars 1987 https://www.latimes.com/archives/la-xpm-1987-03-24-vw-231-story.html.
  53. Mongan M. F. (2005). HypnoBirthing: The Mongan method: A natural approach to a safe, easier, more comfortable birthing (3rd ed.). Deerfield Beach, FL: Health Communications. P. 6.
  54. Werner A, Uldbjerg N, Zachariae R, Nohr EA. Effect of self-hypnosis on duration of labor and maternal and neonatal outcomes: a randomized controlled trial. Acta Obstet Gynecol Scand. 2013 Jul;92(7):816-23. doi: 10.1111/aogs.12141. Epub 2013 Apr 22. PMID: 23550694.
  55. Charles Swencionis, Sarah Litman Rendell, Kathleen Dolce, Sandra Massry, and Marie Mongan, Journal of Prenatal and Perinatal Psychology and Health 27(2), Winter 2012
  56. Buran G, Aksu H. Effect of Hypnobirthing Training on Fear, Pain, Satisfaction Related to Birth, and Birth Outcomes: A Randomized Controlled Trial. Clin Nurs Res. 2022 Jun;31(5):918-930. doi: 10.1177/10547738211073394. Epub 2022 Jan 27. PMID: 35083920.
  57. Akbaş P, Özkan Şat S, Yaman Sözbir Ş. The Effect of Holistic Birth Support Strategies on Coping With Labor Pain, Birth Satisfaction, and Fear of Childbirth: A Randomized, Triple-Blind, Controlled Trial. Clin Nurs Res. 2022 Sep;31(7):1352-1361. doi: 10.1177/10547738221103329. Epub 2022 Jun 13. PMID: 35698748.
  58. cité par de Gramont, 1977
  59. visionnable ici https://video.antopie.org/w/1ab2b26a-0a9b-4918-aa01-f56903543314.
  60. Andersson O, et al. Effect of delayed versus early umbilical cord clamping on neonatal outcomes and iron status at 4 months : A randomised controlled trial. BMJ 2011;343:bmj.d7157.
  61. WHO, 2012. WHO Recommendations for the Prevention and Treatment of Postpartum Haemorrhage. WHO: Geneva.
  62. Institute of Medicine. 2001. Dietary Reference Intakes for Vitamin A, Vitamin K, Arsenic, Boron, Chromium, Copper,Iodine, Iron, Manganese, Molybdenum, Nickel, Silicon, Vanadium, and Zinc. National Academy Press: Washington, DC.
  63. Fogarty M, Osborn DA, Askie L, Seidler AL, Hunter K, Lui K, Simes J, Tarnow-Mordi W. Delayed vs early umbilical cord clamping for preterm infants: a systematic review and meta-analysis. Am J Obstet Gynecol. 2018 Jan;218(1):1-18. doi: 10.1016/j.ajog.2017.10.231. Epub 2017 Oct 30. PMID: 29097178.
  64. Sharma BB, Loxton DJ, Murray H, Angeli GL, Oldmeadow C, Chiu S, Smith R. A first step to improving maternal mortality in a low-literacy setting; the successful use of singing to improve knowledge regarding antenatal care. Am J Obstet Gynecol. 2018 Dec;219(6):615.e1-615.e11. doi: 10.1016/j.ajog.2018.09.038. Epub 2018 Oct 3. PMID: 30291841.
  65. Ina May Gaskin (2010). “Spiritual Midwifery”, p.270, Book Publishing Company
  66. Forti-Buratti MA, Palanca-Maresca I, Fajardo-Simón L, Olza-Fernández I, Bravo-Ortiz MF, Marín-Gabriel MÁ. Differences in mother-to-infant bonding according to type of C-section: Elective versus unplanned. Early Hum Dev. 2017 Dec;115:93-98. doi: 10.1016/j.earlhumdev.2017.09.020. Epub 2017 Oct 13. PMID: 29032281.
  67. 67,0 et 67,1 Sandall J, Tribe RM, Avery L, Mola G, Visser GH, Homer CS, Gibbons D, Kelly NM, Kennedy HP, Kidanto H, Taylor P, Temmerman M. Short-term and long-term effects of caesarean section on the health of women and children. Lancet. 2018 Oct 13;392(10155):1349-1357. doi: 10.1016/S0140-6736(18)31930-5. PMID: 30322585.
  68. Shao, Y., Forster, S.C., Tsaliki, E. et al. Stunted microbiota and opportunistic pathogen colonization in caesarean-section birth. Nature 574, 117–121 (2019). https://doi.org/10.1038/s41586-019-1560-1.
  69. Wilson BC, Butler ÉM, Grigg CP, Derraik JGB, Chiavaroli V, Walker N, Thampi S, Creagh C, Reynolds AJ, Vatanen T, O'Sullivan JM, Cutfield WS. Oral administration of maternal vaginal microbes at birth to restore gut microbiome development in infants born by caesarean section: A pilot randomised placebo-controlled trial. EBioMedicine. 2021 Jul;69:103443. doi: 10.1016/j.ebiom.2021.103443. Epub 2021 Jun 27. PMID: 34186487; PMCID: PMC8254083.
  70. Dominguez-Bello MG, De Jesus-Laboy KM, Shen N, Cox LM, Amir A, Gonzalez A, Bokulich NA, Song SJ, Hoashi M, Rivera-Vinas JI, Mendez K, Knight R, Clemente JC. Partial restoration of the microbiota of cesarean-born infants via vaginal microbial transfer. Nat Med. 2016 Mar;22(3):250-3. doi: 10.1038/nm.4039. Epub 2016 Feb 1. PMID: 26828196; PMCID: PMC5062956.
  71. Carpén, N., Brodin, P., de Vos, W.M. et al. Transplantation of maternal intestinal flora to the newborn after elective cesarean section (SECFLOR): study protocol for a double blinded randomized controlled trial. BMC Pediatr 22, 565 (2022). https://doi.org/10.1186/s12887-022-03609-3.
  72. Moreno I, Codoñer FM, Vilella F, Valbuena D, Martinez-Blanch JF, Jimenez-Almazán J, Alonso R, Alamá P, Remohí J, Pellicer A, Ramon D, Simon C. Evidence that the endometrial microbiota has an effect on implantation success or failure. Am J Obstet Gynecol. 2016 Dec;215(6):684-703. doi: 10.1016/j.ajog.2016.09.075. Epub 2016 Oct 4. PMID: 27717732.
  73. dans Gaskin IM. Smile for your sphincter. Pract Midwife. 2004 Nov;7(10):4-5. PMID: 15552446.
  74. 74,0 et 74,1 Elizabeth Davis, Debra Pascali-Bonaro, La naissance orgasmique, Guide pour vivre une naissance sûre, satisfaisante et agréable, éd. Du Hêtre (2010).
  75. https://breannekallonen.com/spincter-law-ina-may-gaskin/.
  76. www.skepticalob.com/.
  77. Hassan & al, Cervical Insufficiency pp. 5-6.https://mfmfellowship.org/downloads/ch3_cervical_insufficiency.pdf, in Clinical Maternal-Fetal Medicine, ch 3, edited ByHung N. Winn, Frank A. Chervenak, Roberto Romero, 2021, CRC Pess.
  78. St-Amant S., DÉCONSTRUIRE L’ACCOUCHEMENT : ÉPISTÉMOLOGIE DE LA NAISSANCE, ENTRE EXPÉRIENCE FÉMININE, PHÉNOMÈNE BIOLOGIQUE ET PRAXIS TECHNOMÉDICALE, thèse de doctorat, 2013 https://www.academia.edu/5700272/Th%C3%A8se_de_doctorat_D%C3%89CONSTRUIRE_L_ACCOUCHEMENT_%C3%89PIST%C3%89MOLOGIE_DE_LA_NAISSANCE_ENTRE_EXP%C3%89RIENCE_F%C3%89MININE_PH%C3%89NOM%C3%88NE_BIOLOGIQUE_ET_PRAXIS_TECHNOM%C3%89DICALE%20fdeL.
  79. Birth. Gaz. 998 Summer;14(3):50)
  80. Marisa Gilstrop 1, Matthew K Hoffman, An Update on the Acute Management of Shoulder Dystocia, Clin Obstet Gynecol. 2016 Dec;59(4):813-819. doi: 10.1097/GRF.0000000000000240.
  81. Le monde de la naissance alternative : une myriade de points de vue féministes, Geneviève Pruvost, Travail, genre et sociétés 2018/1 (n° 39), pp. 207 à 213.
  82. T. Anderson, Feeling safe enough to let go, The Midwife-Mother Relationship, Palgrave Macmillan, Basingstoke (2010), chap. VII, pp. 116-143
  83. Int. J. Prenatal and Perinatal Psychology and Medicine Vol. 7 (1995) No. 4, pp. 461-464. Hypnosis and Birth http://www.mattes.de/buecher/praenatale_psychologie/PP_PDF/PP_07_4_Cosmi.pdf
  84. August, R.V (1961). Hypnosis in Obstetrics. McGraw Hill, New York.
  85. The Fetus Ejection Reflex Revisited.
  86. Martucci J. The Life and Legacy of Niles Polk Rumely Newton: Breastfeeding Researcher, Advocate, and Mother, 1923-1993. Journal of Human Lactation. 2018;34(3):507-514. doi:10.1177/0890334418776644.
  87. Il y a un chapitre de Baskett sur lui, Cambridge Press, https://www.cambridge.org/core/books/abs/eponyms-and-names-in-obstetrics-and-gynaecology/ferguson-james-kenneth-wallace-19071999/C623821CA0D642470C02BDB03C061E93 je ne l’ai pas encore lu.
  88. Ferguson 1941, J.K.W. A study of the motility of the intact uterus at term. Surg Gynecol Obstet 1941. 73: 359-66.
  89. Higuchi 1987 T u. a.: Pelvic neurectomy abolishes the fetus-expulsion reflex and induces dystocia in the rat. In: Exp Neurol, May, 1987, S. 443–455
  90. Jimenez, V. 2010. « La césarienne de convenance », dans R. Frydman et M. Szejer (sous la direction de), La naissance. Histoire, cultures et pratiques d’aujourd’hui, Paris, Albin Michel, p. 1034.
  91. Rapport CORTECS CNOMK Sotéopathie cranio-sacrée + publication PlOs One
  92. Le Bébé..., op.cit. p. 14.
  93. Newton & al. Parturient Mice : effect of environnement on labor », Science, 1966, 151, 1560-1.
  94. Newton, Niles, Foshee, Donald, … Birth and the Family Journal, 6:1, printemps 1979
  95. https://link.springer.com/article/10.1007/s10329-014-0427-1.
  96. https://www.sciencedirect.com/science/article/abs/pii/S1090513817302817
  97. https://whalescientists.com/killer-whale-baby-boom/.
  98. Demuru & al, Is birth attendance a uniquely human feature? New evidence suggests that Bonobo females protect and support the parturient , Evolution and Human Behavior, Volume 39, Issue 5, September 2018, Pages 502-510 https://www.sciencedirect.com/science/article/abs/pii/S1090513817302817
  99. Is Labor a Complication of Socialized Birth?, Michel Odent, Midwifery Today, Issue 128, Winter 2018. Mais j’ai lu un truc bizarre  dans The German Eipo Research Project, d’Anton Ploeg, Journal de la Société des Océanistes, 118, année 2004 https://journals.openedition.org/jso/263?file=1 : "Wulf Schiefenhövel subsequently published Geburtsverhalten und Reproduktive Strategien der Eipo. Ergebnisse Humanethologischer und Ethnomedizinischer Untersuchungen im Zentra-len Bergland von Irian Jaya (West-Neuguinea), Indonesien [Social Processes Occurring at Birthand Reproductive Strategies of the Eipo. Results of Research into Human Ethology and Ethnomedicine in the Central Highlands of Irian Jaya] (MKU 16, 1988a). In this book, he presents seven case studies of birth-giving, in one case followed by infanticide, that the mothers allowed him and his wife to follow and to film (That the mothers did so, resulted, I suppose, also from the fact that Schiefenhövel provided medical care during his stay (1988a: 8; 1988b)). Next he summarises the extant literature on infanticide in Melanesia and argues that, contrary to most of the authors he reviews, the Eipo do practise infanticide with a view to population control. He also presents data on Eipo demography. Schiefenhövel uses a considerable number of medical terms, some in Latin, and presupposes some medical knowledge. He quotes from many medical publications. Accordingly, his book seems to address his medical colleagues and attempts to convince them that consideration of Eipo birth practices is medically worthwhile. He did similarly in several papers published in medical journals or conference proceedings (for example, 1980a, 1982b).
  100. communication personnelle, 19 novembre 2023.
  101. Mac Lean, Paul D., 1970-78, Les trois cerveaux de l'homme, Paris, Robert Laffont.
  102. Reiner, A. (12 October 1990). "The Triune Brain in Evolution. Role in Paleocerebral Functions. Paul D. MacLean. Plenum, New York, 1990. xxiv, 672 pp., illus. $75". Science. 250 (4978): 303–305. doi:10.1126/science.250.4978.303-a. PMID 17797318. S2CID 11754163.
  103. Dans son bouquin légendaire, L'Imposture scientifique en dix leçons, Michel de Pracontal y consacre un passage
  104. 104,0 et 104,1 McKenzie G, Montgomery E. Undisturbed Physiological Birth: Insights from Women Who Freebirth in the United Kingdom. Midwifery. 2021 Oct;101:103042. doi: 10.1016/j.midw.2021.103042. Epub 2021 May 20. PMID: 34130194. https://www.sciencedirect.com/science/article/pii/S0266613821001212#bib0021.
  105. Mansfield B. The social nature of natural childbirth. Soc Sci Med 2008;66:1084–94.
  106. Timothy Rowe, Rien de plus naturel, Editorial, Journal of Obstetrics and Gynecology Canada 588, Juillet 2015.
  107. Becky Reed 2016
  108. Olza, P. Leahy-Warren, Y. Benyamini, M. Kazmierczak, S.I. Karlsdottir, A. Spyridou, E. Crespo-Mirasol, L. Takács, P.J. Hall, M. Murphy, S.S. Jonsdottir, S. Downe, M.J. Nieuwenhuijze Women's psychological experiences of physiological childbirth: A meta-synthesis BMJ Open, 8 (2018), pp. 1-11, 10.1136/bmjopen-2017-020347
  109. Dixon, J. Skinner, M. Foureur Women's perspectives of the stages and phases of labour Midwifery, 29 (2013), pp. 10-17, 10.1016/j.midw.2012.07.001.