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Quelques généralités évolutives

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La gestation (appelée grossesse chez les Humains) est un phénomène physiologique lié à la reproduction chez les femelles des animaux vivipares (exception faites des Syngnathidae, la famille de poissons osseux qui contient les hippocampes, et chez qui c'est le mâle qui vit la gestation). Presque tous les mammifères ont une phase de gestation, mis à part les Protothériens (échidnés, ornithorinques) qui sont ovipares. Les Mammifères qui effectuent une gestation de type placentaire forment la sous-classe des Thériens, incluant Euthériens et Marsupiaux. Pour la petite histoire, Euthérien est un clade regroupant les Placentalia, les espèces placentaires, et les taxons fossiles plus proches des placentaires que des marsupiaux. Pour faire simple, c’est presque la même chose que Placentalia.

La gestation est une période pendant laquelle la progéniture se développe à l'intérieur du corps de la future mère dans une matrice spécialisée, comme l’utérus chez les Humains, débutant avec la nidation de l'œuf et destinée à se terminer avec la parturition / mise-bas / accouchement. La différence majeure d'avec l'incubation ovovivipare tient à la matrotrophie in utero, c’est-à-dire le fait pour un embryon in utero de recevoir une alimentation extra-vitelline (c'est-à-dire en plus de la réserve de nutriments appelée vésicule vitelline, ou lecithocèle, qui apparaît au troisième jour) fournie par la mère durant le développement. Il existe également des formes de matrotrophies extra-utérines (l’allaitement par exemple), et même des cas de cannibalisme post-partum chez certaines araignées.

La gestation correspond au temps qui s’écoule entre la fécondation et la naissance.

Certaines espèces sont cependant capables de moduler cette durée : il y a « diapause » par exemple chez le kangourou, chez la femelle chevreuil, etc. ‒ durée par ailleurs très variable selon les espèces, et même selon les individus au sein d'une même espèce. Une femelle portant une progéniture en gestation est dite gravide, gestante, ou enceinte chez les Humains.

La divergence de notre mode de gestation très particulier, même avec les autres primates non humains, et comme le développent Pavličev et al. (2020) est probablement due à l’augmentation de la taille du cerveau[1].

Il semble que le cadre conceptuel pour décrire les processus communs à tous les mammifères euthériens le plus élaboré actuellement soit celui de Rokas & al. (2020)[2].

  • La grossesse est un état temporaire qui comporte un risque de mortalité pour les femmes enceintes et leur fœtus/nouveau-nés et donc doit se terminer par l'expulsion ou la résorption du conceptus. Le conceptus désigne l’embryon accompagné de ses appendices, placenta, amnio, chorion, vésicule vitelline, cordon. La rétention du conceptus nécessite que le processus de parturition soit en sommeil ou activement bloqué pendant une durée de gestation spécifique. L'hormone stéroïde progestérone (cf. progéstérone) est un signal endocrinien qui sert à cette fin[3], et qui a été conservé chez les espèces vivipares ; notons que la viviparité reste relativement rare ‒ les scorpions et les mammifères thériens étant de rares exemples de taxons majeurs entièrement vivipares. Comme l’écrit non sans humour David Bainbridge, « La viviparité est une forme spécialisée de parasitisme qui oriente l'investissement parental vers les œufs fécondés, étale temporairement cet investissement et protège également temporairement la progéniture de nombreuses pressions de sélection »[4].
  • La parturition peut être déclenchée par plusieurs voies, dont certaines font partie du processus de synchronisation normal et fournissent des mécanismes complémentaires qui se chevauchent partiellement, tandis que d'autres (par exemple, les voies associées à la réponse à l'infection) peuvent remplacer les signaux de maintien de la grossesse pour fournir des mécanismes de sécurité qui servent les intérêts de survie de la mère (et de son potentiel reproducteur futur) et du fœtus/nouveau-né[5].
  • Chaque espèce de mammifère a développé sa propre « stratégie » de parturition, qui peut ou non être conservée chez d'autres espèces (stratégie s’entend ici sans volonté, au sens évolutif). Il fait consensus que par rapport à d'autres organes ou systèmes, les organes reproducteurs (par exemple l'utérus et le placenta) ont évolué plus récemment.
  • Les traits associés à la grossesse, y compris la parturition, ont évolué « sur » les systèmes cardiovasculaire, métabolique et immunitaire préexistants, et la « stratégie » de reproduction se coordonne avec ces systèmes. La viviparité des mammifères étant apparue à un stade relativement tardif du processus d'évolution des vertébrés, elle s'est en quelque sorte « superposée » aux systèmes cardiovasculaire, respiratoire, métabolique et immunitaire complexes préexistants, et les a considérablement modifiés. La lactation, quant à elle, est probablement antérieure à la viviparité dans l'évolution des mammifères, et a co-évolué avec la grossesse en tant que « stratégie » alternative de nutrition de la progéniture[6].
  • Le contrôle polygénique des traits associés à la grossesse, très complexes et comportant de nombreuses variantes (qui échappent à mon entendement) peut faciliter l'adaptation et la robustesse évolutives. L'évolution des traits associés à la grossesse peut avoir divers effets sur d'autres systèmes et, inversement, devrait être contrainte par des corrélations génétiques avec d'autres traits.
  • Les traits associés à la grossesse, y compris la parturition, sont influencés à la fois par les génomes maternel et fœtal et par les effets environnementaux parentaux. L'implication des génomes maternel et fœtal et les effets intergénérationnels environnementaux et épigénétiques des parents ont de profondes implications évolutives, qui ne sont pas toutes comprises, loin de là, et ont probablement connu à la fois des conflits et une coadaptation (On pourra lire Miska et Ferguson-Smith (2016)[7] qui dépasse largement mes compétences d’analyse). Par exemple, comme en témoignent les conséquences de la famine hollandaise analysée par Roseboom & al., les issues de grossesse des générations suivantes ont été négativement affectées[8].

En résumé, les traits caractéristiques de la viviparité euthérienne sont :

1) la rétention et la gestation du ou des œufs fécondés dans l'utérus ;

2) le développement d'un placenta qui facilite le transfert d'oxygène et de nutriments du compartiment maternel au conceptus, et

3) l'accouchement du fœtus et de son placenta via le processus de parturition à un stade spécifique de la gestation.

Chaque trait est essentiel au succès de la viviparité et a donc probablement été soumis à une forte pression sélective afin d’optimiser la capacité de reproduction[9]. Le cours de l'évolution des espèces de mammifères vivipares, qui a été influencé à la fois par des processus sélectifs et neutres, a produit des variations considérables dans divers traits reproducteurs, tels que le nombre d'œufs ovulés et retenus, la structure de l'utérus, l'anatomie du l'interface mère-placentaire, la structure et la fonction du placenta et son effet sur la physiologie maternelle, le taux de développement embryonnaire/fœtal et la maturité fonctionnelle du nouveau-né, ainsi que les signaux qui conduisent à la parturition[10].

Ce qui suit n’est pas un détail : les analyses phylogénétiques suggèrent actuellement que la viviparité provient de l'oviparité, cad expulsion de l'œuf peu après la fécondation et son développement indépendant dans l'environnement externe, dans au moins 150 lignées (y compris chez les mammifères, les « poissons » et les « reptiles », entre parenthèses car ils ne forment pas des clades[11]). L'évolution de la viviparité avec l'établissement et le maintien d'une gestation prolongée est caractéristique des euthériens. L'évolution de la placentation invasive chez les euthériens qui a permis une gestation intra-utérine prolongée les différencie des marsupiaux, qui développent des placentas très transitoires, et des monotrèmes (comme les ornithorynques), qui sont ovipares. Des études élégantes menées par Wagner et ses collègues ont montré que l'implantation euthérienne a évolué à partir de la réaction d'attachement marsupial, avec des signatures d'expression génique pro-inflammatoire similaires[12]. Une innovation chez les euthériens était la régulation à la baisse de l'inflammation après l'attachement de l'embryon à l'endomètre maternel, reflétée dans semble-t’il (car je ne sais pas évaluer ça) par leurs profils transcriptomiques de fibroblastes stromaux endométriaux par rapport aux marsupiaux[13]. Des mécanismes anti-inflammatoires supplémentaires ont probablement évolué chez le fœtus ou le placenta, comme le suggèrent l'expansion de la famille de gènes à motif tripartite et leur capacité à régler finement l'inflammation pendant la placentation, ce que défendent Zhang & al., mais point sur lequel je ne peux avoir d’avis par incompétence[14]. Compte tenu de ces innovations évolutives qui ont permis l'établissement d'une prolongation euthérienne de la gestation, cela suggère deux stratégies potentielles différentes que la sélection naturelle pourrait influencer pour déterminer le moment de la naissance :

  • une « stratégie » consisterait à supprimer les signaux anti-inflammatoires spécifiques qui ont permis d'établir la placentation.
  • L'autre « stratégie » : que la sélection ait agi sur d'autres cibles moléculaires, lesquelles surmonteraient les signaux anti-inflammatoires qui régulent à la baisse les signaux pro-inflammatoires nécessaires à la réaction d'attachement. Les gènes médiateurs de ces effets seraient eux-mêmes soumis aux diverses pressions évolutives, comme le suggèrent de récentes études d'association à l'échelle du génome pour la durée de gestation humaine. J’ai lu les travaux qui défendent ça (comme Labella & al. 2020[15]), mais mes compétences sont limitées pour me faire un avis objectif.


Les mécanismes de synchronisation de la parturition ont probablement été sélectionnés « pour » optimiser la capacité de reproduction en fonction des avantages pour la mère et le fœtus pour la grossesse en cours, et des avantages pour la survie de la mère et le futur potentiel de reproduction (notons que ces deux ne sont pas toujours alignés). On sait depuis Phillips & al. 2015[16] qu’il y a corrélation entre le moment de la naissance et la taille corporelle à la naissance. Mais il n’est pas clair (pour moi) si cette corrélation reflète des problématiques de développement du cerveau fœtal ou bien des contraintes physiques liées à la taille du canal de naissance, ou les deux.

Rokas & al. 2020 indiquent : « Les traits associés à la grossesse sont influencés à la fois par la génétique maternelle et fœtale. Un cadre pour étudier les effets génétiques maternels et fœtaux pendant la grossesse consiste à considérer le couple mère/fœtus comme une unité avec trois haplotypes. Le génome composé materno-fœtal de la grossesse contribue génétiquement aux phénotypes maternels par les actions des haplotypes maternels transmis et non transmis. (…) L'environnement maternel influence également les résultats de la grossesse, y compris la durée de la grossesse par le biais des effets maternels ».

On reviendra un peu sur cela dans la partie « Terme ».

Note : les placentas de mammifères peuvent être classés en fonction du nombre de tissus séparant le sang maternel du sang fœtal. * placentation endothéliochorale : les villosités choriales sont en contact avec l'endothélium des vaisseaux sanguins maternels (par exemple chez la plupart des carnivores comme les chats et les chiens).

  • placentation épithéliochorale : les villosités choriales, poussent dans les ouvertures des glandes utérines (épithélium) (par exemple chez les ruminants, les chevaux, les baleines, certains singes, les dugongs).
  • placentation hémochoriale : le sang maternel entre en contact direct avec le chorion fœtal, ce qui n'est pas le cas dans les deux autres types. Cela peut être utile pour un transfert plus efficace des nutriments, etc., mais il est également plus difficile pour les systèmes de tolérance immunitaire gestationnelle d'éviter le rejet du fœtus (par exemple chez les grands primates, les Catarrhini, y compris les humains, ainsi que chez les lapins, les cobayes, les souris et les rats).

Vers un cadre évolutif de la parturition[modifier | modifier le wikicode]

Poursuivons un peu avec les travaux qui semblent les plus aboutis à ma connaissance, ceux d’Antonis Rokas & al. (2020). Que nous apprennent-ils ?

Les connaissances tirées des analyses génomiques évolutives récentes de la grossesse chez les mammifères, associées aux analyses pangénomiques des populations humaines et l'identification des gènes impliqués dans la durée de la gestation montrent à la fois une grande quantité de connaissances sur la parturition des mammifères, et une forte opacité sur une partie de ses mécanismes, en partie due à nos possibilités limitées (et c’est tant mieux) à interroger expérimentalement la grossesse humaine pour des raisons éthiques (et technologiques d’ailleurs).

Rokas & al. ont alors proposé quatre modèles visent à expliquer le maintien de la grossesse et le déclenchement de la parturition, modèles qui seront sûrement testables dans le futur. Ils précisent cependant ce point : ils n’abordent pas le mécanisme contractile d'expulsion du fœtus, qui vient après les signaux d'initiation de l’accouchement. Et comme il est probable que ce mécanisme implique des voies utérotoniques redondantes, il sera beaucoup plus difficile à cibler efficacement en vue de la prévention des naissances prématurées.

Modèle à horloge fixe[modifier | modifier le wikicode]

Dans ce modèle, le début de la parturition est déterminé par la mère ou le fœtus sur la base d'une « horloge ». L'hypothèse de l'horloge de gestation postule un processus de mesure ou de comptage du temps qui s'accumule à partir du point de fécondation. Dans ce modèle, la parturition commence lorsqu'un certain temps est atteint. Le mécanisme de synchronisation peut résider dans le - ça pourrait être par exemple le nombre de divisions cellulaires après la syngamie, et/ou impliquer une mesure isochrone liée aux signaux circadiens, ou à la photopériode. Des polymorphismes génétiques et épigénétiques entre individus ou différentes expositions environnementales peuvent modifier l'horloge, entraînant une variation de la durée de la gestation et du moment de la parturition. Le modèle d'horloge fixe serait sélectivement avantageux si le moment de la naissance est lié au programme de développement fœtal. Pour survivre en tant que nouveau-né, le fœtus doit avoir la capacité d'établir et de maintenir l'homéostasie immédiatement après l'accouchement. La principale cause de mortalité et de morbidité néonatales chez les prématurés est l'immaturité du système organique. Le coût reproductif de l'immaturité néonatale aurait exercé une forte pression sélective sur le fait de favoriser des traits garantissant que le fœtus ne naît pas avant qu'il ne soit prêt pour la vie hors de l'utérus.

Existe-t-il des preuves suggérant que le moment de la naissance humaine dépend d’une telle horloge ? Oui, chez les brebis, la parturition est déclenchée exclusivement par une poussée de cortisol produite par l'axe hypothalamo-hypophyso-surrénalien (HPA) du fœtus en fin de grossesse. Le cortisol stimule également la maturation fonctionnelle des systèmes d'organes fœtaux, en particulier les poumons, le tractus gastro-intestinal et le foie, garantissant ainsi que l'agneau nouveau-né est équipé pour la vie en dehors de l'utérus. Cependant, des études sur plusieurs espèces montrent que bien que l'effet du cortisol fœtal semble être conservé d'une espèce à l'autre (par exemple, la corticothérapie pré-partum pour accélérer le développement pulmonaire fœtal en cas de menace de naissance prématurée a considérablement amélioré les résultats pour les prématurés humains), son rôle de moteur de parturition n'est pas conservé chez les humains.

Modèle de blocage de parturition[modifier | modifier le wikicode]

L'existence d'un blocage de parturition a été reconnue pour la première fois à la fin des années 1800 à partir de l'observation que la grossesse chez les lapins dépend d'un facteur sécrété par le corps jaune maternel et que l'élimination du corps jaune (corpus luetum, ou CL) a déclenché la parturition à tous les stades de la grossesse. Le facteur de blocage de la parturition pro-gestation a finalement été identifié comme étant le Δ5-céto-stéroïde et nommé progestérone (appelée P4, voir plus loin). Des études sur des modèles animaux ont ensuite montré que P4 prévient la parturition induite par l'ovariectomie et que le retrait de P4 seul induit la parturition.

Le modèle du blocage de de parturition poserait qu'un système bloquant domine pendant la majeure partie de la grossesse pour empêcher activement la parturition, et que le travail et l'accouchement s'ensuivent lorsque le blocage s’arrête. Sans ledit blocage, l'utérus expulserait son contenu. On pense que P4 maintient la grossesse en exerçant des effets anti-inflammatoires sur les tissus utérins, empêchant ainsi la vidange utérine associée à l'inflammation. Dans ce scénario, l'utérus gravide est prêt et préparé pour la parturition tout au long de la grossesse, mais est retenu par un bloc P4 anti-inflammatoire.

Si je comprends bien les travaux de De Cure & al.[17] et de Sagoo & al.[18], l’utérus ne se « vide » pas que pour la parturition. Les gros fibromes utérins peuvent être expulsés spontanément par un processus qui comprend la contraction myométriale et la dilatation du col de l'utérus. En cas d'expulsion de fibrome utérin, la masse de fibrome est nécrotique et les patientes présentent des signes d'infection et d'inflammation intra-utérines. Il est plausible que le même mécanisme associé à l'inflammation puisse fonctionner à la parturition pour surmonter le blocage du travail. Il y a des arguments solides pour défendre un modèle de blocage lié à la progéstérone P4.

Le modèle du blocage de parturition refléterait l'équilibre entre les intérêts génétiques maternels et fœtaux/paternels dans l'état de la grossesse. La sélection naturelle favoriserait un conceptus capable de maintenir la grossesse et d'extraire les ressources de la mère le plus longtemps possible. Des études de gènes à empreinte suggèrent que ce trait est en partie conféré par des gènes à empreinte paternelle (ce qui est logique, mais peu flatteur). En revanche, les intérêts de la mère comprennent la survie de la grossesse en cours et le maintien de sa capacité reproductive pour les grossesses futures et les soins à la progéniture dépendante actuelle. Dans ce contexte, il serait logique qu'un signal de blocage parturition provienne du fœtus. Cependant, le blocage ne peut pas être total et devrait être contrebalancé par des signaux maternels pour stimuler la parturition lorsque les intérêts maternels et/ou la viabilité fœtale sont compromis. Par conséquent on s'attendrait à ce qu'un blocage de parturition venant du fœtus diminue éventuellement et/ou soit surmonté par un signal de stimulateur de parturition basé sur la mère. En effet, un trait conservé chez les espèces de mammifères euthériens est que la parturition est favorisée par le retrait du blocage P4 au travail, ce qui suggère que le ou les signaux de stimulation de la parturition convergent vers l'annulation du blocage P4.

Modèle de stimulation de la parturition[modifier | modifier le wikicode]

Ce modèle postule que l'état de travail est activement induit par des signaux aigus ou qui s'accumulent progressivement. Les signaux pourraient être liés

  • à la taille du conceptus et à la quantité de paroi utérine et de distension cervicale
  • aux facteurs de stress d'origine fœtale ou maternelle lorsque le taux de croissance fœtale dépasse la disponibilité énergétique
  • à des signaux dérivés de la maturation des systèmes d'organes fœtaux
  • à des signaux dérivés de la charge de stress maternelle.

La parturition est associée à une inflammation au niveau du tissu utérin, en particulier à l'interface ente le chorion et la caduque. Des études cliniques montrent que la parturition humaine peut être induite par une inflammation/infection et que près de 50 % des naissances prématurées sont associées à une inflammation ou une infection intra-utérine[19]. De plus, des études animales montrent que les cytokines inflammatoires pro-travail et les infections bactériennes induisent la parturition. Il est donc probable qu'un élément fort du modèle de stimulation de la parturition soit la signalisation inflammatoire maternelle/fœtale. On pense d’ailleurs que l'action P4/Récepteurs P4 bloque la parturition en exerçant un effet anti-inflammatoire sur les tissus utérins. Des études récentes comme celles d’Amini & al. 2016[20] suggèrent que les stimuli inflammatoires modulent la signalisation PR dans les cellules myométriales humaines et induisent un retrait de P4/RP4. Ceci suggère que l'activité anti-inflammatoire P4/RP4 peut être surmontée par des stimuli inflammatoires. Bien que contre-intuitif, un tel mécanisme pourrait fonctionner s'il existe un seuil de stress inflammatoire au-dessus duquel le blocage P4/RP4 est supprimé. Ce modèle défend un mécanisme à seuil limité qui équilibre les actions pro-gestationnelles du blocage P4/RP4 par rapport à l'ampleur des signaux de parturition liés au stress maternel/fœtal.

Modèle combiné croisé[modifier | modifier le wikicode]

Ce modèle postule qu'une combinaison de signaux de restriction et de promotion conduirait à la parturition lorsqu'un seuil est atteint pour les actions dominantes favorisant le travail, comme suggéré de manière plus spécifique pour la relation entre P4 et les signaux d'inflammation. Ce modèle inclut en quelque sorte l'horloge de gestation, le blocage de parturition et les modèles de stimulation de la parturition, dans une coexistence qui se chevauche et qui possède une sorte de sécurité intégrée pour « contrôler » le moment de la naissance.

Ainsi, on voit cela chez la souris, dont le terme dépend des conditions physiologiques et environnementales. Bien que la parturition à terme chez la souris soit chronométrée par une horloge de gestation qui provoque un retrait systémique de P4 secondaire à la régression de CL, elle peut également se produire sans retrait systémique de P4 en réponse à un problème inflammatoire. Donc plusieurs mécanismes de retrait de P4 peuvent coexister. Le croisement entre les modèles pourrait être limité par un seuil. L'efficacité du bloc P4/RP4 peut être progressivement perdue en réponse à un signal d'horloge de gestation ou à l'augmentation progressive de la charge de stress maternelle. À différents stades de gestation, les divers mécanismes peuvent avoir un impact différent sur le début de la partition.

Tester les quatre modèles[modifier | modifier le wikicode]

Peut-on distinguer expérimentalement les quatre modèles proposés ? Un exercice de départ utile consiste à déterminer si les données existantes réfutent un ou plusieurs des modèles.

Des divergences importantes dans les mécanismes peuvent exister entre les espèces, de sorte qu'une espèce suit un modèle spécifique ne peut pas être complètement comprise par les découvertes d'une autre. Par exemple, un élément de preuve clair qui plaide contre le modèle d'horloge maternelle fixe provient de l'examen du moment de la naissance chez les hybrides inter-espèces. Les accouplements entre chevaux femelles et ânes mâles produisent des mules. Selon le modèle d'horloge maternelle fixe, l'heure de l'accouchement dans de telles grossesses devrait refléter l'horloge de la mère. Cependant, les mulets naissent en moyenne à 11,4 mois, contre 11,2 pour un cheval et 12 pour un âne.

Chez les brebis, l'activation de l'axe hypothalamo-hypophyso-surrénalien fœtal est essentielle pour la parturition et peut suggérer une horloge fœtale fixe, mais il est possible que cette activation découle d’autre chose. La pseudo-grossesse des rongeurs, qui survient lorsque des femelles réceptives sont accouplées à des mâles stériles, dure environ la moitié de la durée d'une grossesse normale contenant un fœtus, ce qui suggère que les signaux fœtaux contribuent au maintien de la grossesse jusqu'au point final normal.

Bref, Rokas & al. soulignent que ces différents modèles pourraient répondre à des contextes différents. Le modèle d'horloge fixe, par exemple, pourrait être plus résistant aux perturbations environnementales ou biologiques transitoires. Les modèles de bloc de parturition et de stimulation de parturition pourraient alternativement permettre la détection des changements pendant la grossesse et une réponse immédiate par des boucles de rétroaction pour optimiser la grossesse de manière plus dynamique.

En tout cas il semble bien qu’il y a des contrôles génétiques de durée de gestation dans le génome maternel humain, avec un rôle pressenti comme crucial de la caduque. Mais La caduque mesure-t-elle un signal fœtal régulé par le développement ou est-ce le mécanisme maternel de l'horloge qui est activé peut-être dès l'implantation, demande Rokas ? Quel est le rôle du microbiome vaginal, que discute l’étude de Callahan et al., 2017[21] ? Quel est le rôle de la modulation du système immunitaire de la grossesse (qu’a brillamment documenté l’équipe d’Aghaeepour & al., 2017[22]).

Notes et références[modifier | modifier le wikicode]

  1. Pavličev M, Romero R, Mitteroecker P. Evolution of the human pelvis and obstructed labor: new explanations of an old obstetrical dilemma. Am J Obstet Gynecol. 2020 Jan;222(1):3-16. DOI : 10.1016/j.ajog.2019.06.043.
  2. Antonis Rokas, Sam Mesiano, Ortal Tamam, Abigail LaBella, Ge Zhang, Louis Muglia (2020) Developing a theoretical evolutionary framework to solve the mystery of parturition initiation eLife 9:e58343 https://doi.org/10.7554/eLife.58343.
  3. Rothchild I (2003) The yolkless egg and the evolution of eutherian viviparity Biology of Reproduction 68:337–357. https://doi.org/10.1095/biolreprod.102.004531 et Young IR & al. (2010) The comparative physiology of parturition in mammals: Hormones and parturition in mammals In: Norris D, Lopez K, editors. Hormones and Reproduction in Vertebrates. London: Academic Press. pp. 95–116. https://doi.org/10.1016/B978-0-12-374928-4.10006-9.
  4. Bainbridge David RJ, The evolution of pregnancy, Early Human Development Volume 90, Issue 11, November 2014, Pages 741-745).
  5. Mitchell BF Taggart MJ (2009) Are animal models relevant to key aspects of human parturition? American Journal of Physiology-Regulatory, Integrative and Comparative Physiology 297:R525–R545. https://doi.org/10.1152/ajpregu.00153.2009)
  6. Gibson G, Lacek KA. Canalization and Robustness in Human Genetics and Disease. Annu Rev Genet. 2020 Nov 23;54:189-211. doi: 10.1146/annurev-genet-022020-022327. Epub 2020 Aug 31. PMID: 32867542.
  7. Miska EA et Ferguson-Smith AC, (2016) Transgenerational inheritance: Models and mechanisms of non-DNA sequence-based inheritance Science 354:59–63.
  8. Tessa J. Roseboom & al, Hungry in the womb: What are the consequences? Lessons from the Dutch famine, Maturitas, Volume 70, N°2, pp.141-145, Octobre 2011 DOI : https://doi.org/10.1016/j.maturitas.2011.06.017.
  9. Mitteroecker P, Windhager S, Pavlicev M. Cliff-edge model predicts intergenerational predisposition to dystocia and Caesarean delivery. Proc Natl Acad Sci U S A. 2017 Oct 31;114(44):11669-11672. doi: 10.1073/pnas.1712203114. Epub 2017 Oct 16. PMID: 29078368; PMCID: PMC5676923.
  10. Par exemple chez Swaggart KA, Pavlicev M, Muglia LJ. Genomics of preterm birth. Cold Spring Harb Perspect Med. 2015 Feb 2;5(2):a023127. doi: 10.1101/cshperspect.a023127. PMID: 25646385; PMCID: PMC4315919.
  11. Sur ce point, on pourra lire mon article introductif « Entre polyphonie polyphyle et paraphilie paraphyle », Espèces n°36, Juin 2020, ici https://www.monvoisin.xyz/entre-polyphonie-polyphyle-et-paraphilie-paraphyle-especes-n36-juin-2020/.
  12. Griffith OW & al, (2017) Embryo implantation evolved from an ancestral inflammatory attachment reaction PNAS 114:E6566–E6575.
  13. Kin K & al, (2016) The transcriptomic evolution of mammalian pregnancy: gene expression innovations in endometrial stromal fibroblasts Genome Biology and Evolution 8:2459–2473. https://doi.org/10.1093/gbe/evw168 .
  14. Zhang X, Pavlicev M, Jones HN, Muglia LJ, (2020) Eutherian-Specific Gene TRIML2 Attenuates Inflammation in the Evolution of Placentation, Molecular Biology and Evolution 37:507–523.
  15. LaBella AL Abraham A Pichkar Y Fong SL Zhang G Muglia LJ Abbot P Rokas A Capra JA (2020) Accounting for diverse evolutionary forces reveals mosaic patterns of selection on human preterm birth loci Nature Communications 11:3731. https://doi.org/10.1038/s41467-020-17258-6.
  16. Phillips JB Abbot P Rokas A (2015) Is preterm birth a human-specific syndrome? Evolution, Medicine, and Public Health 2015:136–148. https://doi.org/10.1093/emph/eov010.
  17. De Cure N Sullivan T Robertson M Hallam L Whale K (2013) Spontaneous expulsion of large submucosal uterine fibroid without embolisation - a case study Australasian Journal of Ultrasound in Medicine 16:37–40. https://doi.org/10.1002/j.2205-0140.2013.tb00096.x.
  18. Sagoo B Ng KY Ghaleb G Brown H (2015) Spontaneous expulsion of intramural fibroid six weeks after emergency caesarean section Case Reports in Obstetrics and Gynecology 2015:1–4. https://doi.org/10.1155/2015/640570
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