Relativité

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"C'est le développement de l'aptitude générale à penser, juger et travailler de façon autonome qui doit toujours rester au premier plan des préoccupations, et non l'acquisition de connaissances spécialisées." Albert Einstein, dans "Albert Einstein, Science, Ethique, Philosophie", Seuil, 1991, p. 209.

Introduction[modifier | modifier le wikicode]

Le but de ce petit cours est de présenter l'évolution de deux idées fondamentales de l'histoire de la physique :

  • celle de relativité et
  • celle d'espace.

Pour cela, nous reviendrons à Galilée pour la relativité et à Newton pour l'espace. Puis, nous verrons comment, et à partir de quoi, la relativité restreinte d'Einstein s'est développée. Alors, nous pourrons comprendre la relativité générale et le changement radical qu'elle a provoqué dans notre conception de l'espace.

Cela nous permettra d'aborder enfin, en guise de conclusion, l'une des conséquences les plus spectaculaires de cette dernière : le modèle standard de l'univers primitif, plus communément appelé "modèle du big bang".

Préliminaires[modifier | modifier le wikicode]

Comme on le sait, pour Galilée, le mouvement n'a de sens que par rapport à un autre corps qui en est privé :

"Quand il [Aristote] écrit que tout ce qui se meut, se meut sur quelque chose d'immobile, je [Salviati] me demande s'il n'a pas voulu dire que tout ce qui se meut se meut respectivement à quelque chose d'immobile, cette dernière proposition ne soulevant aucune difficulté, alors que la première en soulève beaucoup ..."
Passage du "Dialogue concernant les deux plus grands systèmes du monde" de Galilée (1632), reproduits dans "Galilée, Newton lus par Einstein", F. Balibar, PUF, 1990, pp. 11 et 18.

Pour Einstein, cela remonde aux Grecs :

"Depuis le temps des Grecs on sait bien que pour décrire le mouvement d'un corps on doit le rapporter à un autre corps. Le mouvement d'un véhicule est décrit par rapport au sol, celui d'une planète par rapport à l'ensemble des étoiles fixes visibles. En physique, les corps auxquels les mouvements sont rapportés dans l'espace sont appelés systèmes de coordonnées. Les lois de la mécanique de Galilée et de Newton ne peuvent être formulés qu'en employant un système de coordonnées."
Albert Einstein, "Einstein, conceptions scientifiques", Champ Flammarion, 1990, p. 13 (de "Qu'est-ce que la théorie de la relativité ?", publié dans le London Times, le 28 nov. 1919).

De nos jours, on appelle le "corps" auquel on rapporte le mouvement : "référentiel", et les axes gradués qui nous permettent de repérer les positions : "système de coordonnées".

Pour bien comprendre ce que signifie l'idée de relativité, nous devons tout d'abord préciser ce que l'on entend par homogénéité, isotropie et invariance des lois en tout point de l'espace. Il existe plusieurs types d'invariance des lois :

  • "L'invariance par translation dans le temps" est chose connue. Il s'agit du fait que les lois de la physique persistent dans le temps, passé ou futur, que la marche des phénomènes physique, à des instants différents de leur observation (dans les mêmes conditions), est la même. On parle de "l'homogénéité du temps".
  • "L'invariance par translation dans l'espace" est la plus notoire. Il s'agit du fait que les lois de la physique sont les mêmes, pour deux référentiels issus l'un de l'autre par une translation (à Paris et à Marseille) par exemple). On parle alors de "l'homogénéité de l'espace".
  • "Le dernier exemple est simple, et qui ne concerne que l'espace, parce qu'il a plusieurs dimensions, c'est l'invariance par changement d'orientation ; autrement dit : il n'y a pas, dans l'espace, de direction absolue." (La symétrie aujourd'hui, coll. Point, éd. Seuil, 1989, p.59) On parle de "l'isotropie de l'espace".

Homogénéité et isotropie sont ce qu'on appelle des symétries de l'espace.

(Relevons qu'il en existe d'autres (permutations de particules identiques, miroir, ...) et qu'à chacune d'entre elles correspond une loi de conservation. Par exemple, à l'homogénéité du temps correspond à la loi de conservation de l'énergie, à celle de l'espace, la loi de conservation de l'impulsion et à l'isotropie, la loi de conservation du moment cinétique. Voir "La matière-espace-temps", G. Cohen-Tannoudji et M. Spiro, folio essais, Fayard, 1986, pp. 107 et 222.)

Mais remarquons qu'il s'agit bien de symétries par rapport aux lois de la physique. Qu'est-ce que cela veut dire ? Prenons l'exemple du choc élastique entre deux objets. Ce processus obéit à la loi de conservation de l'énergie qui s'exprime dans un référentiel R par :

où v désigne la vitesse avant le choc et w celle après, et où les indices représentent les particules.

Dans un référentiel R', en translation uniforme V par rapport à R, l'expression numérique des vitesses est différente de celle dans R puisqu'on l'exprime par :

et

mais le principe de conservation conserve sa forme particulière :

L'invariance n'est donc pas numérique, mais formelle (on parle aussi de covariance). C'est la forme de l'équation de conservation de l'énergie qui est préservée par les symétries (en tant que transformation) dont nous venons de parler (voir annexe II).

Mais les lois de la physique ne sont pas invariantes sous toute transformation. Un exemple cher à Galilée ("La nature de la physique", R. Feynman, Point Science, éd. du Seuil, 1980, pp. 113-114), puisque c'est lui qui l'a découvert, est celui de la transformation d'échelle. Les lois qui régissent le vol dans l'air d'une maquette d'avion, par exemple, sont différentes de celles qui régissent le vol (dans l'air) d'un avion grandeur nature. Pour étudier le vol d'un avion, les ingénieurs le savent bien, il faut avoir recours à des grandeurs sans dimension qui permettent "d'imuniser" l'analyse du fait de la non-invariance des lois par changement d'échelle.

Ainsi donc, l'invariance des lois en tout point de l'espace doit être comprise comme une invariance dans la forme des lois sous l'action de transformations qui opèrent un changement de référentiel (La nature de la physique", R. Feynman, Point Science, éd. du Seuil, 1980, pp. 111).

Le principe de relativité de Galilée[modifier | modifier le wikicode]

Le texte suivant, très connu et déjà maintes fois cité :

"Enfermez-vous avec un ami dans la cabine principale à l'intérieur d'un grand bateau et prenez avec vous des mouches, des papillons, et d'autres petits animaux volants. Prenez une grande cuve d'eau avec un poisson dedans, suspendez une bouteille qui se vide goutte à goutte dans un grand récipient en dessous d'elle. Avec le bateau à l'arrêt, observez soigneusement comment les petits animaux volent à des vitesses égales vers tous les côtés de la cabine. Le poisson nage indifféremment dans toutes les directions, les gouttes tombent dans le récipient en dessous, et si vous lancez quelque chose à votre amis, vous n'avez pas besoin de le lancer plus fort dans une direction que dans une autre, les distances étant égales, et si vous sautez à pieds joints, vous franchissez des distances égales dans toutes les directions. Lorsque vous aurez observé toutes ces choses soigneusement (bien qu'il n'y ait aucun doute que lorsque le bateau est à l'arrêt, les choses doivent se passer ainsi), faites avancer le bateau à l'allure qui vous plaira, pour autant que la vitesse soit uniforme [c'est-à-dire constante] et ne fluctue pas de part et d'autre. Vous ne verrez pas le moindre changement dans aucun des effets mentionnés et même aucun d'eux ne vous permettra de dire si le bateau est en mouvement ou à l'arrêt ..."
(Galilée, "Dialogue concernant les deux plus grands systèmes du monde", 1632, cité dans "Mécanique générale", Cristian Gruber, Presses polytechniques romandes, 1988, p. 400)

nous mène maintenant à considérer le principe de relativité de Galilée.

Pour ce faire, suivons concrètement l'exemple ci-dessus. Il s'agit d'un bateau en translation à vitesse constante par rapport à la terre. Galilée nous dit que le mouvement de ce bateau est "comme nul" (Albert Einstein dans "Albert Einstein, Science, Ethique, Philosophie, Seuil, 1991, p. 10) pour les mouvements des divers corps qu'il envisage, c'est-à-dire qu'il n'y a pas de différence entre la description de ces mouvements faite sur la terre et celle faite sur le navire.