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Utilisateur:Dr.mbl/Brouillon/Sociobiologie. Une introduction/Chapitre 4 - Panorama sociodynamique

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Accueil de la sociobiologie

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Aux États-Unis, le livre de Wilson « Sociobiology : The New Synthesis » provoque réactions et remous immédiats. Un flot marqué de contrecoups aussi variés que « beaucoup d'applaudissements, certaines dénonciations politiques amères, quelques manifestations, un fatras de pop-sociobiologie dans les médias, des critiques techniques, des réponses à ces critiques et avec le temps beaucoup d'autres livres » (Turney, J. 2013; Segerstråle, 2000) [1]. Dans l'ensemble, estime A. L. Caplan (1984:143), « la parution de l'ouvrage volumineux de E.O. Wilson [...] a déclenché des trépidations interdisciplinaires dont les vibrations se répercutent encore dans des parties de l'univers académique aussi exotiques que la philosophie. Cependant, en dépit de toute l'attention portée à la sociobiologie, dans le monde universitaire et au delà, par des admirateurs aussi bien que des détracteurs, certaines questions de base relatives à son sujet demeurent notoirement obscures notamment [...] sa propre définition. » [2]

En France, Claude Lévi-Strauss résume, à ce sujet (1983:57) :

« On peut regretter que les débats autour de la sociobiologie aient pris tout de suite une tournure passionnelle, dont le caractère largement factice ressort bien du fait qu'en France, ce sont des auteurs à sympathies gauchistes qui, les premiers se sont laissé séduire par la sociobiologie où ils voyaient un moyen, d'inspiration néo-rousseauiste, pour intégrer l'homme dans la nature ; cela, au même moment où les milieux libéraux des États-Unis dénonçaient la sociobiologie comme une doctrine néo-fasciste et lançaient un véritable interdit sur toute recherche visant à déceler chez l'homme des particularités héréditaires et distinctives. »

Au delà des critiques élogieuses, les passions politiques américaines sont effectivement à la source d'une série d'attaques foudroyantes qui entraînent un remue-ménage resté historique, rapporte Wade (1976) dans son article «Troubled birth for a new discipline »

« le livre a été sévèrement critiqué au motif de la dissimulation présumée d'un message politiquement réactionnaire. Ces théories ont été tenues pour être analogues à celles de l'eugénisme nazi, ces polémiques étant l'expression d'un débat scientifique — que d'aucuns estiment d'importance historique — sur la question de savoir dans quelle mesure le comportement humain est biologiquement déterminé [3].

À sa décharge, cependant, Wilson (2001:5) apporte un bémol en contextualisant le momentum sociodynamique de sa publication de 1975 :

« [À ce moment], la guerre du Vietnam prenait fin. En même temps, la Nouvelle Gauche dans l'académie était devenue quasi dominante et très violente à plusieurs égards, notamment durant les années 1960. Ce mouvement a impliqué une minorité d'étudiants et de professeurs. Néanmoins, ils étaient si bruyants et à ce point démonstratifs qu'ils tendaient à dominer le climat d'apprentissage dans l'académie. C'était une tendance très fâcheuse. Les principaux antagonistes — Stephen Jay Gould et Richard Lewontimn par exemple, et plusieurs autres organisateurs du mouvement contre la sociobiologie — avaient pour but de l'étouffer dans l’œuf. Donc, ils vociféraient de façon extrêmement soutenue. » [4]

En France, par contraste, le livre « La sociobiologie », traduction de « Sociobiology : The New Synthetis » dont le titre est amputé de son intitulé original, arrive en français en 1989, soit quatorze ans plus tard. Ainsi, explique Jaisson en 1993 :

« L'absence de la sociobiologie du paysage scientifique français a entraîné un vrai déficit culturel. Nous restons aujourd'hui l'un des rares pays où l'on forme des générations de biologistes dans l'ignorance des résultats apportés par cette discipline. Alors qu'on ne cesse d'en parler dans les congrès internationaux, nos chercheurs constatent qu'ils manquent totalement d'informations [...] Jamais une science n'a fait l'objet d'autant de polémiques, d'anathèmes et de procès d'intention. Depuis son apparition, dans les années 1970, la sociobiologie a été totalement marginalisée par les milieux universitaires français » [5].

Ce décalage dans le temps et dans la présentation modifie considérablement la nature des réactions auprès de la population en général. Cependant, malgré les propriétés différentes du paysage intellectuel de l'époque, les scientifiques francophones européens étaient parfaitement au fait de l'apparition de la sociobiologie aux États-Unis dans les ouvrages de 1971 et 1975.

À la différence, l'ouvrage de Wilson On Human Nature, une explication de la sociobiologie, publié en 1978, est disponible en français dès l'année suivante sous le titre L'Humaine Nature. (Guillaume.|985:139).

En Allemagne, selon Sebastian Linke, la couverture médiatique de la sociobiologie est « déterminée par un contexte culturel spécifique, tant à l'intérieur qu'en dehors du domaine universitaire. Contrairement à la couverture médiatique dans d'autres pays, la sociobiologie a fait l'objet d'une présentation plus intense à l'occasion de la publicité faite aux bio-sciences modernes vers l'an 2000. À cette époque, la sociobiologie a été citée comme référence dans un débat sur l'influence de la génétique sur le comportement humain (le débat sur l'inné et l'acquis) qui n'avait pas eu lieu précédemment dans ce pays, à l'inverse de la situation existant dans le monde anglophone » [6], [7].

Peinture. Profils au fil du temps.
Points de vue dans le temps et dans l'espace[8]

États-Unis : réactions scientifiques politisées

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Un groupe nommé Science for the People, formé en 1969, est resté très actif durant les années 1970-1990. Rebaptisé « Sociobiology Study Group of Science for the people » en 1975, ce rassemblement dénonce les relations entre la science, la responsabilité sociale, et la politique par une rhétorique politico-scientifique :

« la science est inévitablement politique [...] le contexte du capitalisme d'entreprise américaine contemporaine [...] contribue grandement à l'exploitation et à l'oppression de la plupart des gens à la fois dans ce pays et à l'étranger. Nous réclamerons une réorientation du travail scientifique et nous suggérerons des moyens grâce auxquels les travailleurs scientifiques poourront diriger leurs recherches vers la réalisation de changements sociaux significatifs [9], [10]
« Nous ne nions pas l'existence de composantes génétiques dans le comportement humain. Par contre, nous nous attendons à découvrir les universaux biologiques davantage dans les comportements généralisés tels que manger, excréter, dormir, plutôt qu'au niveau des habitudes hautement spécifiques et variables tels que la guerre, l'exploitation sexuelle des femmes et le recours à l'argent comme moyen d'échange. Wilson rejoint les rangs du long défilé de déterministes biologiques dont les travaux ont servi de pilier aux institutions de leur société en les exonérant de leur responsabilité en matière de problèmes sociaux. De ce que nous avons vu de l'impact social et politique de ces théories dans le passé, nous croyons fermement devoir nous élever contre eux. Nous devons prendre la « Sociobiologie » au sérieux, non pas parce que nous pensons qu'elle fournit une base scientifique pour l'examen du comportement humain, mais parce qu'elle montre les signes d'une nouvelle vague des théories du déterminisme biologique. » [11].

Évolution de la sociobiologie

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Au XXIe siècle, après bientôt cinquante ans d'existence, il arrive encore que la sociobiologie et son fondateur subissent des affrontements cuisants. Certaines disciplines, dont l'écologie comportementale par exemple, tendent à s'en dissocier pour cause de réputation contaminée. Certains épistémologues et historiens des sciences humaines et sociales, ainsi que des anthropologues, biologistes et généticiens, continuent de fustiger la sociobiologie en raison de différends dans l'approche et la méthodologie.

En 2006, à l'opposé, l'Association Américaine de Sociologie présente la sociobiologie à ses membres comme un incontournable qui doit être intégré à son corpus scientifique :

« La théorie moderne de l'évolution, également connue sous le nom de synthèse moderne de l'évolution, constitue le socle de toutes les sciences de la vie. Elle tire sa force de plusieurs disciplines, incluant l'archéologie, l'anthropologie, la biologie, l'écologie, la génétique, la paléontologie et la primatologie [...] » [12]. [13] [...] Cette synthèse de disciplines se reflète dans les diverses perspectives de la sociologie maintenant logée à l'enseigne « Evolution and Sociology » incluant la neurobiologie, la psychologie évolutionniste, la sociobiologie, l'écologie humaine, la théorisation de modèles, la sociologie historique et la sociologie de l'évolution ... notre objectif consiste à convaincre le domaine de la sociologie en général que la pensée évolutionniste peut enrichir l'entreprise sociologique ... [14], [15]

Pour résumer, (Driscoll. 2013)

« tandis que quelques scientifiques continuent d'utiliser la sociobiologie pour décrire leurs travaux (par exemple Hrdy, 1999) durant et après la controverse sur cette discipline, d'autres scientifiques continuent d'utiliser cette approche mais la nomment autrement, le plus souvent écologie comportementale (Krebs et Davies, 1978 par Driscoll. 2013). » [16]
  1. Turney, J. (2013). "Ullica Segerstråle - Defenders of the Truth. Overview." The book evoked a startling range of responses : many plaudits; some bitter political denunciations and a few demonstrations; a welter of pop-sociobiology in the media; technical critiques; replies to the critics; and in time many more books.
  2. Caplan. 1984:143.
  3. anglais Wade, « Troubled birth for new discipline », dans Science Magazine, vol. 191, no 4232, 19 mars 1976, p. 1151 
  4. 1975 was the last year of the Vietnam War. It was also the twilight of the New Left in the academy, which had become almost dominant and very violent in several respects in the '60s. It involved a minority of students and professors, but nonetheless, they were so vocal and demonstrative that they tended to rule the learning climate in the academy. It was a very unfortunate trend. The main antagonists -- Stephen Jay Gould and Richard Lewontin for example, and several others who organized the movement against it -- their idea was to strangle it in the crib. So their language was extremely strong.
  5. Harrois-Monin et Gilbert. entrevue avec Jaisson interviewé 1993
  6. Sebastian Linke, Contexts constrain science in the public : How the sociobiology debate was (not) presented in the German press, vol. 21, Sage Journals, (DOI 10.1177/0963662510394250, présentation en ligne), chap. 6, p. 753
  7. « The German media coverage of SB was constrained by a specific cultural context, both inside and outside academia. Contrary to the international academic discourse and media coverage elsewhere, SB was presented most intensely with the publicity of the modern bio-sciences around the turn of the millennium. In this period, SB was cited as a reference for a debate about genetic influences on human behaviour (the nature-nurture debate), which had not previously happened in this country, as compared to in the Anglophone world. »
  8. Rappel inspiré de la toile Allégorie du temps sur le sujet de la Prudence. Titien, vers 1550-1565. Huile [1]
  9. Lewontin, Gould, et al. Sociobiology Study Group of Science for the people. NewYork books. 1975. Against sociobiology Bill Zimmerman, Len Radinsky, Mel Rothenberg et Bart Meyers, Towards A Science For The People, Coordinacion naturaleza ciencia y sociedad, ([www.naturalezacienciaysociedad.org/2012/08/27/1972-towards-a-science-for-the-people-zimmerman-radinsy-rothenberg-meyers/ lire en ligne])
  10. We will argue below that science is inevitably political, and in the context of contemporary American corporate capitalism, that it contributes greatly to the exploitation and oppression of most of the people both in this country and abroad. We will call for a re-orientation of scientific work and will suggest ways in which scientific workers can re-direct their research to further meaningful social change.
  11. Stephen Jay Gould, Richard D. Lewontin, Barabara Beckwith, Jon Beckwith, Steven Chorever, David Culver, Margaret Duncan, Ruth Hubbard, Hiroshi Inouye, Anthony Leeds, Chuch Madansky, Larry Miller, Reed Pieritz, Herb Shreir et Elizabeth Allen, Against “ Sociobiology ” : In Response to Mindless Societies, New-York, ([www.nybooks.com/articles/archives/1975/nov/13/against-sociobiology/%20Lire%20en%20ligne présentation en ligne]) We are not denying that there are genetic components to human behavior. But we suspect that human biological universals are to be discovered more in the generalities of eating, excreting and sleeping than in such specific and highly variable habits as warfare, sexual exploitation of women and the use of money as a medium of exchange. Wilson joins the long parade of biological determinists whose work has served to buttress the institutions of their society by exonerating them from responsibility for social problems.From what we have seen of the social and political impact of such theories in the past, we feel strongly that we should speak out against them. We must take “Sociobiology” seriously, then, not because we feel that it provides a scientific basis for its discussion of human behavior, but because it appears to signal a new wave of biological determinist theories.
  12. Evolution and Sociology. Volume 3, No 2, Fall 2006 http://www.asanet.org/sectionevol/docum ... fall06.pdf
  13. Modern Evolutionary theory — also known as the modern synthesis - is the foundation block for all the life sciences. lt draws its strength from many disciplines including archaeology, anthropology, biology, ecology, genetics, paleontology, and primatology [...]
  14. This synthesis of disciplines is reflected in the various perspectives within sociology currently under the umbrella of Evolution and Sociology including neurobiology, evolutionary psychology, sociobiology, stage-model theorizing, world systems dynamics, human ecology, historical sociology, and evolutionary sociology. The challenge before us is not to demonstrate that any of our distinctive approaches is the best way but, instead, to convince the field in general that evolutionary thinking can add to the sociological enterprise. Let us not get bogged down in acrimony and lose the momentum that we have gained by becoming a regular section in ASA. I ask all of you to reach out and welcome all science oriented sociologists who express an interest in learning more about Evolution and Sociology. Most sociologists know little about modern evolutionary theory.
  15. « Evolution and Sociology Volume 3, No 2, Fall 2006 », dans [... fall06.pdf texte intégral] 
  16. « while a few scientists continued to use the term “sociobiology” to describe their work (for example, Hrdy, 1999) during the controversy over sociobiology and after, scientists using these approaches tended to use other terms, most commonly “behavioral ecology” (Krebs and Davies, 1978 ; Driscoll. 2013. Stanford encyclopedia of Philosophy, behavioral ecology »