Cosmologie/Les perturbations cosmologiques
L'origine des galaxies et autres super-structures de plusieurs milliards d'étoiles est encore assez mal connue. Cependant, on sait que divers processus sont à leur origine. La gravité a naturellement joué un rôle prédominant, en forçant les étoiles à se rapprocher en amas de plusieurs millions/milliards d'étoiles. Mais la nature exacte et le déroulement de ce processus sont encore assez mal connus : les étoiles se sont-elles formées en premier avant de se regrouper en galaxies ou bien les galaxies se sont-elles formées avant de se fragmenter en amas puis en étoiles ? Personne ne le sait à l'heure actuelle. La seule chose qui est certaine est que ces structures se sont formées à partir de zones de surdensités, qui ont grossit de plus en plus sous l'effet de la gravité au point de donner des structures comme des galaxies. Il existe une théorie qui explique les grandes lignes de cette évolution des surdensités : c'est la théorie des perturbations cosmologiques. Nous allons l'aborder dans ce chapitre.
Les précurseurs des galaxies, amas de galaxies et autres "structures cosmologiques" sont des zones où la densité est plus grande qu'aux alentours. La densité n'était en effet pas uniforme et on observait des zones où la densité était plus faible ou plus grande que la moyenne. Ces petites variations de densité ont reçu le nom d'inhomogénéités. La densité dans une surdensité est modélisée comme une petite perturbation par rapport à la densité moyenne , ce qui donne :
Les inhomogénéités sont supposées provenir d'agitations aléatoires de la matière et du rayonnement dans l'univers primordial. Les scientifiques ont de bonnes raisons de penser que ces fluctuations aléatoires étaient des fluctuations dites gaussiennes : la probabilité d'observer la perturbation en un endroit est définie par une fonction gaussienne, la fameuse courbe en cloche. Mais peu importe la manière dont elles sont générées, cela ne change rien à leur évolution future. Ces fluctuations de densité vont ensuite évoluer : certaines vont grossir, d'autres vont diminuer, etc. L'évolution des perturbations est gouvernée par divers processus que nous aborderons dans les chapitres suivants. Quoiqu'il en soit, la distribution initiale sera modifiée au cours du temps. On peut résumer cela en disant qu'on peut obtenir la distribution à un instant à partir de la distribution à un instant t en multipliant cette dernière par une fonction de transfert. Celle-ci va atténuer ou accentuer certaines perturbations initiales, donnant une nouvelle distribution statistique des perturbations.
Les équations du "fluide primordial" avec les inhomogénéités
[modifier | modifier le wikicode]Pour rendre compte de l'évolution des inhomogénéités, on réutilise les équations en coordonnées comobiles du chapitre précédent. Celles-ci sont, pour rappel :
On doit injecter dans ces équations.
L'équation de conservation de la masse perturbée
[modifier | modifier le wikicode]Prenons l'équation :
Injectons l’équation :
Le terme étant constant, on peut le sortir de la dérivée du terme de gauche.
Divisons par :
Simplifions la dérivée :
Les équations linéarisées
[modifier | modifier le wikicode]Les équations obtenues sont les suivantes :
Ces équations ne peuvent cependant pas être résolues à l'heure actuelle, car ce ne sont pas des équations linéaires. On peut cependant supposer que la perturbation est petite : . Si l'on prend cette approximation, on a immédiatement : . Les équations deviennent alors :
De plus, cette approximation fait que les termes non-linéaires peuvent être négligés et supprimés des équations. Dit autrement, on ne conserve que les termes linéaires, en supprimant tout carré ou terme de puissance > 1. La conséquence est que le terme dans l'équation d'Euler disparaît. Les équations après linéarisation sont les suivantes :
La divergence de l'équation d'Euler
[modifier | modifier le wikicode]Dans la suite des calculs, nous aurons à faire de nombreuses linéarisations, ce qui fait que les calculs se simplifieront progressivement. La première simplification, consiste à prendre la divergence de l'équation d'Euler. L'utilité de cette reformulation deviendra évidente sous peu. Prenons donc l'équation d'Euler et prenons sa divergence des deux côtés de l'équation :
La divergence d'une somme est la somme des divergences, ce qui simplifie le terme de gauche :
On utilise ensuite la formule , ce qui simplifie le terme de droite, ainsi que le terme : .
La divergence d'un gradient est identique au laplacien, ce qui donne :
On applique alors l'identité suivante :
Les relations entre densité et autres paramètres de l'équation d'Euler
[modifier | modifier le wikicode]Les inhomogénéités vont naturellement influencer la pression et le potentiel gravitationnel, ainsi que la vitesse du fluide. Les zones plus denses que leur voisinage auront naturellement une gravité plus grande que leur entourage. De même, leur pression sera supérieure vu que la gravité va compresser la matière dans la surdensité, augmentant donc sa pression. Enfin, il en est de même pour la vitesse du fluide. Sous l'effet de la pression, la matière va tendre à fuir la surdensité où elle est comprimée : la matière va donc avoir une vitesse sortante supérieure à l'environnement. Mais cette vitesse est contrariée par la gravité, qui tend à faire rentrer la matière et donc à lui imposer une vitesse entrante non-nulle. Mais les équations précédentes ne permettent pas de rendre compte de ce phénomène : les termes de pression et de potentiel gravitationnel ne sont pas exprimés en fonction de la densité. On doit donc trouver des relations entre densité, pression et potentiel gravitationnel. Avec ces relations, on pourra reformuler les équations du fluide avec seulement la densité.
La relation entre densité et vitesse locale
[modifier | modifier le wikicode]Le premier paramètre de l'équation d'Euler est la divergence de la vitesse locale . Celle-ci est en effet le seul constituant de son premier terme, avec le facteur de Hubble et le facteur d'échelle. On peut relier cette divergence à la densité en utilisant l'équation de conservation de la masse. Celle-ci donne en effet une relation entre la divergence de la vitesse et la densité. Ce n'est pas une relation directe avec la vitesse locale, mais c'est déjà un bon début.
On réorganise :
On multiplie par :
On injecte alors cette équation dans les équations linéarisées :
Le calcul des dérivées donne :
On divise alors par pour simplifier :
On simplifie :
L'équation de Poisson
[modifier | modifier le wikicode]Maintenant, nous allons traiter le terme lié à la gravité, à savoir le gradient du potentiel gravitationnel. Il est relié à la densité par la fameuse équation de Poisson, une forme alternative de la loi de la gravité de Newton que vous avez peut-être déjà étudié dans vos cours de physique. La voici :
En injectant la relation , on a:
Si on linéarise l'équation, seul le terme proportionnel à est conservé, ce qui donne :
On peut alors injecter cette équation dans l'équation finale de la section précédente, ce qui donne :
La relation entre pression et densité
[modifier | modifier le wikicode]Il ne nous reste plus qu'à calculer le terme . Il se trouve que, par définition du laplacien , celle-ci est simplement la dérivée seconde de la pression. Avant de calculer cette dérivée seconde, nous allons calculer la dérivée première, avant d'en déduire la dérivée seconde. De manière générale, la pression dépend de la densité et uniquement de celle-ci dans un gaz parfait et on a donc :
Fait intéressant, le terme est, par définition, proportionnel au carré de la vitesse du son dans le fluide considéré. En effet, les formules nous disent que pour un gaz parfait, on a la relation suivante :
- , avec le coefficient d'expansion adiabatique.
Dans ce qui suit, on négligera le coefficient d'expansion adiabatique , en supposant qu'il vaut 1. En notant le terme et la vitesse du son, on a :
En dérivant une seconde fois, on trouve la dérivée seconde, qui n'est autre que le terme :
En injectant l'équation précédente dans l'équation d'Euler, on a :
L'équation finale
[modifier | modifier le wikicode]En simplifiant l'équation précédente, on obtient l'équation finale :
On peut voir que cette équation fait intervenir un terme qui décrit à quelle vitesse l'inhomogénéité grandit. Les autres termes décrivent la manière dont la croissance de la perturbation va ensuite retentir sur sa pression et son champ de gravité.
- Le terme est un terme de pression hydrostatique. On voit que plus la perturbation est importante, plus sa pression tendra à repousser les flux entrants de masse, et dont à contrecarrer la croissance de la perturbation.
- Le terme : est un terme gravitationnel, qui dit que plus la perturbation est grande, plus elle sera massive et attirera de nouvelle matière. La perturbation va donc, sous l'influence de ce facteur seul, tendre à grossir de plus en plus, à une "accélération" constante.
- Enfin, le terme : décrit l'effet de dilution de la perturbation suite à l'expansion. L'expansion tend à diluer la perturbation dans un espace plus grand et donc à réduire celle-ci de plus en plus vite. Ce phénomène est appelé l'entraînement de Hubble. Il tend à lutter contre la croissance de la perturbation, du fait de son signe négatif.
Si les termes de pression et l’entraînement de Hubble étaient nuls, toute perturbation ne ferait que grossir de plus en plus vite. La moindre surdensité aurait une gravité supérieure à son entourage, ce qui attire de la matière et fait grossir la perturbation progressivement. Ce faisant, elle aurait une masse encore plus grande, ce qui augmenterait sa gravité, et ainsi de suite. La croissance d'une telle inhomogénéité serait exponentielle. Mais la pression et l’entraînement de Hubble limitent ce phénomène, dans une certaine mesure. Pour décrire plus en détail l'évolution des inhomogénéités, il faut étudier les solutions de l'équation précédente, qui disent ce qu'il advient des inhomogénéités. On pourra ainsi savoir si celle-ci vont se contracter ( va augmenter), ou osciller. Tout le challenge tient dans le fait que nous avons étudié des perturbations ponctuelles, là où les grumeaux de matière cosmologiques ont une certaine taille, une extension spatiale. Il nous faut donc étudier ce qui se passe quand les grumeaux de matière/rayonnement ont une taille non-nulle.