Le domaine public

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INTRODUCTION[modifier | modifier le wikicode]

I. Notion de Domaine Public[modifier | modifier le wikicode]

L’administration possède une multitude de biens. Ces biens sont extrêmement hétérogènes : bâtiments (Palais du Louvre, châteaux, musées, mairies, palais de justice, bâtiments universitaires ..) ; voies de circulation (depuis le chemin rural jusqu’à l’autoroute) ; terrains, portuaires, agricoles … ; entreprises publiques ; meubles : collections de peintures, d’objets d’art ; camions, chars, avions, machines à écrire…

La question est alors de savoir à quel régime juridique il convient de les soumettre et surtout quelles considérations doivent présider à la détermination du contenu de ce régime.

Cette question a donné lieur à une distinction cardinale entre les biens appartenant au domaine public et ceux appartenant au domaine privé.


Origine de la distinction. La distinction n’a pas toujours existé. À l’origine, le principe était même inverse : c’était celui de l’unité du domaine royal.

Et même si dès la première moitié du XVIIIème siècle, la distinction commence à être affirmée à la faveur du retour aux notions et principes du droit romain (distinction entre res publicae et res fisci), elle n’a jamais été la doctrine officielle de la monarchie.

Les révolutionnaires refusèrent dans un premier temps de consacrer la distinction domaine public - domaine privé.

Mais au XIXème siècle, la doctrine allait y revenir pour la faire triompher. Pour ce faire, elle s’appuyait sur l’article 538 du Code civil qui déclare insusceptible de propriété privée certains biens : routes, cours d’eau navigables (sont considérées comme des dépendances du domaine public : les chemins, routes et rues à la charge de l’État, les fleuves et rivières navigables ou flottables, les rivages, lais et relais de la mer, les ports, les havres, les rades et généralement toutes les portions du territoire français qui ne sont pas susceptibles d’une propriété privée.

La doctrine (note 1) en a déduit que le Code civil a voulu rendre ces biens inaliénables et partant, a voulu les distinguer des autres biens de l’administration.

(note 1) : Victor Proudhon, Doyen de la Faculté de Droit de Dijon, Traité du Domaine public, 1833-1834 et après lui André Berthélémy, Doyen de la Faculté de Droit de Paris, Traité élémentaire de droit administratif, 13ème Édition 1933)

Le raisonnement est sans doute contestable. Aujourd’hui, on admet que la distinction n’était pas dans les idées des rédacteurs du code civil. Reste que dès la fin du XIXème siècle, elle est adoptée par la doctrine et consacrée par la jurisprudence et par la loi (Loi du 16 juin 1851 sur la propriété en Algérie).

Évolution de la distinction.

La distinction étant établie, on pouvait concevoir la définition du domaine public de deux façons : la méthode énumérative et la définition conceptuelle.

Après que la première a longtemps prévalu, la définition conceptuelle s’est imposée avec l’invention du droit administratif moderne et surtout s’est établie en adéquation avec le rôle qu’y joue la notion de service public.

Il faut insister sur cette évolution. Jusqu’à la fin du XIXème siècle, et au début du XXème siècle, le domaine public était relativement restreint. Il se limitait aux biens affectés à l’usage de tous, car on estimait qu’ils étaient les seuls à mériter une protection particulière, se traduisant par leur inaliénabilité et leur imprescriptibilité.

Compte tenu de cette conception, l’administration se bornait à exercer à l’égard du domaine public une mission de protection.

Puis la conception du domaine public va évoluer lorsque l’on considère que les biens affectés à l’usage de tous ne sont pas les seuls à mériter une protection particulière. Il en résulte que le domaine public s’agrandit considérablement.

Cette consécration de la définition conceptuelle – et l’élargissement du périmètre du domaine public qui en résulte - s’est immédiatement accompagnée d’une réflexion pour tenter de lui trouver des critères réducteurs à raison de l’hypertrophie de la domanialité publique qui lui était inhérente (1). À cet égard, la discussion s’est beaucoup focalisée dès les années 20 sur les immeubles de bureaux.

(note 1) : F. Melleray, La recherche d’un critère réducteur de la domanialité publique, AJDA 2004, p. 490.

Ce critère réducteur a été, on le développera, celui de l’aménagement spécial. Mais force est de constater que l’aménagement spécial n’a pu correctement remplir la fonction qu’on lui destinait :

  • d’une part, il n’a pas empêché les immeubles de bureaux de basculer dans la domanialité (quels que soient le doute qui subsiste à cet égard, v. concl. H. Toutée sur CE, 11 février 1994, Cie d’assurances La Préservatrice Foncière, CJEG 1994, p. 548) ;
  • d’autre part, alors que la logique du critère conceptuel aurait dû conduire à intégrer les forêts dans le domaine public, la jurisprudence s’y est toujours refusée.

Autrement dit, la jurisprudence n’est pas parvenue à opérer la conciliation entre protection de l’affectation et gestion optimale du patrimoine que constituent les biens du domaine public (sur cette question, v. J-P. Duprat, L’évolution des logiques de gestion du domaine de l’État, AJDA, mars 2005, p. 578).

Or, pour toute une série de raisons, il est désormais admis que les personnes publiques doivent avoir une « gestion patrimoniale optimale ». Ces raisons sont l’état des finances publiques, l’ouverture à la concurrence des principaux services publics industriels et commerciaux et l’influence des modes de gestion du patrimoine des entreprises privées et notamment le développement des techniques d’externalisation comme le crédit-bail ou le lease-back.

II.Vers un droit des propriétés publiques[modifier | modifier le wikicode]

Tous ces éléments conduisent à une réforme d’ensemble de la domanialité publique entamée en 1986 par un rapport du Conseil d’Etat (1), poursuivie par un rapport parlementaire en 2003 (2) et annoncée sous la forme d’un Code des propriétés publiques (3).

(note 1) : Réflexions sur l’orientation du droit des propriétés publiques, EDCE, n° 38, 1987 ; (note 2) : O. Debains, Rapport de la mission « Immobilier public, Paris, Premier Ministre, La Documentation française, 2003 ; P. Lignères, La réforme pointilliste des propriétés publiques, Droit adm. mai 2005, p. 37. (note 3) : Sur la question : Institut de la gestion déléguée, La réforme du droit des propriétés publiques, Petites Affiches 2004, n° 147.


C’est cette réforme d’ensemble que la loi du 2 juillet 2003 habilitant le gouvernement à simplifier le droit a autorisé le gouvernement à réaliser dans le cadre d’une réforme, plus large, du droit des propriétés publiques.

Mais l’état des finances publiques a conduit le gouvernement à mettre l’État en mesure de procéder le plus rapidement possible à la vente d’immeuble de bureaux et de pouvoir y procéder dans le cadre d’opérations de lease back

L’ordonnance n° 2004-825 du 19 août 2004 relative au statut des immeubles de bureaux et modifiant le code du domaine de l’État a modifié ce dernier pour placer lesdits immeubles dans le domaine privé :

  • Article L. 2 : « Notamment les biens immobiliers à usage de bureaux, propriété de l’État ou de ses établissements publics, à l’exclusion de ceux formant un ensemble indivisible avec des biens immobiliers appartenant au domaine public, font partie du domaine privé de ces personnes publiques ». (1)

(note 1) : JO, 21 août 2004, p. 14946 ; Décret n° 2004-1175 du 4 novembre 2004 relatif aux modalités d’aliénation du domaine privé immobilier de l’État, JO 6 novembre 2004, p. 18769 ; Sur cette question : E. Fatôme, Le statut des immeubles à usage de bureaux des personnes publiques après l’ordonnance du 19 août 2004, AJDA, mars 2005, p. 584.

Un autre grand problème posé par la définition conceptuelle de la domanialité publique a également été réglé par le législateur, ponctuellement mais constamment. Il s’agit du problème de sa compatibilité avec la gestion des activités industrielles et commerciales des personnes publiques.

Or malgré la proposition de la commission de réforme du Code civil qui aurait voulu que « les biens des collectivités administratives et des établissements publics affectés à un service public industriel et commercial ne font pas, sauf disposition contraire de la loi, partie du domaine public » et le fait que la majorité des juristes s’accorde à dire que les biens des collectivités publiques à caractère industriel et commercial doivent être exclus du domaine public, le Conseil d’État a jugé, dans la logique du critère conceptuel de l’affectation au service public, dans l’arrêt Mansuy (1984) que les biens affectés des établissements sont soumis au régime de la domanialité publique.

Or, depuis cette époque, le législateur a procédé au déclassement des biens affectés aux EPIC de l’État progressivement transformés en SA, statut qui exclut la domanialité publique : 1996, France Télécom ; 2004, EDF et GDF sont dotés du statut de sociétés anonymes (mais le CE considérait déjà que la loi de nationalisation était incompatible avec le régime de la domanialité publique, CE, 23 octobre 1998, EDF, précit.) ;Loi MURCEF du 11 décembre 2004, La Poste ; Loi du 20 avril 2005 relative aux aéroports, transforme l’établissement public Aéroport de Paris en SA (art. 1er) et attribue en pleine propriété à la société ainsi créée la plupart des biens affectés au service public aéroportuaire, après avoir procédé à leur déclassement).

Autrement dit, les biens affectés aux activités industrielles et commerciales de l’État ne sont plus réellement et majoritairement soumis à la domanialité publique et ont de moins en moins vocation à l’être.

Dans ce contexte, il est légitime de se poser la question de savoir s’il ne faut pas en revenir à la méthode énumérative et quelle places il faut alors donner à une définition conceptuelle, cette place ne pouvant qu’être résiduelle (1)

(note 1) : Sur la question : H. Hubrecht, Faut-il définir le domaine public et comment ? AJDA, mars 2005, p. 598.

Les interrogations sur le domaine public vont alors nécessairement se déplacer sur le terrain de la protection de l’affectation à l’utilité publique face aux interventions du législateur et sur celui de la mise en place d’un régime de nature à sauvegarder les exigences constitutionnelles relatives aux libertés publiques et à la continuité des services publics. C’est poser la question des bases constitutionnelles du domaine public (1).

(note 1) : E. Fatôme, À propos des bases constitutionnelles du droit du domaine public, AJDA 2003, p. 1200 et 1404 ; G. Hubrecht, L’inaliénabilité, passé et avenir d’un principe de droit constitutionnel, Mélanges Lavroff, Dalloz 2005, p. 417.


III. La relativité de la distinction domaine public – domaine privé : les échelles de domanialité[modifier | modifier le wikicode]

L’évolution que l’on vient de décrire n’a pas réduit à néant la distinction. Celle-ci subsiste. Elle revêt un intérêt indéniable. Mais sa portée doit être plus que jamais relativisée.

L’intérêt de la distinction

La distinction du domaine public et du domaine privé présente toujours un intérêt, sur le double plan du droit applicable et du régime contentieux.

Sur le fond, le domaine public est soumis à des règles de droit public : nous verrons qu’il est inaliénable et imprescriptible, outre des règles diverses de délimitation, de protection pénale, d’utilisation, toutes inconnues du droit privé.

Les contrats d’occupation du domaine public sont des contrats administratifs par détermination de la loi.

Le domaine public fait peser sur les propriétés voisines des servitudes exorbitantes du droit commun. Le domaine privé, à l’inverse, est en principe soumis aux règles du droit civil.

On observer la même différence sur le plan contentieux : les litiges relatifs au domaine public relèvent de la juridiction administrative. Ceux concernant la gestion du domaine privé des tribunaux judiciaires.

La portée de la distinction

Il ne faut pas exagérer la portée de la distinction.

D’abord, toutes les règles applicables au domaine public ne sont pas spéciales : certaines servitudes ressemblent fort à celles consacrées par le droit privé.

De même, l’administration peut constituer son domaine public en recourant à des procédés de droit privé : achats, dons et legs …

Par ailleurs, les règles spéciales au domaine public ne sont pas applicables à toutes ces dépendances : ainsi de la police de la conservation qui ne s’applique qu’à certains biens.

Ensuite, le domaine privé n’est pas régi exclusivement pour le droit commun :

  • les contrats passés pour sa gestion peuvent être des contrats administratifs ;
  • les ouvrages réalisés sur le domaine privé peuvent être des ouvrages publics ;
  • l’acquisition des biens du domaine privé peut se faire par utilisation de procédés exorbitants (droit de préemption, expropriation, nationalisation) ;
  • enfin, l’aliénation des biens du domaine privé obéit parfois à des procédures strictement réglementées aussi, sinon plus, contraignantes que celles relatives au domaine public.

Aussi, à une opposition tranchée entre domaine public et domaine privé, serait-il plus juste de substituer ce que Duguit appelait une échelle de domanialité tenant compte d’un « dégradé » de leur régime juridique.

On mettrait ainsi en exergue l’hétérogénéité des régimes du domaine privé et du domaine public et le fait que certains biens du domaine privé sont pratiquement soumis aux mêmes règles que certaines dépendances du domaine public.

Du reste, on ne voit pas pourquoi à certains égards, les deux types de biens seraient soumis à des régimes différents.

  • À partir du moment où un bien appartient à une personne publique, n’a-t-il pas, par là même, une destination d’intérêt général qui justifie l’application d’un régime spécial ?
  • Ceci est plus vrai encore pour des biens qui sont affectés à un service public et qui pourraient se voir dénier la qualité de dépendance du domaine public parce qu’ils ne font pas l’objet d’un aménagement spécial.

Conclusion : En fait, si la distinction est maintenue, c’est parce que malgré ces limites, on craint de trop alourdir la gestion des biens des personnes publiques en étendant à l’excès la notion de domaine public.

Il reste qu’en dépit de la relativité de la distinction, le domaine public demeure la partie des propriétés publiques soumises à un régime général de droit public et don le contentieux relève de la juridiction administrative, alors que le domaine privé est largement soumis à un régime général de droit privé relevant de la compétence judiciaire.

PLAN

Chapitre 1 : L’identification du domaine public
Chapitre 2 : Le régime du domaine public

Nouveau livre ?[modifier | modifier le wikicode]

§1er : Les rapports de voisinage

Il faut souligner le caractère exorbitant des rapports que les dépendances domaniales entretiennent avec leur voisinage.

A - Les charges de voisinage établies au profit du domaine public

C’est ce que l’on appelle les servitudes administratives qui dérogent au droit commun.

Elles n’existent que dans la mesure où un texte les prévoit. Ce texte, depuis 1958, peut être réglementaire.

Ces servitudes sont très nombreuses :

• Dans l’intérêt du domaine public militaire : ex. ; interdiction de construire dans certaines zones autour des ouvrages militaires ;

• Servitude de passage au profit des lignes électriques ;

• Interdiction de créer ou de maintenir des obstacles dans les zones entourant les aérodromes ; • Au profit de l’administration des postes : Téléphonie, retransmission et réception radios électriques.

• La loi du 24 décembre 1985 a institué la possibilité pour TDF d’installer sur les toits, terrasses et superstructures des propriétés bâties publiques ou privées des moyens de diffusion par voie hertzienne.

• Servitudes particulières s’imposant aux riverains du domaine public maritime, ferroviaire, fluvial.

Depuis la loi du 31 décembre 1976, les propriétaires riverains du domaine public maritime doivent laisser le passage aux piétons sur une bande de 3 m. Il est même possible d’étendre cette servitude sur des propriétés non riveraines pour assurer la continuité des chemins piétonniers.

Mais on relèvera particulièrement celles qui pèsent sur les riverains des voies publiques.

Elles sont très nombreuses : obligation de nettoyage des voies et trottoirs ; obligation de raccordement à l’égout ; interdiction des déverser des eaux insalubres ; possibilité pour le maire de rendre obligatoires des clôtures en bordure de la voie ; obligation de supporter sur les façades les plaques des rues ; servitude de visibilité : obligation de remplacer certains murs gênants par des grilles ou interdiction de bâtir au-delà d’une certaine hauteur.

Ces servitudes présentent des caractères spécifiques.

- Elles bénéficient de la même inaliénabilité et de la même imprescriptibilité que le domaine public.

- Elles sont également d’ordre public, ce qui interdit de les abroger par convention.

- Elles sont parfois assorties de sanctions sévères telles la démolition d’office ou la contravention de grande voirie.

- Elles peuvent consister en de véritables obligations de faire. Ex. : obligation faite aux riverains des routes d’effectuer certaines plantations ou obligation d’essartement pour laisser certains espaces libres dans la traversée des forêts.

Pendant longtemps, la jurisprudence excluait que les servitudes puissent donner lieu à indemnisation en se fondant sur le caractère d’intérêt général.

Désormais, elle admet l’existence d’un droit à indemnité sur le fondement du principe d’égalité, c’est-à-dire si le préjudice est anormal et spécial, en l’absence de textes statuant sur la question (CE, 14 mars 1984, Commune de Gap-Roumette, AJDA 1986, p. 31, concl. Jeanneney) solution confortée par le Conseil constitutionnel qui a condamné l’exclusion de toute indemnité dès lors que le préjudice est anormal et spécial (CC. 13 décembre 1985, JCP 1986,30037, note J. Dufau : à propos de la loi de 1985 précitée relative aux servitudes instituées au profit de TDF).


B - Les charges de voisinage grevant le domaine public

a) En principe, le domaine public échappe aux charges de voisinage qui grèvent normalement les propriétés privées.

Par exemple, on ne peut exiger de ses propriétaires une cession de mitoyenneté. De même, les règles concernant les vues, le drainage, le bornage, le passage en cas d’enclave ne s’appliquent pas au domaine public.

Aucune servitude ne peut être valablement instituée sur le domaine public : TC 28 avril 1981, SCI RÉSIDENCE LES PERRIERS, Rec. CE, p. 506.

Une exception : les charges constituées avant l’incorporation au domaine public subsistent si elles sont compatibles avec l’affectation du bien (CE, Ass. 1959, Dauphin : accès en voiture d’un propriétaire dont la maison était située au fond de l’allée des Alyscamps).


b) Mais il existe des charges de voisinage grevant le domaine public

Elles concernent essentiellement les riverains des voies publiques.

Ils disposent des aisances de voirie, c’est-à-dire :

- Un droit de vue ; - Un droit d’accès avec faculté de stationnement au droit de l’immeuble au moins le temps nécessaire à la décharge des personnes ou des marchandises ; - Un droit à l’égout, c’est-à-dire de déversement des eaux pluviales et ménagères.

Ces aisances constituent des droits administratifs dont le contentieux relève des juridictions administratives.

L’existence de ces aisances de voirie entraîne les conséquences suivantes :

- Limitation de la police de la circulation : notamment impossibilité d’interdire le stationnement sans réserver une possibilité de desserte ;

- Impossibilité de refuser l’ouverture d’une façade sur la voie publique ;

- Si l’accès à son immeuble lui est rendu plus difficile par des travaux sur la voie publique, le riverain a droit à un dédommagement dans certaines conditions : dommage anormal et spécial.

§2 : La disposition du domaine public

De quelle liberté les collectivités publiques disposent-elles dans la disposition des dépendances du domaine public ? et plus précisément dans

- la détermination de leur destination et surtout dans le changement de leur destination des biens du domaine public (A) ;

- la désaffectation et la sortie des biens du domaine public (B) ;

- et, enfin, l’aliénation du domaine public (C).

A – Le changement de destination des biens du domaine public

  • Avertissement. Certains auteurs emploient le terme d’affectation. Mais il vaut mieux parler de destination en raison du risque de confusion. Car on veut traiter ici de la question de l’utilisation d’un bien qui appartient au domaine public et non de son affectation ou de sa désaffectation, c’est-à-dire de son entrée ou de sa sortie du domaine public.

Il ne faut pas confondre destination et affectation. En aucun cas, le changement d’affectation ne remet en cause la soumission du bien au régime de la domanialité publique, dès lors qu’une nouvelle destination d’utilité publique doit lui être donné.

Le changement de destination ne passe donc pas par un déclassement qui serait d’ailleurs illégal dès lors que le bien reste affecté à l’utilité publique (v. par exemple, pour une illustration de ce qu’il n’y a pas de solution de continuité : CE, 1er février 1995, Préfet de la Meuse, Droit adm. 1995, n° 261 ; RFD adm. 1995, p. 413 ; JCP, 1995, IV, 1512, étudié supra à propos de la domanialité publique par anticipation).

Il y a donc continuité de la domanialité publique à travers les changements d’affectation.


    • Position du problème. Une collectivité propriétaire d’une dépendance domaniale peut-elle changer la destination de ses dépendances, et si oui dans quelles conditions ?


À cet égard, il convient d’établir une distinction selon que le changement de destination s’opère au sein de la même collectivité propriétaire ou qu’il s’opère d’une collectivité à une autre.

Dans le premier cas, on conçoit que lorsqu’une collectivité publique estime qu’une dépendance domaniale dont elle est propriétaire a cessé d’être utile au service, elle puisse en modifier la destination. C’est un droit que lui reconnaît la jurisprudence au nom des « pouvoirs généraux d’administration exercés sur le domaine » (CE, 5 mai 1944, Soc. auxiliaire de l’Entreprise, RD publ. 1947, p. 247, concl. B. Chenot ; CE, 3 décembre 1993, Union locale des syndicats CGT de Nîmes, RD imm. 1994, p. 227, chron. J-B. Auby).

En revanche, la question se présente autrement lorsque l’État entend modifier la destination d’un bien appartenant à une autre collectivité publique (collectivité locale ou établissement public). On désigne cette question comme celle des mutations domaniale lato sensu.


1) Les changements de destination au sein de la collectivité propriétaire