Les contraintes du milieu spatial/Le freinage atmosphérique, une contrainte propre aux orbites basses

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Comme nous l'avons explicité dans la première partie de ce livre, la densité de l'air au niveau des orbites basses est très faible. Cependant, les quelques molécules présentes suffisent à ralentir le satellite, en exerçant une force de frottement. Cette force de freinage modifie son vecteur vitesse en norme. La conséquence est une perte d'altitude, donc une limitation de la durée de vie du satellite.

Il ne faut pas attendre une précision élevée lors de l'étude de ces frottements, l'atmosphère étant extrêmement difficile à modéliser.

Forces de traînée et de portance[modifier | modifier le wikicode]

Définition des forces[modifier | modifier le wikicode]

Les composantes de la force aérodynamique sur la capsule de commande Apollo lors du retour sur Terre. Les frottements avec l'atmosphère portent le bouclier thermique à une température de 3 000°C.

Par convention, l'effet de freinage d'un milieu gazeux est modélisée par la force aérodynamique, décomposée en deux composantes :

  • la première, la traînée, opposée au vecteur vitesse ;
  • la seconde, la portance, normale au vecteur vitesse et dont le sens dépend de l'angle d'incidence.

La valeur de ces deux forces dépendent de :

  • l'altitude ;
  • la masse volumique de l'air à l'altitude considérée ;
  • le coefficient balistique où m est la masse, Sref une surface de référence arbitraire et Cx le coefficient de traînée relatif à cette surface dans la direction de la trajectoire. Le coefficient balistique dépend donc de la forme de l'objet, de sa masse et de son coefficient de traînée (caractérisé par son Cx.

Modélisation de l'atmosphère terrestre[modifier | modifier le wikicode]

Pour modéliser l'atmosphère terrestre, et obtenir la densité à une altitude donnée, divers modèles sont utilisés. On peut ainsi citer :

  • JACCHIA, pour une altitude supérieure à 115 km ;
  • CIRA88, pour une altitude inférieure à 120 km. Ce modèle est très utilisé pour les prévisions de retours de débris.

Ainsi, à 250 km d'altitude, la densité moyenne est d'environ kg/m.

Effets sur l'orbite[modifier | modifier le wikicode]

Le freinage va faire baisser l'énergie mécanique du satellite. Cette diminution va avoir des conséquences directes sur tous les paramètres orbitaux, et principalement sur la valeur du demi-grand axe, qui va baisser.

Considérons une orbite circulaire hors de l'atmosphère, sans frottements. Le vecteur vitesse du satellite est tangent à la trajectoire, et le vecteur variation de vitesse (tel que ) est égal à la somme des forces extérieures (ici la gravité ) multipliée par un facteur , selon la deuxième loi de Newton. Il est donc dirigé vers le centre de l'orbite.

Schéma des forces qui s'appliquent au satellite (sans échelle).

Considérons maintenant une même orbite, mais située dans l'atmosphère. Une force de frottement résistante au mouvement s'ajoute à la somme des forces extérieures au satellite . Montrons quelles en sont les conséquences sur le vecteur vitesse .

D'après la deuxième loi de Newton, pour cette orbite, . De là, en considérant que les deux satellites étaient « lâchés » avec la même vitesse , on a le développement suivant :

Le résultat obtenu dans la dernière équation nous permet de constater que le vecteur vitesse est modifié par l'adjonction de la force de frottement. Désormais, n'est plus tangent mais rentrant au cercle : la trajectoire se transforme en une spirale qui se resserre de plus en plus en approchant de la Terre, car devient de plus en plus rentrant.

Schéma de l'orbite basse avec un vecteur vitesse rentrant (sans échelle).

Le satellite va alors pénétrer dans les couches denses de l'atmosphère à une vitesse élevée, où il sera brûlé en raison des frottements en une dizaine de minutes. Les véhicules spatiaux habités sont munis d'un bouclier thermique pour éviter aux passagers

ces désagréments. C'est une fissure dans le bouclier thermique de la navette spatiale américaine Columbia qui a conduit à sa désintégration en 2003[1].

Paradoxalement, le freinage par l'atmosphère a pour effet d'accélérer le satellite. Pour l'expliquer, il faut savoir, comme nous l'avons expliqué au début de ce livre, que chaque satellite « tombe » en permanence autour de la Terre, soumis à l'accélération de la pesanteur terrestre .

Si cette attraction n'existait pas, la trajectoire du satellite serait une ligne droite. Mais ici, on peut dire en approximation que l'amplitude de la chute compense l'éloignement du centre de la Terre.

L'orbite freinée.

Sur la figure précédente, représente la trajectoire qu'aurait parcouru le satellite s'il n'était pas attiré par la Terre. La déviation due à cette attraction est représentée par  ; est la distance au centre de la Terre. Le satellite, placé sur une orbite circulaire dans l'exemple présenté, doit se retrouver à équidistance de ce centre en tout point de son orbite.

On cherche maintenant la valeur de en fonction de et . Le plus pratique semble d'appliquer le théorème de Pythagore. On peut ainsi écrire :

Ce calcul est bien entendu une approximation, et ne marche qu'avec une valeur de très petite. Ainsi, devient négligeable devant $d$ dans l'équation précédente et on peut écrire en première approximation que .

Appliquons ces résultats à des exemples concrets, par exemple dans le cas d'une orbite circulaire de 300 km d'altitude. Au sol, la pesanteur vaut 9,81 m/s². Cependant, cette valeur diminue avec l'altitude. Elle est donc égale, à km

d'altitude, à m/s² environ. Cela signifie qu'en une seconde, la vitesse du satellite est passée de 0 à 9,37 m/s, soit en moyenne m/s. Le satellite est donc tombé de 4,7 mètres environ : c'est la distance .

Connaissant , on peut donc calculer  : mètres. De là, on en déduit la vitesse de satellisation à cette altitude : 7900 m/s, soit 7,9 km/s.

Sachant que la pesanteur diminue en fonction du carré de la distance, on déduit que la vitesse de satellisation diminue quand l'altitude augmente. C'est pour cette raison qu'un satellite qui se rapproche de la Terre accélère.

Durées de vie indicatives[modifier | modifier le wikicode]

À titre d'exemple, le satellite Spot-5 du CNES, sur une orbite à 822 km d'altitude, descend de 2,5 mètres par jour.

Altitude (km) Durée de vie moyenne
200 60 jours
250 220 jours
500 Quelques années
1 000 Plusieurs siècles
1 500 10 000 ans
Ordres de grandeur de la durée de vie moyenne d'un satellite en fonction de son altitude.

Solutions apportées[modifier | modifier le wikicode]

Comme pour les contraintes électrostatiques et magnétiques, peu de solutions « actives » existent. Au sol, lors de la planification de la mission, les ingénieurs tentent de choisir des orbites hautes, afin de limiter les passages dans l'atmosphère.

Cette orbite est généralement maintenue au-dessus de 300 km pour que leur durée de vie ne soit pas trop brève. Des opérations de rehaussement de l'orbite, utilisant les propulseurs du satellite, sont conduites régulièrement (en général une fois par mois).

Le satellite GOCE (Gravity Field and Steady-State Ocean Circulation Explorer), dont l'orbite oscille vers 250 km d'altitude, a été conçu avec une forme aérodynamique pour limiter la traînée. Ce « format » particulier empêche l'installation de panneaux solaires extérieurs, qui agiraient comme des voiles. Les panneaux sont donc montés directement sur le corps de l'engin, et ne sont donc pas orientables.

Notes[modifier | modifier le wikicode]

  1. Chien, Philip : « Columbia : final voyage, the last flight of NASA's first space shuttle », préfacé par Edwin « Buzz » Aldrin, 460 pages. Éditions Copernicus, 2006. (ISBN 0-387-27148-1)