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Planétologie/Les influences gravitationnelles

Un livre de Wikilivres.
Loi de la gravitation universelle de Newton.

La pesanteur joue un rôle important dans l'évolution des planètes et satellites. Elle est à l'origine du phénomène de différentiation, de la convection du manteau, de la persistance des atmosphères, attire les astéroïdes et est à l'origine de certaines formes d'érosion. Mais en plus de ces influences indirectes, la gravité influence fortement la topographie planétaire. Ce chapitre se propose de voir comment la gravité façonne directement la forme des planètes, ainsi que leurs intérieurs. Nous allons y parler des forces de marées et de divers phénomènes similaires.

La forme des planètes

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Si les planètes étaient purement fluides, elles auraient une forme approximativement sphérique, avec une topographie mineure. Les planètes telluriques sont toutes sphériques, car elles ont été entièrement fondues dans leur passé et ont eu le temps de prendre une forme sphérique avant de se solidifier. Les satellites telluriques de grande taille sont aussi dans ce cas, mais pas les petits astéroïdes. Les petits astéroïdes, formés par agglomération de petits corps solides, n'ont eu aucune chance de devenir sphérique si leur gravité n'est pas suffisante.

La forme des planètes, de forte masse, est donc le fait de la gravité. Mais il ne faut pas oublier le fait que les planètes tournent sur elles-mêmes. Cette rotation donne naissance à une force de Coriolis, qui donne une forme ellipsoïdale aux planètes. Les planètes sont naturellement aplaties, avec un renflement proche de l'équateur. Pour comprendre pourquoi les planètes en rotation sont de forme ellipsoïdale, il faut détailler un peu comment la gravité et la force centrifuge interagissent.

Directions de la gravité et de la force centrifuge.

La force de gravité ne dépend que de la distance au centre de la planète, alors que la force centrifuge dépend de la distance à l'axe de rotation. Ces deux forces ne sont donc pas orientées dans le même sens. La gravité agit toujours à la verticale, tandis que la force centrifuge fait un angle avec celle-ci, angle qui dépend de la latitude. Une autre manière de le dire est que la force centrifuge dépend de la latitude, pas la gravité. En effet, plus la latitude augmente, plus la distance avec l'axe de rotation diminue, ce qui diminue la force centrifuge.

Précisément, l'accélération de la gravité vaut :

Par contre, l'accélération causée par la force centrifuge vaut, avec la distance à l'axe de rotation et la vitesse de rotation angulaire :

Par définition, si la planète est sphérique, on a , avec la latitude. Ce qui donne :

À l'équateur, la force centrifuge est maximale et parallèle à la gravité, mais orientée dans le sens opposé. La force centrifuge compense un petit peu la gravité, ce qui fait que l'équateur doit être légèrement surélevé. Aux pôles, la force centrifuge est tout simplement nulle. Ainsi, la gravité agit sans être compensée. Aux latitudes intermédiaires, la force centrifuge est inférieure à celle observée à l'équateur, mais non-nulle : la surface est donc un peu surélevée par rapport aux pôles, mais pas autant qu'à l'équateur. Si on modélise le tout mathématiquement, on voit que la surface où force centrifuge et gravité se compensent forme une ellipsoïde.

La hauteur maximale du relief

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Il faut noter que le poids d'une chaine de montagne peut entrainer des tensions dans la croute, qui peut casser si ces tensions sont trop fortes. Un exemple est ainsi celui de la Valles Marineris sur Mars, qui s'est formée suite à la formation d'une zone volcanique proche appelée le dôme de Tharsis. L'accumulation de grandes quantités de lave dans le dôme de Tharsis a pesé sur la croûte, qui a fini par se fendre, donnant naissance à la Valles Marineris.

Et cela limite la taille des volcans et montagnes : si elles dépassent une certaine taille, la croûte finit par céder et s'effondrer sous son poids. Le relief d'une montagne est soumis à deux forces : une force de gravité qui la pousse à s'effondrer sur elle-même, et une force de résistance qui empêche ses roches de se déformer. Ces deux forces s’équilibrent à une certaine hauteur où la force de gravité compense exactement la force de résistance. Si la montagne grandit au-delà, la montagne s'effondre sur elle-même, jusqu’à atteindre la taille maximale permise par la gravité.

Pour faire simple, les roches de la montagne se fracturent et se plissent quand elles sont soumises à une pression trop forte. Il existe un seuil autour duquel toute roche commence à plier et casser, seuil qui ne doit pas être dépassé. Les roches situées à la base de la montagne sont naturellement soumises à une pression, causée par le poids de la montagne située au-dessus. Tant que la pression reste sous le seuil de fluage, la montagne garde sa taille. Mais si le seuil est dépassé, les roches se compriment, plient et cassent, ce qui fait rapetisser la montagne. Les roches sont notamment déplacées sur les côtés par la pression : la montagne s'étale, ce qui lui fait perdre de l'altitude.

Dans cette section, nous allons calculer la hauteur maximale que peut avoir une montagne sur un corps tellurique. Pour cela, il faut calculer la pression à la base de la montagne et la force de gravité associée. Nous allons simplifier le tout en remplaçant la montagne en question par une colonne de roche de hauteur h, sa forme n'étant pas précisée. Disons que la colonne est de forme cylindrique ou que c'est un pavé, peu importe. En clair, on s'intéresse juste à la portion la plus haute de la montagne, celle d’altitude maximale, ce qu'il y a autour ne nous intéresse pas.

Le poids de la colonne de roche est égal au produit de sa masse par l'accélération de la pesanteur  :

La masse de la colonne de roche est égale au produit de sa densité par son volume, ce qui donne :

Cette force est répartie sur la base de la colonne de roche, sur une surface . La pression à la base de la colonne de roche est donc le rapport suivant :

En simplifiant V et S, on trouve l'équation suivante :

On peut alors déterminer la taille maximale de la montagne , si on connaît le seuil de résistance maximal des roches. Si on note le seuil de fluage des roches, on a :

En utilisant une densité moyenne égale à celle de la croûte continentale et un seuil de (proche de celui mesuré en laboratoire), on trouve que la hauteur maximale d'un montagne sur Terre est de 10 kilomètres maximum. Sur Mars, les montages ne peuvent dépasser 27 kilomètres. Ces résultats sont remarquablement précis, en parfait accord avec les mesures. Pour donner un exemple, la plus haute montagne terrestre est un volcan hawaïen qui fait approximativement 10 kilomètres de haut ! Quant au plus haut relief martien, il s'agit du volcan Olympus Mons qui fait 22 kilomètres de haut.

Le géoïde : les influences entre topographie et champ de gravité

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Géoïde terrestre, avec les irrégularités accentuées.

On peut rendre compte du champ de gravité d'une planète en dressant ce qu'on appelle un géoïde. Celui-ci est ce qu'on appelle une surface équipotentielle, à savoir une surface sur laquelle le potentiel gravitationnel est le même (si vous ne savez pas ce que c'est, un livre de physique basique devrait vous éclairer). Sur Terre, celui-ci est assez bien approximé par les océans. Leur nature liquide leur permet de se déformer pour minimiser leur énergie potentielle, et donc épouser une surface équipotentielle. Les continents ne sont pas dans ce cas, ce qui signifie que la détermination du géoïde sur les continents est assez difficile.

Il est évident qu'aucun corps tellurique n'est complètement plat et possède des cratères d'impact, des chaînes de montagne, des volcans, des dépressions et autres. Et cela a une influence sur son géoïde, car le relief modifie la répartition des masses. En théorie, si aucun relief n'existait, le géoïde serait un ellipsoïde parfait. Mais en pratique, la présence de relief fait que le géoïde est déformé. Pour le dire autrement, la gravité en un point n'est pas celle prédite par les formules vues dans la section précédente sur la forme des planètes. En chaque point de la surface d'une planète, il y a une déviation par rapport à la gravité d'un ellipsoïde parfait, qui est appelée l'anomalie gravitationnelle.

Effet d'une montagne sur le champ de gravité local proche.

L'anomalie gravitationnelle a plusieurs sources. La première est tout simplement les marées, qui causent des variations du champ de gravité. La seconde est liée au relief lui-même. Par exemple, à proximité d'une montagne, la pesanteur est donc influencée par le poids de la montagne. Si on place un fil à plomb, censé indiquer la verticale, celui-ci sera attiré un petit peu par la montagne et déviera vers la montagne. Il formera donc un angle avec la verticale. Évidemment, cet effet est d'autant plus important que le fil à plomb est disposé près de la montagne. La gravité en un point est donc modifiée par rapport à un ellipsoïde, à cause des terrains environnants.

Le géoïde est donc loin d'être sphérique ou ellipsoïde, du fait de la topographie. Il est possible de retirer l'effet du relief sur le géoïde, de même que l'effet des marrées. Cela demande de retirer l'attraction des reliefs alentours, de tenir compte de l'altitude, de tenir compte du terrain situé sous le lieu de mesure, etc. En retirant l'effet du relief, on s'attend à retrouver un géoïde bien ellipsoïdal. Mais ce n'est pas le cas, bien au contraire. En réalité, même sans retire l'influence du relief, on aurait pu se rendre compte d'un problème : le champ de gravité est relativement uniforme, la topographie le modifiant assez peu. On pourrait croire que les montagnes se traduisent par une gravité supérieure à leur verticale, les dépressions donnant quant à elle une réduction de gravité comparé aux alentours, mais ce n'est pas vraiment ce qui est observé.

La raison est que la forme du géoïde n'est pas influencée que par le relief, mais aussi de la répartition des masses sous le sol. En effet, les reliefs se forment en augmentant ou en diminuant l'épaisseur de la croûte : la croute est plus épaisse dans les chaînes de montagne et les volcans, les dépressions sont des zones où la croûte s'amincit. Or, toute accumulation de matière appuie sur la lithosphère, quel que soit son origine, ce qui entraîne une réorganisation du manteau sous-jacent. La répartition des masses sous le sol change alors, ce qui a de nombreuses conséquences. Par exemple, l'anomalie de gravité liée au relief est partiellement compensée par des processus mantelliques, comme nous le verrons dans la suite du chapitre.

Pour expliquer ce genre de phénomène, les géologues ont inventé des modèles qui font tous appel à l'isostasie. Celle-ci explique pourquoi les chaînes de montagnes ont une racine, une zone de croûte nettement plus épaisse que la normale. Elle permet aussi d'expliquer les modifications d'altitude liées à l'érosion, notamment pour les chaînes de montagnes (chose qui permet d'expliquer la formation de certains granites).

L'équilibre isostatique

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La croûte a un poids non-négligeable, ce qui fait qu'elle appuie sur le manteau sous-jacent, assez pour entraîner des déplacements de masse. Lors de la disparition d'un glacier, d'une montagne ou d'une couche sédimentaire, tout se passe comme si le continent remontait, libéré du poids imposé par le relief. Dans certaines situations, on observe l'effet inverse : le continent s'enfonce à la suite d'un ajout de poids, comme la formation d'un glacier, un empilement de couches sédimentaires ou la formation d'un relief.

La lithosphère subit ainsi, sur de longues périodes, des mouvements verticaux particulièrement lents, qui tendent à compenser le surpoids ou le manque de masse de la lithosphère, ce qui réduit quelque peu la topographie. La topographie crustale est donc compensée dans le manteau, par divers processus. Il en est de même pour le géoïde, ce qui explique pourquoi il est aussi lisse, du moins plus que ce que la topographie ne permet.

Pour rappel, le manteau de la Terre a un comportement assez particulier : il a beau être solide, celui-ci est très déformable et se comporte comme un fluide sur de longues périodes de temps (millions d'années). Par "se comporte comme un fluide", on ne veut pas dire que celui-ci est liquide ou gazeux, mais que les roches du manteau sont suffisamment molles pour s'"écouler" lentement, un peu comme le ferait un vieux fromage qui commence à ramollir. Dans ces conditions, les lois de la mécanique des fluides s'appliquent au manteau.

Pour résumer, tout se passe comme si la lithosphère solide était partiellement immergée dans un manteau fluide. S'il n'y avait pas de force qui vienne compenser exactement l'effet du poids de la croûte, celle-ci coulerait dans le manteau plus fluide. Quelle est cette force qui vient contrecarrer le poids de la croûte en dehors des zones de subduction ? La même force que celle qui fait flotter les icebergs ou les navires sur l'océan : la poussée d'Archimède. Pour rappel, le principe d’Archimède stipule que tout corps solide plongé dans un fluide subira une force, dirigée de bas en haut, appelée la poussée d’Archimède. Elle a initialement été décrite dans les liquides, mais sa formulation actuelle fonctionne avec n'importe quel fluide, et les roches du manteau ne font pas exception.

Mais la poussée d'Archimède ne suffit pas toujours à faire flotter un objet : il faut aussi que le solide soit moins dense que le fluide. Dans le cas contraire, le solide coule. Cela arrive dans certaines zones de subduction, où la plaque tectonique subductée, plus dense que le manteau, coule spontanément. Mais dans tous les autres cas, le manteau est nettement plus dense que la croûte, et il en est de même pour la lithosphère, plus dense que l'asthénosphère. Dans ces conditions, la poussée d'Archimède contrecarre totalement le poids de la croûte : la croûte flotte sur le manteau, un peu comme la glace flotte sur l'eau.

D'après les lois de l'hydrostatique, plus le volume immergé est grand, plus la poussée d’Archimède sera grande elle aussi. Et cela vaut aussi pour la croûte immergée dans le manteau. En comparaison, le poids d'un morceau de croûte (un continent) provient de tout son volume.

Équilibre entre poussée d’Archimède et poids de la croûte.

À l'équilibre, il n'y a pas de mouvement vertical de la lithosphère causé par la différence de densité : la force de flottabilité s'équilibre avec le poids de la croûte. Donc, quand le continent ne s'enfonce pas ou qu'il ne remonte pas, force de flottabilité et poids du continent sont égales. On parle d'équilibre isostatique. Cet équilibre permet de définir une surface de compensation, une surface horizontale où la pression est la même partout. Celle-ci se situe approximativement dans le manteau, et plus précisément dans l’asthénosphère.

Équilibre isostatique

Maintenant, regardons ce qui se passe dans le cas d'un changement du poids de la lithosphère. Il existe de nombreux processus capables de changer ce poids en ajoutant de la masse : un apport de masse via la sédimentation, la formation d'une chaîne de montagne, la naissance d'un volcan, etc. L'érosion peut aussi retirer de la matière, diminuant ainsi le poids du continent. Bref, les mécanismes sont nombreux (et on donnera de nombreux exemples plus tard).

Intuitivement, plus on ajoute du poids, plus la croûte s'enfonce profondément dans le manteau. De même, diminuer le poids aura tendance à faire remonter la croûte. Pour le dire autrement, un changement de masse est suivi par un mouvement vertical qui ramène la lithosphère à l'équilibre isostatique. Le processus a lieu comme suit. Si on ajoute de la masse sur le continent, son poids augmente, le poids du continent deviendra supérieur à la poussée hydrostatique, le continent s'enfonce. Lors de son enfoncement, le volume immergé dans le manteau augmentera, ce qui augmentera progressivement la poussée d’Archimède, jusqu'à ce que l'équilibre isostatique soit atteint. On peut tenir le même raisonnement dans le cas où on enlève de la masse sur le continent. Dans ce cas, la poussée d'Archimède devient alors plus grande et le continent remonte jusqu'à ce que l'équilibre isostatique soit atteint.

Retrait de matière retour à l'équilibre isostatique

Le processus se déroule comme décrit précédemment sous condition que les ajouts ou retraits de matières soient très rapides. Le manteau n'a pas le temps de se déformer pendant que la masse du continent change, les mouvements du manteau étant très lents. Dans ces conditions, les mouvements verticaux qui ramènent la lithosphère à l'équilibre isostatique mettent du temps à se mettre en place. C'est souvent le cas dans la réalité, vu que les roches se déforment très lentement et que les processus tectoniques ou d'érosion sont nettement plus rapides.

Comparaison entre équilibre isostatique local et régional. Illustration de l'effet de la flexure de la lithosphère.

Il nous reste à formaliser la notion d'isostasie mathématiquement, ce qu'ont fait certains géophysiciens. Il existe de nombreux modèles de l'isostasie, et je vais vous présenter les deux modèles les plus connus. Petite précision : ces modèles ne fonctionnent qu'une fois l'équilibre isostatique atteint : il ne doit pas y avoir de mouvement verticaux.

Il est raisonnable de supposer que toute variation d'épaisseur de la croûte se répercute intégralement sur le manteau en dessous : le poids ne génère pas de contraintes horizontales, il ne "déborde" pas. Cette dernière hypothèse est appelée l'hypothèse d'équilibre isostatique local. En réalité, la pression d'une chaîne de montagne va se répartir non seulement à la verticale, mais aussi sur les côtés, à l'horizontal. Ainsi, les racines d'une chaîne de montagne s'étalent, et les bassins sont légèrement surélevés sur les bords. L’équilibre isostatique local est brisé, et on parle plutôt d’équilibre isostatique régional

Différence entre équilibre isostatique local et régional, pour une montagne

Il existe divers modèles qui tiennent compte de l’équilibre isostatique régional. Dans ces modèles, la surface de compensation n'est pas forcément située à la base de la lithosphère ou de la croûte : elle peut se situer un peu plus bas, dans l'asthénosphère. Mais nous n'allons pas les voir tout de suite. Nous allons nous concentrer sur les modèles plus simples, qui n'utilisent que l'équilibre isostatique local.

Le modèle de Airy

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Le modèle de Airy rend compte de l'équilibre isostatique quand la lithosphère s’épaissit ou s’amincit. Elle rend compte des épaississements de la lithosphère, comme les chaînes de montagnes et aux volcans éteints, qui s'enfoncent dans le manteau. En effet, les montagnes ont des racines, des zones où la lithosphère est épaissie en profondeur et fait saillie dans l’asthénosphère. Pour une montagne, le modèle d'Airy permet de calculer la profondeur de sa racine crustale. On peut aussi l'appliquer dans le cas des amincissements de la lithosphère, comme un bassin sédimentaire, ou un cratère d'impact. Sous ces structures, le manteau tend à remonter pour remplacer le déficit de lithosphère lié à l'amincissement. Le modèle de Airy permet alors de calculer la hauteur de remontée du manteau.

Rappelons que ce modèle ne fonctionne que dans le cas où l'équilibre isostatique est atteint (il ne doit pas y avoir de mouvement verticaux) : il ne fonctionne pas si l'équilibre isostatique n'est pas atteint. Par exemple, ce modèle ne fonctionne pas pour des chaînes de montagnes qui continuent de grandir : l'Himalaya ne respecte pas cette règle, par exemple. La chaîne de montagne doit aussi avoir une érosion assez faible, sans quoi elle rapetisse : l'équilibre isostatique est alors brisé par perte de masse.

Modèle de Airy pour une montagne, avec sa racine crustale.

Le modèle de Airy suppose que toute la lithosphère a une densité uniforme, même dans les chaînes de montagne ou les bassins sédimentaires. Même hypothèse pour le manteau : on lui suppose une densité uniforme. La lithosphère est modélisée avec plusieurs blocs de hauteurs différentes. On suppose que les effets aux bords des blocs sont négligeables et que toute variation d'épaisseur se répercute intégralement sur l'asthénosphère située en-dessous : l'hypothèse d'équilibre isostatique local est respectée.

Le modèle de Airy modélise la montagne ou le volcan d'une manière assez sommaire : un simple pavé, comme illustré ci-dessous. La hauteur de la montagne est notée , la profondeur de la racine crustale et l'épaisseur normale de la lithosphère .

Modèle de Airy pour une montagne, avec surface de compensation

Pour simplifier, on suppose que la surface de compensation est située dans le manteau. La conséquence directe de cette supposition est que la surface de compensation est située à la base de la racine de la chaîne de montagne. En effet, si on ajoute une hauteur de manteau avant d'arriver à la surface de compensation, on ajoute juste un terme à la pression sous la croûte normale, ainsi que sous la chaîne de montagne : on reste sur une nouvelle surface de compensation.

Reste à calculer la pression à la base de la chaîne de montagne, et la pression à la même profondeur dans le manteau (ces deux pressions sont situées sur la surface de compensation). On a vu dans le paragraphe précédent que la pression à la base d'un pavé de roche est égale à : .

Au niveau de la montagne, on a , ce qui donne une pression de :

, avec la densité de la croute.

À la même profondeur, sous la lithosphère normale (sans montagne ni bassin), la pression est la somme de la pression causée par la lithosphère d'épaisseur et celle causée par le poids du manteau d'épaisseur . Elle vaut :

, avec la densité deu manteau.

Or, selon le principe même de l'isostasie, les deux pressions égales :

On peut alors calculer la profondeur de la racine d'une chaîne de montagne en fonction de sa hauteur, et des densités :

Vu que les densités de la lithosphère et de l'asthénosphère sont connues, le second terme peut être calculé assez facilement. On trouve donc qu'à l'équilibre isostatique, la racine d'une montagne a une taille environ 6 fois plus importante que l'altitude de la montagne.

Bassin sédimentaire dans le modèle de Airy.

Le modèle d'Airy s'applique aussi aux amincissements de la croûte, comme on peut en trouver dans les bassins sédimentaires ou les cratères d'impact. En-dessous de ces amincissements lithosphériques, le manteau remonte dans le vide laissé par la diminution d'épaisseur. Le modèle en question est illustré ci-contre. L'amincissement de la lithosphère en surface est noté , tandis que l'amincissement en profondeur est noté . Les calculs qui vont suivre supposent que la surface de compensation est située à la profondeur normale de la lithosphère, comme illustré ci-dessous.

Bassin sédimentaire dans le modèle de Airy, avec surface de compensation

La pression à la base de la lithosphère normale, sans bassin ni montagne vaut :

À la même profondeur, mais sous le bassin, la pression est la somme de la pression de la lithosphère amincie et de l'asthénosphère qui a pris la place, ce qui donne :

Les deux pressions sont égales, et quelques manipulations algébriques donnent :

Si on ajoute le fait que la dépression est remplie par un océan ou des sédiments, l'analyse reste la même : il suffit de rajouter un terme lors du calcul de la pression sous le bassin. Cela demande juste de connaître la densité du matériel qui remplit la dépression, que l'on notera . On obtient alors :

Mais attention : si ce modèle fonctionne pour les bassins, il ne fonctionne pas pour un rift ou une dorsale : la densité des matériaux n'est pas constante, une bonne partie des variations d'épaisseur étant causée par des différences de température.

Le modèle de Pratt

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Le modèle de Pratt a été inventé pour rendre compte d'une autre situation : celle d'une lithosphère de densité variable posée sur un manteau de densité uniforme. Ce modèle modélise bien les situations la lithosphère est chauffée par le manteau en dessous. La lithosphère se dilate sous l'effet de la température, ce qui a tendance à la bomber de quelques centaines de mètres de hauteur. La lithosphère est très chaude au-dessus de la source de chaleur, mais elle refroidit en s'en éloignant.

Cela arrive sous certaines dorsales océaniques, riches en volcans, où les plaques s'écartent à une vitesse largement supérieure aux autres dorsales, et qui ont un rift central très limité (voire pas de rift du tout) : ces dorsales sont appelées des dorsales rapides. On trouve un équivalent continental de ces dorsales : les rifts actifs. Certains points chauds vont aussi chauffer les plaques qu'ils transpercent par en dessous, et le modèle de Pratt est alors tout indiqué. On peut aussi étudier le cas de la subsidence thermique, dans laquelle la lithosphère s'amincit quand on la refroidit. Le traitement mathématique est alors similaire, mais fait appel à quelques hypothèses supplémentaires.

Sous un point chaud ou une dorsale, le bombement n'est pas totalement causé par l'augmentation de température de la croûte. La source de chaleur mantellique remonte vers la surface à cause de la poussée d’Archimède et appuie sous la lithosphère, ce qui crée un bombement supplémentaire. Mais le modèle de Pratt donne malgré tout de bons résultats.

Dans le modèle de Pratt, la lithosphère est composée de blocs, comme dans le modèle de Airy, et l'équilibre isostatique local supposé valide. La différence avec le modèle d'Airy, c'est que chaque bloc a une densité différente. Ces blocs s’enfoncent tous à la même profondeur dans le manteau/l'asthénosphère : c'est leur altitude qui varie suivant la densité. Typiquement, les blocs les plus chauds se dilatent vers le haut, et ils ont donc une hauteur supérieure. Le but du modèle de Pratt est de calculer la densité de la lithosphère, en connaissant sa hauteur.

Comparaison entre le modèle de Airy et de Pratt.
Modèle de Pratt

Nous allons étudier le cas ci-contre, avec un bloc chauffé par le manteau entouré par une lithosphère normale. La pression à la base de la lithosphère vaut, pour rappel :

La pression P étant partout pareille à la base de la lithosphère, et g étant une constante, on sait que le produit est identique pour chaque bloc. En conséquence, pour les deux blocs de l'exemple traité, on a :

, avec la densité recherchée

Quelques manipulations algébriques donnent alors :

Les ruptures de l'équilibre isostatique

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Il arrive qu'un équilibre isostatique installé finisse par se rompre. Par exemple, une variation du niveau des mers entraîne une rupture de l'équilibre isostatique. L'océan pèse sur le plateau continental et la croûte océanique, ce qui peut entraîner des mouvements isostatiques assez prononcés. Une simple augmentation de la quantité d'eau océanique, ou une variation de la superficie des océans est suffisante. Il en est de même avec la formation d'une chaine de montagne, la formation d'un volcan, le comblement d'une dépression sédimentaire, etc. D'autres situations sont possibles, et en faire la liste serait beaucoup trop long. Nous allons donc voir les cas les plus intéressants en planétologie, ainsi que quelques exemples purement terrestres assez intéressants.

Si l'équilibre isostatique est rompu, par exemple à cause de mouvements tectoniques, la poussée isostatique entraine des mouvements verticaux, qui se chargent de ramener la lithosphère à l'équilibre. Mais la lithosphère a une certaine viscosité, et met un certain temps à atteindre sa position finale d'équilibre isostatique.

Rebond post-glaciaire

Sur Terre, le cas le plus connu est celui du rebond post-glaciaire. Comme vous le savez peut-être, la Terre a subi des épisodes de glaciation plus ou moins prononcés, durant lesquels de grands glaciers recouvraient les continents sur plusieurs kilomètres, notamment près des pôles. Lors de la fonte de ces glaciers, le continent s'est vu allégé du poids que lui imposaient les glaciers., ce qui a entrainé un réajustement isostatique. La lithosphère est remontée de quelques centaines de mètres, sur plusieurs millions d'années. L'exemple actuel le mieux connu est celui du nord du Canada, et du golfe de Botnie en Suède et Finlande. Pour donner un exemple, le golfe de Botnie subit actuellement un reste de rebond post-glaciaire, à un rythme de 9 millimètres par an.

La sédimentation a aussi un rôle à jouer sur l'isostasie. Quand beaucoup de sédiments s'accumulent à un endroit, les sédiments accumulés pèsent sur la lithosphère continentale ou océanique. Le phénomène se manifeste dans les bassins sédimentaires, des creux dans la lithosphère qui se remplissent de sédiments : le remplissage de ces cuvettes aggrave la descente et le creusement de la lithosphère.

L'érosion, elle enlève de la masse. C'est ce qu'on observe dans les chaînes de montagnes mortes, qui s'érodent plus vite qu'elles ne grandissent, si elles grandissent encore : l'érosion entraîne la remontée des roches profondes par isostasie. Pour remonter, ces roches doivent se plier, ce qui donne naissance à de nombreux plis. Dans certains cas extrêmes, cela peut faire fondre ces roches. Les roches enfouies sous les chaînes de montagnes sont soumises à des températures élevées. En remontant, elles gardent leur température, mais la pression baisse, parfois suffisamment pour que la roche fonde et donne du magma. De nombreux granites se forment de cette façon dans les chaînes de montagnes érodées.

La naissance d'une montagne ou d'un volcan épaissit la lithosphère, ce qui entraine là aussi un réajustement isostatique. C'est le cas lorsqu'un volcan naît sur le fond de l'océan, notamment pour les volcans de point chaud. Dans ce cas, de grandes quantités de lave vont s'accumuler sur le plancher océanique, durant à peine quelques milliers d'années. Le volcan peut même émerger et donner naissance à une île, qui est alors colonisée par diverses espèces vivantes : le volcan peut notamment s'entourer d'une barrière de corail. Mais très vite, le volcan commence à s'enfoncer par isostasie. Le volcan finit par être immergé, mais la barrière de corail peut subsister à l'air libre : un atoll s'est formé.

La formation d'un cratère d'impact entraîne aussi une rupture de l'équilibre isostatique sous le cratère. L'impact va en effet retirer une épaisseur plus ou moins importante de croûte, qui devra être compensée par le manteau. Cela n'a pas d'incidence pour les petits impacts, mais les gros cratères sont souvent le siège d'une compensation isostatique. Le manteau remonte sous le cratère, surélevant celui-ci. Dans certains cas, cette poussée mantellique entraîne la fracturation de la croûte autour du cratère, formant des failles concentriques d'effondrement (des grabens circulaires). Dans d'autres cas, cela entraîne la formation de plis concentriques autour du cratère. La bosse centrale des cratères complexes peut, dans certains cas, provenir de ce phénomène. En étudiant la taille de ces grabens ou plis, on peut connaître assez approximativement la viscosité du manteau et l'épaisseur de la croûte du corps tellurique.

Les forces de marées

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Marée lunaire.

Tous les corps du système solaire sont soumis à des forces de marées, et les satellites et anneaux ne font pas exception. Vu que les forces de marées sont très importantes dans le fonctionnement des systèmes planète-satellite, nous allons les aborder dans ce chapitre. Sur Terre, la marée se traduit par une modification du niveau de la mer au cours de la journée. Ces marées proviennent de deux bourrelets où les océans sont surélevés de quelques mètres : un juste en face de la Lune, un autre opposé à celle-ci. La cause des variations du niveau de la mer est la force de gravité de la Lune et du Soleil, qui attirent les océans vers eux. Cette attraction ne touche pas que les océans, mais aussi l'ensemble de la planète et du satellite : cela déforme la croûte terrestre, l'intérieur du manteau, etc. Il est souvent dit que ces déformations de la croûte et du manteau peuvent parfois causer quelques séismes. Certains séismes lunaires pourraient d'ailleurs provenir des phénomènes de marées. On verra des quelques chapitres que les forces de marées peuvent être à l'origine de frictions dans le manteau, ce qui augmente sa chaleur. Le satellite de Jupiter nommé Io a d'ailleurs un manteau partiellement fondu grâce à ce mécanisme de chauffage par les marées, seule cause du volcanisme intense de ce satellite.

Influence de la Lune et du Soleil sur l'onde de marée.

Il faut cependant signaler que les forces de marées sont des forces assez générales, qui ne se limitent pas à l'action d'un satellite sur une planète (et réciproquement). Par exemple, la gravité du Soleil est à l'origine d'effets de marée sur Terre ou sur les autres planètes. Il existe même des forces de marée galactiques, causées par l'attraction d'une galaxie sur ses étoiles. Si on prend le cas de la Terre, tout corps suffisamment massif du système solaire a un effet sur la marée. C'est ainsi que le Soleil influence fortement la marée : son attraction gravitationnelle accentue du réduit la force de la marée lunaire. En théorie, la gravité des autres planètes du système solaire, comme Venus ou Jupiter, créent des forces de marrées sur Terre, qui s'ajoutent aux contributions de la Lune et du Soleil. Mais cette influence est trop faible pour être mesurable : seuls la Lune et le Soleil ont un effet sensible sur la marée terrestre. Lorsque le Soleil et la Lune sont plus ou moins alignés, leurs attractions gravitationnelles se superposent, accentuant la montée des eaux : c'est la période de vives-eaux, à opposer à la période de mortes-eaux où la Lune et le Soleil sont en opposition. On observe deux marées par jour en France, ni pourquoi d'autres endroits du globe en ont beaucoup plus ou beaucoup moins. Certaines zones sont même vierges de toute marée : en certains points, nommés points amphidromiques, les marées sont inexistantes. Certes, la forme des rivages ou certaines particularités peuvent faire que la marée n'arrive pas aux cotes, mais cela ne suffit pas à tout expliquer.

L'origine des marées

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Expliquer les marées à partir de l'attraction gravitationnelle est séduisante. C'est d'ailleurs ainsi que sont expliquées les marées dans les ouvrages ou articles de vulgarisation. Mais cela n’explique pas d'où vient le bourrelet situé à l'opposé de la Lune ? Certains mettent en avant la force centrifuge, mais la raison est en fait plus complexe. La force centrifuge n'est pas une explication, car elle touche tout le satellite et la planète : elle doit agir à l'identique aussi bien sur le bourrelet avant que sur le côté opposé. Les marées sont en réalité causées par le fait que deux points d'un astre ne sont pas forcément soumis à la même force de gravité.

L'effet de marée traduit le fait que si l'on s'éloigne d'un astre massif, la force de gravité diminue avec la distance. Prenons une planète massive, qui attire les objets alentours et sert de "source gravitationnelle", et qualifions-la d'"attracteur". Deux points situés à des distances différentes seront soumis à des forces de gravité différentes. De même, si un objet s'éloigne de la planète, il sentira la pesanteur diminuer légèrement en s'éloignant. L'effet de marée quantifie cette diminution, mais pour un déplacement extrêmement petit, infinitésimal. Mathématiquement, c'est la dérivée de la force de gravité en fonction de la distance (ou encore la dérivée de l'accélération de la pesanteur, ce qui est équivalent), à savoir le vecteur :

, avec la distance avec le centre de l'attracteur, la force de gravité et l'accélération de la pesanteur.

Les points d'un satellite qui sont plus proches de la planète seront plus attirés que les points situés plus loin (vu que la gravité varie avec la distance). Cette différence de force gravitationnelle entre deux points éloignés, appartenant à un même corps, est appelée la force de marée.

Maree

Pour calculer celle-ci nous allons prendre deux points appartenant à un même corps tellurique. Les notations utilisées dans ce chapitre sont illustrées sur le schéma ci-dessous :

Limite de Roche (avec une petite masse u).

La force de marée se calcule en faisant la différence entre la force de gravité subie par le premier point et celle subie par le second. On a donc :

En mettant au même dénominateur les termes , on trouve que : .

En supposant que le rayon r est très petit, on peut simplifier les calculs. Avec cette hypothèse, on peut négliger le terme au dénominateur de l'expression . Celle-ci se simplifie en : . La force de marée vaut donc :

Le champ de marée

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Les calculs précédents sont simplifiés, dans le sens où ils prennent deux points alignés avec le corps attirant (ici, la planète). Mais les calculs sont plus complexes quand les deux points sont situés ailleurs sur le satellite. Par exemple, deux points situés à égale distance subiront la même force de gravité, mais dans des directions différentes. Le bilan des forces fait que ces points seront en quelque sorte attirés l'un vers l'autre, en plus de l'être par le corps massif. Ce qui explique que les forces de marées donnent une forme ovoïde aux satellites et planètes.

Principe effet marée

Enfin, il faut aussi tenir compte de la force centrifuge, qui dépend elle aussi de la distance. On peut cependant faire les calculs numériquement, et montrer l’influence de la gravitation sur chaque point du corps attiré. On oit alors que la gravité exacte est celle-ci :

Marée