Rapport/ Rapport d’Enquête

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Page de couverture

ROYAUME DE BELGIQUE MINISTÈRE DES AFFAIRES ÉCONOMIQUES Rapport de la commission d’enquête chargée de rechercher les causes de la catastrophe du Bois-de Cazier le 8 août 1956


Juin 1957 Imprimerie Robert LOUIS S.P.R.L. 37-39 rue Borrens –Bruxelles I

page 3

Commission d’Enquête

Sur les causes de la catastrophe survenue au Charbonnage du Bois-de-Cazier le 8 août 1956 Conclusions de la Commission

JUIN 1957

TABLE DES MATIÈRES

  • 1 Institution de la commission page 4
  • 2 Conclusions de la Commission page 8
    • 2.1 Situation antérieure au 8 août 1956 8
    • 2.2 Événement du 8 août 1956 page 9
      • 22.1 - Décagement imparfait page 10
      • 22.2 - Démarrage intempestif page 10
      • 22.3 - L'accident page 11
    • 2.3 - L'incendie page 11
      • 23.1 - Production de l'incendie page 11
      • 23.2 - Développement de l'incendie page 12
      • 23.3 - Conséquences de l'incendie page 12
        • 233.1 - Fumées toxiques page 12
        • 233.2 - Effets calorifiques page 13
    • 2.4 - Difficultés rencontrées au cours des premières opérations de sauvetage page 14
  • 3-RESUME DES CONCLUSIONS page 15
  • 4-NOTE DE MINORITÉ page 18


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Rapport

Avant toutes Choses les membres de la commission sont unanimes à rendre un hommage ému aux 262 mineurs qui trouvèrent la mort dans la terrible catastrophe du Bois du Cazier, à Marcinelle qui a frappé durement la corporation minière. Ils renouvellent à toutes les familles éprouvées leur vive sympathie et l’expression de la part profonde qu’ils prennent à leur deuil Ils saluent et remercient tous ceux, qui au péril de leur vie et avec une abnégation totale se sont portés au secours de leurs camarades.

1-INSTTUTION DE LA COMMISSION

La Commission d'enquête chargée de rechercher les causes de la catastrophe survenue au Charbonnage du Bois de Cazier, le 8 août 1956, a été créée par arrêté royal du 25 août 1956, paru au Moniteur belge le 26 août 1956, dans le texte ci après. BAUDOUIN, Roi des Belges. À tous, présents et à venir, SALUT. Vu les articles 29 et 66, alinéa 2, de la Constitution; Considérant qu'il y a lieu de faire toute la lumière sur les causes de la catastrophe survenue au Charbonnage du Bois de Cazier, le 8 août 1956; Considérant qu'eu égard à l'ampleur de la catastrophe, il convient sans préjudice des instructions judiciaire et administrative en cours, de créer une Commission d'enquête comprenant notamment des représentants des organismes internationaux compétents et des organisations professionnelles de travailleurs et d'employeurs; Vu la loi du 23 décembre 1946 portant création d'un Conseil d’État et notamment son article 2, alinéa 2; Vu l'urgence; Sur la proposition de Notre Ministre des Affaires économiques et de Notre Ministre du Travail et de la Prévoyance sociale;

NOUS AVONS ARRÊTÉ ET ARRÊTONS

Article 1er• - Il est institué une Commission d'enquête chargée de faire rapport au Ministre ayant les mines dans ses attributions, sur les causes de la catastrophe survenue au Charbonnage du Bois de Cazier, le 8 août 1956.

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Art. 2. - La Commission est composée de: Président: M. V AN LAETHEM E. Président honoraire à la Cour d'Appel, Président du Comité supérieur de Contrôle; Vice-Président: M. VANDENHEUVEL André, Directeur Général des Mines; Membres:

Messieurs:

  • BALESSE Robert, délégué de la Centrale syndicale des Travailleurs des mines de Belgique;
  • BEEKEN Louis, délégué de la Centrale syndicale des Travailleurs des mines de Belgique
  • BIJNENS Frans, délégué de la Centrale des Francs-Mineurs;
  • BRISON Pierre, délégué de la Fédération charbonnière de Belgique;
  • DELARGE Gérard, délégué de la Haute Autorité de la C.E.C.A.;
  • DENIS Arthur, délégué de la Fédération charbonnière de Belgique;
  • DESSALLES Evon, délégué de la Fédération nationale des Unions professionnelles des Ingénieurs des Mines;
  • DETHIER Nicolas, délégué de la Centrale syndicale des Travailleurs des mines de Belgique;
  • DROUARD C.R., délégué du Bureau international du Travail;
  • DUPONT Albert, délégué de la Fédération nationale des Unions professionnelles des Ingénieurs des Mines;
  • FIEVEZ Victor, délégué de la Centrale syndicale des Travailleurs des mines de Belgique;
  • GALVAN Angelo, représentant des Travailleurs italiens en Belgique;
  • LAMBERT Vital, délégué de la Centrale générale des Syndicats libéraux de Belgique;
  • LEFEVRE Roger, Directeur divisionnaire du Bassin de Charleroi;
  • LOGELAIN Georges, Inspecteur général des Mines;
  • MANUELLI Renato, délégué de la Centrale des Francs-Mineurs;
  • PADULA Bruno, représentant des Travailleurs italiens en Belgique;
  • RIGHELLI Renato, représentant des Travailleurs italiens en Belgique;
  • SCHENSKY Max, délégué de la Haute Autorité de la C.E.C.A.;
  • STENUIT Robert, Ingénieur en Chef-Directeur des Mines;
  • TEZENAS du MONCEL, délégué de la Haute Autorité de la C.E.C.A.;
  • VANDENDRIESSCHE Emile, délégué de la Centrale des Francs-Mineurs.
  • Secrétaire: M. STASSEN Jean, Ingénieur principal divisionnaire des Mines.

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Art. 3. - La Commission règle l'ordre et la répartition de ses travaux. Art. 4. - Les conclusions de la Commission sont prises à la majorité des voix des membres présents. Aux conclusions adoptées par la majorité, peut être annexée une note des membres minoritaires. Art. 5. - La Commission est rattachée administrativement au Département ministériel comprenant la Direction générale des Mines. Le Ministre ayant les mines dans ses attributions met à la disposition de la Commission les locaux, le personnel et, en général, tous les moyens nécessaires à l'accomplissement de sa mission. Art. 6. - Le présent arrêté entre en vigueur l~ jour de sa publication au Moniteur belge. Art. 7. - Notre Ministre des Affaires économiques est chargé de l'exécution du présent arrêté. Donné à Ciergnon, le 25 août 1956. (sé) BAUDOUIN. Par le Roi: Le Ministre des Affaires économiques, (sé) J. REY. Le Ministre du Travail et de la Prévoyance sociale, (sé) Léon-Eli TROCLET.

Par arrêté royal du 30 novembre 1956, paru au Moniteur belge du 16 décembre 1956, MM. CALTAGIRONE et GALLINA ont été nommés en qualité de membres de la Commission. BAUDOUIN, Roi des Belges. À tous, présents et à venir, SALUT. Vu l'arrêté royal du 25 août 1956, portant création d'une Commission d'enquête sur les causes de la catastrophe survenue au Charbonnage du Bois de Cazier, le 8 août 1956; Sur la proposition de Notre Ministre des Affaires économiques et de Notre Ministre du Travail et de la Prévoyance sociale; NOUS AVONS ARRÊTÉ ET ARRÊTONS : Article 1er• - Sont nommés membres de la Commission d'enquête sur les causes de la catastrophe survenue au Charbonnage du Bois de Cazier, le 8 août 1956 :

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MM. CALTAGIRONE Francesco, Inspecteur général du Corps des Mines d'Italie; GALLINA Mario, Ingénieur en Chef au Corps des Mines d'Italie. Art. 2. - Le présent arrêté entre en vigueur le 15 octobre 1956. Art. 3. - Notre Ministre des Affaires économiques est chargé de l'exécution du présent arrêté. Donné à Bruxelles, le 30 novembre 1956. (sé) BAUDOUIN. Par le Roi: Le Ministre des Affaires économiques, (sé) J. REY. Le Ministre du Travail et de la Prévoyance sociale, (sé) Léon-Eli TROCLET. La Commission s'est réunie.:

  • à Bruxelles, les 29 août et 13 septembre 1956
  • à Charleroi, les 22, 29 septembre, 6, 13 et 20 octobre 1956
  • à Pâturages (lez.Mons), le 3 novembre 1956
  • à Bruxelles, les 12 novembre, 1 et 22 décembre 1956, 26 janvier et 2 février 1957
  • à Charleroi, le 16 février 1957
  • à Bruxelles, le 23 février 1957
  • à Charleroi, le 2 mars 1957
  • à Bruxelles, les 13 avril, 18 et 25 mai et 6 juin 1957.

Elle a visité les travaux souterrains du siège sinistré les 14 septembre, 8 novembre et 15 décembre 1956. Au cours de ses travaux, la Commission a créé une sous-commission électricité qui s'est réunie:

  • à Charleroi, les 13, 20 et 27 octobre 1956
  • à Pâturages, le 3 novembre 1956
  • à Bruxelles, le 1er décembre 1956 à Liège, le 16 janvier 1957
  • à Charleroi, les 16 février et 2 mars 1957
  • à Bruxelles, les 9, 16, 23, 30 mars et 6 avril 1957.

Les problèmes de la ventilation, dont l'étude a été discutée en séance plénière, ont été mis au point par un groupe de travail qui s'est réuni à Bruxelles, le 9 mars 1957. Eu égard à l'ampleur de la catastrophe du 8 août 1956, la Commission a été chargée de faire rapport sur les causes de la catastrophe au Ministre ayant les mines dans ses attributions. Lors de l'installation de la Commission, il a été précisé que la procédure de celle ci n'est pas celle des instructions judiciaire et administrative ouvertes à cette occasion et dont le travail est étranger à celui de la Commission et que son ob·

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jet n'est pas non plus celui de la Commission des Règlements miniers. La Commission s'étant strictement conformée à cette mission, la mention d'une cause ou d'une circonstance quelconque dans la narration ou dans les conclusions ne fait que constater l'existence de cette cause ou de cette circonstance et de son influence sur la production ou l'extension de l'accident, sans en tirer aucune autre conséquence. Le présent rapport est complété par les annexes suivantes:

  • Annexe 1 : Situation de la concession et de la société exploitante
  • Annexe 2: Exploitation
  • Annexe 3 : Résultats de l'enquête
  • Annexe 4: Étude de la ventilation des travaux souterrains
  • Annexe 5 : Électricité
  • Annexe 6: Liste des victimes
  • Annexe 7: Figures.

À ce rapport est également jointe «L'étude de l'influence éventuelle du maintien en activité du ventilateur superficiel sur l'extension de la catastrophe », par Messieurs LEFEVRE et MIGNION sous la signature de ses auteurs, en leur en laissant la pleine responsabilité. Certains membres de la Commission estiment qu'il s'agit d'un travail scientifique et technique de nature à apporter des lumières sur l'extension de la catastrophe.

2-CONCLUSIONS DE LA COMMISSION

L'incendie souterrain qui s'est déclaré le 8 août 1956, à 8 h 10, au siège st·Charles des Charbonnages du Bois de Cazier a entraîné par intoxication par l'oxyde de carbone la mort de 261 des 274 personnes qui étaient occupées à ce moment dans les travaux souterrains et d'une personne qui y est descendue après le moment de l'accident, savoir 136 Italiens, 95 Belges, 8 Polonais, 6 Grecs, 5 Allemands, 5 Français, 3 Hongrois, 1 Anglais, 1 Hollandais, 1 Russe, 1 Ukrainien. 2.1. - Situation antérieure au 8 août 1956. L'exploitation disposait de deux puits de 3,16 m de diamètre pour le puits d'entrée d'air et de 3,26 m pour le puits de retour d'air. On était ainsi conduit à avoir des cages de 8 compartiments d'une seule berline chacun. D'autre part, l'utilisation de câbles plats conduisait à employer des bobines. Il en résultait que les manœuvres de cages au fond devaient être effectuées à l'aide de balances. Ces balances hydrauliques fonctionnaient à l'huile.

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En ce qui concerne l'envoyage de 975 m, le cylindre de la balance communiquait par une canalisation verticille de 70 mm de diamètre avec un réservoir d'huile situé à 907 m et le mécanisme de cette balance était à 975 m soutenu par un assemblage de poutrelles. De plus, les manœuvres de la balance nécessitant un mou de câble plus ou moins important, il y avait à 975 m des coffrages pour empêcher les câbles et leurs attaches de s'accrocher aux solives et aux guides; en vue de ménager les câbles et les attaches, ces coffrages étaient en bois. L'exploitation de la mine comportait notamment l'extraction par le puits d'entrée d'air à deux étages différents: 975 et 765 m. Il en résultait trois modes d'extraction pouvant se succéder et le code de signalisation était complexe. Sur les tableaux de signalisation figuraient pour l'extraction les indications suivantes : un coup signifie manœuvre deux coups: plus bas trois coups: plus haut en cas d'accroc: deux roulements et alors 2 coups signifient plus bas doucement deux roulements et alors 3 coups signifient plus haut. Ces indications étaient complétées par des instructions verbales plus détaillées. Celles-ci prévoyaient en particulier pour le troisième mode d'extraction au niveau 765 m seul, un accord téléphonique entre les encageurs de 975 m et le taqueur de surface, permettant alors le départ de la cage couchant de 975 m sans aucun signal permissif sauf pour le premier départ. Le téléphone utilisé à cet effet se trouvait à 975 m du côté des vides c'est-à-dire du côté de l'aide encageur, qui assurait les communications téléphoniques. L'encageur ne comprenait qu'imparfaitement la langue française. Ces instructions verbales laissaient aux encageurs la faculté d'abandonner l'envoyage de 975 m, après un tel accord téléphonique, laissant ainsi temporairement l'accrochage sans aucun préposé. Un nouveau puits de 5 m de diamètre était en fonçage et avait, le 8 août 1956 atteint la profondeur de 879,70 m. 2.2 Événement du 8 août 1956 Le 8 août 1956 à partir de 7 heures, on procéda à la descente normale du poste. Du fait qu'il s'agissait du poste du matin, - soit 274 personnes - d'un jour du milieu de la semaine, il s'agissait ainsi de l’effectif le plus nombreux pouvant se trouver à la fois au fond de la mine.

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Après quelques cordées d'extraction à 975 m seul, il se trouva qu'il n'y avait plus de wagonnets pleins à 975 m mais qu'il y avait des wagonnets pleins à 765 m. On devait donc passer au troisième mode d'extraction à 765 m seul. D'après le taqueur de surface un accord téléphonique du modèle prévu aurait été convenu entre l'aide encageur et lui et il aurait reçu le signal de départ qui doit suivre. Mais à ce moment d'après l'encageur, qui serait allé garer à 40 m de son poste de travail un chariot à bois qui le gênait dans l'envoyage, il aurait été ainsi absent au moment où cet accord téléphonique aurait été convenu mais à son retour il n'en aurait reçu aucune information ou il en aurait re~u une information fausse. 22.1. - Décagemcnt imparfait: Les wagonnets sont retenus dans chaque compartiment de cage dans le sens de la sortie par un arrêtoir dit «lolo» qui intervient devant la roue avant du wagonnet. Le dispositif d'encagement avait manifesté un mauvais fonctionnement mécanique dès le début du poste du matin du 8 août 1956 et les ajusteurs avaient été demandés immédiatement à la surface pour venir y remédier. Cependant, ce dispositif fonctionna d'une manière admissible lors des cordées du début à partir de 975 m seul, puisque l'extraction fut poursuivie. L'encageur étant revenu à son poste de travail procéda à l'encagement dans le compartiment inférieur de la cage d'un des wagonnets pleins arrivés entre-temps. Ledit arrêtoir laissa passer la première roue du wagonnet vide mais se redressant, il s'opposa au passage de la deuxième roue de ce wagonnet vide. Cet arrêtoir ne fut pas alors manœuvré à la main par quiconque en temps utile. 22.2. - Démarrage intempestif: C'est alors que se produisit le démarrage intempestif et dangereux de la cage. Il y eut, en effet, une divergence des croyances dans lesquelles se trouvaient le taqueur de surface et l'encageur de 975 m. Le taqueur, se référant au prétendu accord téléphonique pensait pouvoir enlever la cage sans signal permissif de 975 m tandis que l'encageur n'ayant aucune information ou ayant une information fausse au sujet de cet accord téléphonique croyait que la cage ne pouvait pas partir sans qu'il eût donné le signal permissif. Du fait que le plateau de la balance à 975 m était au point haut, il y avait sur le toit de la cage un mou de 12,25 m au lieu de 2,45 m qui existe

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lorsque le plateau de la balance est au point bas. II en résulta que, le machiniste d'extraction ayant reçu le signal-habituel, démarra comme d'habitude mais que la prise de la cage par la machine fut particulièrement brutale. La cage démarra donc violemment avec un wagonnet vide émergeant d'un côté de 35 cm et un wagonnet plein émergeant de l'autre côté. La poutrelle transversale Nord soutenant le mécanisme de la balance se trouvait à 0,30 m du bord de la cage alors que le wagonnet vide émergeait d'environ 0,35 m. Elle était scellée de 0,29 m du côté couchant et encastrée de 0,53 m du côté levant. Sous le choc du wagonnet vide, cette poutrelle se déforma et fut emportée vers le haut par le wagonnet vide. La canalisation d'huile sous pression de 6 kilos/cm2 descendait verticalement dans le puits. Elle était placée contre la solive centrale du côté « vides », et dans le compartiment où montait la cage. Cette canalisation qui ne comportait pas de protection spéciale fut donc détériorée par la poutrelle qui détermina des fuites d'huile tant par déchirures que par dislocation des joints. II en résulta une projection d'huile divisée, soit initialement à la sortie de ces orifices soit par ricochet sur les objets environnants. La mine n'était guère électrifiée, cependant on avait besoin de courant électrique d'une part pour l'approfondissement du puits d’entrée d'air et d'autre part pour actionner deux ventilateurs principaux souterrains, Aérex, situés l'un à 975 m, l'autre à 835 m ainsi que pour la ventilation secondaire du fonçage du nouveau puits. Deux câbles électriques descendaient donc dans le puits d'entrée d'air; ils étaient placés contre la solive centrale du côté des vides sans que leurs conducteurs fussent protégés extérieurement, autrement que par leurs armatures de plomb et d'acier et encadrant de près (10 et 20 cm) la canalisation d'huile. Ils pénétraient dans l'envoyage à la couronne de celui·ci sans aucune protection spéciale. Ces câbles électriques furent détériorés par la même poutrelle lancée contre eux. Il en résulta des arcs électriques. 23.1. - Production de L’incendie. II est infiniment probable que l'huile divisée est arrivée sur les parties détériorées des câbles avant la production des arcs électriques.

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Les expériences qui ont été effectuées et qui sont relatées dans l'annexe 5 ont montré que dans ces conditions l'huile de balance divisée s'enflammait en quelques millisecondes. Or, le meilleur appareillage électrique de protection ne permet, dans la pratique courante, de couper un courant de court-circuit qu'en un temps très supérieur ( environ 90 millisecondes). Les dispositions prises à cet égard et les conditions dans lesquelles se trouvait l'appareillage électrique de protection n'ont donc joué aucun rôle dans la production de l'incendie. Celui-ci était inévitable et il fut aussi tôt d’une extrême violence. Il n'y avait aucun moyen d'extinction à l'envoyage de 975 m. 23.2. - Développement de l’incendie. L'incendie fut alimenté par un volume d'huile de l'ordre de 850 litres compris dans le réservoir de 907 m, dans la tuyauterie verticale et dans le cylindre. Il fut également alimenté par ledit coffrage en bois, les solives et le guidonnage en bois voisins. La détérioration des câbles électriques avait provoqué le fonctionnement des disjoncteurs à la surface et les 2 ventilateurs principaux souterrains (Aérex) s'étaient arrêtés, mais le ventilateur superficiel, alimenté en courant électrique, par ailleurs, restait en marche. Il en résultait la situation précisée sur la figure 43 (annexe 4). En particulier, un courant d'air de 26,9 m³/seconde descendait sur l'incendie ainsi alimenté. L'incendie était de plus alimenté en comburant par l'air comprimé provenant de la rupture immédiate de la canalisation d'air comprimé qui se trouvait dans le puits, contre la solive centrale mais côté pleins. 23.3 - Conséquences de l’incendie. 233.1. - Fumées toxiques. La combustion des 850 litres d'huile et autres matières combustibles eut, pour première conséquence, la production massive de fumées riches en oxyde de carbone. Il en résulta une atmosphère toxique, à teneurs mortelles, qui, dans les conditions de la figure déjà citée, a été aspirée dans les travaux ayant l 035 et 975 m comme entrée d'air. D'autre part, bien que le ventilateur superficiel déterminât dans le puits d'entrée d'air un courant descendant important, il se produisit, par effet de cheminée, une remontée des fumées de l'incendie dans le puits d'entrée d'air jusqu'à la surface.Ces fumées toxiques montantes, mélangées avec l'air descendant, furent également aspirées, dans

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les conditions de la figure citée, dans les travaux ayant 907 et 765 m comme entrée d'air. Toutes les, victimes situées dans les travaux ayant 1 035, 975, 907 et 765 m comme entrée d'air ont succombé à l'intoxication par oxyde de carbone dû à l'incendie. Il n'y a pas eu intervention de coups de grisou ou de coups de poussières dans la production de l'accident. On a bien observé en divers points de l'étage inférieur (1035 ·975 m) des effets d'explosion ou de souffle. Mais, il ne s'agit là que de phénomènes ultérieurs constituant des conséquences de l'accident et non des causes. D'après les constatations médicales, les blessures relevées sur certaines victimes, dues à ces effets ou à des éboulements, furent toutes des blessures post mortem. 233.2. - Effets calorifiques. Une deuxième conséquence de l'incendie fut constituée par ses effets calorifiques: a) la première porte d'aérage, qui se trouvait dans la communication entre puits à environ 15 mètres de là reçut du foyer un rayonnement important; b) les flammes de l'incendie ayant, d'après les expériences faites, une température de 1 2500 au centre du foyer, il en résulta la production de fumées très chaudes qui furent aspirées, sous l'action de la dépression, dans les conditions de la figure déjà citée d'une part par les contours des vides à 975 m, défilant ainsi à proximité ,de ladite porte (3 m), et, d'autre part par les fuites des trois portes, fuites accrues à cause de la présence de rails. Le ventilateur superficiel fut maintenu en marche jusque 9 h 30. c) on doit également retenir la présence dans la communication entre puits de matières combustibles qui ont brûlé successivement, savoir:

  • 1) les fuites d'huile recueillies par une rigole collectrice placée horizontalement sous le cylindre de la balance;
  • 2) les fuites d'huile rassemblées dans un récipient collecteur situé sur la sole à l'entrée du contour couchant des vides;
  • 3) la première porte d'aérage qui était en bois;
  • 4) les bèles en bois situées au delà, en couronne de la communication;
  • 5) les 2eme et 3eme portes d'aérage qui étaient également en bois
  • 6) les bèles en bois qui se trouvaient en couronne de la communication jusqu'au puits de retour d'air. .

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Pour toutes ces raisons, l'incendie a progressé de l'envoyage 975 m puits d'entrée d'air vers l'envoyage 975 m puits de retour d'air. Pour parcourir les 25,70 mètres séparant les 2 puits, l'incendie a mis environ 1 heure. Par suite du courant d'air ascendant dans le puits de retour d'air, déterminé par le seul ventilateur superficiel dans les conditions de la figure citée mais accru du fait de la disparition des 3 portes obturatrices, l'incendie se propagea rapidement en montant dans le puits de retour d'air jusqu'à la surface. Il fut alors alimenté par les solives et le guidonnage en bois de ce puits, et surtout par le réservoir d'huile de la balance de 1035 m lequel se trouvait vers 965 m. Le puits de retour d'air devenait complètement inutilisable dès que l'incendie l'eut atteint vers 9 h 10. Les câbles d'extraction se rompirent respectivement à 9 h 30 et 10 h 15 et les deux cages tombèrent dans le puits. 2.4. - Difficultés rencontrées au cours des premières opérations de sauvetage. Les opérations de sauvetage aussitôt entreprises après l'accident rencontrèrent notamment les entraves suivantes: Les câbles téléphoniques avaient été coupés dès le début par la poutrelle à l'envoyage de 975 m supprimant ainsi toute liaison entre la surface et les niveaux de 975 et de 1035 m (8 h 10). D'autre part, la présence des fumées opaques à 1035 m entrava la fuite du personnel (8 h 20). Les communications qui existaient entre le nouveau puits qui n'avait atteint, le 8 août 1956, que la profondeur de 879,70 m et le puits d'entrée d'air, étaient bouchées par mesure de sécurité, afin qu'un dégagement instantané se produisant dans le nouveau puits à l'approche d'une veine de charbon ne puisse compromettre les travaux de la mine. II fallut plusieurs heures pour les rouvrir à une section suffisante permettant le passage de sauveteurs munis d'appareils respiratoires. Au puits d'entrée d'air, les difficultés suivantes ont été rencontrées: Du fait que la cage couchant bloquée à 975 m, par l'accident même, était reliée à la bobine fixe, la machine d'extraction était elle-même bloquée, et par suite aussi l'autre cage. Il n'y avait donc aucun moyen de descendre rapidement dans le puits d'entrée d'air. II fallut procéder successivement au déclavetage de la bobine folle levant, au débobinage du câble de la bobine fixe couchant et à son rejet dans la cour, à la re.

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prise et au reclavetage de la bobine folle levant, toutes opérations qui durèrent jusqu'à 12 heures. Ce n'est qu'ensuite qu'il fut possible de tenter une descente dans le puits d'entrée d'air qui ne put d'ailleurs dépasser la profondeur de 170 mètres à cause de la vapeur d'eau et de la haute température. Au puits de retour d'air, les difficultés suivantes furent rencontrées: Par suite de la rupture déjà signalée de la conduite d'air comprimé à 975 m, la pression de l'air comprimé décrut progressivement à la surface ce qui provoqua, lorsqu'elle eut atteint le minimum prévu, vers 8 h 30, la chute du contre-poids du frein de sécurité de la machine d'extraction du puits de retour d'air; celui-ci était alors le seul disponible pour effectuer une reconnaissance au fond. La faiblesse de la pression d'air comprimé et la lenteur de sa remontée s'opposaient à tout relevage du contre-poids du frein de sécurité. Il fallut attendre jusqu'à 8 h 45 que, la vanne située à la surface sur le départ de la canalisation rompue ayant été fermée, la pression remontât suffisamment, ce qui retarda d'autant la première descente de l'ingénieur. L'ingénieur et le conducteur des travaux du poste de nuit furent contraints d'abréger leur reconnaissance lors de leur première descente parce qu'ils n'étaient pas porteurs d'appareils respiratoires. Ils furent menacés par les fumées au-dessous du niveau de 835 m et durent se faire remonter au plus tôt. Il n'y avait pas d'appareils respiratoires en dépôt au siège. La permanence de sauveteurs était assurée à la centrale de sauvetage de Marcinelle et non au siège L'encageur de 975 m arriva à la surface à 8 h 25 et informa aussitôt de l'incendie le directeur des travaux. D'autre part, la centrale de sauvetage de Marcinelle alertée à 8 h 35, et commandée à 8 h 48 arriva au siège à 8 h 58. Les pompiers de Marcinelle et ceux de Charleroi arrivèrent sur les lieux à 10 h 30.

3-RESUME DES CONCLUSIONS

La Commission estime nécessaire de rassembler ci-après les causes et circonstances qui, parmi toutes celles qui précèdent, ont joué un rôle essentiel. L'utilisation de câbles plats et de cages à plusieurs paliers avait conduit à l'emploi de balances, pour le fonctionnement desquelles on avait adopté

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l'huile. Il en résultait la présence d'environ 850 litres d'huile combustible dans une entrée d'air. La canalisation nécessaire ne comportait pas de protection spéciale. Les câbles électriques étaient placés dans le voisinage de celle-ci et pénétraient dans l'envoyage à la couronne de celui·ci sans aucune protection spéciale. L'extraction se faisait à 2 étages dans le même puits et la signalisation était complexe. Le tableau de signalisation était incomplet, ne reprenant pas deux signaux parmi les plus courants et il y avait, en outre, des instructions verbales. Ces dernières prévoyaient notamment la possibilité d'un accord téléphonique entre le fond et le jour, à la suite duquel les départs de cages autres que le premier pouvaient se faire sans signal permissif de 975 m lorsque les encageurs s'absentaient. Ce système exposait à des risques de confusion en raison notamment de ce qu'il était mis en œuvre par deux préposés. La présence de matières combustibles dans la communication entre les deux puits a favorisé la propagation de l'incendie d'un puits à l'autre, les 3 portes en bois qui s'y trouvaient loin de s'y opposer, ont elles-mêmes contribué à cette propagation. Un démarrage intempestif succédant à un décagement imparfait a provoqué des détériorations de la canalisation d'huile et des câbles électriques qui ont donné lieu à un incendie inévitable et aussitôt d'une extrême violence. Cet incendie alimenté, d'une part par l'huile et les bois voisins, et· d'autre part par l'air comprimé sortant de la conduite rompue et par le courant d'aérage produit par le seul ventilateur superficiel, dégagea des quantités massives de fumées, riches en oxyde de carbone. Ces fumées toxiques, dont une partie remonta dans le puits jusqu'à la surface, furent aspirées dans tous les travaux, y provoquant l'intoxication du personnel. D'autre part, les fumées très chaudes furent aspirées tant à proximité de la première porte que par les fuites existant à la base des 3 portes. L'incendie arrivant ainsi, au bout d'une heure, au puits de retour d'air, qui était alors parcouru par un courant important d'aérage ascendant, se propagea très rapidement jusqu'à la surface, rendant aussitôt inutilisable la deuxième issue du siège.

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Extrait du procès-verbal N° 20 de la réunion du 6 juin 1957 «Le texte du rapport ayant été adopté point par point après échanges de vues et votes émis par des majorités variables est adopté, dans son ensemble, par les membres présents dont les noms suivent: Balesse, Beeken, Bijnens, Brison, Caltagirone, Delarge, Denis, Dessalles, Dethier, Drouard, Dupont, Fiévez, Calvan, Gallina, Lefevre, Logeain, Manuelli, Padula, Righelli, Schensky, Stassen, Stenuit, Tezenas du Molcel, Vandendriesshe, Vandenheuvel, Van Laethem. moyennant possibilité pour ceux-ci d'y adjoindre une note ' de minorité contenant leurs objections sur l’un ou l’autre point. Bruxelles le 28 juin 1957. (sé) Le Président E. VAN LAETHEM ( sé) Le Secrétaire STASSEN (Sé) Vice-président A. VANDENHEUVEL.

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4-NOTE DE MINORITÉ

Note du 6 juin 1957 de MM: Balesse, Beeken, Dethier..Fiévez et Vandendriessche.

Nous rendons hommage aux membres de la Commission et aux personnel qui, à des titres divers, ont été appelées en consultation par la Commission. Le rapport final a notre approbation et nous le signerons, mais sous réserve notamment de l’observation ci après. 1. - La concession du Bois de Cazier a une superficie de 875 Ha, soit, en gros, un cinquième de la superficie des concessions limbourgeoises, lesquelles datent déjà de 40-50 ans et que l'on va agrandir par la répartition entre elles des réserves B et C. 2. - Les deux puits sont situés an Nord de la concession et il en résulte ce qui suit : Les parcours souterrains ne seront jamais longs, compte tenu des possibilités offertes par la technique minière actuelle mais ils seront· toujours très longs, compte tenu de la superficie de la concession. 3. - Les deux puits ont un diamètre très réduit ; respectivement 3,16 m et 3,26 m. Ils ont étés creusés il y a plusieurs décades pour assurer une production journalière de 100·200 tonnes. Ils produisent maintenant 580 tonnes nettes par jour, soit 750-800 tonnes brutes. 4. - De plus, véritables boyaux que l'on n'accepterait plus comme bouveaux (galeries à travers bancs), ces puits abritent, en outre, des guides et cordons de signaux traditionnels:

  • une installation téléphonique:
  • des colonnes à eau;
  • des câbles électriques;
  • une colonne à air comprimé;
  • une colonne de captage de grisou.

5. - Ceci n'est pas une critique particulière mais nous entendons souligner que les câbles électriques n'étaient pas protégés, ni dans les puits, ni dans les couronnes des envoyages. 6. - L'extraction se fait à l'aide de cages à huit compartiments dont chacun est mis au niveau de l'encagement à l'aide d'une balance. C'est le signe évident du caractère étriqué des puits. 7. - La balance fonctionne d'une manière indépendante par la commande de l'encageur. Il s'ensuit que le machiniste doit mettre du mou (partie du câble d'extraction) sur le toit de la l'age. 8. - Le caractère désuet et dangereux des installations n'avait pas échappé à la direction. En effet. dès avant la guerre, elle avait pris la décision de creuser un nouveau puits. Toutefois, ce n'est que récemment que la réalisation en a été entreprise. Conclusions. Pour les raisons ci-dessus exposées, nous concluons que pareilles installations ne sont pas suffisantes pour recevoir l'appareillage qui est actuellement nécessaire à l'exploitation charbonnière; qu'elles sont, dès lors, une nuisance économique; et qu'elles ne sont pas en mesure d'assurer au personnel la sécurité optimum. Nous affirmons même que c'est dans ces installations que se trouve la cause originelle de la catastrophe. Nous ne voulons toutefois pas faire perdre à la Nation le bénéfice de l'exploitation des richesses minérales auxquelles elle contribue. Aussi, notre ultime conclusion est la suivante : des concessions comme celle du Bois de Cazier doivent être condamnées et intégrées dans un complexe de gisements plus vaste, à la mesure de la technique minière présent et de demain. Nous entendons encore souligner ce qui suit d'une manière particulière:

  • 1. - Les articulations de la balance étaient commandées par huile, abandonnée dans tous les autres puits utilisant cet appareil.
  • 2. - Le mauvais système d'extraction maintenu, cependant que des accidents techniques s'étaient déjà produits et avaient été portés à la connaissance de la direction.
  • 3. - Le système de signalisation et de communications téléphoniques manquant pour le moins d'homogénéité, puisque assuré par deux personnes, l'encageur et son aide.
  • 4. - Le manque de moyens de lutte contre les feux et incendies.
  • 5. - La commande retardée de la Centrale de sauvetage.
  • 6. - L'insuffisance de nos centrales de sauvetage, comme le prouve l'appel lancé aux Centrales d'Essen et de Douai.

Note du 12 juin 1957 de MM. Dessalles et Dupont.

La délégation soussignée de la Fédération des Unions Professionnelles des ingénieurs de charbonnage a estimé devoir adresser la note suivante, afin de fixer sa position exacte dans l'élaboration du rapport de la Commission et d'apporter des informations et précisions complémentaires, ainsi que des rectifications que ses membres avaient exposées et qui n'ont pas été retenues dans le texte de la Commission, admis par la délégation sous réserve de pouvoir présenter sur chaque point une note de minorité.Notre note se bornera à des observations d'ordre technique ou scientifique. Du point de vue de la méthode, nous devons faire une remarque préalable. Les causes de l'accident ont été énumérées et on a voté. Pour nous, appliquant rigoureusement les méthodes scientifiques auxquelles nous avons été formés, nous estimons que les causes d'un phénomène physique ne peuvent être déterminées que par l'observation, l'expérience ou le calcul. - Un vote en pareille matière n'a pas de signification, et nous répétons ce qu'un de nous a déjà eu l'occasion de dire en d'autres circonstances: Cela rappelle un conte de Kipling: «The village that voted the earth was flat » - Le village qui a voté que la terre était plate. On ne peut mettre sur le même pied une loi physique et une loi qui émane de la législature. Dans la première on exprime une vérité, dans le second cas une volonté. La différence est essentielle et si dans le monde actuel, on traite ces questions de la même façon, c'est dans le manque d'esprit philosophique et dans le désarroi des esprits auquel nous assistons que semblable confusion peut trouver son explication. C'est pour les mêmes raisons que, dans le cas présent, l'on a confondu «causes et circonstances »; il est absurde évidemment d'attribuer le caractère de cause, comme on a voulu le faire, à la présence d'une poutrelle à l'envoyage. Ainsi que nous l'avons déclaré: autant dire que le couteau, d'un assassin est la cause du meurtre. Cela étant dit, nous suivons l'ordre du résumé les conclusions, en précisant notre avis sur les différents paragraphes qui précèdent l'exposé des vraies causes de l'accident, causes que nous rappellerons à la fin:

A Considérations exposées dans le résumé

a) La canalisation d'huile. dit le résumé, ne comportant pas de «protection spéciale ». Cela laisserait supposer que la conduite était facilement exposée à un choc, dû à la cage ou à un wagonnet sortant de la cage. Or, il n'en est rien.

La tuyauterie passait à plus de 0,30 m de la cage, à l'endroit où elle a été atteinte par une poutrelle de 350 mm de hauteur et 123 mm de largeur, encastrée dans les parois et reliée par de plus petites poutrelles, à une pièce semblable à elle-même, située de l'autre côté de l'envoyage. Cette poutrelle était capable de résister avant rupture à un effort de plus de 50000 kg Ce n'est qu'en raison de l'énergie extrêmement grande que possédait le système formé par les cages, les câbles, les molettes, les bobines et le moteur électrique - (énergie qui calculée d'après la formule dite de la force vive T = MV², M étant la masse, V la vitesse, pouvant être de 40000 à 60000 kilogrammètres) que cette poutrelle a pu être pliée, arrachée et projetée vers la tuyauterie et les câbles. IL importe d'ailleurs de redire que ce n'est pas là une cause. Si la tuyauterie n'avait pas contenu d'huile, l'accident ne serait pas arrivé.

b) L'énoncé des conclusions relatives aux câbles électriques disant que les câbles «passaient à la couronne de l’envoyage sans aucune protection spéciale» pourrait aussi être considéré comme une critique. La question de la protection des câbles a été longuement examinée à Luxembourg par la Sous-Commission de l’électricité. De l'avis des techniciens de celle-ci, les câbles doivent être visibles et accessibles sur toute leur longueur. D'ailleurs, le court-circuit, en lui-même, sans présence d'huile n'aurait pu être cause de l'accident actuel.

c) L'exploitation disposait de 2 puits ,de 3,16m de diamètre pour le puits ,d’entrée et de 3,26m pour le puits de retour d'air. Les cages passaient à 30 cm du bord de la poutrelle de support des poulies de balance, distance notablement supérieure à celle que l'on rencontre dans des puits de plus grand diamètre. L'extraction se faisait au moyen de machines électriques à bobines, avec câbles plats. Les deux cages circulant dans le puits d'entrée d'air comportaient chacune 8 compartiments de 1 chariot. Les manœuvres se faisaient en montant à la surface, au moyen de la machine d'extraction. A 975, niveau où s'est déclenché l'incendie, elles étaient réalisées en descendant, indépendamment des manœuvres à la surface, par le moyen classique de la balance hydraulique. Les manœuvres fond et surface étaient simultanées. La balance fonctionnait à l'huile, L'exploitation de la mine comportait notamment l'extraction par le puits d'entrée d'air à 2 étages différents: 975 et 765. Il en résultait 3 modes d'extraction possibles :

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  • 1) à 975 seul
  • 2) à 975 et 765 ensemble -- extraction mixte
  • 3) à 765 seul.

Le fait d'extraire à 2 étages avec cages réglées à l'étage inférieur implique un code de signalisation plus complexe que dans le cas d'un seul étage d'extraction. Sur le tableau de signalisation figuraient les signaux suivants : SIGNAUX POUR LE PERSONNEL :

  • - lin roulement pour demander la cage
  • - un coup signifie ARRÊT
  • - deux coups signifient PLUS BAS
  • - trois coups signifient POUR UN ENVOYAGE SUPÉRIEUR
  • - quatre coups signifient POUR LA SURFACE

POUR L'EXTRACTION:

  • - un coup signifie MANŒUVRE
  • - deux coups signifient PLUS BAS
  • - trois coups signifient PLUS HAUT

EN CAS D'ACCROC :

  • - deux roulements et alors deux coups signifient PLUS BAS TOUT DOUCEMENT
  • - trois coups signifient PLUS HAUT.

TRANSLATION DU PERSONNEL: - 40 personnes. Ces indications étaient complétées par des instructions verbales plus détaillées, inculquées avec soin au personnel préposé aux sonneries. Tout nouveau préposé était soumis à un apprentissage systématique des plus sérieux et de longue durée, apportant toute garantie, avant d'être admis et désigné pour assurer le service. Il n'est pas inutile de dire que des accidents de puits étaient rarissimes au Bois de Cazier. Les instructions verbales complémentaires dont il est question plus haut se faisaient sur deux points de pratique courante et traditionnellement acquis: 1) À l'extraction, signalisation de départ de chaque cage pour la surface, par l'encageur: 4 coups - à la sonnette normale - Pour le personnel, on donnait le même signal 4 coups après roulement préalable. 2) À l'extraction, signalisation de départ de la cage vide Levant pour 765 m - étage muni d'une balance passante, côté Levant seulement en vue d'une extraction à 765 - 7 coups à la sonnette normale. Les instructions verbales prévoyaient en outre pour le troisième mode d'extraction à 765 un ac-

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cordon téléphonique entre les encageurs de 975 et le taqueur de surface, permettant alors le départ de la cage couchant de 975 Sans aucun signal permissif sauf pour le premier départ. Les encageurs pouvaient alors s'absenter et le taqueur de surface disposait des cages jusqu'à rappel du fond, ce qui se faisait à tous les postes. Le téléphone utilisé à cet effet se trouvait à 975 du côté de l'aide-encageur qui assurait les communications téléphoniques. Les signalisations électriques sont plus perfectionnées, plus rapides; mais elles ne sont pas sans inconvénients: tout le monde sait que les sonneries électriques sont sujettes à dérangements et ceux-ci sont assez fréquents dans les signalisations des puits de mines, soit par pénétration de humidité dans les boîtes diverses que comporte une telle signalisation, soit par défaut d'isolement entre fils d'un même câble (comme cela se présente dans les lignes téléphoniques lorsqu'on saisit une communication sur des fils voisins). Les témoignages de l'encageur de 975 et du tireur de surface sont contradictoires et rien ne permet de dire qu'il s'agisse ici d'un défaut de signalisation ou une défaillance humaine.

B Causes proprement dites

Ces observations étant faites, nous résumons l’enoncé des causes réelles de l'accident , en suivant autant que possible, le texte de la Commission, dans la mesure où notre conscience et nos connaissances techniques nous le permettent:

1 Cause initiale: Un démarrage intempestif succédant à un décagement imparfait a provoqué des détériorations de la canalisation d'huile et des câbles électriques qui ont donné lieu à un incendie inévitable et aussitôt d'une extrême violence. Nous soulignons le mot inévitable, les expériences ayant montré qu'il fallait un temps si court (quelques millisecondes) pour allumer l'huile, qu'aucun appareil industriel de protection n'eût pu couper assez rapidement l'arc pour éviter l'allumage de l'huile.

2 Cause du développement de l’incendie

Cet incendie alimenté d’une part par 850 litres (l'huile et les bois voisins, activé par le courant d'aérage (cependant réduit en raison de l'arrêt des ventilateurs de fond et transitoirement par de l’air comprimé sortant une conduite rompue dégagea des quantités massives de fumes riches en oxyde de carbone.

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3 Cause de l'intoxication du personnel.

Ces fumées toxiques, dont une partie remonta pendant peu de temps jusqu'à la surface gagnèrent très rapidement en 10 à 15 minutes, une grande partie des travaux et en particulier les envoyages.

4 Cause de la propagation rapide de l'incendie.

Des fumées très chaudes et des flammes atteignirent rapidement la première porte en bois, (située entre les puits à 975 m) qui prit rapidement feu; les fumées et les gaz chauds passant par les fuites des portes propagèrent l'incendie de la première à la deuxième porte et finalement à la troisième porte. En moins d'une heure, environ 55 minutes, le feu avait gagné le puits d'air situé à 28 m du puits d'extraction rendant la deuxième issue inutilisable. Au sujet de cette cause, certains ont reproché le manque d'extincteurs à l'envoyage. Les expériences faites en présence de la Commission ont montré qu'avec l'embrasement effrayant qui s'est produit, personne n'aurait pu agir efficacement avec des extincteurs. L'un de nous a d'ailleurs assisté à des expériences spéciales, faites au charbonnage de Beringen, à la surface. Une galerie artificielle construite en bois, avec cadres et planches, ayant été mises à feu, et celui-ci ayant été attaqué après 5 minutes environ, on n'a pu l'éteindre ni avec les appareils à poudre, ni avec les appareils à acide carbonique, malgré l'emploi d'un grand nombre d'appareils.

Note du 12 juin 1957 de MM. f. Caltagirone, M. Gatlina, .R. Righelli, A. Galvan, B. Paduta et R. Manuelli.

Par la présente note, les soussignés se réfèrent aux réserves par eux faites au moment de l'approbation du Rapport final de la Commission, au cours de la séance du 6 juin 1957. Ces réserves tirent leur origine non pas de quel. que motif, possible mais secondaire, de dissentiment sur les conclusions de l'enquête telles qu'elles sont exposées dans le Rapport final, mais bien plutôt de la manière non suffisamment explicite dont ont été relatées, dans le «Résumé des conclusions» dudit Rapport, certaines causes et circonstances qui ont pourtant joué un rôle essentiel. On relève, en particulier, ce défaut d'indication explicite en ce qui concerne l'action du ventilateur superficiel, action dont l'intervention dans le déroulement des faits est, d'autre part, reconnue à plusieurs -reprises dans le Rapport final. De l'examen de ce même Rapport ainsi que de ses annexes, on relève, en effet, que l'action du seul ventilateur superficiel qui s'est prolongée de 8 h 10 (début de l'incendie) à 9 h 30 (arrêt du ventilateur), a eu les effets ci-après, que l'on indique dans l’ordre chronologique où ils ont commencé à se produire :

  • 1- elle a activé l’incendie initial, en l'alimentant par un fort courant d'air (26,9 m³/seconde au moment de l'incident) ;
  • 2- elle a, en conséquence, favorisé la production de grandes masses de fumées toxiques;
  • 3- elle a répandu ces fumées dans tout le souterrain, ce qui a eu pour effet de vicier l'air d'une manière progressive dans tous les travaux et aux différents niveaux. jusqu'à lui conférer une teneur mortelle d'oxyde de carbone et ce, dans un laps de temps plus ou moins court selon la situation de chacun des travaux;
  • 4-elle a provoqué le passage de fumées du puits d'entrée d'air au puits d'aérage, au travers les fuites (les portes de communication, créant ainsi un obstacle aux premières opérations de secours.
  • 5-elle a favorisé la propagation du feu du puits d’entrée d'air au puits d'aérage, par aspiration des produits de combustion de l'incendie ù travers les fuites des portes de communication au niveau 975, rendant ainsi inutilisables pour les opérations de secours, après un laps de temps relativement bref ( 1 heure), les uniques voies d'accès au souterrain que constituaient ces deux puits;
  • 6- elle a été un obstacle à la remontée des fumées de l'incendie le long du puits d'entrée d'air jusqu'au jour, ce qui déjà avait eu lieu, par effet de cheminée, à 8 h 15 - 8 h 20, et elle a empêché que l'inversion du courant d'air s'étende à tout le circuit d'aérage, compromettant ainsi la possibilité d'une amélioration des conditions d'ambiance de toutes les voies souterraines qui seraient venues à se trouver en deçà de l'incendie, le long du circuit inverti.

En considération de tout ce qui précède, les soussignés estiment que l'action persistante du ventilateur superficiel après que se fut produit l'incendie doit être considérée parmi les causes et circonstances qui ont joué un rôle essentiel et que, partant, cette action aurait dû être mentionnée d'une façon explicite dans le résumé des concluons du Rapport.

Note du 14 juin 1957 de MM. P. Brison et A. Denis.

Les représentants de la Fédération Charbonnière de Belgique au sein de la Commission d'Enquête du Bois du Cazier entendent préciser que le rapport de la Commission est le résultat d'une succession de majorités variables qui se sont exprimées sur les causes et circonstances de la catastrophe. En effet, en vertu de l'article 4 de l'A.R. du 25 août 1956, il est stipulé: « Article 4. - Les conclusions de la Commission »sont prises à la majorité des voix des membres présents. »Aux conclusions adoptées par la majorité, peut être annexée une note des membres minoritaires. » Ces représentants n'ont accepté de donner leur accord à l'ensemble du rapport que pour autant qu’ils puissent exprimer leurs réserves et expliciter leur position sur les points n'ayant pas recueilli leur assentiment lors des votes. A. - Un des points le plus discuté fut celui de la signalisation. Il est rapporté: «L'extraction se faisait à 2 étages dans le même puits et la signalisation était complexe; le tableau de signalisation était incomplet, ne reprenant pas 2 signaux parmi les plus courants et il y avait, en outre, des instructions verbales. Ces dernières prévoyaient notamment la possibilité d'un accord téléphonique entre le fond et le jour, à la suite duquel les départs de cage autres que le premier pouvaient se faire sans signal permissif de 975 lorsque les encageurs s'absentaient. Ce système exposait à des risques de confusion, en raison notamment de ce qu'il était mis en œuvre par 2 préposés.» En réalité, un seul préposé était responsable; lui seul pouvait donner les signaux de départ et de manœuvres. Le téléphone n'intervenait pas pour les manœuvres, mais uniquement pour informer du changement d'étages d'extraction. La fausse manœuvre est due à une erreur, à une défaillance humaine, d'ailleurs toujours possible, où que ce soit, et malgré les meilleures consignes et les tableaux de signalisation les plus complets. La rédaction admise par la majorité semble, au contraire, attribuer une part plus importante, dans une des causes de l'accident, aux consignes complexes, au tableau incomplet D'autre part, le rapport omet de signaler que l'initiation et la formation de l'encageur avaient été particulièrement soignées, ainsi qu'il résulte de son interrogatoire (Doc. N°3, page 13). Il en était de même de la formation des différents préposés aux signaux de surface, ainsi que le fait apparaître la déclaration du surveillant de surface (Doc. N°4, page 23). B. - Le résumé des conclusions signale : « La canalisation (de l'huile de la balance) nécessaire ne comportait pas de protection spéciale. » «Les câbles électriques étaient placés dans le voisinage de celle-ci et pénétraient dans l'envoyage à la couronne de celui-ci, sans protection spéciale. » La tuyauterie, installée depuis plus de 30 ans (en 1924), n'avait jamais donné lieu à un incident. Elle était, d'ailleurs, protégée par la poutrelle de couronne d'envoyage et par une des poutrelles supportant le mécanisme de la balance. De plus, le choc dû au démarrage intempestif des cages, avec des wagonnets imparfaitement encagés, a été d'une violence telle, si l'on tient compte des masses mises en mouvement et de la reprise du mou du câble, que tout dispositif de protection rencontré eut été inefficace. Au surplus, il est nécessaire de signaler que l'accident ne s'est pas produit dans le puits, mais dans l'envoyage même; les remarques relatives aux puits, à la non protection des tuyauteries et câbles n'ont rien à voir avec les cames de l'accident C. - Il a fallu que la poutrelle de support du mécanisme de la balance, poutrelle située dans l'envoyage, fût déformée par le choc d'une façon toute spéciale, pour atteindre lors de son déplacement, la tuyauterie à huile et les câbles électriques. À notre avis, ce point n'a pas été mis suffisamment en lumière dans les conclusions du rapport. La projection brutale de la poutrelle provoqua la rupture de la canalisation et des câbles électriques : l'huile jaillit et s'enflamma en un temps extrêmement court aux arcs électriques apparus aux points où les câbles avaient été sectionnés. En résumé: les représentants de la Fédération Charbonnière de Belgique à la Commission d'Enquête estiment que les raisons principales de la catastrophe survenue au Bois du Cazier sont : une cause initiale : Une défaillance humaine provoquant une fausse manœuvre une cause déterminante : La rupture de la canalisation d'huile de la balance. Sans cette huile, il n'y aurait pas eu de Marcinelle.

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