Travaux publics/L’exécution des travaux publics

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CHAPITRE 2 L’EXÉCUTION DES TRAVAUX PUBLICS

Il existe une diversité des procédés de réalisation des travaux publics et l’administration dispose à cet égard d’une très grande liberté de choix.


  • Diversité des modes de réalisation des travaux publics. Pour réaliser les travaux publics dont elle a besoin, l’administration dispose de plusieurs moyens.


La régie : Tout d’abord, l’administration peut réaliser elle-même les travaux publics.

La régie est ainsi le procédé qui consiste pour l’administration à réaliser ses travaux par elle-même avec ses propres moyens matériels et en personnel.

Elle est surtout utilisée pour des travaux courants ou de faible importance, pour les travaux urgents, ainsi que pour ceux qu’aucune entreprise n’a accepté d’effectuer. À ce titre, bien des structures publiques sont des maîtrises d'ouvrages et disposent en interne de maîtrises d’œuvres.

La régie ainsi entendue doit être distinguée de la régie intéressée qui constitue à la fois un contrat et un mode de gestion du service public dans lequel le délégataire perçoit, outre une somme forfaitaire, un intéressement aux résultats de l’exploitation.

Elle ne doit pas être non plus être confondue avec la mise en régie qui constitue une sanction propre aux marchés de travaux publics consistant pour l’administration à poursuivre les travaux avec les moyens matériels, voire le personnel du titulaire du marché et à ses frais.

Le mode contractuel reste toutefois largement prépondérant : l’administration peut ainsi faire réaliser ou encore se procurer un ouvrage auprès d’un tiers. Cette réalisation poussée à l'extrême devient parfois des concessions, ou des partenariats-publiques-privés


    • Liberté de choix de l’administration. L’administration est libre de réaliser ses travaux par le procédé de son choix.

Et lorsqu’elle opte pour le procédé contractuel, elle est également libre du choix du contrat en vertu du principe de la liberté contractuelle que le Conseil d’État a eu l’occasion de rappeler (CE, Sect., 8 février 1991, Région Midi-Pyrénées/Syndicat d’Architecture de la Haute-Garonne Rec. CE; p. 41 ; RFD adm. 1992, p. 48, concl. M. POCHARD ; CJEG 1991 ; p. 251, chron. F. Llorens ; RD publ. 1991, p. 1137, note J-M. Auby ; CE, avis du 31 janvier 1995, EDCE 1995, p. 407 ; Grands avis, p. 343, comm. E. Fatôme et Ph. Terneyre).

Le plus souvent, elle aura recours à un contrat de droit public.

Mais elle peut aussi recourir à des techniques de droit privé comme la vente d’ouvrage achevé, la vente à terme, le bail emphytéotique ou encore la vente en l’état futur d’achèvement (VEFA).

Le Conseil d’État a de même admis la possibilité pour elle de recourir à la location avec option d’achat (CE, Section de l’Intérieur et des Travaux Publics, Avis du 31 janvier 1995, AJDA 1995, p. 128, Étude E. FATOME et Ph. TERNEYRE).

      • Limites à la liberté de choix de l’administration. Ces limites tiennent à ce que le recours au procédé contractuel comporte une contrainte particulière qui est l’obligation de publicité et de mise en concurrence.

Cette obligation a tendance à se généraliser sous des formes qui peuvent varier à l’ensemble des formules contractuelles auxquelles l’administration est susceptible de recourir.

Il ne faut donc pas que le mode contractuel retenu par l’administration aboutisse à enfreindre cette obligation générale.

Le Conseil d’État a eu l’occasion de rappeler il y a quelques années, à propos de la VEFA, que les collectivités publiques étaient libres de l’utiliser mais sous la réserve de ne pas commettre de détournement de procédure, autrement dit de ne pas méconnaître les obligations résultant du CMP

CE, Sect., 8 février 1991, Région Midi-Pyrénées/Syndicat d’Architecture de la Haute-Garonne, précit. ; CE, avis du 31 janvier 1995 : le recours à la VEFA est licite dès lors que la situation de l’ouvrage destiné à la collectivité publique ne constitue qu’une partie d’un immeuble destiné pour sa plus grande part à d’autres propriétaires ou n’a pas été conçu en fonction des besoins propres de celle-ci (v. aussi, rép. min, Contrats marchés publ. nov. 2005, n° 290, obs. FL et PSC : à propos du recours à la VEFA par les organismes d’HLM).

La liberté de l’administration trouve une autre limite dans l’obligation du maître d’ouvrage de respecter les règles inhérentes aux statuts de maître d’ouvrage.

        • Variété des formules contractuelles. Cela étant précisé, l’administration dispose d’une panoplie de techniques contractuelles selon la nature de ses besoins et surtout le mode de financement des travaux qu’elle entend mettre en œuvre.

L’un de ces contrats est bien connu, c’est le marché de travaux publics (Section 1ère).

Mais le contrat de concession porte également sur la réalisation de travaux publics (Section 2).

Plus récemment, d’autres procédés contractuels ont fait leur apparition comme le contrat de partenariat (Section 3).

SECTION 1ère : LE MARCHE DE TRAVAUX PUBLICS

C’est de loin le procédé le plus courant en pratique pour faire réaliser un travail ou un ouvrage public.

Les marchés de travaux publics sont des contrats synallagmatiques par lesquels l’administration, maître d’ouvrage, confie à une entreprise la charge de réaliser une opération de travaux publics et/ou la réalisation d’un ouvrage moyennant le paiement d’un prix.

Ces contrats portant sur la réalisation de travaux publics obligent à une double série de considérations

D’abord, tous les marchés de travaux publics sont des contrats administratifs par détermination de la loi, ceci en vertu de l’article 4 de la loi du 28 Pluviôse an 8 qui confie aux conseils de préfectures le soin de régler les litiges opposant l’administration à ses entreprises.

Il y donc là un premier enjeu relatif à la question de savoir si l’objet du contrat porte bien sur des travaux publics et lié à la détermination de la compétence juridictionnelle pour connaître des litiges relatifs à l’exécution du contrat (§1er).

Ensuite, certains marchés portant sur la réalisation de travaux publics relèvent de la catégorie des marchés publics (marchés publics de travaux), c’est-à-dire d’une variété de contrats de l’administration soumis à un régime particulier caractérisé principalement par une obligation de publicité et de mise en concurrence et que, pour cette raison, il faudra identifier.

NB : Bien sûr, les deux notions coïncident largement : Tous les marchés de travaux publics passés par des maîtres d’ouvrage, personnes soumises au Code des marchés publics ou à la réglementation communautaire sont des marchés publics de travaux.

Il y a cependant lieu de bien distinguer les deux enjeux dans la mesure où un contrat peut parfaitement porter sur des travaux publics et donc être un marché de travaux publics (objet du contrat), sans être pour autant un marché public parce que les éléments constitutifs de la définition ne sont pas réunis (régime du contrat).

Éléments de distorsions : À certains égards, la notion de marché de travaux publics est plus large que celle de marché public de travaux, mais à d’autres elle est plus étroite.

- Plus large que celle de marchés publics de travaux : Certains marchés de travaux publics ne sont pas des marchés publics de travaux à raison de la qualité du maître d’ouvrage. Il s’agit :

En droit interne, des marchés de travaux publics passés par des établissements publics industriels et commerciaux de l’État.

Et en droit communautaire, des marchés de travaux publics passés par tous les établissements publics industriels et commerciaux.

- Plus étroite que celle de marchés publics de travaux :


En droit interne : Certains marchés publics de travaux au sens du droit interne ne sont pas des marchés de travaux publics : Ainsi en est-il du marché d’entreprise de travaux publics (METP) qui n’est pas un marché de travaux publics parce qu’il a pour objet la gestion d’un service public, alors qu’il est néanmoins un marché public soumis au CMP.

Certains marchés publics de travaux, au sens du droit communautaire (« fait réaliser par quelque moyen que ce soit ») ne sont pas des marchés de travaux publics :

- à raison de leur objet : METP mais aussi VEFA et BEA…

- à raison de la qualité du maître d’ouvrage : en droit communautaire, les marchés passés par les SEM ou les Caisses de Sécurité sociale sont des marchés publics de travaux en raison de la qualité du maître d’ouvrage, qualifié de pouvoir adjudicateur. Mais ils ne sont pas des marchés de travaux publics en droit interne à raison de la définition même des travaux publics. Il s’agit ici, en effet, de travaux réalisés par une personne privée pour le compte d’une autre personne privée.

Il faut donc étudier la notion de marchés publics de travaux de manière distincte (§2).

Enfin, il faudra s’intéresser à la question du régime des contrats portant sur des travaux publics avec la considération qu’il porte sur des travaux publics et/ou sur la réalisation d’un ouvrage public qui méritent évidemment une certaine protection (§3).

§1er : L’identification du contrat de travaux publics

La question est ici de savoir si le contrat porte sur la réalisation de travaux publics afin principalement de déterminer le juge du contrat.

Deux éléments composent cette définition : le premier relatif à l’objet du contrat ‘(A), le second aux parties contractantes (B).

A - L’objet du contrat

Pour qu’un marché se voie reconnaître la qualité de marché de travaux publics, il faut qu’il ait pour objet l’exécution de travaux publics.


Le lien du marché avec l’exécution des travaux publics est cependant conçu de manière assez souple. Et cela se manifeste de deux manières :

  • D’abord, la jurisprudence qualifie de marchés de travaux publics des conventions complexes qui ne comportent qu’un élément de travail public, à côté d’autres éléments ne méritant pas une telle qualification, c’est-à-dire des contrats combinant un élément de travail public avec une prestation qui peut être étrangère au travail public.

- Ainsi, même si les contrats de fournitures de matériaux ne sont pas considérés comme des marchés de travaux publics (CE, 31 juillet 1912, Société des Granits porphyroïdes des Vosges, Rec. CE, p. 909), un contrat qui porte à la fois sur des travaux et des fournitures, est considéré comme un marché de travaux (CE, 11 juin 1951, Allard, Rec. CE, p. 327 ; TC, 21 novembre 1928, Lagarde, Rec. CE, p. 1208).

- Il en va de même d’un contrat qui combine un bail et la réalisation de travaux (CE, 21 novembre 1928, Soc. générale thermale, Rec. CE, p. 1209 ; CE, 13 novembre 1935, Compagnie des eaux minérales de Royat, Rec. CE, p. 1049) ; - Ou encore, d’un contrat portant sur la réalisation de travaux publics et incluant dans son objet la fourniture de matériel et une prestation de services (TC, 23 octobre 2000, Soc. Solycaf c/ EDF-GDF, req. n° 3195, RD imm. 2001, p. 61, obs. F. Llorens et P. Soler-Couteaux : “Cons. que pour les besoins d’un bâtiment affecté aux services d’EDF et GDF, ces établissements publics ont conclu un contrat qui n’a pour seuls objets la fourniture de matériels et le contrôle de leur fonctionnement mais consiste dans l’exécution de travaux à caractère immobilier visant à économiser l’énergie et à la mise en place d’un système de télégestion ; qu’un tel contrat comporte la réalisation de travaux sur des immeubles pour le compte de personnes publiques et dans un intérêt général ; qu’il a ainsi le caractère d’un marché de travaux publics, alors même que les travaux dont il prévoit la réalisation affectent une installation de chauffage existante … »).

Il n’en va autrement que lorsque la part des travaux publics occupe une place trop peu importante au regard de l’ensemble de la convention (TC, 30 juin 1930, Boyer et Jullian, Rec. CE, p. 673 : convention de fourniture de gaz plus travaux d’importance minime).

  • En second lieu, la jurisprudence considère par extension comme des contrats administratifs, des contrats n’ayant qu’une relation indirecte avec l’exécution même des travaux. En général, ce sont des contrats qui en permettent l’exécution :

- Contrat de fourniture et transport de matériaux ;

- Contrat conclu avec des architectes ou bureaux d’études (CE, 28 février 1919, Bariller, Rec. CE, p. 222 ; CE, 15 décembre 1950, Mathiot, Rec. CE, p. 812) ;

- Convention relative au financement des travaux publics (CE, 13 novembre 1981, Plunian, Rec. CE, p. 413, concl. D. Labetoulle : convention par laquelle un particulier s’engage à fournir une contribution financière à la réalisation même de travaux publics) ;

- Transaction entre parties contractantes ;

- Contrat d’assurance destiné à couvrir la responsabilité d’entreprises de travaux publics (CE, 23 juin 1986, Société Centrale Immobilière de la Caisse des Dépôts, D. 1987, SC., p. 281, obs. Ph. Terneyre).

Limite : La garantie à première demande accordée dans le cadre d’un marché public est un contrat de droit privé, y compris lorsque le marché a pour objet la réalisation de travaux publics : CE, ord. 3 nov. 2004, Maître Tuller ès qualité et Sté Technibat Aluminium Service, Contrats marchés publ. 2005 n° 12, obs. G. Eckert.


* Enfin, si un contrat portant sur des travaux privés ne peut être considéré comme un marché de travaux publics, sont néanmoins des contrats de travaux publics ceux qui mêlent travaux publics et travaux privés :

CE, 18 mars 1988, Société civile des Néo Polders, RD publ. 1989, p. 500, note F. LLORENS : Travaux de soustraction des terrains à l’action des flots pour le compte du concessionnaire et d’édification de digues pour celui de l’État ;

TC, 12 janvier 1987, Syndicat de copropriété sis à Monistrol-sur-Loire, Rec. CE, p. 444 : Locaux privés et publics, bureau de poste dans un même bâtiment ;

TC, 22 juin 1998, Consorts Bussereau, EDF, RD imm. 1999, p. 98, chron. F. Llorens et P. Soler-Couteaux : Les travaux de reconstruction du poste de transformation appartenant aux Consorts Bussereau et loué pour partie par EDF en vertu d’un bail emphytéotique ont eu pour objet de permettre notamment le déplacement d’un transformateur appartenant à EDF et le déplacement du transformateur appartenant aux Consorts Bussereau.

En revanche ne sont pas des marchés de travaux publics, les contrats qui n’ont pas pour objet principal la réalisation de travaux pour une personne publique agissant comme maître d’ouvrage, en vue de leur remise à l’administration dès achèvement :

- Cas du contrat de vente : CE, 4 octobre 1976, Trani, Rec. CE, p. 332 ;

- Cas du contrat comportant un engagement de location avec option d’achat : CE, 12 octobre 1988, SERGIC, Rec. CE, p. 338.

- Cas du bail emphytéotique : CE, Sect., 25 février 1994, Soc. SOFAP-MARIGNAN, Rec. CE, p. 94 ; RFD adm. 1994, p. 510.

- Cas d’une vente en l’état futur d’achèvement : CE, 8 février 1991, Région Midi-Pyrénées c/ Syndicat d’Architecture de la Haute-Garonne, CJEG 1991, p. 251, note F. Llorens ; RD publ. 1991, p. 1137, note J-M. Auby ; JCP 1991, II, 21738, note E. Fatome ; D 1991, SC, p. 373, obs. Ph. Terneyre.

B - Les parties contractantes

Un contrat ne peut être un marché de travaux publics s’il n’est pas un contrat administratif. Or un contrat ne peut être administratif que si l’un au moins des cocontractants est une personne publique.

Le principe est donc que seuls les contrats dont une des parties est une personne publique sont des marchés de travaux publics. Mais ce principe connaît aujourd’hui de multiples exceptions.

Le principe :

Les contrats passés entre des personnes privées sont des contrats de droit privé, même s’ils ont pour objet la réalisation de travaux publics. Ce principe connaît de multiples applications ; ainsi, ne sont pas des marchés de travaux publics :

- Les contrats conclus entre concessionnaires de travaux publics et entrepreneurs : CE, 29 octobre 1956, Dame Pottier, Rec. CE, p. 395 ;

- Les contrats entre entreprises et sous-traitants : TC, 17 janvier 1972, SNCF c/Entreprise Solon et Barrault, RD publ. 1972, p. 465, concl. G. Braibant ; CE, 3 décembre 1919, Bonnafous, Rec. CE, p. 879. ;

- Les contrats entre entreprises et fournisseurs : CE, 9 juillet 1952, Société Le Tube d’Acier, Rec. CE, p. 367.

- Les marchés de travaux des SEM d’aménagement régional : CE, 10 novembre 1972, Société des Grands Travaux alpins, AJDA 1973, p. 47, note F. Moderne

- Les marchés de travaux de la Compagnie nationale du Bas Rhône-Languedoc : CE, 21 juillet 1972, Société Entreprise OSSUDE, Rec. CE, p. 562.

- Les marchés de rénovation urbaine : C. Cass., 2 février 1972, Sté immobilière de Saint Gratien. Exceptions

Un marché portant sur un travail public, bien que conclu entre deux personnes privées peut être un marché de travaux publics dans trois cas :

- 1ère exception : la théorie du mandat exprès : quand l’une des personnes privées contractantes est mandataire d’une personne publique, tout se passe comme si la personne publique est directement partie au contrat. Le juge considère que la personne privée agit au nom et pour le compte de la personne publique (CE, 2 juin 1961, Leduc, Rec. CE, p. 365 ; AJDA 1961, p. 345, concl. G. Braibant, TC, 2 janvier 1970, JDF c/SAEGEMA, Rec. CE, p. 968 : à propos des sociétés coopératives de reconstruction).

- 2ème exception : TC, 8 juillet 1963, Société Entreprise Peyrot c/Société des Autoroutes Esterel Côte d’Azur, GAJA ; Rec. CE, p. 787 : dont il ressort que la construction des routes appartient par nature à l’État qui exécutent traditionnellement ces travaux en régie directe qui doivent, par conséquent, être soumis à un régime de droit public.

Par extension : CE, 24 avril 1968, Société française du Tunnel sous le Mont Blanc, Rec. CE, p. 525 ; TC, 12 novembre 1984, Commissaire de la République de la Région Ile-de-France c/Cour d’Appel de Paris, AJDA 1985, p. 156, note B. Genevois ; RFD adm. 1985, p. 353, note F. LLORENS : contrat d’assistance générale à savoir, entretien, contrôle technique personnel et péage.

On s’est posé la question de savoir si cette exception était limitée aux contrats portant sur la réalisation de travaux routiers. Et on a pu longtemps avoir ce sentiment : v. jurisprudence précitée. Mais en 1975, la jurisprudence a introduit une nouvelle exception.

- 3ème exception : Elle concerne les contrats conclus « pour le compte » d’une personne publique.

CE, 30 mars 1975, Société d’Equipement de la Région montpelliéraine, AJDA 1975, p. 361, chron. Franc et Boyon, p. 245 ; D. 1973, J., p. 3, note F. Moderne.

TC, 7 juillet 1975, Commune d’Agde, D. 1977, p. 8, note Bettinger.

Dans ces affaires, la jurisprudence admet que les SEM concessionnaires qui ont conclu avec des sociétés privées des marchés portant sur des travaux comme la construction de réseaux d’assainissement avaient agi, non pour leur compte, mais pour le compte des collectivités concédantes.

Pour parvenir à une telle conclusion, elle met en œuvre un faisceau d’indices : objet circonscrit ; subventions directes ; remise des ouvrages dès achèvement ; substitution au concessionnaire pour toute action en responsabilité décennale

Mais elle met aussi un œuvre d’autres indices :

- TC, 12 novembre 1984, Vernoux c/CGE, Rec. CE tables, p. 132. Contrat entre une société concessionnaire de distribution d’eau et une entreprise pour les travaux de Génie civil. Attribution par une commission comprenant le maire de commune et l’ingénieur en chef du Génie rural. Direction des travaux par celui-ci. Réception provisoire par le maire. La Commune demeure maître d’ouvrage (canalisation du réseau d’irrigation).

Le Conseil d’État a fini par qualifier ce type de situation de mandat :

CE, 13 novembre 1987, Syndicat intercommunal pour la création et le fonctionnement de l’Ecole des Clos, RFD adm. 1988, p. 380, concl. Y Robineau et 397, note F. Moderne : Plusieurs communes avaient constitué un syndicat intercommunal pour l’équipement et l’urbanisation d’une zone d’aménagement concerté. Par convention passée avec ce syndicat, deux SCI s’étaient engagées à prendre en charge non seulement les équipements directement liés aux constructions mais tous les autres équipements publics nécessaires à la réalisation du plan d’aménagement de la zone : élargissement des voies publiques ; assainissement primaire ; équipements scolaires.

§2 : La notion de marchés publics de travaux

La notion de « marché public de travaux » désigne une variété particulière de contrat qui porte sur des travaux (pas nécessairement publics).

C’est donc une notion qui sert à déterminer l’application d’un régime particulier applicable à cette catégorie de contrats que l’on appelle des « marchés » dont le régime est déterminé par la réglementation interne (Code des marchés publics) mais aussi communautaire caractérisée notamment par l’application de règles de publicité et de mise en concurrence.

Concernant leur définition, il y a une difficulté tenant à l’existence deux notions, l’une interne (A), l’autre communautaire (B) de la notion de marché public de travaux.

Les deux définitions ne coïncident pas tout à fait mais la distorsion est en voie de se régler.

A - La notion interne de marché public de travaux

Sources : Jusqu’à une époque récente, le CMP a bénéficié d’une grande stabilité. Il résultait d’un décret du 17 juillet 1964 (réglementation remontant à 1833 pour les marchés de l’État et 1837 pour ceux des collectivités locales).

Puis il a été successivement modifié par un décret n° 2001-210 du 7 mars 2001 (1), puis un décret n° 2004-15 du 7 janvier 2004 (2). Une nouvelle réforme du CMP est, par ailleurs, en préparation.

1) F. Llorens et P. Soler-Couteaux, « Le nouveau champ d’application du CMP », Contrats Marcés publ. 2001, chron. n° 4. 2) F. Llorens et P. Soler-Couteaux, « Les habits neufs du CMP », Contrats Marchés publ., fév. 2004, chron. n° 2

L’objet du code est de fixer le régime de la passation des marchés (conditions de passation, procédure, critères de choix) et leur exécution financière (garantie, financement).


Il s’agit donc de savoir quels sont les marchés de travaux soumis au Code des marchés publics.

L’article 1-I du CMP définit les marchés de travaux comme des contrats conclus à titre onéreux avec des personnes publiques ou privées par les personnes morales de droit public mentionnées à l’article 2, pour répondre à leurs besoins en matière de travaux (mais aussi de fournitures ou de services).

L’article 1-II définit plus particulièrement les marchés de travaux comme ayant pour objet la réalisation de tous travaux de bâtiment ou de génie civil à la demande d’une personne publique exerçant la maîtrise d’ouvrage.

Plusieurs éléments d’identification de cette notion.

1er critère : La qualité du maître d’ouvrage

Pour être un marché public, il est nécessaire que le contrat soit passé avec une des personnes soumises au CMP aux termes de son article 2 : État, ses établissements publics autres que ceux ayant un caractère industriel et commercial, les collectivités territoriales et leurs établissements publics.

Ne sont donc pas des marchés publics :

- Les marchés conclus par les établissements publics industriels et commerciaux de l’État ;

- Les marchés passés par des personnes privées, sauf à ce que celles-ci agissent comme mandataires de personnes publiques soumises au CMP. Dans ce cas, il est nécessaire de respecter les procédures prévues par celui-ci. En effet, le CMP est applicable aux marchés conclus en vertu d’un mandat donné par une des personnes publiques précédemment mentionnées.


Il faut noter cependant qu’en vertu de la loi du 29 janvier 1993 et de son décret d’application du 26 mars 1993, les marchés de travaux des SEM sont soumis à des principes de concurrence inspirés du code.

2ème critère : L’objet du marché

- Il doit s’agir de travaux, mais le code ne fait pas allusion à la nature des travaux si bien qu’il peut s’agir aussi bien de travaux publics que de travaux privés.

En effet, la circonstance qu’un marché soit passé sur le fondement du CMP n’en fait pas nécessairement un contrat administratif ou encore un marché public peut être un contrat de droit privé (Cass. civ., 17 décembre 1996, Société Locunivers, Droit adm. 1997, n° 122, obs. Richer).

NB : Cette solution n’est cependant plus valable depuis la loi n° 2001-1168 du 11 décembre 2001 portant mesures urgentes de réformes à caractère économique et financier (MURCEF) dont l’article 2 dispose : « les marchés passés en application du code des marchés publics ont le caractère de contrats administratifs ».

- Il doit, par ailleurs, s’agir de travaux réalisés pour le compte de la personne publique exerçant la maîtrise d’ouvrage, c’est-à-dire destinés à lui être remis dès leur achèvement.

Ainsi n’est pas un marché public de travaux un BEA comportant la réalisation de travaux :

CE, Sect., 25 février 1994, SA SOFAP Marignan immobilier, Rec. CE, p. 94 ; RFD adm. 1994, p. 510, concl. J. Arrighi de Casanova ; CJEG 1994, p. 569, chron. E. Fatôme et Ph. Terneyre ; D 1994, p. 536, note M. Lombard ; AJDA 1994, p. 550, note H. Périnet-Marquet : À propos d’un bail emphytéotique conclu sur le fondement de l’article 13 de la loi n° 88-13 du 5 janvier 1988 par lequel une commune met pendant 65 ans des terrains dont elle est propriétaire à la disposition d’une société, à charge pour cette dernière d’y réaliser un bâtiment destiné pour partie à l’extension de l’Hôtel de ville, pour partie à abriter des bureaux privés, la société s’engageant à donner en location à la ville, contre versement d’un loyer, les surfaces répondant à ses besoins et l’ensemble du bâtiment devant, en fin de bail, revenir à la ville.

Le Conseil d’État juge que « dans l’opération ainsi entreprise, le ville de Lille n’assurera pas la direction technique des actions de construction, ne deviendra propriétaire des ouvrages qu’au terme du bail et ne jouera ainsi ni pendant la réalisation desdits ouvrages, ni avant le terme fixé, le rôle de maître d’ouvrage ; que, par suite, l’opération en vue de laquelle a été passé le bail contesté ne présente pas, même si une partie des ouvrages répond aux besoins de la ville de Lille, le caractère d’une opération de travaux publics ».

NB : Le CE annule le jugement qui considérait le bail litigieux comme un marché de travaux publics en se fondant sur la jurisprudence « Région Midi-Pyrénées ».


La solution est la même pour la VEFA, la location avec option d’achat ou la vente à terme. 

S’agissant de la VEFA, il faut cependant rappeler que la jurisprudence y voit un marché public de travaux lorsqu’elle a pour objet la réalisation même d’un immeuble conçu en fonction des besoins propres de la collectivité et destiné à devenir son entière propriété (CE, Région Midi-Pyrénées, préc.).

3ème critère : La rémunération du cocontractant

L’entrepreneur doit être rémunéré par un prix. Ce prix peut être complété par d’autres recettes. Le mode de rémunération peut également être constitué par une prestation en nature (CE, 18 mars 1988, Société civile des Néo Polders, précit. ; v. aussi, CE Section de l’Intérieur, avis du 14 décembre 1980, EDCE 1981, p. 196 ;AJDA 1983, p. 193, note J.-M. Auby ; Les Grands avis du Conseil d’État Dalloz 1971, p. 170, comm. L. Richer : à propos des contrats de mobilier urbain).

En revanche, il ne doit pas être rémunéré, en tout cas de manière substantielle, par des redevances ou plus largement par des résultats d’exploitation ; si tel est le cas, le contrat doit être qualifié de délégation de service public (CE, 15 avril 1996, Préfet des Bouches du Rhône c/ Commune de Lambesc, Rec. CE, p. 137 ; AJDA 1996, p. 729, chron. D. Chauvaux et T-X Girardot ; CJEG 1996, p. 267, concl. C. Chantepy, note R. Savignat ; RFD adm. 1996, p. 715, note Ph. Terneyre).

B - La notion communautaire de marchés publics de travaux

Source : Les marchés publics de travaux ont fait l’objet d’une première directive du 26 juillet 1971 portant coordination des procédures de passation des marchés publics de travaux (Directive n° 71/305 du Conseil, 26 juillet 1971 : JOCE, n° L 185, 16 août) modifiée par la directive du 18 juillet 1989 (Directive n° 89/440 du Conseil, 18 juillet 1989 : JOCE, n° L 210, 21 juillet).

Évolution : Dans le cadre de la codification entreprise par la le Conseil, les directives des 26 juillet 1971 et 18 juillet 1989 ont été fondues dans une directive unique : la directive du 14 juin 1993 portant coordination des procédures de passation des marchés publics de travaux (Directive n° 93/37 du Conseil, 14 juin 1993 : JOCE, n° L 99, 9 août) laquelle abroge les directives antérieures. La directive du 14 juin 1993 a enfin été modifiée par la directive du 13 octobre 1997 (Directive n° 97/52 du Parlement et du Conseil, 13 octobre 1997 : JOCE, n° L 328, 28 novembre) pour prendre en compte les incidences résultant des accords de Marrakech et de l’accord marchés publics établi dans le cadre de l’Organisation mondiale du commerce (OMC).

Enfin, une directive 2004/18/CE relative à la coordination des procédures de passation des marchés de travaux (mais aussi de fournitures et de services) dite « secteurs classiques » et une directive 2004/17/CE portant coordination des procédures de passation des marchés dans les secteurs de l’eau, de l’énergie, des transports et des services postaux, dite « secteurs spéciaux » (JOUE, n° L 134 du 30 avril 2004) n’ont pas pour objet de refondre complètement la législation en vigueur mais poursuivent un triple objectif de simplification (regroupement des quatre anciennes directives dans deux textes) ; de clarification (présentation respectant les différentes étapes de la passation d’un marché public) et de modernisation (utilisation des nouvelles technologies de l’information et de la communication dans les procédures de passation) (1). Ces directives devront être transposées en droit interne dans un délai de 21 mois à compter de leur publication.

1) S Pignon, « Les nouvelles directives communautaires portant coordination des procédures de passation des marchés publics », AJDA 2004, p. 1411.

Seuil : Il convient toutefois de relever que le régime établi par la directive Travaux ne trouve à s’appliquer que si le montant du marché dépasse un certain seuil qui est de 6 242 000 euros. Il en résulte que les marchés passés en dessous du seuil de mise en concurrence n’ont pas à respecter les dispositions de la directive relative notamment à la publicité.

Principe de transparence : Néanmoins, il faut indiquer que la CJCE a jugé (d’abord à propos de concessions de travaux) que même si de tels contrats sont exclus du champ d’application des directives, les entités adjudicatrices les concluant sont néanmoins tenues de respecter les règles fondamentales du traité en général et le principe de non discrimination en raison de la nationalité en particulier.

Elle a ainsi consacré un principe de transparence qui incombe au pouvoir adjudicateur et qui consiste à garantir, en faveur de tout soumissionnaire potentiel, un degré de publicité adéquat permettant une ouverture du marché des services à la concurrence ainsi que la contrôle de l’impartialité des procédures d’adjudication (CJCE, 7 décembre 2000, Telaustria, aff. C-324/98, AJDA 2001, p. 106, note L. Richer).

Ce raisonnement a ensuite été confirmé par une ordonnance du 3 décembre 2001 à propos cette fois d’un marché (CJCE, 3 décembre 2001, Bent Mousten Vestergaard, aff. C-59/00, RD imm. 2002, p. 221, obs. J-D. Dreyfus).

Néanmoins, malgré le souhait du Parlement, le Conseil n’a pas voulu s’engager dans les articles des directives 2004/17 et 2004/18 sur une méthode d’application de la jurisprudence Telaustria. Aussi bien cette avancée jurisprudentielle se retrouve sous la forme d’un considérant n° 2 : « la passation de marchés conclus dans les États membres pour le compte de l’État, des collectivités territoriales et d’autres organismes de droit public, doit respecter les principes du traité, notamment les principes de la libre circulation des marchandises, de la liberté d’établissement et de la libre prestation de services ainsi que les principes qui en découlent, comme l’égalité de traitement, la non discrimination, la reconnaissance mutuelle, la proportionnalité et la transparence » (1).

1) Sur le principe de transparence : F. Llorens, « Principe de transparence et contrats publics » : Contrats Marchés publ. 2004, chron. 1.

Transposition : La directive Travaux a fait l’objet de plusieurs textes de transposition afin de tenir compte du fait que les contrats qu’elle régit étaient, en droit interne français, pour les uns soumis au CMP, pour les autres, y échappaient (marchés passés par des personnes privées ; concessions de travaux, marchés des concessionnaires).

D’abord, un décret n° 90-824 du 18 septembre 1990 modifiant notamment les articles 378 à 288 du Livre V du CMP qui assure la transposition de la directive en ce qui concerne les marchés publics stricto sensu, c’est-à-dire les marchés des personnes publiques à l’exception des établissements publics à caractère industriel et commercial. Depuis, comme on l’a dit, le CMP a fait l’objet de plusieurs réformes qui ont parachevé le processus de transposition.

Ensuite, la loi n° 91-3 du 3 janvier 1991 relative à la transparence et à la régularité des procédures de marché qui a transposé la directive en ce qui concerne les marchés passés par des personnes privées ayant la qualité de pouvoir adjudicateur, les marchés subventionnés, les concessions de travaux des collectivités territoriales et de leurs établissements publics administratifs ainsi que les marchés de travaux passés par les titulaires de ces contrats.

Le décret n° 92-311 du 312 mars 1992 modifié par le décret n° 94-149 du 21 février 1994 a un quadruple objet : d’une part, il définit le régime de publicité applicable aux concessions de travaux et aux marchés des concessionnaires visés par la loi du 3 janvier 1991 ; d’autre part, il l’étend aux contrats de concession de l’État et de ses établissements publics administratifs ainsi qu’aux marchés passés par leurs titulaires ; en troisième lieu, il définit le régime de publicité et de mise en concurrence applicable aux marchés passés par des personnes privées ayant la qualité de pouvoir adjudicateur ainsi qu’aux marchés subventionnés et ce, en application de la loi du 3 janvier 1991 ; enfin, il parachève la transposition de la directive dans le CMP en modifiant plusieurs articles de son Livre V.

Il convient donc d’examiner si les notions de marchés publics de travaux coïncident en droit interne et en droit communautaire.

C - Définition communautaire et définition interne du marché public de travaux : coïncidence et distorsions

La directive 2004/18 définit les marchés publics comme « des contrats à titre onéreux conclus par écrit entre un ou plusieurs opérateurs économiques et un ou plusieurs pouvoirs adjudicateurs et ayant pour objet l’exécution de travaux (mais aussi la fourniture de produits ou la prestation de services) au sens de la présente directive » (art. 1er : Définitions).

Elle définit les marchés de travaux comme « des marchés ayant pour objet soit l’exécution, soit conjointement la conception et l’exécution de travaux relatifs à une des activités mentionnées à l’annexe I ou d’un ouvrage, soit la réalisation, par quelque moyen que ce soit, d’un ouvrage répondant aux besoins précisés par le pouvoir adjudicateur. Un « ouvrage » est le résultant d’un ensemble de travaux de bâtiment ou de génie civil destiné à remplir par lui-même une fonction économique ou technique » (art. 1er).

Points communs

Le contrat doit porter sur des travaux (identité d’objet) et il doit être conclu à titre onéreux (identité du mode de rémunération).

Sur la mise en œuvre de ces critères : Tout versement d’une somme d’argent par la collectivité n’est pas assimilable à un prix. Le prix se définit, en effet, comme la contrepartie financière de la prestation fournie par le cocontractant.

Il en résulte, par exemple, que n’est pas assimilable à un prix une participation de la collectivité au financement de l’ouvrage qui a fait l’objet du contrat, même si cette participation couvre la moitié ou plus du montant de l’investissement : v. par exemple, CE, Ass. 6 févr.-05 1998, Tête, Association de sauvegarde de l’Ouest lyonnais, RFD adm. 1998, p. 407, concl. H. Savoie, CJEG 1998, p. 283, concl. et note P. Subra de Bieusses ; BJCP 1998, n° 1, p. 108.

Différences

La notion communautaire de marchés publics de travaux est plus large qu’en droit interne :

A raison des parties au marché :

- Les maîtres d’ouvrage sont définis plus largement sous l’appellation de « pouvoirs adjudicateurs » : personne publique, établissement public administratif mais aussi « organisme de droit public », c’est-à-dire organisme de droit privé créé en vue de satisfaire un besoin d’intérêt général de caractère administratif, financé majoritairement par une personne publique ou un autre organisme de droit public ; ou soumis à leur contrôle ou dont l’un des organes de direction est composé majoritairement de représentants de ces personnes ou organismes (Caisses de Sécurité sociale, sociétés HLM, sociétés d’économie mixte, associations para-administratives…) ;

Les personnes privées dont les marchés sont subventionnés dans certains domaines de Génie civil ou de bâtiment à plus de 50 % sont considérées comme des pouvoirs adjudicateurs.

En outre, les marchés des concessionnaires de travaux publics qui sont eux-mêmes des marchés publics et sont soumis, à ce titre, à une forme allégée de mise en concurrence.

Le droit interne a donc du ajouter, à côté du CMP, des textes soumettant à un régime de passation proche de celui dudit code les marchés passés par des entités non soumises au CMP mais relevant de la catégorie des pouvoirs adjudicateurs au sens du droit communautaire.

À raison de l’objet du marché :

Réaliser; - concevoir et réaliser ; - faire réaliser par quelque moyen que ce soit, éléments de définition qui sont de nature à faire entrer dans la catégorie des contrats qui ne sont pas considérés comme des marchés publics en droit interne (METP, VEFA, BEA, Contrat de promotion immobilière…).

La distorsion vient de ce qu’au sens du droit communautaire, sont des marchés publics de travaux tous les contrats qui ont pour objet la réalisation d’un ouvrage répondant aux besoins précisés par la personne publique.

En revanche, en droit interne le Conseil d’État refuse de voir des marchés publics de travaux dans des contrats dans lesquels la personne publique n’exerce pas la maîtrise d’ouvrage, ni pendant, ni au terme de leur exécution.

Et cette position est reprise par le CMP (version 2001 et 2004) qui continue à subordonner la qualification de marchés publics de travaux à l’exercice de la maîtrise d’ouvrage par la personne publique, alors que le droit communautaire ne comporte une telle condition. Pour le moment, la question de la maîtrise d’ouvrage n’a ni expressément été posée à la Cour, ni directement tranchée par elle (1).

1) V. cependant, CJCE, 12 juillet 2001, aff. C-399-98 Ordre des Architectes de la Province de Milan, Contrats Marchés publ. 2201, comm. n° 154, note F. Llorens ; RD imm. 2001, p. …, note P. Soler-Couteaux : la CJCE a qualifié de marché public de travaux un contrat dans lequel la maîtrise d’ouvrage n’était pas assurée par le pouvoir adjudicateur.

On peut observer cependant que des textes nationaux appliquent un régime directement emprunté au droit des marchés publics à des contrats qui réservent pourtant la maîtrise d’ouvrage au cocontractant de l’administration (v. à propos du « bail Sarkozy », D. 6 janvier 2004 modifié par décret du 26 juillet 2004, Contrats Marchés publ. 2004, comm. n° 41 et 162, obs. E. Delacour ; et dans une certaine mesure, le contrat de partenariat, ord. du 17 juin 2004, Contrats Marchés publ. 2004, comm. n° 134, obs. E. Delacour) (1).

1) Sur la question : F. Llorens et P. Soler-Couteaux, Vers une extension de la notion de marchés publics de travaux ?, Contrats Marchés publ. 2004, n° 9. §3 : Le régime des contrats de travaux publics

Les sources du régime des contrats de travaux sont doubles, voire triples.

Elles sont, en premier lieu et de manière tout à fait générale, jurisprudentielles : théorie des sujétions imprévues ; théorie du pouvoir de modification unilatérale ; théorie de l’imprévision ; théorie des sanctions.

Elles sont ensuite propres à ceux de ces marchés qui sont des marchés publics et, en tant que tels soumis au Code des marchés publics et à la réglementation communautaire (A).

Elles résultent enfin de textes particuliers distincts du droit de la commande publique (B).

- Loi n° 85-704 du 12 juillet 1985 relative à la maîtrise d’ouvrage publique et ses rapports avec la maîtrise d’œuvre privée modifiée par l’ordonnance n° 2004-566 du 17 juin 2004 (Contrats Marchés publ. .2004, comm. 133) ;

- Loi sur la sous-traitance du 31 décembre 1975 ;

- Réglementation relative aux contrats de maîtrise d’œuvre (décret de novembre 1993).

Il convient d’y ajouter la pratique administrative : Cahier des charges notamment CCAG (décret du 21 janvier 1976) : documents types très complets – ne s’appliquent que pour autant que le marché y fait référence.


Il faudra enfin traiter de la question de l’exécution du marché de travaux publics en considération de la nécessaire protection dont doivent bénéficier ces travaux et les ouvrages publics (C).

A – Le régime des marchés publics de travaux

On se bornera à exposer les règles de publicité et de mise en concurrence tout en rappelant que les règles du CMP portent également sur la sélection des candidatures et des offres (critère du mieux disant).

Ce régime est, en effet, traditionnellement dominé par le principe de mise en concurrence.

Les règles de publicité et de mise en concurrence qui en résultent sont issues de la réglementation interne et communautaire des marchés publics qui sont désormais largement identiques sur ce point.

Elles ne concernent que les contrats ayant le caractère de marchés publics.

Selon l’article 1er du CMP, les principes de la commande publique (liberté d’accès, égalité de traitement, transparence des procédures, efficacité de la commande publique) « exigent une définition préalable des besoins de l’acheteur public, le respect des obligations de publicité et de mise en concurrence et le choix de l’offre économiquement la plus avantageuse ».

Ainsi, les obligations de publicité et de mise en concurrence sont un moyen privilégié de l’efficacité de la commande publique.

Ceci explique que, sauf exceptions (marchés de services visés à l’article 30 et marchés négociés expressément dispensés de publicité par l’article 35), « tout marché doit être précédé d’une publicité suffisante permettant une mise en concurrence effective » (art. 40-I).

Cependant, cette obligation générale se présente sous un double aspect selon que le marché est soumis à une procédure formalisée ou simplement adaptée.

Mais avant d’aller plus loin dans l’examen de la question, on peut avancer comme fil conducteur l’idée que le nouveau CMP fait une large place à la procédure négociée s’agissant des marchés de travaux (1)

1) A. Ménéménis, « Passer un marché public : sur quelques innovations du code », AJDA févr. 2004, sp. p. 386.

On peut préciser également que les marchés dont le montant est inférieur à 4000 euros sont passés sans publicité, ni mise en concurrence préalable.


1) La procédure adaptée

Bibliographie : B. Koebel, « Les collectivités territoriales face à la publicité et à la mise en concurrence des marchés passés selon la procédure adaptée », Contrats Marchés publ. 2004, chron. n° 9, p. 5.

Le code de 2001 avait laissé à penser que les marchés « sans formalités préalable » (jusqu’au seuil de 90 000 euros) pouvaient être passés sans formalités.

Mais il résulte de l’arrêt Telaustria que même si un marché n’atteint pas les seuils qui déclenchent la mise en œuvre d’une procédure formalisée prévue par le droit communautaire, il doit être passé dans le respect des règles fondamentales du traité, c’est-à-dire notamment du principe de non-discrimination à raison de la nationalité des opérateurs économiques.

Dans le même sens, le Conseil d’État avait jugé que ces marchés restaient soumis aux principes mentionnés à l’article 1er du code (CE, avis du 29 juillet 2002, Société MAJ Blanchisseries de Pantin, AJDA 2002, p. 755, note J-D. Dreyfus ; RD imm. 2002, p. 395, obs. J.-D. Dreyfus ; RTD com. 2003, p. 70, obs. G. Orsoni) et le Conseil Constitutionnel avait considéré, à plusieurs reprises, que l’article 1er du code ne faisait que « rappeler » des principes « qui découlent des articles 6 et 14 de la Déclaration de 1789 » et auxquels on doit reconnaître valeur constitutionnelle (CC, 26 juin 2003, n° 2003-473 DC, Loi habilitant le gouvernement à simplifier le droit, AJDA 2003, p. 1391, note J-E Schoettl, p. 1404 et note E. Fatôme).


L’article 28 du nouveau code substitue donc aux marchés « sans formalités préalables » des marchés qui peuvent être passés selon la « procédure adaptée », ce qui concerne notamment les marchés de travaux jusqu’à 210 000 euros.

Le code ne précise toutefois pas ce qu’est une procédure adaptée. Il se borne à indiquer que « les marchés passés selon la procédure adaptée sont des marchés passés selon des modalités de publicité et de mise en concurrence déterminées par la personne responsable du marché en fonction de leur objet et de leurs caractéristiques ».

1) F. Llorens et P. Soler-Couteaux, « Les habits neufs du CMP », Contrats Marchés publ. fév. 2004, repères, sp. p. 5 ; A. Ménéménis, « Passer un marché public : sur quelques innovations du code », AJDA fév ; 2004, sp. p. 384. 2) Sur le contrôle du juge sur le caractère adapté de la procédure : CE, 7 octobre 2005, Région Nord-Pas-de-Calais, Contrats marchés publ. 2005, n° 17, note F. Lichère.


2) Les procédures formalisées

a) L’appel d’offres et ses variantes

Le principe

Comme sous l’empire de l’ancien CMP, l’appel d’offres demeure la procédure de principe (art. 26 al. 1er). C’est une procédure formaliste de mise en concurrence excluant toute négociation avec les candidats.

Elle n’est cependant obligatoire que dès lors que le montant de l’opération dépasse le seuil de 5,9 M d’euros (1).

1) Sur la computation des seuils : v. CMP, art. 27-1 ; S. Braconnier, « Choix des procédures et calcul des seuils, Contrats Marchés publ. fév. 2004, n° 5, p. 33.

Les variantes de la procédure d’appel d’offres

La procédure d’appel d’offres exige de définir avec précision dans un cahier des charges les moyens techniques, juridiques et financiers de satisfaire le besoin de la collectivité préalablement défini.

Or cela n’est pas possible pour les projets exceptionnellement complexes.

Le dialogue compétitif. Les concernant, l’ancien CMP prévoyait une procédure d’appel d’offres sur performances à laquelle est substituée la procédure de dialogue compétitif (CMP, art. 36) (1).

1) Ph. Delelis, « Le dialogue compétitif », Contrats Marchés publ. fév. 2004, n° 9, p. 46 ; sur le régime de l’appel d’offres sur performances, CE, 4 avril 2005, Cne de Castellar, Droit adm. 2005, n° 102, note A. Ménéménis.

Il s’agit pour l’acheteur public d’affiner ses besoins théoriques par rapport à la réalité du marché par l’instauration d’un dialogue entre lui et les entreprises potentiellement intéressées.

La personne publique ne peut donc y recourir que dans les cas prévus à l’article 67 du CMP :

- « lorsqu’elle n’est pas en mesure de définir les moyens techniques pouvant répondre à ses besoins » (importantes infrastructures de transports intégrées ; grands réseaux informatiques) ;

- ou « lorsqu’elle n’est pas en mesure d’établir le montage juridique ou financier d’un projet » (projets comportant un financement complexe et structuré, dont le montage financier et technique ne peut pas être prescrit à l’avance).

L’idée est ainsi que cette procédure doit, en principe, être réservée aux cas dans lesquels la personne publique est contrainte d’établir un programme fonctionnel détaillé autour de résultats et besoins variables, auquel les offres des candidats sont censées apporter des réponses.

La grande nouveauté du CMP de 2004 réside dans la possibilité de recourir librement à la procédure du dialogue compétitif pour les marchés de travaux dont le montant est compris entre 210 000 euros et 5,9 M d’euros HT alors même que les conditions préalablement rappelées ne seraient pas réunies (CMP, art. 28-III al. 2 et 36 al. 2). Dans ce cas, en effet, le recours au dialogue compétitif n’est pas conditionné par le respect des exigences précédemment rappelées (art. 36 a et b). Il constitue donc une alternative à l’organisation d’une procédure d’appel d’offres ou d’une procédure négociée avec publicité et mise en concurrence.

1) A. Ménéménis, « Passer un marché public : sur quelques innovations du code », AJDA fév ; 2004, sp. p. 388.

Marché de conception- réalisation. Le marché de conception-réalisation est, comme son nom l’indique, un contrat dans lequel le titulaire se voit confier à la fois la conception d’un ouvrage et son exécution.

Le recours à ce type de marché est expressément autorisé par la CMP (définition, art. 37 et procédure, art. 69) mais il se caractérise par un encadrement strict qui résulte de la loi MOP modifiée afin d’éviter la domination des grandes entreprises disposant de bureaux d’études intégrés.

Il faut donc que des motifs d’ordre technique rendent nécessaire l’association de l’entrepreneur aux études de l’ouvrage. Cela concerne certains ouvrages à grand volume impliquant une structure complexe ; certains ouvrages souterrains exceptionnels, certains ouvrages dont la fonction essentielle est constituée par un processus de production ou d’exploitation qui conditionne sa conception et sa réalisation (blanchisseries, installations de production de chaleur…) ; réhabilitation lourde de certains ouvrages (v. Circ. N° 95-58, 9 aôut 1995, du ministère de l’Aménagement du territoire (…) Mon. TP, 25 août 1995, TO, p. 190).

Sur le plan de son régime juridique, la formule de la conception-réalisation se présente comme une variante de l’appel d’offres mais avec des traits qui la rapprochent de la procédure de concours.


S. Pignon, Les marchés de conception-réalisation : une catégorie autonome de marchés publics, Contrats marchés publ. avril 2005, n° 4.

CAA Nancy, 21 octobre 2004, Conseil régional de Lorraine de l’Ordre des Architectes, Contrats marchés publ. 2005, n° 8, obs. J-P. Pietri.

CAA Nancy, 10 janvier 2005, Préfet de la Marne, Contrats marchés publ. avril 2005, n° 109, obs. W. Zimmer.

b) La procédure négociée

Le nouveau CMP autorise le recours à la procédure négociée dans les hypothèses qu’il détermine et, selon le cas,

- avec publicité et mise en concurrence (CMP, art. 35-I),

- sans publicité mais mise en concurrence (CMP, art. 35-II)

- ou sans publicité ni mise en concurrence (CMP, art. 35-III).

Le recours à la procédure négociée avec publicité et mise en concurrence est admis par le nouveau CMP sensiblement dans les mêmes conditions que le CMP de 2001. Elle est ainsi possible pour tous les marchés de travaux lorsque le montant de l’opération est compris entre 210 000 et 5,9 M d’euros (CMP, art. 28-III al. 2 et 35-I-5°).

Par ailleurs, le pouvoir adjudicateur peut donc attribuer sous la forme négociée sans publicité, ni mise en concurrence des marchés complémentaires de travaux (et de services) rendus nécessaires, à la suite d’une circonstance imprévue, à la réalisation de l’ouvrage, dont la valeur cumulée peut atteindre un montant de 50% (CMP, art. 35-III-2°).

B - La réglementation relative à la maîtrise d’ouvrage public

Sources : Loi n° 85-704 du 12 juillet 1985 relative à la maîtrise d’ouvrage publique et à ses rapports avec la maîtrise d’œuvre privée, dit loi « MOP », modifiée par l’ordonnance n° 2004-566 du 17 juin 2004 (portant modification de loi n° 85-704 du 12 juillet 1985 relative à la maîtrise d’ouvrage publique et à ses rapports avec la maîtrise d’œuvre privée), JO 19 juin 2004, p. 11020.

Bibliographie : E. Delacour, Contrats Marchés publ. 2004, n° 133, p. 12 ; Contrats Marchés publ. 2003, repère n° 3 ; F. Llorens et P. Soler-Couteaux, Maîtrise d’ouvrage publique : la fin d’une époque ?, Contrats Marchés publ. 2004, repère n° 8.

- Tout maître d’ouvrage privé peut confier la réalisation de l’ouvrage à un maître d’ouvrage délégué dans le cadre d’un contrat de mandat, qualifiée de maîtrise d’ouvrage déléguée par lequel un maître d’ouvrage (appelé mandant ou délégant) confie à un maître d’ouvrage délégué (appelé mandataire ou délégataire) la mission d’agir en son nom et pour soin compte en lui confiant un certain nombre d’attributions de la maîtrise d’ouvrage pour la réalisation d’un opération immobilière ou des travaux de construction.

En droit privé, la formule revêt deux avantages :

- d’une part, la liberté de détermination des accords conventionnels ;

- d’autre part, l’absence de contrainte, puisque ce contrat n’obéit à aucune réglementation spécifique mais relève simplement du droit commun du mandat

Bibliographie : D. Tomasin, Maîtrise d’ouvrage déléguée (droit privé) Dalloz Action Droit de la construction 2000/2001, n° 5231, p. 791.

- En droit public, alors même que la maîtrise d’ouvrage publique est une fonction essentielle des collectivités publiques, sa réglementation n’a fait l’objet que de textes épars et incomplets.

C’est la loi « MOP » qui a fixé la notion de maîtrise d’ouvrage publique. L Son but était à l’origine de garantir la qualité des constructions publiques.

À cette fin, elle détermine les fonctions du maître de l’ouvrage et limite les possibilités de délégation de certaines fonctions de la maîtrise d’ouvrage et elle leur impose de prendre la forme d’un mandat.

Par ailleurs, elle précise les relations du maître d’ouvrage avec la maîtrise d’œuvre et arrête les conditions dans lesquelles ce maître d’ouvrage pouvait déléguer l’exercice de certaines de ses fonctions.

Ce faisant, la loi entend interdire aux maîtres d’ouvrages publics d’abandonner leurs prérogatives au profit de tiers.

Bibliographie : J.-P. Jouguelet, Maîtrise d’ouvrage publique, Dallaz Action Droit de la construction 2000/2001, p. 801.

1) Champ d’application

a) Les personnes concernées

- La loi MOP s’applique d’abord aux maîtres d’ouvrages publics, c’est-à-dire aux maîtres d’ouvrages ayant la qualité de personne publique mais aussi à certains maîtres d’ouvrages ayant le statut de personnes privées : Caisses de Sécurité sociale ; sociétés d’HLM, sociétés d’économie mixte pour les logements locatifs aidés par l’État;

- Il faut également que ces personnes aient la qualité de maître d’ouvrage, c’est-à-dire être la personne morale pour laquelle l’ouvrage est construit, celle à laquelle l’ouvrage doit revenir en pleine propriété dès son achèvement (Loi MOP, art. 2).

Rappel : Il en résulte qu’une personne publique qui achète par VEFA, qui passe un BEA ou qui est autorité concédante n’a pas la qualité de maître d’ouvrage (v. CE, 8 février 1991, Région Midi-Pyrénées c/ Syndicat de l’architecture de la Haute-Garonne, Rec. CE, p. 41 ; v. supra : à propos de la VEFA ; CE, 25 février 1994, SA SOFAP-MARIGNAN, Rec. CE, p. 94 ; v. supra : à propos du bail emphytéotique).

b) Les travaux et ouvrages concernés

La loi s’applique à « tous ouvrages de bâtiment ou d’infrastructure ainsi qu’aux équipements industriels destinés à leur exploitation » (Loi MOP, art. 1er). Il s’agit donc aussi bien des travaux neufs que de rénovation et de réhabilitation (v. exclusion, art. 1er).

2) Contenu

a) Principe

Le maître d’ouvrage public exerce une mission d’intérêt général dont il ne peut se démettre : « (…) Responsable principal de l’ouvrage, il (le maître d’ouvrage) remplit dans ce rôle une fonction d’intérêt général dont il ne peut se démettre » (Loi MOP, art ; 2).

Ce rappel de l’intérêt général se voulait un véritable rappel à l’ordre à l’égard de certains maîtres d’ouvrage, collectivités territoriales ou établissements publics, qui, par le biais de la délégation de maîtrise d’ouvrage, se déchargeaient, souvent sur les services de l’État, de la plus grande part de leur responsabilité dans la construction de l’ouvrage.

En réaction, la loi MOP fait obligation au maître d’ouvrage d’exercer lui-même les fonctions les plus importantes de la maîtrise d’ouvrage.

Ainsi, « il appartient (au maître de l’ouvrage), après s’être assuré de la faisabilité et de l’opportunité de l’opération envisagée, d’en déterminer la localisation, d’en définir le programme, d’en arrêter l’enveloppe financière prévisionnelle, d’en assurer le financement, de choisir le processus selon lequel l’ouvrage sera réalisé et de conclure, avec les maîtres d’œuvre et entrepreneurs qu’il choisit, les contrats ayant pour objet les études et l’exécution des travaux » (art. 2).

Concernant en particulier la définition du programme, la loi dispose que le maître de l’ouvrage « définit dans le programme les objectifs de l’opération et les besoins qu’elle doit satisfaire ainsi que le contraintes et exigences de qualité sociale, urbanistique, architecturale, fonctionnelle, technique et économique, d'insertion dans le paysage et de protection de l’environnement, relatives à la réalisation et à l’utilisation de l’ouvrage ».

Concernant l’obligation de choisir le processus de réalisation, elle fonde l’interdiction de principe de recourir au marché de conception-réalisation.

Cette obligation demeure après l’intervention de l’ordonnance du 17 juin 2004. Mais on ne saurait ignorer les atteintes qui lui ont été portées de l’extérieur au travers des lois de programmation pour la sécurité intérieure et la justice (Contrats Marchés publ. 2002, comm. 203 et 220) et, plus récemment, dans le cadre des contrats de partenariat (Contrats Marchés publ. 2004, comm. 134).

c) Exceptions

Le maître de l’ouvrage a la possibilité de déléguer certaines missions seulement et à certaines conditions (loi MOP, art. 3) :

- Seules certaines missions sont délégables : préparation du choix des constructeurs ; signature des marchés ; règlement des constructeurs ; réception sous réserve de l’approbation du maître d’ouvrage (Loi MOP, art. 3).

Rappel : sont exclues du champ de la délégation la définition du programme et de l’enveloppe financière.

Toutefois, depuis l’ordonnance du 17 juin 2004, « lorsque l’État confie à l’un de ses établissements publics la réalisation d’ouvrages ou de programmes d’investissement, il peut décider que cet établissement exercera la totalité des attributions de la maîtrise d’ouvrage » (Loi MOP, art. 1-III).

- La délégation s’opère dans le cadre d’un mandat.

Bibliographie : F. Llorens, Mandat et Code des Marchés publics, Mélanges F. Moderne, Dalloz 2004, p. 557.

Le contrat de mandat doit être écrit et comporter certaines clauses à peine de nullité (Loi MOP, art. 5).

Il en résulte que les règles de passation des marchés de travaux sont celles applicables au maître d’ouvrage de même que les organes compétents sont ceux du maître d’ouvrage (Loi MOP, art. 4 modifié par ord. du 17 juin 2004).

Le système du mandat n’a pas manqué de soulever un certain nombre de difficultés.

D’abord, son étendue et ses effets ne sont toujours pas élucidés.

Ensuite, il laisse en tout état de cause à la charge de la collectivité mandante la passation des marchés.

Il en résulte une tendance à élargir la mission du mandataire à la passation des marchés notamment (V. Décret n° 200-1247 relatif à l’Établissement public de maîtrise d’ouvrage des travaux culturels, Contrats Marchés publ. 2001, comm. n° 28 ; D. n° 2001-798 relatif à l’agence de maîtrise d’ouvrage du ministère de la Justice, Contrats Marchés publ. 2001, comm. n° 200).

Certains textes ont même autorisé un plein transfert de la maîtrise d’ouvrage en matière de constructions scolaires et universitaires ou de rénovation urbaine (Loi n° 2003-710, Contrats Marchés publ. 2003, comm. 197).

C’est à cette veine que se rattachent les dispositions de l’ordonnance du 17 juin 2004 relative à la co-maîtrise d’ouvrage, ainsi que celles permettant à l’État de confier à un de ses établissements publics « la totalité de la maîtrise d’ouvrage » (loi MOP, art. 2-III modifié) (1).

- Jusqu’à l’intervention de l’ordonnance du 17 juin 2004, la délégation n’était possible qu’au profit de certaines personnes, notamment les personnes publiques, les organismes privés d’HLM, les sociétés d’économie mixte, et les personnes privées concessionnaires d’aménagement.

Une telle limitation est contraire aux principes et règles du droit communautaire, en particulier le principe de non discrimination en raison de la nationalité (CJCE, 20 octobre 2005, aff. C-264/03, Commission c/ France : la loi MOP n’est pas conforme au droit communautaire en ce qu’elle réserve la fonction de mandataire à une liste exhaustive de personnes morales de droit français et les mandats qu’elle prévoit ne sont rien d’autres que des marchés de services relevant de la directive unifiée 2004/18).

L’ordonnance a donc supprimé les catégories exclusives de mandataires du maître d’ouvrage. Désormais, « le mandat … exercé par une personne publique ou privée » (Loi MOP, art. 4).

Dans le même esprit, l’ordonnance supprime toute restriction pour l’exercice de la mission de conducteur d’opération qui étaient pour une large part les mêmes que celles concernant le contrat de mandat.

C- L’exécution des marchés de travaux 1) Les prérogatives et obligations du maître d’ouvrage

Ces prérogatives sont largement les mêmes que dans les autres contrats administratifs auxquels le marché de travaux publics a d’ailleurs servi de modèle.

Il s’agit du pouvoir de direction et de contrôle ; du pouvoir de modification unilatérale ; du pouvoir de résiliation pour faute ou pour motif d’intérêt général ; du pouvoir de sanction.

Ce sont là des pouvoirs unilatéraux, existant même sans textes, susceptibles d’être mis en œuvre directement par le maître d’ouvrage.

Les obligations du maître d’ouvrage sont les suivantes :

- Lors de la passation du marché, l’obligation de fournir aux candidats un dossier de consultation suffisamment complet et ne comportant pas d’erreur en sorte que les candidats puissent présenter leurs offres en pleine connaissance de cause.

- Lors de l’exécution des travaux : fournir les renseignements en sa possession (par exemple plans d’ouvrages existants ; localisation de canalisations …) ; ne pas perturber le chantier par des initiatives intempestives (changement de calendrier…). 2) Les droits et obligations de l’entrepreneur

Les obligations sont de caractère administratif ou technique.

Les droits sont de caractère financier.

a) Les obligations de l’entrepreneur

Première obligation : L’obligation d’exécution personnelle du contrat (intuitu personae du marché de travaux publics).

Les conséquences en sont multiples : interdiction de la cession sans autorisation ; possibilité de résilier le marché en cas de décès ou d’incapacité durable ; possibilité de résilier en cas de liquidation judiciaire.

Toutefois, l’obligation n’est pas d’une rigueur absolue. Elle est assouplie par la possibilité de recourir à la sous-traitance qui en pratique revêt une très grande importance.

Définition : Acte par lequel l’entrepreneur dit principal confie à un tiers la réalisation de tout ou partie des prestations dont il a été chargé par le marché. Elle suppose que le contractant du titulaire du marché soit un entrepreneur et non pas un simple fournisseur.

Conditions : La sous-traitance est un droit pour l’entrepreneur.

La sous-traitance est régie par une loi du 31 décembre 1975. L’article 112 du CMP dispose : « Le titulaire d’un marché public de travaux (ou d’un marché public de services) peut sous-traiter l’exécution de certaines parties de son marché à condition d’avoir obtenu de la personne publique contractante l’acceptation de chaque sous-traitant et l’agrément de ses conditions de paiement ».

Le maître d’ouvrage ne peut s’y opposer par principe.

Mais elle est soumise à plusieurs conditions :

- La sous-traitance ne peut pas être totale ; - Acceptation du sous-traitant ; - Agrément de ses conditions de paiement.

Ces conditions sont exigibles cumulativement : CE, 13 juin 1986, OPHLM du Pas-de-Calais ; AJDA 1986, p. 505).

En outre, les possibilités de nantissement et de cession de créances sont limitées à la part du marché exécuté directement (CE, 2 juin 1989, SA Phinelec, D. 1990, p. 229, note Bénabent).

À défaut, la sous-traitance est irrégulière et la réglementation de la sous-traitance ne sera pas applicable et ne bénéficiera pas au sous-traitant.

Modalités

L’acceptation et l’agrément peuvent intervenir soit du fait de la signature du marché, soit à tout moment lors de son exécution (silence pendant 21 jours vaut acceptation tacite).

Conséquences de la sous-traitance régulière :

- La sous-traitance n’entraîne pas de substitution de cocontractant. Il en résulte qu’il ne s’établit aucun lien contractuel entre le sous-traitant et le maître de l’ouvrage.

Par conséquent, l’entrepreneur titulaire du marché reste entièrement responsable vis-à-vis du maître d’ouvrage.(art. 113 CMP) et le maître d’ouvrage n’a aucune action en responsabilité contre le sous-traitant.

- Le sous-traitant a un droit à paiement direct, c’est-à-dire le droit d’être réglé directement par le maître d’ouvrage. Cette règle présente un caractère d’ordre public.

Ce paiement suppose toutefois une sous-traitance régulière. Il se fait aux conditions du contrat de sous-traitance.

Il ne couvre que les travaux postérieurs à l’acceptation du sous-traitant et à l’agrément des conditions de paiement. Il bénéficie aussi bien au sous-traitant de premier rang qu’au sous-traitant d’un rang inférieur (TA Strasbourg, 3 mai 1996, société SATEC c/SMITOM, DA, novembre 1996, n° 14, p. 7, concl. Portail ; CE, 10 février 1997, SEM d’Équipement de l’Aude, DA 1998, n° 197).

Le contentieux du droit au paiement direct relève du juge et du droit administratif (CE, 17 mars 1982, Société Périgourdine d’Étanchéité et de Construction, AJDA 1982, p. 727, concl. Boyon).

Deuxième obligation : L’obligation de respect des stipulations contractuelles

- Obligation de respecter les ordres de service ; - Obligation de respecter les délais, obligation sanctionnée le cas échéant par des pénalités d retard.

Troisième obligation : L’obligation de bonne exécution technique de l’ouvrage

- Respect des plans et prescriptions techniques ; - Respect des règles de l’art ; - Obligation de conseil : elle oblige l’entrepreneur à alerter le maître d’ouvrage sur tous les aspects de l’opération qui risque de poser problème et qui ne relève pas de sa mission dès lors que sa compétence lui permet de les déceler.

b) Les droits de l’entreprise

Ces droits sont essentiellement de caractère financier. Ce sont en tous les cas les plus importants.

Droit au prix

- soit unitaire : le marché prévoit un prix pour chaque prestation (exemple : mètres cubes de béton ; m² de peinture). Le prix est obtenu par la multiplication des quantités ;

- soit forfaitaire : couvre l’ensemble des prestations quelles que soient les quantités exécutées ou les moyens utilisés. Aucun supplément pour quantités supplémentaires.

Droit à supplément de prix

- Le prix dû à l’entrepreneur peut, tout d’abord, se trouvé augmenté par application des théories qui ont pour objet de compenser les aléas du marché : sujétions imprévues ; fait du prince ; force majeure. Mais en matière de marchés publics de travaux, c’est la première qui trouve le plus fréquemment à s’appliquer.

Sujétions imprévues :

Conditions : Difficultés matérielles d’ordre climatique, ou nature du terrain ; présentant un caractère exceptionnel et imprévisible

Dans le marché à forfait, il faut, en outre, que ces sujétions imprévues aboutissent à un bouleversement de l’économie du contrat.

Conséquences : réparation intégrale aussi bien pour les travaux supplémentaires que pour l’immobilisation des matériels et du personnel.

- Mais la cause la plus importante d’augmentation du prix réside dans la réalisation de travaux supplémentaires ou dans la modifications des prévisions contractuelles initiales.

Les risques de dérive financière qu’elles renferment expliquent que leur indemnisation soit strictement encadrée.

Il arrive fréquemment que les travaux supplémentaires ou modificatifs donnent lieu à la passation d’un avenant. Dans ce cas, le droit à indemnité de l’entrepreneur trouve son fondement dans l’avenant qui lie les parties et qu’il suffit d’appliquer.

Mais en l’absence d’avenant, la question est plus délicate : la jurisprudence tente de concilier le souci de protéger le maître d’ouvrage contre les initiatives injustifiées de l’entrepreneur et la nécessité de réserver à celui-ci un traitement équitable.

D’où en principe, l’exigence d’un ordre de service régulier, c’est-à-dire écrit, pris par l’autorité compétente.

Mais par exceptions, sont indemnisés :

- Les travaux utiles ordonnés irrégulièrement c’est-à-dire par ordre verbal ou à la suit d’un accord implicite du maître d’ouvrage.

Cette solution est fondée sur le principe de l’enrichissement sans cause, c’est-à-dire sur le quasi-contrat : elle suppose donc que les travaux aient été utiles au maître d’ouvrage. Elle limite par ailleurs le droit à réparation de l’entrepreneur aux seules charges supportées par lui à l’exclusion de tout bénéfice.


- Les travaux indispensables exécutés spontanément, même en l’absence de tout ordre de service. Ils ouvrent droit au paiement intégral lorsqu’ils étaient indispensables à la bonne réalisation de l’ouvrage suivant les règles de l’art.

Mais cette solution n’est valable que dans les marchés à prix unitaire. En revanche, elle ne l’est pas dans les marchés conclus à forfait car, dans leurs cas, le juge exige, en outre, que les travaux aient été imprévisibles lors de la passation du marché et en aient bouleversé l’économie.

En revanche, les travaux non indispensables exécutés sans ordre de service ne donnent lieu à aucune indemnité alors même qu’ils présenteraient un caractère utile.

Concernant les modalités d’indemnisation de l’entrepreneur, on a vu que

- lorsque les conditions posées par la jurisprudence sont réunies, l’entrepreneur a droit au paiement intégral des travaux, marge bénéficiaire incluse dans le cas des travaux réguliers ou indispensables et au seul remboursement des dépenses utilement exposées dans les autres cas (travaux simplement utiles exécutés sur ordre irrégulier).

- Mais, en outre, en plus du coût des travaux eux-mêmes, les travaux supplémentaires ouvrent droit à indemnité pour les frais annexes qu’ils ont occasionnés : frais financiers, allongement des délais, immobilisation du personnel.

Enfin, le CCAG Travaux réalise un aménagement contractuel du droit à indemnité de l’entrepreneur en ce qu’il limite ce type d’indemnisation en ne la prévoyant que si le dépassement de la masse des travaux excède un certain seuil différent selon que l’on est dans les marchés à prix unitaire ou dans les marchés à prix forfaitaire (CE, Sect. 17 novembre 1967, Société des Ateliers NICOU et Cie, AJDA 1968, p. 308, concl. Dutheillet de la Mothe, RDP 1968, p. 401, note M. Waline).

3) La fin du marché de travaux publics et les responsabilités de l’entreprise a) La fin des relations contractuelles

La fin normale des relations contractuelles prend la forme d’une réception unique (au lieu d’une double réception : provisoire et définitive, par le passé).

La réception peut revêtir trois formes :

- Réception normale : expresse – constatation contradictoire des travaux effectués ; décision du maître d’ouvrage.

Elle débouche soit sur la réception, soit sur la réception assortie de réserves, soit sur le refus de réception si les malfaçons ou non conformités sont trop importantes ; . - Réception tacite qui suppose une prise de possession des ouvrages achevés et exempts de vices.

- Réception judiciaire. b) Les responsabilités encourues par l’entreprise

Sources : loi du 4 janvier 1978 ; art. 1792-1 et s. et 2270 du Code civil.

Le droit public de la responsabilité des constructeurs présente de fortes analogies avec le droit privé. Les sources en sont d’ailleurs identiques :

CE, Ass., 2 février 1973 Trannoy, Rec. p. 95, concl. M. Rougevin-Baville ; AJDA 1973, II, n° 40, p. 159, note F.M. : Principes dont s’inspire le code civil.

Au sein des responsabilités encourues par l’entrepreneur, il faut distinguer la responsabilité contractuelle des responsabilités légales. En principe, c’est la réception sans réserves qui met fin aux rapports contractuels nés du marchés et par conséquent à la responsabilité contractuelle. À partir de là, seules les responsabilités légales pèsent sur l’entreprise.

Il a été jugé que l’extinction de la responsabilité contractuelle est d’ordre public et que le juge doit donc la soulever d’office dans le cas où la réception des travaux a été prononcée et qu’aucune des parties ne la relève (CE, 31 mars 1989, Commune de Chesnay, Rec. CE, p. 796).

  • La responsabilité contractuelle

C’est une responsabilité qui ne peut, en principe, être engagée qu’avant la réception, mais qui peut, par exception, l’être après la réception.

Avant la réception :

C’est une responsabilité de droit commun très classique, pour faute, qui sanctionne, en droit public comme en droit privé, la méconnaissance des obligations nées du contrat.

C’est une responsabilité pour faute qui couvre tous les désordres quelle que soit leur importance.

Ce peut être une responsabilité du maître d’ouvrage pour le préjudice qu’il a occasionné du fait de brusques revirements ou de retards à remettre les plans ou les renseignements nécessaires.

Mais c’est surtout une responsabilité des constructeurs.

C’est une responsabilité contractuelle, elle ne peut donc être engagée que pour autant qu’elle peut être rattachée à un contrat, d’où l’intérêt de savoir à quel moment cessent les relations contractuelles entre le maître d’ouvrage et l’entrepreneur dans un marché de travaux publics : ce moment est, en principe, la réception des travaux.

La responsabilité contractuelle est donc susceptible d’être recherchée lorsque le dommage invoqué par le maître d’ouvrage s’est produit avant la réception. Après la réception :

La réception marque la fin des rapports contractuels. Elle exclut donc que le maître d’ouvrage puisse rechercher la responsabilité contractuelle des constructeurs pour des dommages qui affecteraient l’ouvrage ou, lorsqu’il est mis en cause par des tiers ou des usagers victimes de l’exécution ou des résultats des travaux.

Dans certains cas cependant, la responsabilité contractuelle peut également être engagée postérieurement à la réception :

- Lorsque la réception a été assortie de réserves ;

- Lorsque la responsabilité du constructeur est trentenaire pour fraude - c’est-à-dire lorsqu’il y a eu de sa part intention avérée de dissimuler un vice de construction ou de conception - ou pour dol – c’est-à-dire violation des obligations contractuelles élémentaires (art. 2262 du Code civil ; CE, Sect., 24 mai 1974, Sté Paul Millet, Rec. CE, p. 310, concl. Vught ; RD publ. 1975, p. 478, note M. Waline ; JCP G 1975, II, 17907, note G. Liet-Veaux ; v. CAA Nancy, 15 novembre 2004, Commune Valleroy, Contrats marchés publ. mars 2005, n° 75, note J-P. Piétri). Le Conseil d’État a eu l’occasion de préciser que cette responsabilité ne joue qu’en cas de faute d’une extrême gravité révélant soit une manœuvre frauduleuse, soit une faute intentionnelle du constructeur (CE, 3 avril 1991, SMAC-Aciroid, Rec. CE, p. 118).

- Lorsque la responsabilité est celle de l’architecte ou du maître d’œuvre pour manquement à son devoir de conseil lors de la réception (CE, 7 mars 1980, Monge, Rec. CE, p. 794). Le maître d’œuvre ne pourra pas appeler en garantie les autres constructeurs puisque les désordres, nécessairement apparents au moment de la réception, font obstacle à l’engagement de leur responsabilité contractuelle de même qu’à celle de leur responsabilité décennale CAA Nancy, 15 novembre 2004, Commune Valleroy, Contrats marchés publ. mars 2005, n° 75, note J-P. Piétri : le cour retient la responsabilité contractuelle de l’architecte pour les désordres ayant affecté le bardage extérieur de l’ouvrage dont elle relève que la dilatation est due à la fois à une mauvaise utilisation du procédé de pose et au choix par l’architecte d’une couleur qui a contribué à aggraver le désordre. Il lui est reproché de n’avoir pas signalé ce qui était décelable lors des opérations de réception et de ne pas avoir conseillé au maître de l’ouvrage d’assortir la réception de réserves).

    • Les responsabilités post-contractuelles

Elles ont une caractéristique commune : elles ne peuvent être recherchées qu’après la réception des travaux (laquelle met fin aux relations contractuelles).

Ces responsabilités sont diverses. Elles se présentent :

- pour l’une comme une responsabilité contractuelle spécifique prolongée au-delà de la réception des travaux : c’est la garantie de parfait achèvement.

- pour les autres comme des garanties : ce sont la garantie décennale et la garantie de bon fonctionnement des éléments d’équipement.

Ces systèmes de garantie post-contractuelles visent évidemment à protéger le maître d’ouvrage contre les vices de conception ou de construction non décelés au moment de la réception et qui sont susceptibles de compromettre la solidité de l’ouvrage ou de mettre en danger la sécurité des personnes. Ces considérations, valables pour un ouvrage privé, le sont davantage encore pour un ouvrage affecté au public ou au service public. À cet égard, il ne faut pas oublier que le maître d’ouvrage est tenu à l’égard des tiers des préjudices qui leur seraient causés de ce chef.

La garantie de parfait achèvement

C’est une garantie qui suit immédiatement la réception. Elle est néanmoins une responsabilité contractuelle.

La loi du 4 janvier 1978 a fixé sa durée à un an, mais le Conseil d’État a considéré que cette disposition n’était pas d’ordre public et que, par conséquent, sa durée pouvait être ramenée à 6 mois (CE, Sect. 28 février 1986, Entreprise Blondet, Rec. CE, p. 55 ; RFD adm. 1986, p. 604, concl. R. Denoix de Saint Marc ; RD publ. 1986, p. 1153, note Auby ; D. 1986, IR, 427, obs. Ph. Terneyre).

Aux termes de l’article 1792-6 du Code civil, la garantie de parfait achèvement « s’étend à la réparation de tous les désordres signalés par le maître d’ouvrage soit au moyen de réserves mentionnées au procès-verbal de réception, soit par voie de notification écrite pour ceux révélés postérieurement à la réception ».

Il en résulte que la plupart des malfaçons constatées dans les réserves du procès-verbal de réception seront réparées dans le cadre de la garantie de parfait achèvement.

Mais la responsabilité contractuelle de parfait achèvement et la responsabilité contractuelle attachée à la levée des réserves ne se recoupent pas totalement :

- Parce que la réception couvre toutes les malfaçons apparentes et qui sont donc acceptées comme telles par le maître d’ouvrage s’il n’a pas formulé de réserves les concernant. Par conséquent, le maître d’ouvrage ne sera pas habilité à les invoquer au titre de la garantie de parfait achèvement.

- Parce que pour les réserves qui n’auront pas été levées dans le délai de la garantie de parfait achèvement, c’est la responsabilité contractuelle qui se poursuit.

La garantie de parfait achèvement concerne donc principalement les désordres nouveaux qui n’étaient pas apparents lors de la réception.

La garantie décennale

C’est la plus importante en pratique : celle qui peut être engagée après que les relations contractuelles ont pris fin.

Ses caractères généraux sont les suivants :

- C’est une responsabilité à la fois contractuelle dans la mesure où elle n’existe qu’entre parties contractantes (à l’exclusion des sous-traitants par exemple) et légale, son régime étant inspiré, sinon défini par le Code civil.

- C’est une responsabilité sans faute (CE, Ass., 2 février 1973, Trannoy, précit. : La responsabilité décennale d’un constructeur ne suppose pas la preuve de sa faute. Elle ne cède que devant la force majeure ou l’immixtion du maître d’ouvrage.

Elle se trouve engagée pour le tout dès lors que les malfaçons sont imputables au moins pour partie à ce constructeur.

Ce n’est que dans le cas où le constructeur n’y a pas du tout participé qu’il est mis hors de cause (CE, Sect. ; 30 janvier 1981, SARL Gallego et Cie, AJDA 1981, p. 435, concl. M. D. Hagelsteen).

Ce n’est pas une responsabilité d’ordre public : elle existe donc de plein droit dans le silence du contrat. Mais elle peut également être aménagée à leur guise par les parties contractantes : transfert des responsabilités, allongement ou réduction du délai…

Le moyen tiré de la garantie décennale n’est pas d’ordre public.

Quant au problème de savoir si la responsabilité décennale peut être totalement écartée, il est discuté : TC, 2 mai 1988, Caisse d’Assurance mutuelle du bâtiment, Rec., Tables, p. 898 : La renonciation du maître d’ouvrage à la responsabilité décennale dans un contrat entre une société coopérative de la Meuse et le service du génie rural doit être réputée non écrite et n’est pas exorbitante. C’est donc un contrat de droit privé. Solution rendue sur la base de la rédaction ancienne des articles 1792 et 2270 du code civil.

Les conditions de sa mise en œuvre sont les suivantes :

Elle s’applique aux ouvrages et aux éléments d’équipements.

Elle s’applique aux vices qui affectent la solidité de l’ouvrage ou sa destination.

Elle ne concerne que les vices cachés.

Elle ne couvre pas les vices apparents lors de la réception, sauf s’ils ne s’étaient pas manifestés dans toute leur gravité. Mais il a été jugé que des vices apparus au cours de la garantie de parfait achèvement engagent la responsabilité décennale (CE, Sect. 9 juin 1989, SIVOM de la région havraise c/ Jalicon, RFDA 1991, p. 611, concl. Faugere).

Elle s’applique dans un délai de 10 ans. Son point de départ est fixé, dans le silence du contrat, à la réception ou à la prise de possession des ouvrages achevés si celle-ci est antérieure. Si le contrat se prononce sur ce point, ses clauses sont impératives.

Ce n’est pas un délai franc : s’il commence à courir un 22 mars, il s’achève un 22 mars. Pas de prorogation s’il arrive à expiration un jour non ouvrable.

Il devient trentenaire en cas de fraude ou dol mais il s’agit alors d’une responsabilité contractuelle couvrant tous les désordres.

Ce délai n’est interrompu que par une action au fond, à l’exclusion d’une demande d’expertise.

La garantie de bon fonctionnement des éléments dissociables

Elle couvre les menus ouvrages avec cette particularité que les dommages affectant les ouvrages peuvent donner lieu à responsabilité décennale par la suite.

Section 3La concession de travaux publics

La concession de travaux publics est un mode important de réalisation des travaux publics.

C’est, en effet, par son moyen qu’ont été ou sont réalisés un grand nombre sinon la plupart des grands équipements nationaux ou locaux : infrastructures routières, autoroutières ou ferrées ; parking…

§1er : Définition de la concession de travaux publics

Il existe actuellement deux définitions de la concession l’une interne, l’autre communautaire.

A - La définition interne de la concession de travaux Publics

La concession de travaux publics peut se définir comme un contrat par lequel l’administration confie à un tiers (personne publique ou privée), la réalisation de travaux publics à charge pour lui de se rémunérer par leur exploitation.

La concession se caractérise donc par deux traits : son objet et le mode de rémunération du cocontractant.

a) L’objet du contrat

Il consiste en la réalisation de travaux publics. On y est ici renvoyé à la notion de travaux publics.

Cette affirmation appelle toutefois une précision concernant la distinction entre les concessions de travaux publics et les concessions de service public.

Les deux notions restent distinctes puisqu’il existe des concessions de travaux publics sans élément de service public.

Mais la majeure partie des concessions de travaux publics sont à la fois des concessions de travaux et de service public en ce sens que la concession de travaux se prolonge par une concession de service ; on parle alors de convention mixte (1)

1) Exemples : Concession de chemins de fer jusqu’à la transformation de la SNCF en établissement public en décembre 1982 ; Concession de distribution publique d’eau potable ; Concession de distribution de gaz et d’électricité ; Construction et exploitation d’autoroutes, de parcs de stationnement, de réseaux câblés (CE, Avis du 25 juillet 1995, RFD adm. 1996, p. 980, note TRUCHET) lorsqu’ils sont réalisés pour le compte de collectivités publiques ; Concession de forces hydrauliques (CE, Avis du 28 septembre 1995). À quoi on peut ajouter certaines concessions régies par des textes particuliers, comme la concession du Tunnel sous la Manche attribuée en vertu du Traité de Cantorbéry du 12 janvier 1986, celle du Stade de France prévue par la loi du 31 décembre 1993.

Ainsi le contrat par lequel une commune confie à une société l’installation et l’exploitation d’un remonte pente entre deux villages constitue, par son objet même, une concession de travaux publics prolongée par une concession de service public. Le Conseil d’État l’analyse cependant comme une concession de travaux (CE, Sect. 23 janvier 1959, Commune d’Huez, AJDA 1959, II, p. 65 ; v. aussi concl. H. Savoie sur CE, Ass. 6 février 1998, Tête, Rec. CE, p. 32). À l’inverse, le Conseil d’État peut regrouper les deux aspects de la convention sous la dénomination globale de concession de service public (CE, 24 janvier 1973, Spiteri et Krehl, AJDA 1973, p. 496, note J. Dufau).

b) Mode de rémunération du cocontractant

- C’est l’élément qui traditionnellement permet d’identifier une concession de travaux publics : le concessionnaire se rémunère par une redevance ou une taxe perçue sur les usagers. Ce critère est régulièrement mis en œuvre

- CE, Ass., 6 février 1998, TÊTE, Association de sauvegarde de l’Est lyonnais, RFD adm. 1998, p. 407, concl. H. SAVOIE (solution implicite ;

- TA Paris, 2 novembre 1994, Groupement des sociétés Eiffage et autres, AJDA 1195 p. 147, note BRECHON-MOULÈNES et CAA Paris, 2 juillet 1996, SERFATI, RFD adm. 1996, p. 1113, concl. Ph. COUZINET : à propos de la concession du Grand Stade.

NB : La loi MURCEF du 11 décembre 2001 a repris ce critère pour la définition des délégations de service public : « Une délégation de service public est un contrat par lequel une personne morale de droit public confie la gestion d’un service public dont elle a la responsabilité à un délégataire public ou privé, dont la rémunération est substantiellement liée aux résultats de l’exploitation du service. Le délégataire peut être chargé de construire des ouvrages ou d’acquérir des biens nécessaires au service ».

C’est la mise en œuvre de ce critère qui a conduit le Conseil d’État à dénier la qualité de concession (ici de service public) aux contrats de mobilier urbain (CE, Section de l’Intérieur, avis du 14 octobre 1980, AJDA 1980, p. 193 ; Les Grands avis du CE, n° 15.

- Il reste que les besoins évoluant, les collectivités se sont parfois déchargées de travaux ou d’ouvrages dont l’exploitation est déficitaire. Pour ne pas laisser le concessionnaire seul assumer la charge de telles pertes, elles sont intervenues au moyen de subventions ; clause de substitution en cas de défaillance ; caution de la collectivité…,

Le problème s’est alors posé de savoir si des contrats comportant de telles interventions de la collectivité peuvent être qualifiés de concessions de travaux publics, au regard du critère de la rémunération.

La réponse est positive dans la mesure où le critère du mode de rémunération du cocontractant n’est que la concrétisation de celui du transfert du risque financier de l’exploitation.

Ainsi la perception de redevances emporte la qualification de concession alors même qu’elle ne constituerait pas la seule source de rémunération du cocontractant, dès lors qu’elle présente un caractère substantiel :

- CE, 15 avril 1996, Préfet des Bouches du Rhône, Rec. CE, p. 137 ; RFD adm. 1996, p. 715, concl. C. Chantepy, note Ph. Terneyre ; AJDA 1996, p. 806, chron. D. Chauvaux et T-X. Girardot. N. Symkowicz, « La notion de DSP, critique des fondements de la jurisprudence Préfet des Bouches-du-Rhône », AJDA 1998, p. 195. - CE, 7 avril 1999, Commune de Guillerand-Granges, AJDA 1999, p. 517, concl. C. Bergeal ; RFD adm. 1999, p. 1134, Études J-C. Douence et L. Vidal ; - CE, 30 juin 1999, SMITOM Centre Ouest Seine et Marnais, AJDA 1999, p. 714, concl. C. Bergeal, note J-M. Peyrical ; RFD adm. 1999, Études précitées.

Il pourrait en aller autrement si les interventions de la collectivité étaient telles qu’elles feraient disparaître tout risque à supporter par le cocontractant. Dans ce cas, le contrat est d’une autre nature, sans doute pourrait-il être un marché

- CE, Section de l’Intérieur, Avis du 19 décembre 1995, EDCE 1996, n° 47, p. 430 : « les contrats par lesquels une collectivité locale confie à deux personnes distinctes la réalisation d’un ouvrage d’une part, et l’exploitation de cet ouvrage, d’autre part, moyennant une rémunération perçue sur les usagers de l’ouvrage constituent une concession de travaux publics, d’une part, et de service public, d’autre part. Les aides que la collectivité est susceptible d’apporter à l’un des ses cocontractants pour le prémunir contre la défaillance de l’autre sont sans effet sur cette qualification, sous réserve qu’elles ne rendent pas fictives sa rémunération par l’usager ».

Il faudrait donc véritablement que les garanties accordées par la collectivité fassent disparaître tout risque.

En pratique, des contributions financières, des subventions, des garanties financières mêmes importantes ne modifient pas nécessairement la nature du contrat si elles ne remplissent pas cette condition (voir affaires relatives au Grand Stade et CE, TÊTE).

Enfin, il est constant que la rémunération du cocontractant sous la forme d’un prix exclut la qualification de concession : CE, 26 juillet 1985, RFD adm. 1986, p. 231, concl. DANDELOT.

Bibliographie : F. Llorens, Remarques sur la rémunération du cocontractant comme critère de la délégation de service public, Liber Amicorum Jean Waline, Dalloz 2002, p. 301.

B - Définition communautaire de la concession

La directive 2004/18 définit les concessions de travaux publics comme des contrats présentant les mêmes caractéristiques qu’un marché public de travaux « à l’exception du fait que la contrepartie des travaux consiste soit uniquement dans le droit d’exploiter l’ouvrage, soit dans ce droit assorti d’un prix ».

On retrouve donc à peu de chose près, et sous réserve de la jurisprudence de la Cour de Justice, les mêmes éléments dans la définition communautaire de la concession de travaux publics que dans sa définition interne.

Cette directive avait été transposée par la loi du 3 janvier 1991 (qui avait transposé la directive 89/40).

a) L’objet

Il doit être la réalisation de travaux publics plus précisément, la concession doit avoir pour objet de réaliser, de concevoir et réaliser ou de faire réaliser par quelque moyen que ce soit des travaux ou un ouvrage.

Mais il inclut également l’exploitation de l’ouvrage, voire du service public auquel il sert de support, voire même des éléments d’une autre nature tel un bail emphytéotique : CE, Ass. 10 juin 1994, Commune de Cabourg, Rec. CE, p. 300 ; AJDA 1994, p. 160 chron., RFD adm. 1994, p. 788, concl. S. LASVIGNES : bail emphytéotique administratif portant sur l’aménagement et l’exploitation d’un casino.

b) Mode de rémunération

Il y a tout lieu de penser qu’il est le même qu’en droit interne puisque la rémunération doit consister en l’exploitation de l’ouvrage, mais qu’au terme même de la définition, celle-ci peut, le cas échéant, être assortie d’un prix.

§2 : Le régime de la concession de travaux publics

A - En droit interne Les concessions de travaux publics sont astreintes à une obligation de mise en concurrence dans les conditions prévues par la loi du 29 janvier 1993, dès lors du moins que la concession de travaux publics est assortie d’une concession de service public.

B – En droit communautaire

Le droit communautaire soumet les concessions de travaux publics, qu’elles incluent ou non la gestion d’un service public, à une obligation de mise en concurrence.

Si la concession est une concession de travaux et de service public, ce régime communautaire vient se surajouter à celui de la loi Sapin (Ordonnance TA Paris sur le Grand Stade).

Dans le cas contraire - c’est-à-dire si la concession est uniquement une concession de travaux publics - il s’applique seul.

Ce régime est relativement léger. Il implique une publicité communautaire selon un modèle d’avis précisant les conditions à remplir par les candidats et les critères d’attribution du contrat.

De plus, le droit communautaire impose un délai minimum de 52 jours pour la présentation des candidatures. Pour le reste, le marché est librement négocié.

Ce régime est par ailleurs d’application limitée : Il ne vise que les concessions importantes, c’est-à-dire d’un montant de travaux de moins de 5,9 M. d’euros HT ; il ne s’applique qu’aux conventions conclues en dehors des secteurs spéciaux (eau, énergie, transports et télécommunications).

Conclusion

De la concession de travaux, il faut rapprocher l’affermage, comme mode de réalisation des Travaux Publics. Celui-ci se distingue sans doute de la concession par le fait que le cocontractant n’est pas chargé des travaux de premier établissement, c’est-à-dire de la construction des ouvrages nécessaires au fonctionnement du service, mais il implique souvent la réalisation de travaux par le fermier au cours de l’exécution du contrat. À ce titre, il constitue aussi un mode de réalisation des Travaux Publics.

Pour le reste, les traits communs avec la concession sont le mode de gestion et le mode de rémunération du fermier.

Section 3 Les contrats de partenariat

Sources : Ordonnance n° 2004-559 du 17 juin 2004 ratifiée par la loi n° 2004-1343 du 9 décembre 2004 (JO, 19 juin 2004, p. 10994) ; Décret n° 2004-1145 du 27 octobre 2004 pris en application des articles 3, 4 et 13 de l’ordonnance n° 2004-559 du 17 juin 2004 sur les contrats de partenariat et L. 1414-4 et L. 1414-10 du CGCT (JO, 29 oct. 2004, p. 18260) ; Loi n° 2004-1343 du 9 décembre 2004 de simplification du droit dont l’article 78 ratifie l’ordonnance du 17 juin 2004.

Bibliographie :

- Sur l’ordonnance n° 2004-559 : Comm. E. Delacour, Contrats-Marchés publ. 2004, n° 134 ; - Sur le recours SUEUR contre l’ordonnance : CE, 29 octobre 2004, Sueur et autres, Contrats-Marchés publ., Déc. 2004, n° 249, note G. Eckert ; AJDA 2004, p. 2076 ;

- Sur le décret n° 2004-1145 : Comm. E. Delacour, Contrats-Marchés publ., Déc. 2004, n° 248, p. 18 ; comm. S. Brondel, AJDA 2004, p. 2078 - F. Llorens, Les contrats de partenariat (commentaire de l’ordonnance n° 2004-559 du 17 juin 2004 sur les contrats de partenariat), RJEP/CJEG déc. 2004, n° 615, p. 511 ; La genèse de la législation sur les contrats de partenariats public-privé, Droit adm. 2003, prat. 10 ; N. Symchowicz, Paradoxes sur les contrats de partenariat, Contrats-Marchés publ. déc. 2004, p. 8 ; S. Braconnier, L’apparition des contrats de partenariat dans le champ de la commande publique, JCP G 2004, I, 181.

  • Il faut s’arrêter un instant sur les raisons qui ont conduit une ordonnance n° 2004-559 du 17 juin 2004 (prise sur le fondement de la loi n° 2003-591 du 2 juillet 2003 habilitant le Gouvernement à simplifier le droit) (1) à introduire en droit français les contrats de partenariat, autrement appelés PPP (partenariat public-privé).

1) JO, 3 juillet 2003, p. 11192 ; Contrats Marchés publ. 2003, comme. 143, E. Delacour ; F. Lichère, La simplification du droit des marchés publics, RD publ. 2003, p. 1529 ; A. Tessier, Le droit de la commande publique et les articles 5 et 6 de la loid u 2 juillet 2003 autorisant le Gouvernement à simplifier le droit, BJCP n° 30/2003, p. 354.

Dans la période récente, le législateur a adopté plusieurs lois visant à faciliter et accélérer la réalisation des ouvrages publics nécessaires aux besoins des services publics de la police et de la gendarmerie nationales et de la Justice. À cette fin, ces lois de programmation pour la sécurité intérieure ont créé ce qu’il est convenu des marchés globaux par lesquels l’État est autorisé à passer un marché unique portant à la fois sur la conception, la construction, l’aménagement, l’entretien et la maintenance d’immeubles (1).

1) Dans le domaine de la sécurité intérieure : Loi n° 2002-1094 du 29 août 2002 d'orientation et de programmation pour la sécurité intérieure (LOPSI), JO, 30 août 2002, p. 14398 ; Contrats marchés publ. 2002, commentaire 203, obs. E. Delacour ; BJCP n° 25/2002, p. 498, obs. Ph. Terneyre.

Dans le domaine de la justice : Loi n° 2002-1138 du 9 septembre 2002 d'orientation et de programmation pour la justice (LOPJI), JO 10 septembre 2002, p. 14934 ; Contrats marchés publ. 2002, commentaire 220, obs. E. Delacour ; BJCP n° 25/2002, p. 498, obs. Ph. Terneyre.

Sur les baux à construction : Sur le régime de ces contrats de bail, voir le décret n° 2004-18 du 6 janvier 2004 pris pour l'application de l'article L 34-3-1 du Code du domaine de l'État, JO 8 janvier 2004, p. 689 ; Contrats marchés publ. 2003, commentaire 43, obs. E. Delacour, modifié par le décret n° 2004-732 du 26 juillet 2004, JO 27 juillet 2004, p. 13373 ; Contrats marchés publ. 2004, commentaire 162, obs. E. Delacour et arrêté du 2 février 2004, JO 11 février 2004, p. 2784. Sur la version initiale du décret, voir F. Tenailleau et J.L. Tixier, Le bail à construction de bâtiments dans le domaine de la justice, de la sécurité intérieure et de la défense, Contrats marchés publ. 2004, étude n° 4 ; J.D. Dreyfus, Le financement privé des bâtiments de la justice et de la sécurité, AJDA 2004, p. 328).

Sur les baux emphytéotiques, contrats de crédit-bail et autres conventions de mise à disposition prévus par ces mêmes lois : Sur ces divers contrats, voir outre les références précitées, P. Delvolvé, Sécurité intérieure, justice et contrats publics : confirmations et infléchissements, BJCP n° 25/2002, p. 418 ; Ch. Lavialle, Les conventions de financement des équipements publics pour la sécurité intérieure et la loi du 29 août 2002, Contrats marchés publ. 2002, chron. n° 11 ; P. Lignières et J.Ph. Lévy, Un PFI à la française : Les nouveaux partenariats publics-privés dans la sécurité et la justice, Droit adm. 2002, Pratiques n° 11 ; M.T. Sur-Le-Liboux, Loi d'orientation et de programmation pour la sécurité intérieure : de nouveaux contrats pour de nouveaux financements, ACCP n° 16/2002, p. 62 ; S. Traoré, Programmes immobiliers du Ministère de la justice, AJDI 2004, p. 16.

Sur le bail emphytéotique hospitalier : Ordonnance n° 2003-850 du 4 septembre 2003 portant simplification de l'organisation et du fonctionnement du service de santé ainsi que des procédures de création d'établissements ou de services sociaux ou médico-sociaux soumis à autorisation, JO 6 septembre 2003, p. 15391 ; Contrats marchés publ. 2003, commentaire 167, obs. E. Delacour ; BJCP n° 32/2004, p. 70, obs. Ph. Terneyre ; voir aussi, P. Brémont, Nouveau contrat pour construire et moderniser l'hôpital, BJCP n° 32/2004, p. 2 ; ainsi qu'antérieurement, A. Laguerre, Plan hôpital 2007 : quelle politique immobilière pour les hôpitaux? RD imm. 2003, p. 293.

Une telle disposition constitue une dérogation aux principes de la loi MOP et du CMP qui imposent, sauf exceptions strictement encadrées, la dissociation des missions de maîtrise d’œuvre et de construction pour éviter la domination des grandes entreprises disposant de services intégrés.

Le Conseil Constitutionnel n’a pas vu dans ce dispositif permettant à l’État de recourir à un prestataire proposant une offre globale la violation de principes constitutionnels comme le bon emploi des deniers publics exigé par l’article 14 de la Déclaration des Droits de l’Homme et du Citoyen ou la liberté du commerce et de l’industrie (Cons. const., 22 août 2002, n° 2002-460 DC : JO, 30 août 2002, p. 14411 ; Petites Affiches, 11 sept. 2002, n° 182, p. 12, note J.-E. Schoettl ; AJDA 2002, p. 1059, note J-Y. Chérot et J. Trémeau ; Contrats-Marchés publ. 2002, comm. 223, obs. P. Soler-Couteaux ; v. aussi, G. Eckert, Contrats de partenariat et droit constitutionnel, Contrats marchés publ. 2005, n° 4.).

  • Procédant de la même inspiration que ces marchés globaux, l’article 6 de la loi n° 2003-591 du 2 juillet 2003 habilitant le Gouvernement à simplifier le droit, a autorisé le pouvoir exécutif à créer, par ordonnance, « de nouvelles formes de contrats conclus par des personnes publiques ou des personnes privées chargées d’une mission de service public pour la conception, la réalisation, la transformation, l’exploitation et le financement d’équipements publics ou la gestion et le financement de services, ou une combinaison de ces différentes missions ».

Là encore, le Conseil constitutionnel a admis la constitutionnalité du recours à de tels contrats globaux en l’assortissant de réserves d’interprétation en considérant que la généralisation des « dérogations au droit commun de la commande publique ou de la domanialité publique » que traduisent de tels contrats « serait susceptible de priver de garanties légales les exigences constitutionnelles inhérentes à l’égalité de la commande publique, à la protection des propriétés publiques et au bon usage des propriétés publiques » (cons. 18).

Il a donc défini étroitement les cas de recours à ces nouveaux contrats en les réservant « à des motifs d’intérêt général tels que l’urgence qui s’attache, en raison de circonstances particulières ou locales, à rattraper un retard préjudiciable, ou bien la nécessité de ternir compte des caractéristiques techniques, fonctionnelles ou économiques d’un équipement ou d’un service déterminé » (cons. 18) (Cons. cont., 26 juin 2003, n° 2000-473 DC).

  • Sur ce fondement, l’ordonnance du 17 juin 2004 fixe le régime des contrats de partenariat par lesquels une personne publique confie à un tiers

"une mission globale relative au financement d'investissements immatériels, d'ouvrages ou d'équipements nécessaires au service public, à la construction ou transformation des ouvrages ou équipements, ainsi qu'à leur entretien, leur maintenance, leur exploitation ou leur gestion et, le cas échéant, à d'autres prestations de services concourant à l'exercice, par la personne publique, de la mission de service public dont elle est chargée".

Comme leurs principaux prédécesseurs, les contrats de partenariat ont en effet pour ambition de répondre aux nécessités immédiates de l'action administrative. Comme eux, ce sont des contrats à objet composite (ou si l'on préfère des contrats complexes), portant sur des missions étendues et dotés d'un régime dérogatoire.

Comme eux enfin, ils sont les produits de ce triple mouvement d'internationalisation des instruments juridiques (J.B. Auby, L'internationalisation du droit des contrats publics, Droit administratif 2003, chron. n° 1), de globalisation des formules contractuelles J.B. Auby, Globalisation et droit public, Mélanges Jean Waline, Dalloz 2002, p. 135 ; F. Llorens et P. Soler-Couteaux, La globalisation à l'œuvre, Contrats marchés publ. 2004, Repères n° 7) et d'externalisation des tâches administratives J.D. Dreyfus, L'externalisation, éléments de droit public, AJDA 2002, p. 1214) qui caractérise notre époque. Par l'étendue de leur objet et la généralité de leur champ d'application, ils en constituent même l'expression la plus achevée, une sorte de couronnement en quelque sorte.

1) Ordonnance n° 2004-559 du 17 juin 2004 sur les contrats de partenariat, JO 19 juin 2004, p. 10994 ; Contrats marchés publ. 2004, comm. 134, obs. E. Delacour. Voir à son sujet : F. Scanvic, Les nouveaux contrats de partenariat public-privé, La Gazette, 5 juillet 2004, p. 50 ; B. Martor et S. Thouvenot, Le contrat de partenariat : la nouvelle alternative aux modes traditionnels d'achat public, JCP Editions administration et collectivité locale, 2004, n° 1442 ; S. Braconnier, ordonnance n° 2004-559 du 17 juin 2004 sur les contrats de partenariat, JCP éditions G 2004, n° 329 ; M. Lequien et M. Lordonnois, Contrats de partenariat : quelles procédures de passation pour les contrats publics complexes, Mon. TP, 2 juillet 2004, p. 74.

Cela étant, le partenariat public-privé est depuis longtemps pratiqué sous des formes multiples dans les pays anglo-saxons (X. Bezançon, Le Private Finance Initiative au Royaume Uni, ACCP n° 3/2001, p. 48 ; L. Richer, Contrats et "Best value for money", ACCP n° 2/2001, p. 64 ; P. Cossalter et B. du Marais, La Private Finance Initiative, Institut de la gestion déléguée, mars 2001 ; S. Braconnier, Les contrats de PFI, BJCP n° 22/2002, p. 174 ; P. Lignières, La genèse de la législation sur les contrats de partenariat public-privé, Droit administratif 2003, Pratiques n° 10 - Sur le BOT, voir aussi les entretiens reproduits in RCDSP 2001, n° 12, p. 7 et s.).

Il n'a cessé de se propager en Europe (X. Bezançon, Un véritable renouveau du droit des partenariats en Europe, Mon. TP, 6 décembre 2002, p. 92 ; Les propositions privées de concession : l'exemple italien, ACCP n° 11/2002, p. 53 ; H. Vérité, Le développement des partenariats publics-privés en Europe, Mon. TP, 7 février 2003, p. 82 ; J. Jamet, L'exemple de la réforme des concessions en Espagne, Mon. TP, 25 juillet 2003, p. 50) au cours de la période récente et sa consécration en droit interne était réclamée à cor et à cri depuis des années (Parmi les travaux les plus marquants en ce sens, voir Institut de la gestion déléguée, Pour une initiative française des partenariats publics-privés, 19 septembre 2002 ; Partenariats publics-privés et collectivités territoriales, Séminaire de la Caisse des Dépôts et Consignations, 13 décembre 2001, Documentation française 2002 ; Développement des territoires : quels nouveaux outils financiers pour les PPP ? Séminaire de la Caisse des Dépôts et Consignations, 25 septembre 2002, Documentation française 2003 ; voir aussi sur ce thème : P. Lignières, PPP : une opportunité à ne pas manquer, LJA 23 septembre 2002, n° 613 ; F. Llorens et P. Soler-Couteaux, L'irrésistible ascension du partenariat public-privé, Contrats marchés publ. 2002, Repères n° 10).

  • Il reste à s’interroger sur l’intérêt des PPP. Les personnes publiques ne disposent pas toujours (et disposent même de moins en moins) des fonds nécessaires pour mener à bien les opérations les plus lourdes qui leur incombent (construction, transformation ou maintenance d'ouvrages ; investissements immatériels importants…). En raison de contraintes diverses (nécessaire respect du pacte communautaire de stabilité pour l'État ; pression fiscale déjà élevée ; capacité d'emprunt réduite), le seul moyen pour ces personnes de ne pas différer la réalisation de leurs projets est de les faire financer par des investisseurs privés.

Certaines formules contractuelles classiques, telle notamment la concession de travaux et/ou de service public le leur permettent. Mais elles ne sont pas adaptées à toutes les situations : elles supposent, en effet, que le cocontractant se voie confier la réalisation d’un ouvrage ou la gestion d'un service et que sa rémunération soit substantiellement liée aux résultats de leur exploitation. Or, ces conditions ne sont pas réunies lorsque l'opération ne porte ou ne peut porter que sur la construction, la transformation ou la maintenance d'un ouvrage, à l'exclusion de son exploitation ou de celle du service auquel il est affecté.

Faute de pouvoir recourir à la concession, les collectivités se tournent alors naturellement vers l'autre grande catégorie de contrats publics que constituent les marchés. Mais c'est pour se heurter à de nouvelles difficultés, plus rédhibitoires encore que les précédentes. En maintenant l'interdiction du paiement différé, les deux dernières versions du Code des marchés publics ont en effet condamné la formule du METP qui permettait aux collectivités de faire préfinancer par leurs cocontractants les prestations dont elles ont besoin.

À cela s'ajoute la préoccupation croissante de ces mêmes collectivités de traiter avec un opérateur unique plutôt qu'avec une pluralité d'entreprises, préoccupation d'autant plus forte que le projet à réaliser est complexe. Or, si la concession permet de répondre à leur attente, il n'en va pas de même des marchés publics en raison des restrictions apportées par la loi MOP à la réunion des missions de conception et de réalisation entre les mains d'un même cocontractant.

C'est pour sortir de l'impasse à laquelle conduisaient ces difficultés que l'ordonnance précitée ouvre précisément une troisième voie sous la forme du partenariat public-privé.

Mais comme pour toute acclimatation, l’ordonnance manifeste une prudence qui se vérifie aussi bien dans l'encadrement très strict dont fait l'objet le recours au contrat de partenariat (§1er) que dans son régime, sa passation étant notamment directement emprunté au droit des marchés publics (§2).

§1er : Le recours au contrat de partenariat

Le champ d'application que l'ordonnance assigne au PPP est étendu (A), mais les conditions qu'elle pose à son utilisation apparaissent de prime abord très strictes (B).

On peut à cet égard se demander si elles ne constitueront pas un frein puissant à son développement.

A.- LE CHAMP D'APPLICATION DU CONTRAT DE PARTENARIAT

Le champ d'application du contrat de partenariat est plutôt vaste.

Il l'est - sur le plan organique en raison de l'identité des personnes qui peuvent y être parties (1) - comme sur le plan matériel, eu égard à la définition qui est donnée de son objet (2).

Il n'en comporte pas moins des limites dont certaines tiennent paradoxalement à l'étendue des missions que le cocontractant peut ou doit se voir confier.

1) Les parties au contrat de partenariat

En vertu de l'ordonnance, le contrat de partenariat est conclu par une personne publique (a) avec un tiers (b).

L'un et l'autre de ces termes méritent d'être précisés.

a) La personne publique contractante

Le recours au contrat de partenariat est réservé aux seules personnes publiques, à l’exclusion des personnes privées investies d’une mission de service public.

Il est ouvert aussi bien à l'État et ses établissements publics (ord., art. 1er); qu'aux collectivités territoriales et leurs établissements publics (ord., art. 14 créant les articles L. 1414-1 et s. du CGCT) ; aux établissements publics de santé et aux structures de coopération sanitaire dotés de la personnalité morale publique (ord. art. 19) et aux groupements d'intérêt public (ord., art. 25) (1).

1) On observera que les EPIC de l'État comme les G.I.P. sont soumis à l'ordonnance sur le partenariat alors qu'ils ne le sont pas au Code des marchés publics (Voir à propos des premiers, l'article 2 du Code et à propos des seconds : TC, 14 février 2000, GIP Habitat et interventions sociales pour les mal-logés, AJDA 2000, p. 410, chron. M. Guyomar et P. Colin)

En revanche, les personnes privées chargées d'une mission de service public ne sont pas incluses dans le champ d'application de l'ordonnance.

NB : Contrairement à ce qui était autorisé par la loi d'habilitation. Mais ce parti peut s'expliquer par le fait que les personnes privées ne sont pas soumises en principe au Code des marchés publics et ne possèdent pas de domaine public (S. Braconnier, article précité). Il n'en reste pas moins que celles d'entre elles qui ont le statut d'"organismes de droit public" relèvent du droit communautaire des marchés publics ; qu'en droit national, les SEM sont tenues, pour la passation de leurs marchés, au respect du régime issu de la loi Sapin et de son décret d'application (Article 48-I de la loi n° 93-122 du 29 janvier 1993 relative à la prévention de la corruption et décret n° 93-584 du 26 mars 1993) et que certaines d'entre elles entrent dans le champ d'application de la loi MOP à laquelle l'ordonnance a entendu déroger (Article 1er visant les SEM et réalisant des logements à usage locatif aidés par l'État).

b) Le titulaire du contrat

L’ordonnance désigne le cocontractant comme un tiers, sans autre précision.

Il pourra donc être aussi bien une personne privée qu'une personne publique. Mais en pratique, on peut penser que le cocontractant sera dans la majorité des cas une personne de droit privé puisque le contrat de partenariat vise précisément à suppléer l'incapacité des personnes publiques à mobiliser les financements nécessaires à la réalisation de leurs ouvrages ou équipements.

L'ordonnance prévoit que le partenaire pourra être soit une personne morale, soit un groupement (ord., art. 4 et L. 1414-1 du CGCT). Elle ne va pas plus loin dans la précision et n'indique pas, en particulier, quelle sera, au sein du dispositif, la place de l'organisme chargé de financer le projet. Elle laisse donc aux parties le soin de définir dans son détail l'architecture du montage qui permettra de réaliser l'opération. Il y a là une manifestation de la liberté contractuelle que les auteurs de l'ordonnance ont voulue en partie préserver et dont celle-ci offre d’ailleurs d'autres exemples.

2) L'objet du contrat de partenariat

La détermination de l'objet du contrat de partenariat passe par l'examen de deux questions : Pour la réalisation de quels types de projets peut-il être utilisé ? Quelles tâches permet-il de confier au cocontractant ?

L'examen de ces questions conduit à constater que les auteurs de l'ordonnance ont entendu assigner au contrat un champ d'application particulièrement étendu et permettre d'investir son titulaire d'une mission globale (a), d'une ampleur considérable (b), dont on peut se demander si elle constituera un attrait supplémentaire de la formule ou au contraire un frein à son développement.

a) Les projets concernés par la mission de partenariat

Aux termes de l'ordonnance, la mission de partenariat a vocation à porter sur des ouvrages ou des équipements nécessaires au service public.

L’ordonnance ne précise pas la nature des ouvrages ou des équipements concernés. On est donc en droit de les entendre de manière large et de considérer que les premiers peuvent être aussi bien de bâtiment que de génie civil, tandis que les seconds peuvent revêtir les caractères les plus divers (sportif, culturel, social, industriel…).

Les équipements concernés doivent-ils nécessairement posséder un caractère immobilier (par nature ou par destination) ? Certains auteurs ne le pensent pas, estimant que le contrat de partenariat pourrait être utilisé pour la constitution et/ou la gestion du patrimoine mobilier des collectivités publiques (flotte de véhicules, aéronefs…). Mais quelle que soit la réponse à cette question, il est indéniable qu'il a été surtout conçu pour la réalisation d'investissements immobiliers.

b) Le contenu de la mission de partenariat

Les auteurs de l'ordonnance ont entendu qu'elle soit la plus large et la plus complète possible.

Cette mission forme une chaîne continue allant du financement de l'opération (qui porte aussi bien sur les ouvrages et les équipements eux-mêmes que sur des investissements immatériels, c'est-à-dire sur les études préalables nécessaires mais également sur d’autres investissements immatériels, tels, par exemple, ceux nécessaires à des actions de formation qui concourraient à la bonne exécution du service dont la la personne publique a la charge) jusqu'à l'exploitation ou la gestion desdits ouvrages et équipements, en passant par leur construction ou leur transformation, leur entretien et leur maintenance.

À quoi s'ajoutent la fonction de maîtrise d'ouvrage qui se trouve transférée de plein droit au cocontractant ; la conception des ouvrages qui peut lui être confiée en tout ou en partie et, le cas échéant, d'autres prestations de service concourant à l'exercice, par la personne publique, de la mission de service public dont elle est chargée.

Les contrats de partenariat constituent donc bien une sorte d'aboutissement du mouvement de globalisation qui anime la pratique depuis plusieurs années et auxquelles les législations récentes ont commencé à donner forme. Dans le détail, la délimitation de la mission de partenariat appelle quelques observations.

1ère observation : La conception des ouvrages

L'étendue de la mission de partenariat procède en partie de dérogations au"droit commun de la commande publique".

Au premier rang d'entre elles, vient la possibilité de confier au cocontractant tout à la fois la conception et la réalisation des ouvrages dont la loi MOP impose en principe la dissociation (1).

1) Article 18-I qui subordonne l'attribution d'une mission portant à la fois sur l'établissement des études et l'exécution des travaux à la condition que des motifs d'ordre technique rendent nécessaire l'association de l'entrepreneur aux études de l'ouvrage. Pour une explicitation de ces motifs, voir l'article 37, alinéa 2 du Code des marchés publics.

Sans doute, ne s'agit-il pas là d'une innovation. Les législations sectorielles récentes comportent déjà semblables dérogations. Et le Conseil constitutionnel lui-même considère qu'aucune règle, ni aucun principe de valeur constitutionnelle, n'y fait obstacle (1).

1) Conseil constitutionnel, 22 août 2002, loi d'orientation et de programmation pour la sécurité intérieure, décision n° 2002-460 DC, Les petites affiches, 11 septembre 2002, n° 182, p. 12, note J.E. Schoettl ; Contrats marchés publ. 2002, n° 223, note P. Soler-Couteaux ; AJDA 2002, p. 1059, note J.Y. Chérot et J. Trémeau ; D 2003, SC, p. 1125, obs. D. Ribes ; Conseil constitutionnel, 29 août 2002, loi d'orientation et de programmation pour la justice, décision n° 2002-461 DC, Les petites affiches, 5 septembre 2002, n° 178, p. 4, note J.E. Schoettl.


On sait cependant à quelles résistances se heurte ce type de dérogations de la part des professionnels de la maîtrise d'œuvre, au nom de la qualité des constructions publiques et de leurs intérêts économiques bien compris (1). Ce sont sans doute ces résistances qui ont conduit le Gouvernement à conserver à la conception-réalisation son caractère d'exception dans le cadre de l'ordonnance réformant la loi MOP (2) comme ce sont elles qui avaient auparavant incité le législateur à introduire dans la loi d'habilitation une disposition imposant au Gouvernement de réserver un accès d'équitable aux architectes et aux concepteurs (Sur ce point, voir infra).

1) Voir, par exemple, Rép. min. n° 5493 et 19411, Contrats marchés publ. 2003, n° 184 ; Rép. min. n° 17586 et 14671, JOAN (Q), 13 janvier 2004, p. 319 ; Contrats marchés publ. 2004, commentaire 57 ; Rép. min. n° 12646, JOAN (Q), 29 septembre 2003, p. 7488 ; Contrats marchés publ. 2003, commentaire 216. 2) Ordonnance n° 2004-566 du 17 juin 2004, JO 19 juin 2004, p. 11020 ; Contrats marchés publ. 2004, commentaire 133, obs. E. Delacour ; Contrats marchés publ. août-septembre 2004, Repères n° 4, par F. Llorens et P. Soler-Couteaux.

L'ordonnance sur les contrats de partenariat s'efforce de réaliser un équilibre entre le souci de favoriser le recours à la conception-réalisation et celui de préserver les intérêts publics ou privés qui risqueraient de s'en trouver menacés. D'un côté, elle autorise la libre utilisation du procédé de la conception-réalisation (1). Mais, d'un autre côté, elle impose que dans l'hypothèse où le contrat de partenariat inclurait une mission de conception : d'une part, le cocontractant soit tenu d'identifier l'équipe de maîtrise d'œuvre qui en est chargée ; d'autre part, les offres comportent un projet architectural et soient jugées, entre autres, au regard de la qualité globale des ouvrages (2).

1) L'ordonnance ne reprend pas, en effet, les conditions énoncées par la loi MOP et le Code des marchés publics. 2) Articles 12 de l'ordonnance et L 1414-13 du CGCT

2ème observation : Le transfert de la maîtrise d'ouvrage

L'ordonnance dispose que "le cocontractant de la personne publique assure la maîtrise d'ouvrage des travaux à réaliser".

Elle prévoit donc un exercice plein et entier de la fonction de maître de l'ouvrage par le titulaire du contrat.

  • On peut s’interroger sur l’utilité d’une telle formule, cela revient à se poser la question de savoir pourquoi l’ordonnance le dit expressément.

En effet, le seul fait pour le cocontractant de la personne publique d'être titulaire d'un contrat de partenariat est de nature à suffire à lui conférer, dans la plupart de cas, la qualité de maître d’ouvrage.

On sait d’abord que selon la loi MOP, le maître de l'ouvrage est la personne morale pour laquelle l'ouvrage est construit (Art. 2 de la loi MOP), c'est-à-dire celle qui est destinée à en devenir propriétaire à son achèvement (1), ce qui n’est pas le cas dans le cadre du PPP.

1) Voir à ce sujet, E. Fatôme et Ph. Terneyre, Le financement privé de la construction d'ouvrages publics en particulier sur le domaine public, commentaire de l'avis du CE n° 356960 du 31 janvier 1995, AJDA 1997, p. 126.

En second lieu, même si l'ordonnance ne se prononce pas sur la propriété des ouvrages réalisés dans le cadre du contrat de partenariat (1), elle n'exclut pas que cette propriété appartienne au cocontractant, au moins pendant la durée du contrat (2), ce qui rendait inutile la précision ici en cause.

1) Contrairement à la loi de programmation pour la sécurité intérieure (bail à construction dit bail Sarkozy créé par cette loi) : Outre qu'elle reconnaît au titulaire du bail des droits réels sur les constructions qu'il édifie sur le domaine public de l'État, elle prévoit, en effet, une option d'achat au profit de la personne publique, ce qui implique nécessairement que celle-ci n'a pas la qualité de propriétaire (voir article L 34-3-1 du Code du domaine de l'État). 2) Bien au contraire, plusieurs de ses dispositions attestent qu'il peut en être ainsi, et notamment celles qui font obligation aux parties contractantes de prévoir les conditions dans lesquelles les ouvrages ou équipements sont mis à la disposition de la personne publique (Articles 11, c) de l'ordonnance et L 1414-12, c) du CGCT)ou -de manière plus nette encore- celles qui lui imposent de régler les conséquence de la fin du contrat sur la propriété des ouvrages (Articles 11, k) de l'ordonnance et L 1414-12, k) du CGCT). Par ailleurs, il existe plusieurs hypothèses dans lesquelles il n'est guère douteux que le cocontractant sera propriétaire, en tout cas, que la personne publique ne le sera pas. Il en ira ainsi, sauf clause contraire -mais dont on ne voit pas très bien l'utilité- si l'opération est réalisée sur un terrain dont le titulaire du contrat est propriétaire (ce que l'ordonnance n'interdit nullement) ou si les ouvrages ou équipements sont financés par recours au crédit-bail, car dans ce cas, leur propriété appartiendra au crédit-bailleur (Voir Philippe Terneyre, Crédit-bail immobilier et collectivités publiques, Dalloz Action Construction, n° 2142 et s.).

La question est néanmoins plus délicate en ce qui concerne les opérations effectuées sur le domaine public de la personne publique contractante ().

1) Voir sur la question, M. Lequien et P. Cuche, Les partenariats publics-privés confrontés au droit de la domanialité publique, Mon. TP, 31 octobre 2003, p. 140 ; E. Fatôme et L. Richer, Le Conseil Constitutionnel et le "droit commun" de la "commande publique" et de la domanialité publique, AJDA 2003, p. 2348 ; P. Cuche, Domanialité publique, service public et partenariats publics-privés, Dr. adm. 2003, chron. n° 16.

L'ordonnance dispose à cet égard que le contrat emporte alors occupation de ce domaine pour sa durée et que son titulaire bénéficie, sauf stipulation contraire, de droits réels sur les ouvrages ou équipements qu'il réalise. Or l'occupant temporaire est en principe propriétaire des constructions qu'il édifie sur le domaine public (1) ou, à tout le moins, qu'il dispose sur elles d'un droit de même nature que celui de même propriété (2).

1) CE, 4 mars 1991, Mme Palanque, Rec. CE, p. 976 ; CE, 27 février 1995, SE à la Mer c/ M. Torre, Rec. CE, p. 109 ; RFD adm. 1996, p. 1227, concl. G. Bachelier. Pour une position plus nuancée, v. cependant, CE, 21 avril 1997, Sté Sagifa, RFD adm. 1997, p. 935, note E. Fatôme et Ph. Terneyre. 2) Y. Gaudemet, Traité de droit administratif, t. 2, Droit administratif des biens, LGDJ 2002, n° 406 et s. p. 204 et s.

On voit ainsi que même pour les ouvrages et équipements réalisés sur le domaine public, la qualité de maître de l'ouvrage, ni celle de propriétaire ne se trouvent exclues a priori.

L'attribution de la maîtrise d'ouvrage au titulaire d’un PPP ne ferait ainsi que confirmer une solution déjà acquise.

Il reste cependant des hypothèses dans lesquelles la disposition revêt une utilité certaine parce que la propriété des ouvrages appartient à la personne publique. Tel sera le cas lorsque le cocontractant se trouvera chargé de la simple transformation d'ouvrages ou d'équipements existants ; lorsque le contrat exclura la constitution de droits réels au profit de ce dernier ou encore lorsqu'une clause contractuelle stipulera la propriété de la personne publique sur les ouvrages ou équipements à réaliser.

Quoiqu'il en soit, et même si elle n'était pas nécessaire dans tous les cas, la disposition de l'ordonnance attribuant la maîtrise d'ouvrage au cocontractant présente le double avantage d'éviter les difficultés liées à l'identification du propriétaire des ouvrages ainsi que du titulaire de la maîtrise d'ouvrage, et d'unifier sur ce point le régime du partenariat.

    • Il reste à savoir dans quel but l'ordonnance attribue la maîtrise d'ouvrage au titulaire du contrat.

On peut en discerner de deux sortes.

Le premier but auquel on pense naturellement est celui qui consiste à soustraire la personne publique à l'application de la loi MOP.

Celle-ci fait -comme on le sait- du maître de l'ouvrage, le responsable principal de la construction. Elle lui confie à ce titre une mission d'intérêt général dont il ne peut se démettre. Elle l'oblige, en conséquence, à assurer personnellement certaines missions dont il ne peut se dessaisir (1). Le transfert de la maîtrise d’ouvrage permet d’éviter les contraintes résultant de cette obligation.

1) et parmi lesquelles figure le soin de s'assurer de la faisabilité et de l'opportunité de l'opération envisagée ; d'en déterminer la localisation ; d'en définir le programme et d'en arrêter l'enveloppe financière prévisionnelle (article 2). On ne voit guère que le contrat de partenariat -et le transfert de la maîtrise d'ouvrage qu'il implique- permette de décharger la personne publique de telles responsabilités. Celles-ci seront, en effet, soit assumées en amont de la conclusion du contrat, soit arrêtées par ce dernier, sous la responsabilité dans les deux cas de la personne publique. En dépit des dispositions de l'ordonnance, une part des missions incombant au maître de l'ouvrage continueront donc de relever de la personne publique, sans pouvoir être transférées au cocontractant. Il en va différemment pour d'autres. La loi MOP réserve, en effet, au maître de l'ouvrage le financement de l'opération, le mandataire auquel il aurait recours se bornant à verser au maître d'œuvre et aux entreprises la rémunération qui leur est due (article 3). Cette disposition de la loi MOP est à l'évidence incompatible avec la finalité même du contrat de partenariat qui est précisément de décharger la personne publique du financement de l'ouvrage et de confier celui-ci (ou plus exactement son préfinancement) au cocontractant.

Mais surtout, le transfert de maîtrise d’ouvrage permet d’échapper à une autre prescription de la loi MOP : celle en vertu de laquelle le maître de l'ouvrage ne peut déléguer certaines attributions que de manière partielle et dans le cadre d'un mandat (article 5 de la loi MOP) - le maître d'ouvrage délégué agissant alors au nom et pour le compte de la personne publique mandante – dont il résulte que les marchés conclus par le mandataire sont soumis au Code des marchés publics (1); qu'ils sont en réalité passés par les organes de la personne publique (2); et que c'est cette dernière qui assume la responsabilité de leur exécution, sur le plan financier notamment (3).

1) Dès lors, à tout le moins que la personne publique, maître de l'ouvrage s'y trouve elle-même soumise. Voir à ce sujet, article 5 de la loi MOP et article 2 du Code des marchés publics. 2) Conseil d'État, 17 février 1993, Société d'équipement de l'Auvergne, Marchés publ. n° 274, juin 1993, p. 17 et n° 280, mars 1994, p. 39, obs. M. Guibal. 3) Voir à ce sujet, F. Llorens, Mandat et Code des marchés publics, Mélanges F. Moderne, Dalloz 2004, p. 557.

L'application de ces dispositions au contrat de partenariat n'était guère concevable. Si la personne publique avait conservé la qualité de maître de l'ouvrage, elle se serait vu, en effet, imposer de mener elle-même les procédures de marché nécessaires à la réalisation de l'opération et d'assumer les conséquences de leur exécution, alors même qu'un autre but du contrat de partenariat est de transférer l'entière responsabilité de l'opération à son titulaire.

Conclusion

On peut penser que ce sont ces difficultés ou inconvénients que l'attribution de la maîtrise d'ouvrage au cocontractant a pour but d'éviter.

Elle aura pour effet de résoudre les contradictions possibles entre le statut de la maîtrise d'ouvrage et celui du partenariat en matière de financement de l'opération ou de recours à la conception-réalisation, par exemple.

Elle aura également pour conséquence que les marchés passés par le cocontractant pour l'exécution de sa mission le seront par ses propres organes et suivant les règles qui lui sont propres, c'est-à-dire, le cas échéant, sans mise en concurrence s'il s'agit d'une personne privée ne relevant pas du droit national ou communautaire des marchés publics.

3ème observation : La gestion ou l'exploitation des ouvrages ou des équipements

L'ordonnance inclut dans la mission de partenariat la gestion ou l'exploitation des ouvrages ou équipements dont le cocontractant assure par ailleurs le financement, la construction ou la transformation, ainsi que l'entretien et/ou la maintenance.

Les termes de gestion et d'exploitation ne livrent pas d'emblée leur signification.

À première analyse, on peut penser que la gestion se distingue de l'exploitation en ce qu'au contraire de cette dernière, elle n'implique pas une mise en valeur du bien en vue d'en retirer un profit économique. Elle désignerait donc une sorte de fonction d'administration des ouvrages et des équipements, proche de l'intendance ou de la logistique.

La notion d'exploitation qui pose la question de savoir si l'exploitation des ouvrages et des équipements est susceptible de recouvrir la gestion même du service public auxquels ils sont affectés.

La réponse est de prime abord négative car le contrat de partenariat n'a pas été conçu comme un mode de gestion du service public, concurrent de la délégation de service public (1).

Le contrat de partenariat ne concerne pas le "cœur" même du service public ; il n'a pas pour vocation de charger le cocontractant de l'exécution même dudit service public, mais simplement de l'associer à celui-ci et de lui confier des prestations de services complémentaires se situant à sa périphérie (2). Au titre des services, l’ordonnance n'inclut, en effet, dans la mission de partenariat, que des prestations facultatives concourant à l'exercice par la personne publique de la mission de service public dont elle est chargée, ce qui implique par déduction que la gestion même du service public demeure de la compétence de cette personne publique et ne puisse être déléguée au cocontractant (3).

1) La loi d'habilitation prévoyait bien que la mission de partenariat pourrait s'étendre à la gestion et au financement de services (La loi d'habilitation du 2 juillet 2003 autorise plus précisément l'institution de nouvelles formes de contrat portant sur "la conception, la réalisation, la transformation, l'exploitation et le financement d'équipements publics, ou la gestion et le financement de services, ou une combinaison de ces différentes missions ») Mais elle n'évoquait pas expressément la gestion du service public. Voir, par exemple, L. Deruy, Les nouveaux contrats de partenariat : état de la réforme, RD imm. 2003, p. 510 ; J.F. Guillemin, La commande publique et le partenariat public-privé, RD imm. 2003, p. 523 ; N. de Saint-Pulgent, Economie générale de l'ordonnance sur les partenariats publics-privés, Les petites affiches, 8 mars 2004, n° 56, p. 11. 2) Les motifs de l'ordonnance publiée sur le site internet du Ministère des finances font état d'une "nouvelle forme d'association de l'entreprise privée aux investissements et à l'exploitation d'équipements ou de services publics" sans se prononcer clairement sur la question. 3) Voir aussi l'article 11, e) de l'ordonnance (ou l'article L 1414-12, e) du CGCT) imposant l'insertion dans le contrat de partenariat de clauses destinées à garantir le respect de l'affectation des ouvrages et équipements "au service public dont la personne publique contractante est chargée".

B - LES CONDITIONS D'UTILISATION DU CONTRAT DE PARTENARIAT

Quelle que soit l’impression que l’on puisse tirer de l'objet du contrat de partenariat, c'est incontestablement dans les conditions qui sont mises à son utilisation qu'il devrait rencontrer ses principales limites.

Elles manifestent en tout cas que l'utilisation de la formule n'est pas libre, comme l'est par exemple le choix d'un mode de gestion du service public ou encore celui entre la DSP et le marché public, mais se trouve au contraire strictement encadrée.

En substance, les conditions du recours au contrat de partenariat sont à la fois de fond et de forme.

Elles résident, d’une part, dans l'existence de motifs de fond limitativement énumérés par l'ordonnance, auxquels vient s'ajouter la démonstration de l'intérêt que présente la formule du partenariat par rapport à d'autres options possibles (1).

Mais elles consistent, d'autre part, dans l'obligation pour la personne publique de procéder à une évaluation préalable du projet retenu ainsi que du montage contractuel envisagé (2).

1) Les motifs de fond justifiant le recours au contrat de partenariat

Les motifs de fond autorisant le recours au contrat de partenariat constituent la limite essentielle à son utilisation. Ils sont de deux sortes :

a) Le contrat de partenariat ne peut, tout d'abord, être conclu que dans certaines hypothèses limitativement énumérées.

Ces conditions étaient imposées pour une large part par la décision du Conseil constitutionnel et les contraintes du droit communautaire.

Le recours au contrat de partenariat n'est autorisé que dans deux hypothèses.

La première est celle des projets dont la complexité est telle que la personne publique n'est pas en mesure de définir seule et à l'avance les moyens techniques pouvant répondre à ses besoins ou d'établir le montage juridique ou financier adapté.

La seconde est celle des projets dont la réalisation présente un caractère d'urgence.

Ces hypothèses, et la limitation rigoureuse qui en résulte, ont une double origine.

La première réside dans la décision du Conseil constitutionnel relative à la loi d'habilitation.

On a dit que dans le cadre d'une réserve d'interprétation, le Conseil a indiqué que les dérogations au droit commun de la commande publique impliquées par les nouvelles formes de contrats devraient être réservées "à des situations répondant à des motifs d'intérêt général telles que l'urgence qui s'attache, en raison de circonstances particulières ou locales, à rattraper un retard préjudiciable, ou bien la nécessité de tenir compte des caractéristiques techniques, fonctionnelles ou économiques d'un équipement ou d'un service déterminé" (Décision du 26 juin 2003).

Mais l'ordonnance se montre à certains égards plus restrictive encore. Alors que le Conseil ne citait l'urgence ou les caractéristiques particulières du projet qu'à titre d'illustration des motifs d'intérêt général pouvant justifier le recours au contrat de partenariat -admettant par là même que d'autres raisons non explicitées pouvaient également le fonder-, l'ordonnance en fait les motifs exclusifs de son utilisation.

Il est vrai que le Gouvernement était sans doute tenu de procéder de la sorte par les contraintes du droit communautaire.

Il existe en effet un fort risque que le contrat de partenariat soit considéré comme un marché public au sens communautaire du terme. Or, la directive "classique" n° 2004/18 n'autorise le recours à la procédure du dialogue compétitif que pour la passation des marchés "particulièrement complexes", c'est-à-dire ceux pour lesquels le pouvoir adjudicateur n'est pas objectivement en mesure de définir les moyens techniques pouvant répondre à ses besoins et à ses objectifs et/ou d'établir le montage juridique et/ou financier du projet (1).

1) Article 1er, point 11, c). Voir sur le sujet, W. Zimmer, La directive 2004/18 relative à la coordination des procédures de marché public : premières réflexions, Contrats et marchés publ. 2004, chron. n° 5.

À partir du moment où les auteurs de l'ordonnance décidaient d'imposer l'utilisation de la procédure du dialogue compétitif, ils se devaient donc, pour respecter le droit communautaire, de soumettre le recours au contrat de partenariat aux mêmes motifs qui justifient l'emploi de cette procédure.

b) L'intérêt du contrat de partenariat par comparaison à d'autres formules

La réalisation des conditions relatives à la nature du projet ou à son caractère d'urgence ne suffit pas à autoriser le recours au contrat de partenariat. Il faut – autre condition de fond – que celui-ci apparaisse justifié par rapport à d'autres options envisagées.

Cette exigence est celle qui, dans son principe au moins, marque de la manière la plus nette l'absence de caractère discrétionnaire du recours au contrat de partenariat. Il reste à en mesurer la portée.

À aucun moment, il n’est fait obligation à la personne publique de démontrer la supériorité du PPP par rapport à d’autres contrats (concession, marché public, bail emphytéotique, convention d’occupation du domaine public).

Il reste cependant que l'on verrait mal l'intérêt d'une analyse comparative si elle n'avait pour finalité de dégager les avantages de la formule du partenariat. Mais, compte tenu des termes de l'ordonnance, il est possible que le juge se contente d'un exposé précis de l'intérêt qu'elle présente sur les différents plans (économique, financier, administratif et juridique) énumérés par l'ordonnance et, corrélativement, des difficultés ou inconvénients que risqueraient d'entraîner, sur ces mêmes plans, les autres options envisagées.

L’ordonnance exige par ailleurs que ces conditions de fond fassent l’objet d’une évaluation transparente.

2) Les conditions de forme du recours au contrat de partenariat : l'évaluation préalable

L'ordonnance impose aux personnes publiques qui souhaitent recourir au contrat de partenariat de procéder à une évaluation préalable (Art. 2 de l'ordonnance et L 1414-2 du CGCT).

L'objet de cette évaluation est d'établir que les motifs de fond autorisant le recours au partenariat se trouvent réunis, autrement dit que l'on se trouve dans l'une des hypothèses où son utilisation est permise, et que celle-ci, de préférence à celle d'autres options possibles, se justifie bien (1).

1) Cette contrainte d'une évaluation préalable n'était imposée ni par le droit communautaire, ni par le Conseil constitutionnel. Elle participe cependant de la volonté de restreindre le recours au contrat de partenariat manifestée par ce dernier. Elle s'explique par la charge financière très lourde que représentera le plus souvent un tel contrat sur sa durée et la difficulté (ou le peu d'enthousiasme) qu'il peut y avoir pour la personne publique, trop heureuse de n'avoir pas à la supporter dans l'immédiat, à en prendre la mesure exacte. Elle tend à obliger cette personne publique à apprécier le plus précisément possible les conséquences qui résulteront pour elle, en termes de coût et de partage des risques notamment, du choix de la formule du partenariat, autrement dit à n'y recourir qu'en pleine connaissance de cause.


L'ordonnance assigne à l’évaluation un double objet : d'une part, montrer que le projet correspond à l'une des hypothèses dans lesquelles le recours au contrat de partenariat est autorisé ; d'autre part, exposer les motifs de caractère économique, financier, juridique et administratif qui ont conduit la personne publique tout à la fois à retenir le projet envisagé et à lancer une procédure de passation d'un contrat de partenariat en vue de sa réalisation. L'ordonnance exige par ailleurs que ces motifs résultent d'une analyse comparative des différentes options, notamment en termes de coût global, de performances et de partage des risques.

Cette analyse comparative constitue à n'en pas douter le cœur même de l'évaluation, sa pièce maîtresse. C'est également elle qui manifeste le plus clairement que le partenariat n'est pas un contrat d'utilisation libre, mais au contraire une formule d'exception dont le choix doit être dûment justifié.

Pour donner plus de poids à l'évaluation qu'elle prévoit, l'ordonnance organise une assistance à son élaboration.

En ce qui concerne l'État et ses établissements publics, l'ordonnance impose que l'évaluation soit réalisée avec le concours d'un organisme expert choisi parmi ceux qui seront créés par décret (1)

1) Cette assistance devrait constituer un gage de sérieux et, pour autant que les organismes en cause jouiront d'une véritable indépendance, une garantie d'objectivité de l'évaluation. Elle devrait également pallier le manque éventuel de moyens et de compétences des services concernés. Elle se situe en cela dans le droit fil d'une pratique qui tend à se développer en matière d'attribution ou de renégociation des contrats de gestion des services publics.

L’obligation ne possède cependant pas son pendant pour les contrats de partenariat passés par les collectivités locales et leurs établissements publics.

En ce qui les concerne, l'ordonnance prévoit simplement la présentation de l'évaluation à l'assemblée ou à l'organe délibérant qui se prononce, comme en matière de DSP, sur le principe du recours au partenariat (Art.L 1414-2 du CGCT). Cette différence s'explique sans doute par le souci de ne pas porter atteinte à la libre administration des collectivités territoriales. Elle n'en est pas moins regrettable en pratique.

Quant à la portée de l'évaluation, il ne fait guère de doute que, sur le plan juridique, elle constitue une formalité substantielle conditionnant la légalité du contrat de partenariat. Il devrait en aller de même de la conformité de son contenu aux prescriptions de l'ordonnance, tout comme de son degré suffisant de précision.

§2 : Le statut du contrat de partenariat

L'objectif de la loi d'habilitation était de permettre la création d'un nouveau type de contrat échappant aussi bien aux contraintes du droit des marchés publics qu'à celles du droit des concessions ou, plus largement, des DSP.

Plusieurs commentateurs ont estimé que le même résultat aurait pu être atteint par une simple modification des quelques dispositions de texte qui empêchaient le développement du partenariat (1).

1) Voir P. Delvolvé, Le partenariat public-privé et les principes de la commande publique, article précité, RD imm. 2003, p. 481 ; J.F. Guillemin, article précité, RD imm. 2003, p. 523

Cela étant, à la lecture de l'ordonnance du 17 juin 2004, on peut douter que le contrat de partenariat présente une nature originale par rapport aux catégories de contrats existantes (A).

Quant à son régime, tout en présentant d'indéniables spécificités, il emprunte pour une large part au droit des marchés publics (B).


A. LA NATURE DU CONTRAT DE PARTENARIAT

Dans un certain état du projet, il a été envisagé de mentionner dans l'ordonnance que le contrat de partenariat n'était ni un marché public, ni une délégation de service public. C'était là une manière de souligner son originalité et de signifier qu'il ne relevait pas du régime applicable à l'un ou l'autre de ces contrats. Ce n'en était pas moins une affirmation discutable. Aussi bien a-t-elle disparu du texte définitif de l'ordonnance. Celle-ci se borne à qualifier d'administratif le contrat de partenariat, laissant en suspens la question de sa qualification au regard des catégories constituées par les marchés publics et les concessions de travaux ou de services.

Il y a et il y aura sans doute matière à discussion sur le point de savoir si le contrat de partenariat se rattache à l’une de ces catégories ou, au contraire, constitue un contrat sui generis.

Il reste que l’enjeu d’une telle discussion est à relativiser puisque la seule question qui importe est celle de savoir si leur régime est compatible avec le droit communautaire.

Or de ce point de vue, les auteurs de l'ordonnance ont pris soin de faire en sorte que le régime applicable au contrat de partenariat soit conforme aux contraintes imposées par lui et notamment par les directives marchés publics.

B - LE REGIME DU CONTRAT DE PARTENARIAT

Le régime du partenariat se caractérise par deux traits généraux :

- Un très large emprunt au droit des marchés publics (1).

- La fixation, pour ce qui est de son contenu et de son exécution, d'un cadre juridique obligatoire à l'intérieur duquel il appartient aux parties de définir l'économie exacte de leurs relations contractuelles (2).

1) La passation du contrat de partenariat

a) La procédure d'attribution du contrat de partenariat

La procédure de passation du contrat de partenariat est issue pour l'essentiel du droit des marchés publics. Ce parti s'explique par la très forte probabilité que le contrat s'analyse comme un marché public au regard du droit communautaire.

L'ordonnance rappelle ainsi que "la passation d'un contrat de partenariat est soumise aux principes de liberté d'accès, d'égalité de traitement des candidats et d'objectivité des procédures".

Elle définit ensuite les procédures de passation applicable et précise les obligations de publicité et de mise en concurrence que ces dernières doivent respecter, ainsi que les critères qui doivent présider au choix du titulaire.

Les procédures de passation. L'ordonnance soumet la passation du contrat de partenariat à deux procédures :

- Le dialogue compétitif (1), réservé aux contrats portant sur un projet complexe. Elle est conforme dans son économie à ce que prévoit la directive n° 2004/18 et le Code des marchés publics.

1) Sur cette procédure, voir Ph. Delelis, Le dialogue compétitif, Contrats marchés publ. 2004, Pratique professionnelle n° 9

L'appel d'offres de caractère restreint, s'impose pour la passation des contrats de partenariat justifiés par l'urgence.

Elle n'est utilisable que dans cette hypothèse (Art. 5 de l'ordonnance et L. 1414-5 du CGCT). La procédure elle-même est largement calquée sur celle de l'appel d'offres restreint tel qu'organisé par le Code des marchés publics (art. L. 1414-8 du CGCT).

NB : On signalera que l'ordonnance ne prévoit pas, comme c'est le cas des dispositions régissant les marchés publics, la possibilité de recourir par exception à la procédure négociée. Il faut sans doute voir dans cette rigueur particulière une conséquence de l'importance des contrats de partenariat, en même temps que du souci d'entourer leur passation des garanties les plus élevées en matière de transparence et d'objectivité.


Les obligations communes de publicité et de mise en concurrence. Les deux procédures doivent respecter des dispositions communes, largement identiques à celles figurant dans le Code des marchés publics et qui manifestent, elles aussi, le souci de conformer le régime du contrat de partenariat au droit communautaire régissant les marchés (1).

1) Ainsi en est-il de l'exigence d'une publicité préalable permettant la présentation de plusieurs offres concurrentes dans des conditions prévues par décret (Articles 3 de l'ordonnance et L 1414-3 du CGCT) ; des exclusions frappant certains candidats en raison des condamnations dont ils ont fait l'objet ou de leur situation sociale ou fiscale irrégulière (Articles 4 de l'ordonnance et L 1414-4 du CGCT) ; des délais de réception des candidatures et des offres ; du nombre minimal de candidats admis à participer au dialogue compétitif ou à présenter une offre (Articles 6 de l'ordonnance et L 1414-6 du CGCT); des critères d'attribution qui doivent être pondérés ou, à défaut, hiérarchisés (Articles 8 de l'ordonnance et L 1414-9 du CGCT); ou encore de la publication d'un avis d'attribution, conforme au modèle établi par arrêté du Ministre de l'économie et dont l'ordonnance précise qu'il doit être adressé au Journal Officiel de l'Union Européenne (Articles 9 de l'ordonnance et L 1414-10 du CGCT).

Les critères d'attribution du contrat. En ce qui concerne l'attribution proprement dite du contrat, l'ordonnance prévoit qu'elle doit s'effectuer au profit de l'auteur de l'offre économiquement la plus avantageuse (Art. 8 de l'ordonnance et L 1414-9 du CGCT).

Le critère unique du prix le plus bas se trouve donc exclu, même dans le cadre de la procédure d'appel d'offres.

L'ordonnance précise également que l'offre économiquement la plus avantageuse sera appréciée "en prenant en compte les conclusions de l'étude d'évaluation" déjà mentionnée. Cette exigence est un peu plus mystérieuse. Sa mise en œuvre n'est pas évidente en tout cas, dans la mesure où, d'une part, l'évaluation porte, pour une part essentielle, sur une comparaison entre différentes options qui n'a plus sa place dans le cadre de la procédure de passation et où, d'autre part, elle pourra avoir été faite alors que les moyens techniques permettant la réalisation de l'opération n'étaient pas définis, ni son montage juridique et/ou arrêtés. Mais peut-être, la prise en compte de l'évaluation a-t-elle simplement pour but d'éviter que la personne publique ne choisisse une offre dont le contenu s'éloignerait par trop des résultats que l'étude préalable laissait espérer dans le cadre d'un recours au contrat de partenariat. Sous réserve d'éclaircissements que l'on est réduit à attendre de la pratique, l'obligation de prendre en compte l'étude d'évaluation au stade du jugement des offres témoigne, en tout cas, de la volonté des auteurs de l'ordonnance d'en accroître la portée. Tout comme l'évaluation elle-même, elle constitue un élément d'originalité par rapport au droit des marchés publics.

La nature des critères d'attribution en comporte une autre. L'ordonnance confère, en effet, un caractère obligatoire à certains d'entre eux, soit parce qu'ils se rapportent à l'aspect le plus sensible du contrat (c'est le cas du coût global de l'offre) ; soit parce qu'ils sont révélateurs d'un caractère essentiel de son économie (en l'occurrence, les objectifs de performance assignés au cocontractant) ; soit enfin, parce qu'ils visent à satisfaire à certaines exigences de la loi d'habilitation (on fait référence ici à la part d'exécution du contrat que le candidat s'engage à confier à des PME ou à des artisans).

Pour le reste, l'ordonnance autorise, de manière classique cette fois, à retenir d'autres critères en rapport avec l'objet du contrat dont elle donne une énumération simplement indicative empruntée, une fois de plus, aux dispositions régissant les marchés publics (Art. 53 du Code des marchés publics).

En conclusion sur ce point,

on relèvera une fois encore combien le régime de passation des contrats de partenariat s'inspire étroitement de celui des marchés publics. La conclusion du contrat qui sera examiné ci-après fournit d'autres illustrations de cette parenté qui confine sur nombre de points à l'identité pure et simple. L'un et l'autre de ces constats confortent l'idée selon laquelle les contrats de partenariat ont toutes chances d'être considérés, dans la majorité des cas, comme des marchés publics, au sens du droit communautaire. Ils incitent également à penser qu'en cas de lacune de leur régime, la prudence commandera d'appliquer purement et simplement ce dernier.

b) La conclusion du contrat

La conclusion du contrat de partenariat obéit, elle aussi, à des règles identiques à celles fixées par le Code des marchés publics : en matière d'information des candidats évincés et de respect d'un certain délai entre la date de notification de cette information et celle de signature du marché ; de communication des motifs de rejet d'une offre sur demande de son auteur ; ou encore de notification du contrat avant tout commencement d'exécution (Art. 9 de l'ordonnance et L 1414-10 du CGCT).

L'ordonnance y ajoute un élément spécifique, destiné à protéger les intérêts financiers de la personne publique et consistant en une soumission de la conclusion du contrat à une approbation préalable. Il s’agit de préserver les personnes publiques contre la conclusion de contrats de partenariat qui s'avèreraient contraires à leurs intérêts, parce que financièrement trop lourds.

En ce qui concerne l'État et les établissements publics autres que locaux dotés d'un comptable public, cette protection prend la forme d'un accord préalable du Ministre chargé de l'économie ou de son représentant, qui apprécie ses conséquences sur les finances publiques et la disponibilité des crédits (Art. 9, 4ème alinéa de l'ordonnance).

Au niveau local, on retrouve des précautions d'inspiration analogue. Il appartient en effet, à l'assemblée ou à l'organe délibérant d'autoriser la signature du contrat ou, ce qui distingue la procédure applicable de celle des marchés publics, de déclarer la procédure infructueuse (Art. L 1414-10, 1er alinéa du CGCT).

Et afin que l'organe compétent puisse mesurer en toute connaissance de cause l'étendue des engagements financiers souscrits, l'ordonnance exige que le projet de délibération soit accompagné d'une information comprenant le coût prévisionnel global du contrat, en moyenne annuelle, ainsi que l'indication de la part que ce coût représente par rapport à la capacité de financement annuel de la personne publique.

2) Le contenu et l'exécution du contrat de partenariat

Les auteurs de l'ordonnance ont entendu encadrer le contenu du contrat de partenariat et, partant, ses conditions d'exécution. À cette fin, ils ont utilisé la technique des clauses obligatoires (Art. 11 de l'ordonnance et L 1414-12 du CGCT).

Le procédé n'est certes pas nouveau (Il a été utilisé en dernier lieu pour définir le contenu du BEH (voir ordonnance du 4 septembre 2003). Il l'avait été auparavant à propos des conventions conclues par les sociétés d'économie mixtes ou encore du mandat de la loi MOP). Mais son utilisation dans le cas particulier est remarquable par le nombre et la nature des stipulations imposées.

À l'évidence, les auteurs de l'ordonnance ont voulu que les relations de partenariat soient le plus clairement et le plus complètement définies afin que les parties s'engagent en pleine connaissance de cause et que le contrat réserve le moins de surprises ou de situations imprévues possible.

a) Philosophie générale du contrat. Sur le fond, les clauses obligatoires révèlent, par leur objet, une philosophie générale du partenariat différente de celle qui anime les autres contrats portant sur des missions analogues.

Cette philosophie est animée du triple souci :

- d'assurer une claire répartition des charges entre les parties (partage des risques) - de responsabiliser chacune d'elles (objectifs de performance) - et de permettre une certaine évolution des relations contractuelles dans le temps (possibilités de modification du contrat par avenant ou décision unilatérale).

b) La protection des personnes publiques

Toute une série de clauses obligatoires visent à conférer 'une protection solide aux intérêts de la personne publique.

Elles sont justifiées par l'importance des opérations de partenariat et par le dessaisissement qu'elles impliquent au profit du cocontractant. Elles sont relatives à la transparence du contrat de partenariat et au contrôle exercé par la personne publique, au pouvoir de sanction de cette dernière ou encore au respect des exigences du service public.

Concernant particulièrement l’obligation de transparence, le contrat de partenariat doit distinguer au sein de la rémunération du cocontractant les coûts d'investissement, de fonctionnement et de financement et, le cas échéant, les autres recettes que le titulaire est autorisé à se procurer par l'exploitation de l'ouvrage à des fins autres que la satisfaction des besoins de la personne publique (Art. 11, d) de l'ordonnance et L 1414-12, d) du CGCT).

NB : Cette exigence a pour but d'éviter l'opacité qui caractérisait les anciens METP et qui avait conduit, pour une large part, à leur interdiction.

Le contrat de partenariat doit également prévoir le contrôle de la personne publique sur le respect des objectifs de performance assignés au cocontractant ; sur les conditions dans lesquelles celui-ci fait appel à d'autres entreprises et notamment à des PME ou des artisans pour l'exécution de sa mission ; sur la cession totale ou partielle du contrat (Art. 11, f) et i) de l'ordonnance et L 1414-12, f) et i) du CGCT). À quoi s'ajoute, en ce qui concerne les collectivités locales, la présentation d'un rapport annuel que l'on peut supposer de même nature que celui exigé en matière de DSP (Art. L 1414-14 du CGCT).

Sans préjudice d'autres mesures, le contrat de partenariat doit par ailleurs assortir les objectifs de performance de sanctions ou de pénalités (Art. 11, g de l'ordonnance et L 1414-12, g) du CGCT). Ce type de clauses est assurément nécessaire si l'on ne veut pas que les objectifs en question se réduisent à de simples formules de style ou à de simples déclarations d'intention.

On sait cependant le scrupule qu'éprouvent parfois les personnes publiques à faire application des sanctions et pénalités prévues par leur contrat, notamment lorsque celles-ci revêtent un caractère de particulière gravité. L'ordonnance devrait leur éviter ce genre de "cas de conscience" car le contrat doit fixer les conditions dans lesquelles, chaque année, les sommes dues par la personne publique à son cocontractant et celles dont celui-ci est redevable au titre de pénalités ou de sanctions font l'objet d'une compensation (Articles 11, d) de l'ordonnance et L 1414-12 d) du CGCT). L'application de ces dernières pourrait donc devenir automatique. L'efficacité de la mesure trouve, il est vrai, sa limite dans la disposition de l'ordonnance qui l'autorise à exclure toute compensation en cas de cession de créances (Art. 28 de l'ordonnance). Mais, l'ordonnance n'en prévoit pas moins que dans ce cas, le cocontractant est tenu de se libérer auprès de la personne publique des dettes dont il peut être redevable à son égard du fait des manquements à ses obligations contractuelles et notamment du fait des pénalités qui ont pu lui être infligées.

Le contrat de partenariat doit enfin comporter des clauses destinées à garantir le respect de l'affectation des ouvrages et équipements au service public dont la personne publique est chargée ainsi que le respect des exigences du service public (Art. 11, e) de l'ordonnance et L 1414-12, e) du CGCT).

Les deux obligations sont complémentaires. La seconde était expressément imposée par la loi d'habilitation et figurait déjà dans le régime des baux créés par les lois de programmation pour la sécurité intérieure et la justice. L'une et l'autre se justifient d'autant mieux que, comme nous l'avons vu précédemment, la propriété du cocontractant sur les biens à réaliser devrait être une hypothèse courante.

Plusieurs autres dispositions attestent d'ailleurs que les auteurs de l'ordonnance ont prêté une attention particulière à cette hypothèse. Ainsi, imposent-ils l'insertion de clauses se prononçant sur la propriété des biens en fin de contrat, qu'elle soit anticipée ou non (Art. 11, k) de l'ordonnance et L 1414-12 k) du CGCT). De même, l'ordonnance exige-t-elle que le contrat prévoie les conditions de mise à disposition des ouvrages et des équipements (Articles 11, c) de l'ordonnance et L 1414-12 c) du CGCT). Et sans doute, les parties auront-elles intérêt à fixer ces conditions avec d'autant plus de soin que les biens concernés donneront lieu à un usage partagé, le cocontractant pouvant les utiliser à des fins d'exploitation privée ou pour fournir à la personne publique les prestations de service accessoires dont celle-ci l'a chargé.

Enfin, pour en revenir aux exigences du service public, on relèvera que le contrat doit également garantir le respect du principe de continuité en cas de défaillance du cocontractant, notamment dans l'hypothèse de résiliation du contrat (Art. 11, j) de l'ordonnance et L 1414-12 j) du CGCT).

c) Les mesures destinées à favoriser le recours au contrat de partenariat

Tout en limitant les possibilités de recours au partenariat, le Gouvernement a cherché à rendre son utilisation attractive tant pour les personnes publiques que pour leurs cocontractants.

La mesure principale réside dans l'étalement du paiement sur toute la durée du contrat.

Cette dérogation à l'interdiction du paiement différé qui avait condamné les METP constitue une disposition clé dans le montage du partenariat. En autorisant un préfinancement de l'opération par le cocontractant, elle devrait permettre aux personnes publiques de surmonter les difficultés liées à leur capacité de financement réduite, ce qui est le but même du contrat de partenariat.

D'autres mesures sont destinées à rendre la formule du partenariat plus attrayante pour les cocontractants potentiels. Parmi elles, il faut sans doute citer la possibilité de recourir à l'arbitrage (Art. 11, l) et L 1414-12 l) du CGCT qui précise cependant que la loi française sera alors applicable) qui a généralement les faveurs des opérateurs privés en raison de sa plus grande souplesse et se justifie, au demeurant, par la complexité du contrat de partenariat.

Figurent également parmi ces mesures, la faculté qu'a le cocontractant de céder en tout ou en partie son contrat.