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La politique monétaire/Version imprimable

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La politique monétaire

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La monnaie

Toutes les civilisations historiques n'ont pas forcément utilisé de monnaie. Par exemple, les hommes de la préhistoire n'avaient pas de pièces et de billets dans leurs poches. La monnaie est une construction sociale, quelque chose que l'humain a inventé pour résoudre certains problèmes sociaux.

Vous avez peut-être entendu dire qu'avant l’invention de la monnaie, le commerce se fondait sur le troc, à savoir l'échange direct d'un objet ou service contre un autre, mais que ses défauts auraient favorisé son remplacement par la monnaie. En fait, les anthropologues et historiens ne sont pas d'accord avec cette explication, certes intuitive, mais fausse. Aucune société ancienne n'a utilisé massivement le troc comme mécanisme d'échange économique principal. Mais le mythe du troc a cependant une certaine force logique qui fait qu'il est malheureusement assez répandu dans la population générale. Et les manuels d'économie n'aident malheureusement pas, car tout cours sur la monnaie compare la monnaie au troc, pour des raisons pédagogiques. Et nous n'allons pas y échapper.

Les fonctions de la monnaie

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Même si le troc n'a jamais été l’échange économique principal, nous allons faire comme si c'était le cas et le comparer à l'échange monétaire (basé sur la monnaie). Cela va nous permettre de comprendre assez simplement pourquoi la monnaie existe et surtout : ce qu'est la monnaie. La monnaie a des avantages que le troc n'a pas et sont ces avantages qui définissent ce qu'est la monnaie. La monnaie remplit trois grandes fonctions par rapport au troc, qui portent les noms barbares d'intermédiation des échanges, de réserve de valeur et d'unité de compte. Voyons cela en détail.

La monnaie comparé au troc

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Le problème principal du troc est que l'échange suppose que chaque participant ait quelque chose d'utile à l'autre. Ainsi, si quelqu'un veut échanger des moutons avec un fermier, il faut qu'il ait quelque chose qui intéresse le fermier. Si ce n'est pas le cas, il n'y a pas d'échange. C'est le problème de la double coïncidence des biens. Et ce problème explique pourquoi le troc n'a jamais été utilisé : une situation de double coïncidence est exceptionnelle.

Mais ce problème ne survient pas si on utilise un intermédiaire qui s'échange contre des biens, tout en évitant les problèmes du troc. Les agents économiques peuvent donc échanger un bien/service contre une certaine quantité de cet intermédiaire, qui lui-même peut être échangé plus tard contre un autre bien/service. Tout intermédiaire qui joue ce rôle est qualifié de monnaie, à condition qu'il puisse remplir certaines fonctions bien précises. Cette fonction d'intermédiaire des échanges est une première étape pour être qualifié de monnaie, mais elle n'est cependant pas suffisante.

La première est que l'intermédiaire puisse être conservé sur de longues périodes. Un bien périssable, comme de la nourriture, peut donc difficilement servir de monnaie, quand bien même on pourrait s'en servir comme intermédiaire des échanges. En revanche, un métal comme l'or, qui met énormément de temps avant de se dégrader, est apte à servir de support pour de la monnaie. Cette fonction de réserve de valeur permet notamment de différer ses paiements.

Ensuite, l'intermédiaire doit servir d'unité de compte, dans le sens où il permet d'établir un système de prix qui donne de la valeur aux biens vendus ou achetés.

La monnaie face aux actifs (non-)financiers

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Pour résumer, une monnaie est quelque chose qui sert à la fois d'intermédiaire des échanges, de réserve de valeur, et d'unité de compte. Le troc, quant à lui, n'a ni intermédiaire des échanges, ni réserve de valeur, ni unité de compte. Il est donc l'opposé total de la monnaie, ce qui fait qu'on vient de comparer la monnaie au troc en guise d'introduction. Mais entre la monnaie et le troc, il existe de nombreux instruments intermédiaires, comme l'or, les crypto-monnaies, et bien d'autres encore. Certains servent d'intermédiaire des échanges, mais sont de terribles réserves de valeur (les crypto-monnaies aux cours fluctuants sont de bons exemples), d'autres sont de bonnes réserves de valeur mais de piètres intermédiaires des échanges (actions, or, immobilier, autres), et j'en passe.

Le cas le plus simple est celui des placements financiers ou immobiliers qui servent de réserves de valeur, mais ne sont pourtant pas de la monnaie, comme les actions, les dettes d'états, les dettes d’entreprises, et j'en passe. De tels supports, qui servent de réserves de valeur sans pour autant être de la monnaie, sont appelés des actifs. Par exemple, un bien immobilier sert de réserve de valeur, dans le sens où sa valeur de revente a peu de chances de diminuer au cours du temps (même si cela reste possible en cas de crise immobilière). Mais l'immobilier n'est pas un intermédiaire des échanges : on n'échange pas des maisons pour s'acheter du pain.

Comme exemple d'actif, on pourrait citer l'or, qui est utilisé comme placement, comme réserve de valeur, mais qui ne sert plus d’intermédiaire des échanges. Si autrefois l'or était utilisé pour les paiements, ce n'est plus le cas aujourd'hui. Par contre, l'or garde une valeur relativement constante, ce qui fait qu'il est parfois utilisé comme placement (risqué, mais supposé protégé de l'inflation).

Les différentes formes de monnaie

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Au cours des âges, la monnaie a évolué de formes relativement simples à des formes de plus en plus complexes et abstraites. Il est donc utile de voir quelles sont les différentes formes de la monnaie, qu'il s’agisse des formes anciennes ou des formes que vous utilisez tous les jours. Et à ce petit jeu, il s'est passé pas mal de choses avant l'invention des pièces et des billets. Sans rentrer dans les détails, il est important de distinguer les monnaies historiques basées sur la valeur d'un bien (du métal, comme l'or, l'argent), des monnaies basées purement sur la confiance.Cette distinction permet de séparer les monnaies marchandise des monnaies fiduciaires. Détaillons cela, en commençant par la forme de monnaie la plus ancienne, puis en suivant par les monnaies fiduciaires.

Les formes historiques

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La première forme de monnaie utilisait une marchandise particulière, comme le blé ou le sel, qui servait de monnaie : on parle de monnaie marchandise. Cet intermédiaire était souvent composé de biens consommables ou utiles : céréales, alcool, sucre, etc. Mais pour d'autres civilisations, cet intermédiaire était composé d'objets inutiles et sans valeur, comme des coquillages, des dents d'animaux ou des pierres. Par exemple, certaines tribus utilisaient de l'obsidienne, une roche volcanique noire et vitreuse.

Plus tard, les hommes inventèrent la monnaie métallique, composée de pièces de monnaies forgées dans un métal précieux comme l'or ou l'argent. La valeur des pièces dépendait de la quantité de métal précieux qu'elles contenaient. Les premières pièces en métal ont été réalisées par le roi de Lydie, Gygès, en 687 avant Jésus-Christ. Et ce fut le début d'une longue série, les empires romains et chinois commençant à utiliser de plus en plus de monnaie.

Ce système fonctionna longtemps, plusieurs siècles, avant de cesser. En effet, l'économie dépendait de la valeur de l'or, qui elle-même dépendait des stocks d'or. La quantité de monnaie en circulation dépendait des stocks d'or extraits des mines et gisements. La monnaie était donc une quantité relativement fixe, qui n'augmentait que très lentement avec les extractions des mines et gisements. La découverte d'un gros gisement d'or augmentait fortement la quantité d'or en circulation et faisait donc varier la valeur de la monnaie : la monnaie se dévaluait, elle perdait de sa valeur. Voilà une chose assez curieuse pour une construction sociale : dépendre d'un paramètre physique réel…

La monnaie fiduciaire

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Par la suite, cette contrainte fut progressivement relâchée : la valeur d'une monnaie ne dépendait plus de la valeur du métal qui composait la pièce. La monnaie fiduciaire correspond à l'ensemble des billets de banques et des pièces qui ne fondent plus leur valeur sur une quantité de métal mais sur la confiance que lui accordent ses usagers : si ceux-ci refusent d'utiliser votre monnaie, elle ne vaut plus rien. Lors de crises économiques particulièrement graves, certaines monnaies n'ont plus la confiance du public et les vendeurs refusent les paiements dans cette monnaie : soit une monnaie étrangère est utilisée, soit le troc reprend ses droits.

Mais outre les billets et pièces, d'autres formes d'argent existent. Quand vous allez à la banque, vous pouvez faire des transferts entre comptes bancaires, être payé sans recevoir directement l'argent et ainsi de suite. L'argent n'est alors qu'une simple fiction informatique, une somme mémorisée dans un ordinateur ou un livre de compte à l'intérieur de la banque. Cela correspond à l'argent sur vos comptes bancaires, par exemple. De telles formes de monnaies sont appelées des monnaies scripturales. Cette forme de monnaie est la plus importante de nos jours, au point de représenter 90 % de la quantité totale de monnaie en circulation dans la zone Euro, les espèces se limitant aux 10 % restants.

Les agrégats monétaires

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Mesurer la quantité totale d'argent en circulation dans l'économie est assez compliqué. Il faut dire que cet argent peut être placé sur divers types de supports, qu'il s'agisse de comptes courants, de livrets bancaires, ou d'autres types de placements. Mesurer la quantité d'argent stockée ou en circulation est assez difficile, surtout quand on prend en compte la monnaie fiduciaire. Pour en faire la mesure, il existe plusieurs instruments statistiques, qui permettent de mesurer certaines formes de monnaies. Ils portent le nom d'agrégats monétaires. Ceux-ci sont définis par leur liquidité, à savoir la facilité à les utiliser dans les transactions. Les supports faiblement liquides sont difficiles à transformer en pièces ou billets, cette transformation pouvant prendre du temps. À l'inverse, les supports fortement liquides sont très simples à transformer en monnaie, la transformation étant très rapide. Voyons un peu dans le détail quels sont ces agrégats.

Les deux agrégats monétaires les plus simples sont appelés la masse monétaire et la base monétaire. Ils correspondent à deux concepts bien différents. La quantité totale de monnaie en circulation dans l'économie porte le nom de masse monétaire. Elle correspond à la monnaie qui peut circuler de main en main, celle qui peut servir pour les transactions. À l'inverse, la base monétaire correspond majoritairement à de la monnaie conservée par les banques, dans leurs coffres ou sur leurs comptes. Là où le public peut utiliser la masse monétaire pour les transactions, la base monétaire correspond à de l'argent dormant à l'intérieur des banques, ainsi qu'aux espèces en circulation.

La masse monétaire

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L'argent stocké sur des comptes à la banque est soit de la monnaie scripturale, soit des espèces qu'elle place dans ses coffres. Si vous avez déjà un compte bancaire, vous savez sûrement que certains comptes ne sont pas rémunérés : ce sont les comptes courants. L'avantage de ces comptes est que l'argent peut être retiré à tout moment, contrairement aux comptes d’épargne : l'argent de ces comptes peut être transformé en billets ou en pièces que vous pouvez retirer au distributeur. Dans la comptabilité nationale, la somme des dépôts, des pièces et billets forme de que l'on appelle l'agrégat monétaire M1.

En plus de ces comptes courants, vous pouvez avoir des comptes d’épargne qui sont rémunérés : tous les mois ou tous les ans, la banque verse des intérêts sur ces comptes. Cependant, la majorité d'entre eux demande que l'argent soit immobilisé durant quelques mois ou années et il ne peut pas être retiré à tout moment. La liquidité de ces comptes, à savoir la facilité de retrait, est donc inférieure à celle des comptes courants. Généralement, plus le taux d'intérêt est élevé, plus la liquidité sera faible. L'agrégat M2 prend en compte une partie de ces comptes d'épargne. Plus précisément, il prend en compte les comptes bancaires/livrets dont on peut récupérer le contenu en moins de 3 mois. Des livrets bancaires, tels les livrets A et autres supports à fortes liquidité, peuvent techniquement être considérés comme de la quasi-monnaie et font partie de cet agrégat. L'agrégat M2 prend aussi en compte les dépôts à terme, aussi appelés comptes à termes, tant que ceux-ci ont une maturité inférieure à 2 ans.

Enfin, il faut prendre en compte l'argent placé sur des fonds d'investissements monétaires, ainsi que d'autres formes d'investissement monétaire moins liquides et plus rentables. Typiquement, on pourrait citer les SICAV ou OPCVM monétaires, les certificats de dépôt, et les obligations/créances inférieures ou égale à deux ans. C'est le rôle de l'agrégat M3.

La base monétaire

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À côté de ces agrégats, on peut aussi citer la base monétaire, un agrégat assez difficile à appréhender, mais dont nous parlerons beaucoup dans certains chapitres de ce cours. Pour faire simple, c'est la somme des espèces en circulation et de l'argent que les banques conservent. Les banques peuvent décider de conserver leur argent sous deux formes : soit sous la forme d'espèces dans leurs coffres, soit sous la forme de réserves bancaires, aussi appelées dépôts banque centrale.

Ces dernières correspondent, comme leur nom l'indique, à l'argent que les banques commerciales conservent à la banque centrale. En effet, les banques peuvent choisir de déposer de l'argent à la banque centrale, sur des comptes courants dédiés. Elles s'en servent surtout pour y stocker de la monnaie électronique, le stockage de monnaie physique à la banque centrale étant tombé en désuétude. Les banques commerciales peuvent conserver des réserves à la banque centrale pour plusieurs raisons : parce qu'elles sont obligées par la loi d'y placer un certain montant, parce qu'il s'agit d'un placement intéressant en terme de rendement/sécurité, ou parce qu'elles le souhaitent pour d'autres raisons. Les réserves en question regroupent à la fois l'argent physique stocké dans les coffres de la banque centrale, et les dépôts sous forme électronique. Si on consolide le tout, on voit que la base monétaire est la somme des espèces, sous toutes leurs formes, pièces et billets, et des réserves bancaires.

Base monétaire = Espèces + Dépôts électroniques à la banque centrale = Espèces en circulation + Réserves bancaires ( Espèces conservées par les banques commerciales + Dépôts à la banque centrale ).
Base et masse monétaires, octobre 2009.



Les taux d'intérêts

Pour rappel, les taux d'intérêts servent soit à exprimer le rendement d'un placement, soit à donner le coût d'un emprunt. Un emprunteur doit payer des intérêts mensuels ou annuels à la banque préteuse, alors que les placements sont rémunérés avec un intérêt régulier. La monnaie n'offre qu'un faible taux d'intérêt, quand celui-ci n'est pas tout simplement nul. Si la monnaie sur un livret d'épargne a un taux d'intérêt non-nul, ce n'est pas le cas pour des pièces et des billets. Mais dans tous les cas, le taux est très faible comparé aux autres instruments financiers (obligations, actions...). Ces taux d'intérêts ont une place particulièrement importante dans l'étude de la politique monétaire. D'ailleurs, nous verrons dans quelques chapitres que les banques centrales utilisent beaucoup le contrôle des taux d'intérêts pour implémenter leur politique monétaire. C'en est à tel point que les théories macroéconomiques actuelles sont presque exclusivement basées sur l'étude des taux et non sur l'analyse des agrégats monétaires ! Autant dire que nous aurons besoin de bien comprendre ce que sont les taux d'intérêts avant de poursuivre ce cours. D'où la présence de ce chapitre.

Les taux réels

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En premier lieu, nous devons parler de l'influence de l'inflation, la hausse généralisée des prix, sur les taux d'intérêts. Rappelons que l'inflation est la variation en pourcentage du prix moyen  : . Le taux réel est un taux d'intérêt corrigé de l'inflation, à savoir le rendement réel d'un intérêt quand on élimine l'effet de l'inflation sur le pouvoir d'achat. Nous allons d'abord commencer par voir quelle est sa valeur exacte, avant d'en fournir une approximation plus simple à utiliser.

La définition mathématique du taux réel

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Partons d'un exemple. Supposons que vous investissiez/épargnez une somme d'argent , rémunérée au taux d'intérêt . Ce taux n'est pas corrigé de l'inflation, ce qui fait qu'il est appelé le taux nominal. Vous toucherez, intérêt compris, la somme de : . Cependant, ce taux nominal est un mauvais indicateur du rendement réel, corrigé de l'inflation. En effet, rien ne sert d'investir à 2% si l'inflation est de 15%. Durant la durée de votre investissement, les prix ont augmenté au même rythme que l'inflation , à savoir qu'ils ont été multipliés par . Si on compare l'avant et l'après en termes de biens ou de services que l'on peut acheter, on a :

Avant l'investissement :  ; Après le versement des intérêts : .

Si on compare le nombre de biens que l'on peut acheter avant () et après (), on trouve que le rendement corrigé de l'inflation vaut :

Soustrayons 1 des deux côtés.

Notons que et faisons le remplacement :

Regroupons les deux termes à droite.

Puis simplifions :

L'équation de Fisher des taux d’intérêt

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L'équation précédente n'est cependant pas facile à utiliser. Heureusement, il existe une approximation particulièrement pratique, que nous allons démontrer dans ce qui suit. Pour cela, partons de l'équation précédente :

Reformulons-la comme suit et développons :

Soustrayons 1 des deux côtés de l'équation :

Si on part du principe que l'inflation et le taux nominal sont tout deux faibles, le terme peut être négligé, ce qui donne :

Dit autrement, le taux nominal est à peu près égal à la somme de l'inflation et du taux d'intérêt réel (corrigé de l'inflation). Cette formule vaut aussi bien pour les taux réels anticipés que les taux obtenus.

L'origine des taux d'intérêts

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Les taux d'intérêts ne sortent pas de nulle part et il est important de comprendre leur origine pour la suite. Plusieurs "théories" tentent d'expliquer cela et nous n'allons pas toutes les citer, certaines étant très techniques et dépassant le cadre de ce chapitre. Dans ce chapitre, nous allons voir les trois suivantes : la théorie des fonds prêtables, la théorie classique et la théorie de la préférence pour la liquidité de Keynes.

La théorie des fonds prêtables

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Rencontre entre offre et demande de fonds prêtables.

La théorie des fonds prêtables explique les taux d'intérêts par la rencontre de l'épargne avec les besoins des emprunteurs. Les emprunteurs et les préteurs se mettent en relation par l'intermédiaire des établissements de crédit, des banques, des caisses d'épargne, et tout autre intermédiaire financier. Les emprunteurs et préteurs échangent de l'argent, des liquidités, en échange d'une reconnaissance de dette (un contrat de prêt, une obligation d'état ou d'entreprise, peu importe). Dit autrement, il existe une offre de liquidités de la part des préteurs et une demande de la part des emprunteurs. Et la rencontre cette offre et cette demande entraîne l'apparition d'un prix d'équilibre, qui n'est autre que le taux d'intérêt, le "loyer" de l'argent.

L'offre de liquidités provient des préteurs, alors que la demande vient des emprunteurs. Cela parait intuitif, mais cela aurait parfaitement pu être l'inverse. Rappelons que déterminer qui est l'offre et qui est la demande implique d'étudier la variation des quantités en fonction des prix. Ici, il s'agit d'étudier comment emprunt et épargne évoluent en fonction des taux.

  • Il existe une relation entre taux et montant des emprunts : des taux élevés rendent l'emprunt coûteux et défavorable, alors que des taux faibles le rendent plus sûr et plus rentable. La relation entre emprunt et taux est donc décroissante, ce qui traduit le fait qu'il s'agisse d'une courbe de demande.
  • À l'inverse, la courbe qui relie épargne et taux est croissante, ce qui trahit le fait que c'est une courbe d'offre. En effet, les taux sont le rendement de l'épargne : plus ils sont élevés, plus l'épargne est intéressante. Des taux élevés vont alors inciter les agents économiques à épargner, quitte à réduire un peu leur consommation.

Maintenant, étudions ce qui se passe quand la demande ou l'offre varie, en commençant par la demande. Imaginons que la demande d'emprunt augmente, peu importe la raison. La courbe de demande est alors déplacée vers la droite, ce qui donne une augmentation des taux. De nombreux emprunteurs vont venir sur le marché des capitaux et une partie sera prête à payer des taux élevés pour leur emprunt. Les préteurs vont de préférence prêter aux agents qui acceptent de payer plus cher que les autres, le taux d'intérêt va donc augmenter. La situation est inverse si la demande d'emprunt baisse : la courbe de demande se déplace vers la gauche, de qui donne une baisse des taux. Ce qui se passe est que les préteurs n'ont pas d'autre choix que de prêter leur argent à des taux plus bas, le vivier d'emprunteurs à fort taux se tarissant.

Le cas où l'offre de fonds prêtables diminue ou augmente est assez similaire, avec cependant quelques différences notables. Une augmentation de ceux-ci se traduit par un déplacement vers la droite de la courbe d'offre, alors qu'une réduction donnera un décalage vers la gauche. Cela donne respectivement une baisse ou une hausse des taux. Prenons le cas où l'offre augmente. Le surplus sera alors prêté à de nouveaux emprunteurs. Vu que les emprunteurs à fort taux ont déjà étés servis par les fonds précédents, il ne reste que des emprunteurs à taux plus faibles sur le marché. Les préteurs n'ont pas le choix que de prêter à des taux plus bas et le taux ne peut que baisser. Une pénurie de fonds prêtables a l'effet inverse : l'épargne devenant rare, seuls les emprunteurs qui payent le plus cher seront servis. Ce qui se traduit par des taux élevés.

La théorie classique des taux d'intérêts

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Rencontre entre offre et demande de fonds prêtables.

La théorie classique des taux d'intérêts peut être vu comme un cas particulier du précédent. Dans le cadre de la théorie classique, on suppose que la demande d'emprunt est une demande d'investissement, alors que l'offre n'est autre que l'épargne. Notez qu'on fait deux hypothèses : en premier, on confond investissement et emprunt, en second, on confond épargne et offre de fonds prêtables. Avec ces hypothèses, le modèle offre-demande devient un modèle où une demande d'investissement rencontre une offre d'épargne. Le prix qui découle de la rencontre offre-demande est le taux d'intérêt réel, non le taux nominal.

À l'équilibre, l'investissement réalisé est égal à l'épargne effective, du fait de la rencontre offre-demande. On a donc :

, avec I l'investissement et S l'épargne (Savings en anglais).
Petite remarque : cette identité a donné son nom à la courbe IS (courbe Investment-Savings), que nous aborderons plus tard dans ce cours.

Il existe divers moyens de démontrer cette égalité, en utilisant des définitions comptables du PIB, mais elles posent quelques problèmes d'interprétation assez forts. Mais nous reparlerons de tout cela dans le chapitre sur le canal des taux d'intérêt.

Notons que ces deux hypothèses, à savoir les égalités emprunt-investissement et épargne-prêt, sont critiquables et ne sont valables que sous certaines conditions.

  • Premièrement que tout emprunt soit utilisé pour financer un investissement. Ce n'est pas le cas en pratique : beaucoup de crédits accordés par les banques sont des découverts bancaires, des facilités de trésorerie ou des prêts à la consommation. Néanmoins, une portion non-négligeable de la demande d'emprunts provient de l'investissement des ménages, mais aussi des entreprises et de l'état : les entreprises achètent des machines ou des outils de production, les états empruntent pour des dépenses d'infrastructure, les ménages achètent des maisons (ce qui est une forme d'investissement), etc. Il n'est donc pas si stupide de confondre investissement et emprunt.
  • Ensuite, il faut que les emprunts soient financés par une épargne préexistante , ce qui là encore est faux. On verra dans la suite de ce cours que toute l'épargne n'est pas prêtée par les banques, pour plusieurs raisons. Déjà, une partie est thésaurisée, ce qui veut dire qu'elle n'est pas placée dans les banques et est conservée sous forme d'espèce ou d'autres instruments. De plus, les banques doivent conserver une partie de l'épargne sous la forme de réserves bancaires, qui ne sont pas prêtées. Enfin, il faut aussi prendre en compte la création monétaire, la capacité qu'ont les banques à créer de la monnaie (ce qui fera l'objet de plusieurs chapitres futurs). Mais là encore, faisons abstraction de cela et oublions la thésaurisation et les réserves bancaires.

La théorie de la préférence pour la liquidité

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Illustration de la théorie de la préférence pour la liquidité de Keynes.

La théorie de la préférence pour la liquidité de Keynes est une théorie assez complexe, que nous survolerons ici. Nous la détaillerons dans les chapitres de fin du cours, pour des raisons pédagogiques. Pour simplifier, cette théorie dit que les agents économiques font un arbitrage entre monnaie et autres actifs. Les agents économiques peuvent répartir leur richesse entre monnaie, obligations, actions, immobiliers et autres biens durables.

Par souci de simplicité, nous n'allons prendre en compte que deux types d'actifs : la monnaie proprement dite et les obligations. La monnaie ne rapporte pas d'intérêt (ou alors très peu), alors que les autres actifs peuvent verser un intérêt parfois important. En contrepartie, la monnaie est parfaitement liquide alors que les autres actifs ne le sont pas. Faire un virement est beaucoup plus facile que vendre un actif sur un marché boursier. Les agents font donc un arbitrage entre le fait de recevoir un intérêt et abandonner la liquidité de leur argent. Le taux d'intérêt est donc le prix à payer pour que les agents abandonnent la liquidité de la monnaie. En terme technique, il s'agit du coût d'opportunité de la possession de monnaie, à savoir le coût que l'on pourrait avoir si cette monnaie était convertie sous la forme d'actifs. Plus ce coût d'opportunité est élevé, plus les actifs sont favorisés par rapport à la monnaie.

Les ménages souhaitent détenir une partie de leur épargne sous la forme de monnaie, le reste étant sous la forme d'actifs rémunérés illiquides. La quantité de monnaie que les agents économiques souhaitent détenir est influencée par les taux d'intérêts. Si les taux sont élevés, les agents préfèrent conserver leur fortune sous la forme d'actifs, qui versent un intérêt. Mais si les taux sont trop bas, le rendement des actifs ne compense pas leur illiquidité et les agents vont préférer la monnaie. En clair, plus les taux sont élevés, plus les agents mettent leur argent dans des obligations et moins ils ont de monnaie. Si on trace la masse monétaire en fonction des taux d'intérêt, on voit que celle-ci forme une courbe, appelée courbe de demande de monnaie et notée . Pour résumer, la masse monétaire est une fonction décroissante des taux.

Sur le marché des capitaux, la demande de monnaie rencontre une offre de monnaie, qui n'est autre que la quantité totale de monnaie en circulation dans l'économie, la masse monétaire. Cette offre est fournie par la banque centrale, qui crée la monnaie quand elle le doit : c'est cette banque qui imprime les billets, fabrique les pièces, crée l'argent fiduciaire, etc. L'offre de monnaie de la banque centrale va donc rencontrer une demande de monnaie de la part des ménages et entreprises. À l'équilibre, offre et demande de monnaie sont égales : . Or, qui dit équilibre entre offre et demande dit prix, ici le prix qu'il faut payer pour obtenir de la monnaie. Ce prix n'est autre que le taux d'intérêt, ce qui lui vaut parfois le surnom de loyer de l'argent. Le croisement des deux courbes d'offre et de demande donne le taux d'intérêt en fonction de la quantité de monnaie créée par la banque centrale.

Nous reparlerons plus en détail de cette théorie à la fin du cours, dans le chapitre sur la demande de monnaie.

Les liens entre ces théories

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Il faut noter que ces théories ont potentiellement des liens entre elles, mais ils sont encore débattus. Tandis que certains économistes voient ces théories comme des approches complémentaires, voire équivalentes, d'autres les pensent totalement incompatibles et irréconciliables. Une explication serait que le taux d'intérêt décrit serait différent pour chaque théorie. Pour rappel, il existe de nombreux taux d'intérêt dans l'économie : le taux directeur des banques centrales les taux de prêts bancaires, les taux de la dette d'état, et j'en passe. Ajoutons à cela qu'il faut aussi distinguer les taux réels et les taux nominaux, ce qui double encore le nombre de taux d'intérêt à prendre en compte.

L'interprétation qu'on retrouve dans beaucoup de livres d'introduction à la macroéconomie, est que les taux nominaux seraient déterminés par la théorie de la préférence pour la liquidité, alors que les taux réels seraient déterminés par la théorie classique et/ou celle des fonds prêtables.

Une autre interprétation serait que chaque théorie explique un marché différent. La théorie de la préférence pour la liquidité expliquerait les taux d'intérêt sur le marché monétaire, un marché où s'échangent des instruments financiers proches de la monnaie papier. Ce marché fait intervenir des prêts entre banques de courte maturité, des prêts de monnaie, des dépôts monétaires à la banque centrale, et quelques autres instruments financiers du genre. Nous reviendrons sur ce marché dans quelques chapitres, vous n'avez pas besoin d'en savoir plus pour le moment, si ce n'est que les taux sur ce marché sont adossés à des prêts à très court-terme : quelques jours, quelques semaines, quelques mois grand maximum. À l'inverse, le marché des fonds prêtables impliquerait des prêts de plus long-terme, comme les prêts bancaires, les prêts immobiliers, les achats de dette d'état, de dettes d'entreprises, etc. On aurait donc la préférence pour la liquidité pour les taux de court-terme sur les instruments liquides, et la théorie des fonds prêtables pour les taux de long-terme.



L'inflation

L'inflation est définie comme l'augmentation de la moyenne des prix. Cette définition possède quelques subtilités qu'il vaut mieux comprendre, pour éviter tout malentendu. Certains prix peuvent varier plus que d'autres, sans que soit un effet concret de l'inflation. Par exemple, de mauvaises conditions climatiques peuvent entraîner une hausse du prix des céréales. Mais ce n'est pas pour autant de l'inflation proprement dit : il s'agit simplement d'une variation sectorielle toute bête, qui ne présume pas de l'évolution des autres prix. En réalité, l'inflation est une variation de la moyenne des prix, au-dessus de laquelle les fluctuations sectorielles s'ajoutent. Pour résumer, l'inflation est la variation en pourcentage du prix moyen.

Il existe diverses méthodes pour mesurer la moyenne des prix : IPC, déflateur du PIB, mais nous n'en parlerons pas ici. À la place, nous allons nous concentrer sur deux choses : quels sont les effets de l'inflation sur l'économie, et quel est son taux optimal. Ces développements seront cruciaux pour les prochains chapitres. Ils permettront notamment de comprendre pourquoi les banques centrales tentent de contrôler l'inflation, mais aussi pourquoi ce rôle est dévolu à la banque centrale.

Les causes de l'inflation

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Équilibre entre offre et demande, sur le marché des biens et services.

L'inflation ne sort pas de nulle part, et plusieurs raisons peuvent l'expliquer. Pour comprendre d'où vient l'inflation, il nous faut repartir du modèle de base qui permet d'expliquer l'origine des prix : l'offre et la demande sur le marché des biens et services. Au niveau macroéconomique, la description offre-demande est formalisée mathématiquement dans un modèle appelé modèle AD/AS, illustré ci-contre. Il est aujourd'hui remplacé par des alternatives plus crédibles, mais il est très adapté pour parler des causes de l'inflation, d'où son introduction dans ce chapitre.

Sur le marché des biens et services, les ménages dépensent une certaine somme d'argent, en échange de biens et de services produits par les entreprises. En clair : la demande des ménages acheteurs rencontre l'offre des entreprises vendeuses. La demande et l'offre sont représentées sur le graphique ci-contre par deux courbes. La courbe de demande totale de l'économie est supposée être une fonction décroissance : plus les prix augmentent, moins les ménages achètent. À l'inverse, la courbe d'offre est censée être croissante, convexe : plus les prix sont élevés, plus les quantités vendues augmentent. Le point d'intersection des deux courbes correspond au prix qui satisfait à la fois les acheteurs et les vendeurs, et les quantités vendues correspondantes. Tout mouvement du point d'intersection entraîne une variation du niveau des prix et/ou du PIB, ce qui se traduit par de l'inflation et/ou de la croissance. L'effet exact dépend alors de la forme respective des courbes de demande et d'offre.

Les trois origines de l'inflation

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Il y a plusieurs raisons qui peuvent déplacer le point d'intersection : un mouvement de la courbe de demande, ou un déplacement de la courbe d'offre.

  • Un mouvement de la courbe de demande est ce qu'on appelle un choc de demande et entraîne une inflation par la demande. Elle traduit le fait que les ménages souhaitent acheter plus de choses, ce qui pousse les entreprises à augmenter leurs prix. Cette forme d'inflation est généralement causée par une augmentation des salaires et/ou une forte réduction du chômage.
  • Un déplacement de la courbe d'offre est un choc d'offre, qui cause une inflation par l'offre. Ces chocs d'offre correspondent à une augmentation des coûts de production, que les entreprises doivent répercuter sur les prix. Mais il ne s'agit pas d'une augmentation localisée, circonscrite à une ou quelques entreprises, mais une augmentation globale des prix qui touche la majeure partie des entreprises et toute l'économie. Or, les évènements qui impactent toute l'économie sont généralement des désastres de grande ampleur : une grève générale prolongée, une crise financière, une guerre, une pandémie, un désastre naturel, ou toute autre cause du genre. Comme autre cause, on peut aussi citer une augmentation des prix du pétrole, des difficultés d'approvisionnement énergétique, etc.

Il existe une troisième raison, qui n'est pas immédiatement visible sur ce graphique : l’inflation est anticipée par les agents économiques et ces anticipations sont performatives. Quand les agents économiques anticipent de l'inflation, ils perdent confiance en leur monnaie et vont réagir pour se prémunir de l'inflation. Mais à l'échelle macroéconomique, la somme de ces réactions individuelles va justement induire de l'inflation, soit de l'inflation par la demande, soit de l'inflation par l'offre, soit les deux. Les anticipations de l'inflation vont donc se matérialiser d'elles-mêmes. Nous parlerons plus en détail des anticipations d'inflation dans le prochain chapitre.

Tout ce qu'il faut retenir est qu'il existe trois grandes causes à l'inflation : une augmentation de la demande (inflation par la demande), une augmentation des coûts de production globaux (inflation par l'offre), une inflation dirigée par les anticipations des agents économiques. L'expliquer mathématiquement demande de mettre les courbes de demande et d'offre en équation, à partir d'un modèle macroéconomique crédible. Mais sans même faire appel à ces théories, on peut dire rapidement ce qui détermine la demande et l'offre macroéconomique.

L'inflation par la demande

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La demande dépend du revenu total des agents économiques : plus les gens ont d'argent à dépenser, plus la demande augmentera. Le meilleur moyen de doper la demande est d'utiliser la politique monétaire pour créer de la monnaie, ce que peuvent faire les banques centrales. La monnaie, une fois mise en circulation, atterrira dans les mains des agents, qui vont la dépenser pour acheter des biens et services. Cela va donc gonfler la demande et se répercuter en totalité ou en partie sur le niveau des prix. Une forte injection de monnaie dans l'économie va donc entraîner de l'inflation, sauf cas exceptionnels. Dans les grandes lignes, augmenter la quantité de monnaie dans l'économie a un effet stimulant sur l'activité économique et entraîne une augmentation du PIB et/ou de l'inflation. On dit alors que la politique monétaire est une politique monétaire accommodante. Par contre, restreindre la création monétaire freine l'économie : la croissance et l'inflation se font plus faibles. La politique monétaire est alors une politique monétaire restrictive. Les banques centrales actuelles utilisent indirectement la création monétaire pour atteindre leur cible d'inflation et/ou de PIB. La banque centrale utilise une politique restrictive si l'inflation dépasse une cible prédéfinie, alors que sa politique est accommodante si l'inflation est inférieure.

Un autre moyen pour donner de l'argent est d'utiliser la politique fiscale en baissant les impôts ou en augmentant les dépenses gouvernementales. Dans ce cas, c'est l'état qui va mettre de l'argent dans les mains de ses administrés, dopant la demande. Diminuer les impôts et augmenter les dépenses gouvernementales va stimuler la demande, ce qui lui vaut le nom de politique fiscale accommodante, par analogie avec la politique monétaire. L'inverse, à savoir une hausse des impôts et/ou une baisse des dépenses a l'effet inverse et réduit la demande. C'est ce qui lui vaut son nom de politique fiscale restrictive, parfois appelée politique d'austérité. Politiques fiscale et monétaire sont donc symétriques, l'une pouvant subvenir à l'autre. La différence principale est que la politique monétaire n'augmente pas la dette de l'état, ce qui fait qu'elle est privilégiée à l'heure actuelle. Mais sa transmission aux agents économiques est moins directe, ce qui fait qu'elle peut parfois se retrouver inefficace.

Les conséquences de l'inflation

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L'inflation a des conséquences assez variées, qui touchent aussi bien les grandeurs macroéconomiques que microéconomiques. À peu près toutes les variables exprimées en monnaie (euros/dollars/autres) sont touchées par l'inflation. Par exemple, les salaires ont tendance à suivre l'inflation, de même que les taux d'intérêts ou les taux de change. On doit alors faire la différence entre les salaires/taux corrigés de l'inflation de ceux qu ne le sont pas. Les premières sont appelées les variables réelles, alors que les variables non-corrigées sont dites nominales. Pour simplifier, les variables nominales sont généralement proportionnelles au niveau général des prix ou à l'inflation. Les variables réelles sont souvent appelées les variables à prix constants, alors que les variables nominales sont dites à prix courants. L'effet de l'inflation dépend alors de son effet sur les variables réelles, qui est bien moins intuitif que ce qu'on pourrait croire.

Dans ce qui va suivre, nous allons voir quels sont les effets de l'inflation sur l'économie. Nous n'allons cependant pas être totalement exhaustifs et allons seulement voir les effets les plus faciles à comprendre, à ce stade du cours. D'autres effets de l'inflation seront vus plus tard dans le cours, dans des chapitres ultérieurs. Par exemple, nous allons voir l'effet de l'inflation sur les taux de change dans des chapitres ultérieurs.

L'effet sur les salaires : une baisse temporaire du pouvoir d'achat

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Si on demande quels sont les défauts de l'inflation à une personne lambda, celle-ci dira que l'inflation cause une perte du pouvoir d'achat en rognant les salaires. C'est intuitif : à salaire égal, une hausse des prix réduit le pouvoir d'achat des salaires d'autant. Mais un économiste ne serait pas d'accord avec ce raisonnement. Dans la réalité, l'inflation fait monter tous les prix de l'économie, y compris les salaires et les taux d'intérêts (qui sont respectivement le prix du travail et de l'épargne). Une inflation égale à 5% fera certes monter les prix des biens et services de 5%, mais les salaires vont croître au même pourcentage. En clair, les salaires tendent à suivre l'inflation, même quand ils ne sont pas indexés à celle-ci. L'inflation et les salaires évoluent de la même façon, covarient exactement. L'inflation n’entraîne donc pas de perte de pouvoir d'achat des salaires, quand on regarde les moyennes macroéconomiques.

Du moins, ce n'est vrai que dans une certaine mesure. Les salaires n'évoluent pas immédiatement en fonction de l'inflation. Il existe toujours un petit délai entre une hausse des prix et la hausse des salaires induite. On peut toujours réduire ce temps de réaction en indexant légalement les salaires sur l'inflation. De tels dispositifs étaient autrefois utilisés dans de nombreux pays, mais ont été supprimés suite aux périodes de stagflation des années 1970 (une période où l'inflation élevée était associée à un fort chômage de masse, chose mal comprise à l'époque). De nos jours, les salaires sont réévalués moins fréquemment, et surtout sans trop de lien avec l'inflation. Mais les salaires tendent approximativement à suivre l'inflation, avec un peu plus de retard il est vrai. La perte de pouvoir d'achat induite par l'inflation est donc minime.

Un autre paramètre, beaucoup plus important, tient aux inégalités de salaires. En effet, les raisonnements précédents sont valables quand on regarde la moyenne nationale des salaires. Mais en fait, les salaires sont inégalement distribués. Et l'inflation n'a pas le même effet sur les employés qui touchent bas salaire et sur ceux qui ont un salaire élevé. En effet, les salaires élevés se rencontrent dans les secteurs économiques qui sont au plein emploi, ou presque. Par contre, les bas salaires sont le signe que l'emploi est dans un secteur loin du plein emploi, avec beaucoup de prétendants pour peu de postes. Les hauts salaires ont la capacité de négocier leur salaire et sont les premiers à toucher une augmentation, alors que les bas/moyens salaires n'ont pas de pouvoir de négociation suffisant. Or, lors d'une période d'inflation forte, les hauts salaires seront plus à même de se protéger de l'inflation par des hausses de salaire, voire d'en profiter, alors que les bas salaires verront leurs salaires stagner. L'inflation entraînera donc une baisse de pouvoir d'achat pour les bas salaires, alors que les hauts salaires verront plutôt leur pouvoir d'achat augmenter avec l'inflation. L'inflation entraîne donc un transfert de pouvoir d'achat des bas salaires vers les hauts salaires.

L'effet sur les taux d'intérêts

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Rappelons que l'inflation et les taux réels/nominaux sont reliés par l'équation de Fisher, vue il y a quelques chapitres :

, avec i le taux nominal et r le taux réel.

Vu que l'inflation n'est pas fixe, on peut se demander comment les taux nominaux et réels réagissent à ses variations. Par exemple, si l'inflation augmente, que va-t-il se passer au niveau des taux nominaux : vont-ils rester les mêmes ou augmenter ? Pour répondre à cette question, on peut dériver l'équation de Fisher par rapport à l'inflation, ce qui donne :

Tout dépend alors du terme , qui traduit la variation du taux réel en fonction de l'inflation. Globalement, il y a trois cas, que nous allons voir de suite.

Le cas le plus simple est celui où les taux réels ne dépendent pas de l'inflation. Cette hypothèse se traduit mathématiquement par la formule suivante , grâce à laquelle l'équation précédente devient : . Dit autrement, les taux nominaux varient de la même manière que l'inflation. Une augmentation de 1% de l'inflation se traduit par une hausse identique des taux nominaux, alors que les taux réels restent les mêmes. Mais ce cas simple n'est cependant pas vraiment réaliste. Il est valable sur le très long-terme, c’est-à-dire qu'il s'agit d'un comportement moyen sur de longues périodes de temps. En réalité, tout dépend de la manière dont la banque centrale fixe ses taux nominaux (et indirectement les autres taux nominaux dans l'économie).

Le second cas est celui où les taux réels sont influencés par l'inflation. C'est la situation courante dans les pays développés où la banque centrale influence les taux réels en suivant une sorte de règle assez stricte, appelée règle de Taylor, pour des raisons que nous expliquerons dans quelques chapitres. Pour faire simple, cette règle dit que les taux réels doivent varier dans le même sens que l'inflation : si l'inflation augmente, la banque centrale augmente les taux réels, et inversement pour une baisse. Pour cela, les taux nominaux doivent augmentent plus vite que l'inflation (même chose pour une baisse). Les variations des taux nominaux sont en quelque sorte plus amples que les variations de l'inflation. En clair, le taux nominal et le taux réel tendent tous deux à suivre l'inflation et à covarier avec elle. On a donc : , ce qui donne .

Le dernier cas est celui où les taux nominaux sont fixes. Une situation assez réaliste est celle où les taux nominaux tombent à 0. La banque centrale ne peut alors pas les baisser plus et on se retrouve avec des taux nominaux fixes. Une autre situation est celle où la banque centrale fixe les taux nominaux, mais ce cas est irréaliste comparé au précédent (pour le moment, aucune banque centrale n'a mis en œuvre une telle politique). Dans les deux cas, on a : , ce qui donne . Cela veut dire que les taux réels varient en sens inverse de l'inflation (le signe -) et dans les mêmes proportions (une variation de 1% de l'inflation entraîne une variation de 1% des taux réels).

L'effet sur les crédits : un allègement de certains crédits

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On dit qu'une hausse de l'inflation allège le poids des crédits et emprunts, mais cela n'est pas forcément le cas. En réalité, tout dépend de l'effet de l'inflation sur les taux réels. Ce qu'on a vu précédemment sur les taux d'intérêts, s'applique aux taux d'intérêt des crédits. Ici, l'effet dépend de si la dette est à taux fixe ou à taux variable.

  • Les dettes indexées sur l'inflation voient leurs taux nominaux covarier avec elle. Toute hausse/baisse de l'inflation entraînant une variation équivalente des taux nominaux, ce qui fait que les taux réels restent les mêmes.
  • Les dettes à taux variables, c'est-à-dire dont les taux peuvent varier, voient généralement leurs taux varier selon la règle de Taylor. En clair, le taux réel covarie avec l'inflation, l'inflation faisant augmenter à la fois leur taux nominal et leur taux réel. Une hausse de x% de l'inflation entraîne une hausse supérieure à x% des taux.
  • Les dettes à taux fixes sont elles rognées par l'inflation. Leur taux nominal est fixé une fois pour toutes et leur taux réel dépend alors des variations de l'inflation. Par exemple, si vous contractez un emprunt immobilier à 2% (nominal), une hausse de l'inflation réduira le taux réel, ce qui allègera le poids de votre crédit et facilitera son remboursement.

Pour résumer, une hausse de l'inflation aide donc les emprunteurs à taux fixe, défavorise les emprunteurs à taux variable et mais n'a pas d'effet sur les dettes indexées à l'inflation. L'effet macroéconomique des variations de l'inflation dépend donc des proportions d'emprunts à taux fixe/variable/indexés sur l'inflation. Difficile d'en dire plus, sauf à analyser la proportion de chaque type de dette dans la population et leur répartition selon les revenus ou le patrimoine. L'effet redistributif est difficile à déterminer et dépend surtout du système bancaire du pays étudié et de sa régulation.

L'effet sur l'épargne : la vraie-fausse euthanasie du rentier

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Une autre conséquence d'une hausse/baisse de l'inflation est son effet sur l'épargne. Intuitivement, une hausse des prix entraîne une baisse du pouvoir d'achat de l'épargne, si celle-ci reste constante. Sauf que ce n'est pas le cas en réalité. Tout dépend, encore une fois de l'effet de l'inflation sur les taux d'intérêts des placements. Il faut, encore une fois, faire la différence entre les placements à taux fixes et les placements à taux variables.

  • Certains placements sont indexés sur l'inflation, ce qui fait que leurs taux nominaux évoluent avec celle-ci (dit autrement, leurs taux réels sont fixes). C'est par exemple le cas des obligations indexées sur l'inflation, mais aussi des actions ou de l’immobilier, dont le rendement/prix augmente en même temps que l'inflation, si ce n'est plus. C'est la même chose pour certains placements monétaires, assez rares il est vrai, dont les taux sont au minimum égal à l'inflation (en 2018, c'est le cas du Livret A, du LDDS et du LEP : leur rendement est au minimum égal à l'inflation, d'après la loi). Il va de soi que l'inflation n'a aucun effet sur ce type de placements.
  • D'autres placements sont à taux fixes, à savoir que leur taux est garanti et fixé par la loi ou un contrat quelconque. C'est le cas par exemple des comptes à termes, dont les taux sont fixés lors de la signature du contrat et garantis par la loi. Pour ces placements à taux nominal fixe, une augmentation de l'inflation se répercute sur le taux réel. L'inflation est alors mauvaise pour l'épargnant à taux fixe, elle lui fait perdre son pouvoir d'achat. Ce qui est souvent résumé en disant que "l'inflation est l'euthanasie des rentiers" (affirmation que nous nuancerons par la suite). Mais précisons qu'il s'agit là de l'effet d'une hausse de l'inflation. Si l'inflation est stable, elle est prévue par les agents économiques, et les taux d'intérêts s'ajustent.
  • D'autres placements ont des taux de rendement variables, qui évoluent dans le temps. Pour ces placements à taux variables, l'inflation tend à se répercuter sur les taux nominaux, sans toucher de beaucoup les taux réels. Les prix des logements à Paris ou le niveau du CAC40 sont là pour en témoigner... Pour ces placements, toute hausse de x% de l'inflation entraîne une hausse identique des taux d'intérêt qui compense la hausse de l'inflation. La réalité est plus complexe, les taux augmentant ou baissant plus fort que l'inflation : une hausse de 2% de l'inflation entraînera une hausse des taux de plus de 2%, et inversement pour une baisse.

Là encore, l'effet redistributif dépend de la proportion de chaque type de placement selon le revenu. Généralement, les ménages pauvres ou de la classe moyenne investissent en actifs sûrs, en placements monétaires qui sont les plus touchés par une hausse de l'inflation. À l'inverse, les ménages riches ont surtout des actions et de l'immobilier, qui sont protégés des hausses de l'inflation.

L'effet précédent est lié à une hausse/baisse de l'inflation, mais sa valeur absolue a aussi des conséquences. Plus l'inflation est forte, plus les agents sont incités à investir en actions et/ou immobilier, ce qui pourrait avoir un impact sur la croissance économique. L'inflation incite à investir non pas dans des titres de dettes sensibles à l'inflation, mais dans du capital productif (actions, immobilier, titres de propriété autres, ...). En clair, cela peut stimuler l'investissement sous la forme de capital, qui lui-même agirait positivement sur la croissance économique. Une telle chaîne "inflation -> investissement en capital -> croissance" porte le nom d'effet Tobin, du nom de son créateur, James Tobin. Pour l'anecdote, Tobin est l'économiste à l'origine de la fameuse taxe Tobin (souvent mal expliquée et mal comprise, mais c'est pour un autre cours), sans compter qu'il a créé un modèle de croissance monétaire qui modélise l'effet Tobin.

L'effet sur la monnaie : la taxe d'inflation

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Le cas le plus intéressant à étudier n'est cependant pas celui des rentiers, mais le cas général de tout un chacun, à savoir celui de la monnaie. Vu que son taux nominal est nul, son taux de rendement réel étant de . On peut voir l'inflation comme une taxe sur la détention d'espèces, qui touche surtout les ménages qui détiennent une grande partie de leur patrimoine sous la forme de monnaie. Il peut paraître bizarre d'utiliser le terme taxe, mais nous verrons plus tard dans ce cours que l'inflation est une source de revenus pour l'état. Et nous ne parlons pas seulement du fait qu'une hausse des prix signifie une hausse de l'argent récolté par la TVA ou d'autres taxes portant sur les prix. Nous verrons que la création de monnaie par la banque centrale, qui entraîne de l'inflation, est une source de revenus pour l'état. Mais ce sera l'objet d'un chapitre dédié à la fin du cours. Pour le moment, sachez juste que l'inflation entraîne une hausse des revenus réels de l'état par des mécanismes assez complexes.

Il ne faut pas croire que les ménages et entreprises ne réagissent pas à cette taxe d'inflation. Les ménages tentent de s'en prémunir en réduisant leurs encaisses, en dépensant immédiatement leur argent et en réduisant leur épargne de précaution. Cela entraîne l'apparition de divers coûts, appelés coûts de semelle (Shoe leather cost en anglais). Ce nom, d'inspiration comique, vient du fait que les voyages incessants à la banque lors des épisodes de forte inflation sont censés user plus vite les semelles des ménages. Il faut cependant noter que cette taxe d'inflation ne touche pas les placements rémunérés, ce qui incite les épargnants à placer leur argent, plutôt que de le laisser dormir sur un compte courant ou un livret faiblement rémunéré.

Les ménages "riches" ont peu de monnaie, en proportion de leur patrimoine, vu qu'ils préfèrent investir dans des actifs protégés de l'inflation. Par contre, les ménages modestes sont au contraire investis fortement en monnaie. Certains ménages n'ont même que de la monnaie, à savoir que leur épargne se résume à des comptes courants ou des livrets bancaires. Autant vous dire que les ménages pauvres sont les plus touchés par la taxe d'inflation, alors que les ménages riches y sont assez peu exposés. Cela peut paraître assez contre-intuitif, mais cela se comprend mieux avec quelques exemples. Prenons un ménage pauvre dont la seule épargne est un compte courant et un livret A : la taxe d'inflation va toucher tout son patrimoine. Par contre,ce n'est pas le cas pour un ménage riche qui a gardé 5% de son patrimoine en monnaie et le reste en actions et en immobilier. Seul 5% de son patrimoine seront impacté par la taxe d'inflation, les actions et l'immobilier étant exclus. Ce qui fait beaucoup moins, en termes de pourcentage, que le ménage pauvre. Pour résumer, la taxe d'inflation est donc une taxe fiscalement régressive, dont le taux diminue avec le patrimoine et les revenus.

L'effet sur l'investissement et la consommation

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Un autre point est que l'inflation modifie les comportements d'investissement, d'épargne et de consommation. Il est difficile de parler des comportements d'épargne/investissement sans parler des comportements de consommation, les deux étant liés. En effet, l'argent dépensé pour consommer est de l'argent qui ne peut plus être investi/épargné. Il y a donc un arbitrage permanent entre consommation et épargne. Du fait de ses effets, l'inflation modifie les comportements de consommation et d'investissement.

Concrètement, les ménages anticipent des hausses de prix et tendent à s'en prémunir en achetant à l'avance. Pour le dire autrement, ils réduisent leur consommation future pour augmenter leur consommation immédiate, ce qui revient à réduire leur épargne pour consommer plus. Les ménages surconsomment à court-terme, en achetant beaucoup de biens et services qu'ils n'auraient pas acheté sans inflation. Mais outre la surconsommation, les ménages peuvent augmenter leurs dépenses sans que cela se traduise par de la consommation immédiate. Par exemple, les ménages font des stocks de denrées dont le prix est censé grimper avec l'inflation. Typiquement, ils font des stocks de denrées alimentaires, d'essence, de savon, ou de tout autre biens durables. Il arrive aussi que les ménages spéculent en utilisant leurs stocks. Certains ménages achètent immédiatement des biens, pour les revendre plus tard, après que les prix aient montés.

Évidemment, l'augmentation de la consommation immédiate réduit les flux d’épargne, ce qui se traduit par un renchérissement des taux d'intérêt. Les entreprises devant payer plus pour attirer les investisseurs. Une entreprise qui a besoin d'emprunter devra fournir un rendement d'autant plus élevé que l'inflation est grande, les investisseurs n'étant pas bêtes et cherchant à se prémunir contre l'inflation. On a donc une surconsommation immédiate couplée à une réduction de l'épargne financière et des difficultés de financement pour les entreprises. Et les difficultés de financement des entreprises sont aggravés par le fait que les ménages cessent d'investir pour acheter des actifs non-productifs qui les protègent de l’inflation. Typiquement, les agents économiques vont délaisser les marchés financiers et les banques pour acheter de l'or, des métaux précieux, des cryptomonnaies. Les ménages délaissent les investissements productifs, dont les rendements sont grignotés par l'inflation, et leur préfèrent des actifs qui couvrent contre l'inflation (peu importe que cette couverture soit réelle ou supposée).

L'influence sur les impôts : des distorsions macroéconomiques

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L'inflation influence la perception des impôts par divers mécanismes assez contre-intuitifs. En premier lieu, elle réduit la valeur des impôts reçus par l’état. Il existe un certain temps entre le versement des revenus par les ménages, la perception des impôts et leur dépense par l'état. Et durant ce temps, l'inflation rogne la valeur des impôts perçus. Ensuite, les impôts portent sur des variables nominales, et non sur les valeurs réelles, ce qui peut poser quelques problèmes assez subtils, mais particulièrement importants.

Pour ce qui est de l'impôt sur le revenu, cela pose problème quand l'impôt est perçu par tranches. Dans ce cas, il faut que les seuils de chaque tranche suivent l'inflation pour compenser l'inflation et la hausse des salaires qui va avec. Si ce n'est pas le cas, des ménages qui étaient en dessous d'une tranche vont passer à la suivante, du fait de la hausse des salaires. Les salariés se retrouvent donc à payer des impôts en plus, alors que leur pouvoir d'achat n'a pas augmenté, ce qui réduit la progressivité de l'impôt. Si l'effet est marginal sur une année, il l'est beaucoup moins après quelques décennies. Songez qu'une hausse des salaires de 3% par an se traduit par un doublement en 24 ans... De manière générale, le phénomène a lieu pour tout seuil nominal qui sert dans le calcul des impôts, ce que soit pour le calcul des seuils ou plafonds des niches fiscales/tranches/autres.

Dans le cas des revenus du capital, cela entraîne une augmentation du taux d'imposition par rapport au taux réellement appliqué (celui définit dans la loi). Et si on tient compte de certaines déductions et réductions d'impôts, cela altère l'attractivité de certains investissements. Les niches fiscales deviennent nettement plus attractives que prévu, et les agents sur-investissent dans celles-ci. Il y a beaucoup d'autres effets de l'inflation sur la perception des impôts ou sur les investissements dépendants des taux d'imposition. Tout cela cause un manque à gagner pour l'état, qui doit être compensé d'une manière ou d'une autre, par une réduction des dépenses ou une augmentation des taxes. Et les effets sont très souvent assez larges, bien plus que pour la taxe d'inflation ou les autres effets. On estime que cela réduit les ressources fiscales de quelques pourcents, la valeur exacte dépendant du pays.

Les coûts de menu

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Un autre problème est que si l'inflation est vraiment forte, les prix doivent être mis à jour régulièrement par les entreprises. Cette mise à jour des prix n'est pas gratuite pour les entreprises, celles-ci devant changer les étiquettes, les menus, les catalogues, etc. De tels coûts de menu sont préjudiciables à la rentabilité des entreprises. Et il faut aussi parler de la mise à jour des salaires ou des taux d'intérêts.

Si l'inflation est vraiment forte, les entreprises doivent mettre à jour les salaires fréquemment (tous les mois ou tous les ans). Dans certains cas, les salaires peuvent même être indexés sur l'inflation. Dans les deux cas, cela a un coût pour les entreprises, qui cherchent à les minimiser le plus possible. Elles vont, par exemple, retarder les hausses de salaires ou en diminuer la fréquence. Cela fait que de nombreux salaires sont fixes à court-terme et ne sont pas réévalués en même temps que l'inflation, ce qui entraîne une baisse de pouvoir d'achat temporaire, compensée quand les salaires sont "dé-fixés". Cela a autant d'effets positifs que négatifs, mais cela entraîne une baisse temporaire du pouvoir d'achat des salaires.

La volatilité de l'inflation

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Volatilité de l'inflation.

Un autre point est qu'une inflation élevée est souvent une inflation fortement variable dans le temps. Cette volatilité de l'inflation favorise les entreprises financières, au détriment des autres. Plusieurs études estiment qu'une hausse de 10% de l'inflation augmente de plusieurs pourcents la part du PIB gagnée par les sociétés financières. En conséquence, l'inflation aide le transfert des ressources aux banques et organismes financiers. De plus, elle empêche les entrepreneurs et investisseurs d'estimer le rendement réel de leurs investissements.

Pour se prémunir contre une mauvaise anticipation d'inflation, les investisseurs vont anticiper le pire des cas, l'inflation la plus haute possible. Les investisseurs augmenteront les taux d'intérêts pour se prémunir contre le risque d'inflation. Cette hausse des taux entraîne une baisse de la production, par des mécanismes que nous aborderons dans quelques chapitres. Ce phénomène disparaît quand la banque centrale s'engage à respecter une cible d'inflation : les agents économiques s'attendront à une inflation égale à la cible, et ne négocieront pas une prime de risque liée à l'inflation. Les taux réels sont donc légèrement abaissés, favorisant la production.

Le taux d'inflation optimal

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Comme on le voit, l'inflation a des effets divers et variés sur l'économie d'un pays. Difficile de savoir quel effet va l'emporter sur les autres, ni si leur intensité est vraiment appréciable. C'est pourtant ce qu'il faudrait savoir pour déterminer le taux d'inflation optimal. Le consensus est cependant en faveur d'un taux d'inflation suffisamment faible pour ne pas avoir d'effet négatif notable d'un côté, mais non-nul pour éviter une déflation de l'autre (la déflation est une baisse des prix, une inflation négative, aux conséquences économiques particulièrement fâcheuses - nous en reparlerons dans la fin de ce livre). Un taux autour de 1 à 3% ne semble pas trop éloigné du taux optimal, les banques centrales actuelles préférant un taux de 2%. Mais d'autres travaux, plus anciens il est vrai, sont en faveur d'un taux de 0%, voire un taux négatif ! Las, aucune réponse certaine n'est aujourd'hui disponible.

Pour ceux qui veulent des sources d'études portant sur l'inflation optimale, je vous conseille de lire le document .pdf suivant : The Reader's Guide to Optimal Monetary Policy, par Anthony M. Diercks.

La taxe d'inflation optimale

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La taxe d'inflation permet de faire rentrer de l'argent dans les caisses de l'État, sans augmenter les autres impôts. Il s'agit donc d'une source de revenus pour l'état, qui est bien acceptée par la population car relativement invisible. Une hausse de l'inflation est plus facilement acceptée qu'une hausse des impôts sur le revenu ou de la TVA. La raison est que la taxe d'inflation est assez invisible, ses effets ne se voyant que si les prix ont vraiment augmenté, contrairement aux autres hausses d'impôts. Et surtout, personne ne s'imagine que l'état gagne vraiment beaucoup d'argent avec une inflation modérée.

Cependant, il y a un défaut à ce raisonnement. Tous les impôts causent des inefficiences microéconomiques diverses, de par leurs côtés incitatifs ou désincitatifs. La taxe d'inflation cause des distorsions, à savoir qu'elle modifie l'allocation des ressources (ici, la monnaie) par rapport à un équilibre optimal. On a vu plus haut que les agents économiques tentent par tous les moyens de réduire la taxe d'inflation, en se débarrassant de leur monnaie, que ce soit pour la dépenser ou pour l'investir dans d'autres actifs. Plus l'inflation est forte, plus les agents réduisent la quantité de monnaie qu'ils ont. On peut modéliser cela selon une relation entre taux d'inflation et demande de monnaie, relation décroissante. Sans taxe d'inflation, les agents détiendraient la quantité de monnaie optimale pour leur bien-être. Mais ce n'est pas le cas si la taxe d'inflation est positive : la taxe d'inflation modifie l'allocation de la monnaie dans l'économie, ce qui est source d'inefficiences (trop de dépenses ou d'achats d'actifs risqués, comportements microéconomiques sous-optimaux, influence sur le système bancaire et monétaire, ...). Naïvement, on peut en déduire que l'optimum est obtenu avec une taxe d'inflation nulle, qui ne cause pas de distorsions monétaires. Après tout, l'état dispose d'autres impôts mieux fichus pour financer ses dépenses, comme une TVA, un impôt sur le revenu, etc.

Mais c'est oublier que les autres impôts causent aussi des problèmes, liés au fait que les agents souhaitent limiter leur impôt au maximum. Tout impôt cause des distorsions et pas seulement la taxe d'inflation. Dans le cas où l'inflation cause moins de problèmes que d'autres impôts, plus problématiques, elle est à privilégier (et inversement dans le cas contraire). En somme, il y a un arbitrage coûts-bénéfices entre chaque type d'impôts, qui est extrêmement compliqué à analyser. Par exemple, l'inflation a beau être une taxe peu redistributive (et même fiscalement régressive), les autres impôts peuvent être pires (selon le pays ou le gouvernement). Comme autre exemple, si l'inflation modifie l'allocation de l'épargne des agents, une taxe sur le capital ou les dividendes mal fichue peut faire pire (ou mieux, tout dépend des taux, des assiettes, et de bien d'autres choses). Si on fait une synthèse de cet arbitrage entre inflation et autres impôts, on trouve qu'une taxe d'inflation faible mais positive a des avantages certains sans inconvénients majeurs par rapport aux autres impôts. Elle est bien perçue par la population, rapporte de l'argent à l'état, permet de réduire le poids des autres impôts, sans pour autant causer de distorsions majeures. Cela va dans le sens d'une inflation légèrement positive, mais assez faible, quelques pourcents tout au plus.

Un avantage spécifique à la taxe d'inflation est qu'elle taxe tous les détenteurs de monnaie, y compris les étrangers et/ou ceux qui le déclarent pas leurs revenus. Elle permet ainsi de taxer les activités illégales, comme la vente de drogue, qui ne payent pas d'impôts sur leur activité. De plus, elle taxe aussi des détenteurs étrangers. Par exemple, un ménage européen qui détient des dollars sera taxé par l'inflation américaine, sans même s'en rendre compte. Beaucoup de pays ont des réserves de dollars, que ce soit pour faciliter le commerce international, pour fixer leurs taux de change, ou pour d'autres raisons. Les états-unis, avec leur inflation à 2%, taxent ces réserves étrangères de dollars, ce qui leur donne un revenu fiscal assez important. C'est une source de revenus non-négligeable pour les pays dont la monnaie est beaucoup utilisée à l'étranger, comme les états-unis ou la zone euro.

Le coût d'opportunité de la monnaie

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Un autre raisonnement, proposé par Milton Friedmann, veut que l'inflation optimale soit obtenue quand les taux nominaux sont nuls. Pour comprendre le raisonnement, il nous faut anticiper les prochains chapitres et parler de la demande de monnaie. Nous avions vu ce concept dans le chapitre précédent, mais dans le cadre de la théorie de la préférence pour la liquidité. Ici, nous allons parler d'un concept légèrement plus général, qui n'est pas spécifique à cette théorie. Pour rappel, c'est l'idée que la quantité de monnaie en circulation dans l'économie dépende des taux d'intérêt. Plus les taux sont élevés, plus la quantité de monnaie circulante est faible. Une manière simple d'expliquer cela est que plus les taux sont forts, moins les agents économiques veulent détenir de monnaie et plus ils la convertissent en dépenses et/ou placements financiers.

Pour détailler le raisonnement, il faut parler du coût d'opportunité de la monnaie. Celui-ci est la perte (ou le non-gain) qu'un agent a à détenir une quantité M de monnaie. En effet, l'agent pourrait faire autre chose de son argent et notamment l'épargner. Entre détenir de la monnaie qui ne rapporte rien (son taux nominal est de 0) et des instruments financiers qui versent un intérêt élevé, le choix est vite fait. Le coût d'opportunité ici correspond à l'intérêt perdu en ne plaçant pas l'argent, c’est-à-dire les intérêts . Le coût d'opportunité de la monnaie est donc égal à et plus il est élevé, plus la détention de monnaie est coûteuse par rapport aux autres options de placement. Avec des taux élevés, les agents vont se débarrasser de leur monnaie et la convertir en placements, réduisant la quantité de monnaie totale en circulation. Inversement, une baisse des taux fait que la monnaie va devenir plus intéressante, car elle garde l'avantage de la liquidité : elle peut être dépensée immédiatement, contrairement à des actions, des obligations ou de l'immobilier. Ainsi, plus le taux nominal est élevé, plus le coût d'opportunité de la monnaie est important, plus la détention de monnaie est coûteuse par rapport aux autres options, plus les agents s'en débarrassent, plus la masse monétaire diminue.

Relation entre taux, inflation et demande de monnaie.

Il existe donc une relation entre taux d'intérêt et monnaie, appelée la demande de monnaie. Celle-ci dit est illustrée schématiquement dans le schéma de droite, mais on peut la mettre grossièrement en équation comme suit :

, avec M la masse monétaire, i le taux nominal, r le taux réel et pi pour l'inflation.

On voit que pour un taux réel constant, l'inflation fait augmenter les taux nominaux, ce qui réduit la masse monétaire. La raison à cela est que plus l'inflation fait augmenter les taux nominaux, et donc le coût d'opportunité de la monnaie, ce qui fait que les agents convertissent leur monnaie en placements. Le schéma ci-contre montre que la demande de monnaie est maximale quand le taux nominal est nul.

Friedmann postula que le coût de détention de la monnaie devait être égal au coût de la création de cette même monnaie. Or, ce coût de création monétaire est supposé être nul, d'où un coût d'opportunité nul, ce qui implique un taux d'intérêt nul ! L'idée de Friedmann implique qu'avec un taux nul, les agents ne sont pas incités à biaiser leur détention de monnaie à cause de l'inflation, ce qui fait que les conséquences de l'inflation sont alors minimales, voire nulles. En clair, la politique monétaire optimale demande de garder un taux d'intérêt nominal nul, égal à 0. D'après l'équation de Fisher , cela signifie un taux d'inflation optimal négatif, égal à l'opposé du taux réel : . La banque centrale doit donc garder le taux nominal à zéro, ce qui est ce qu'on appelle la règle de Friedmann.

Mais de nos jours, on sait que cette règle n'est probablement pas optimale. Si on prend en compte d'autres effets de l'inflation, on se retrouve avec des frictions qui rendent la règle de Friedmann fausse, ou au moins approximative.


Les taux de change

La politique monétaire a un effet sur la quantité de monnaie et les taux d'intérêts, mais aussi sur les taux de change. Aussi, nous avons dédié un chapitre sur ceux-ci. Les taux de change ont de nombreux points communs avec l'inflation ou les taux d'intérêt. Le premier est d'être des variables dites nominales, qui dépendent du niveau général des prix. On peut en donner des valeurs dites réelles, qui suppriment l'effet de l'inflation ou des prix, et les taux de change ne font pas exception : on distingue le taux de change réelle du taux nominal. De plus, le taux de change et l'inflation sont tous deux influencés par des paramètres réels et par la politique monétaire et fiscale du gouvernement. Reste à voir ce que sont ces taux de change et d'où ils proviennent.

Le taux de change : définitions de base

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Pour investir à l'étranger ou pour exporter/importer, tout agent devra échanger sa monnaie nationale contre de la monnaie étrangère : des euros s'échangent contre des yens, des dollars s’échangent contre des euros, etc. Mais pour que cet échange ait lieu, il faut obligatoirement un autre agent faisant l'échange strictement inverse : si j'échange 50 euros contre 100 yens, il faut un autre agent avec qui échanger, agent qui voudra échanger 100 yens contre 50 euros. Pour le dire autrement, l'échange de devises est un troc de monnaie, et non un achat ou une vente habituelle.

Le taux de change nominal et réel

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Le taux de change nominal est le prix d'échange de deux monnaies. Il définit combien il faut donner de monnaie nationale pour obtenir une unité de monnaie étrangère. Par exemple, si je dois donner 50 euros pour obtenir 30 yens, le taux de change est de 50/30 = 1,6666... De manière générale, le taux de change d'une monnaie nationale envers une monnaie étrangère est égal au rapport entre la somme de monnaie nationale qu'il faut dépenser pour obtenir unités de monnaies étrangères.

À toute variable nominale, il existe une variable réelle équivalente. Le taux de change ne fait pas exception. Le taux de change réel, noté , est la quantité de biens nationaux que l'on peut échanger contre des biens étrangers. En clair, une quantité de biens nationaux s’échange contre la quantité de biens étrangers. Ce qui donne :

On peut calculer ce taux de change réel en partant de la définition du taux de change nominal précédente. Il faut juste se souvenir que chaque somme d'argent est équivalente à une certaine quantité de biens multipliée par leur prix, ce qui donne :

Le taux de change réel vaut donc, par définition :

, avec le taux de change réel, le taux de change nominal, le niveau général des prix nationaux et le niveau moyen des prix étrangers.

La dépréciation des taux de change nominaux et réels

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Le taux de change peut varier au cours du temps, que ce soit à la hausse ou à la baisse. Une baisse du taux de change porte le nom de dépréciation, alors qu'une hausse s'appelle une appréciation. Quelques calculs algébriques nous permettent de calculer les variations du taux de change, à savoir la dépréciation ou l'appréciation de la monnaie. Ces deux valeurs indiquent si le taux de change a augmenté ou diminué de 5%, de 2%, de 15%, etc. Cette variation en pourcentage est au taux de change ce que l'inflation est au niveau des prix. Ce taux de dépréciation de la monnaie nationale est égal, par définition, à :

, avec e le taux de change.

Une dépréciation se traduit par une hausse des prix des biens importés : les biens et services deviennent alors plus cher dans la monnaie nationale. De plus, elle rend moins chères les exportations dans la monnaie étrangère, ce qui rend les biens exportés plus compétitifs à l'étranger par rapport aux biens domestiques. À contrario, une appréciation a les effets inverses : baisse des prix importés, mais exportations plus chères.

À partir de l'équation précédente, on peut calculer comment varie le taux de change réel en fonction d'une variation du taux de change nominal. En clair, on peut calculer la dépréciation du taux de change réel à partir de celle du taux de change nominal. Pour cela, partons de la définition du taux de change réel :

Prenons la variation/dérivée :

On applique la formule  :

Divisons par q, ce qui revient à multiplier par  :

Développons et simplifions :

La variation/dérivée d'un quotient se calcule avec la formule . Dans le cas présent, cela donne :

En simplifiant, on trouve :

Dans le terme de droite, le premier terme est la dépréciation du taux de change nominal, le second est l'inflation du pays étranger, et le troisième est l'inflation du pays domestique. On a alors :

On peut aussi reformuler cette équation comme suit :

On voit que dans le cas général, la dépréciation des taux de change nominaux est la somme de la dépréciation du taux de change réel et du différentiel d'inflation entre les deux pays considérés. Reste alors à savoir comment l'inflation interagit avec les taux de change.

Les régimes de change fixe et flottant

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L'équation précédente nous donne une égalité, mais elle ne dit pas dans quel sens les variables interagissent. Le fait est que cela dépend de comment le gouvernement gère le taux de change. Il peut le laisser flotter, c'est à dire varier suivant les vicissitudes des marchés, ou le fixer, c'est à dire agir afin de le maintenir constant.

De nos jours, la plupart des pays n'interviennent pas sur le marché des changes, ce qui fait qu'ils laissent les taux de change varier suivant les conditions de marché. On parle alors de politique de change flottant. Mais d'autres pays font intervenir le gouvernement et/ou la banque centrale pour contrôler les taux de change. Cela arrive dans beaucoup de pays émergents, qui dépendent beaucoup des importations. Dans ces pays, maintenir l'inflation sous contrôle demande de contrôler les prix des biens importés, et donc le taux de change. La banque centrale a alors pour objectif de maintenir les taux de change fixes, à une valeur qui maintient le prix des biens importés sous contrôle. On dit alors que la politique de taux de change est une politique de change fixe.

Fixer le taux de change nominal est possible si le gouvernement maintient son taux de change fixe par divers moyens légaux et macroéconomiques. Dans ce cas, l'équation précédente nous dit que la dépréciation du taux de change réel est égal au différentiel d'inflation entre les deux pays. Maintenir un taux de change réel fixe demande donc d'avoir la même inflation que l'autre pays considéré. Une conséquence de cela est que si deux pays s'accordent à maintenir leurs taux de change nominaux fixes, alors il faut de préférence que l'inflation soit identique dans les deux pays pour éviter une divergence exponentielle des taux de change réel. Mais ce cas est quelque peu problématique et assez difficile à mettre en place.

Mais si le gouvernement laisse flotter le taux de change nominal, alors les taux de change nominaux sont influencés par l'inflation. Sur le long-terme, le taux de change réel est relativement stable, ce qui fait que taux de change et différentiel d'inflation covarient : toute variation du différentiel d'inflation entraîne une variation identique des taux de change nominaux. À plus court terme, les variations des taux de change nominaux ne sont cependant pas identiques à l'inflation. Le taux de change réel peut alors varier, dans une certaine mesure, et avoir un effet sur l'économie réelle.

La détermination des taux de change

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Qui dit échange dit marché. Ici, il s'agit de marchés où les agents économiques échangent des devises, d'où leur noms de marchés de devises. Sur ce marché, des personnes vendent de la monnaie et d'autres veulent en acheter : des agents vont vouloir échanger de la monnaie nationale contre une monnaie étrangère (offre de monnaie nationale), tandis que d'autres voudront faire la conversion inverse (demande de monnaie nationale). Ces marchés permettent ainsi un troc entre monnaies. Dit autrement, une offre de devises rencontre une demande. À l'équilibre, la demande et l'offre sont égales, ce qui fait que la rencontre entre cette offre et cette demande est à l'origine d'un prix : le taux de change nominal.

L'équilibre du marché des changes

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La demande du marché des changes est la quantité de devises que les agents souhaitent échanger contre de la monnaie domestique, l'offre étant l'opération inverse. On peut s'en rendre compte facilement : plus le taux de change est fort, plus la conversion d'une unité de devises rapportera de monnaie nationale. L'opération de conversion de devises en monnaie nationale est donc favorable, contrairement à l'autre opération. On a donc un flux entrant d'un côté et un flux sortant de l'autre. L'offre et la demande de devises/monnaie dépendent des flux de capitaux, mais aussi des importations et exportations, ainsi que des interventions des banques centrales sur le marché. Si on omet l'intervention des banques centrales, alors seules comptes les transferts de capitaux et les importations/exportations. Les

Un premier composant de la demande de monnaie nationale provient des exportations. : un exportateur est payé en monnaie étrangère, qu'il doit convertir en monnaie nationale. Par contre, les importateurs doivent transformer leur monnaie nationale en devises étrangères pour payer leurs vendeurs. Ce qui fait que les importations rentrent dans la composition de l'offre de devise nationale. À cela, il faut ajouter les flux de capitaux entrants et sortants, à savoir l'investissement étranger ou à l'étranger. Premièrement, des capitaux vont rentrer sur le territoire national, pour y être investis. Ceux-ci doivent être convertis d'une monnaie étrangère vers la monnaie nationale : ils font donc partie de la demande de monnaie. Les capitaux sortants, qui quittent le pays pour être investis à l'étranger, font partie de l'offre de monnaie nationale.

Si on fait le bilan l'offre sur le marché des change est donc la somme des exportations et du flux de capitaux entrant, les deux représentant l'argent qui rentre dans le pays. Par contre, la demande est la somme de l'argent qui sort du pays : paiement des importations, et flux sortants de capitaux. À l'équilibre, offre et demande sont égaux sur ce marché, le taux de change évoluant de manière à ce que ce soit le cas. On obtient donc l'équation ci-dessous :

, avec E pour les exportations, I pour les importations, et pour les flux de capitaux sortant et entrant.

Il est possible de reformuler cette relation en faisant intervenir la différence entre exportations et importations, ainsi que la différence entre capitaux sortants et entrants.

Le premier terme est ce qu'on appelle les exportations nettes, alors que le second est le flux de capitaux net sortant. En notant les exportations nettes et le flux de capitaux net sortant, on a :

Cette équation est la vraie équation qui donne l'équilibre sur le marché des change. En effet, les exportations nettes correspondent à la quantité d'argent nette qui doit être convertie en devises. Les importations compensent en partie les exportations, le solde restant étant le seul à convertir. Même chose pour les flux de capitaux : les capitaux entrants compensent les sortants, seule la différence entre les deux devant effectivement être convertie. Cette équation dit que les conversions causées par les exportations nettes doit avoir une contrepartie inverse, pour respecter le fait que le marché des change n'est qu'un troc de monnaie. Cette compensation est, par nature, le fait des flux de capitaux nets.

La manipulation des taux de change par les états ou la banque centrale

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Pour manipuler le taux de change, le gouvernement (par le biais de sa banque centrale) doit manipuler l'offre et/ou la demande sur le marché des changes, soit en achetant de la monnaie étrangère avec de la monnaie nationale, soit en vendant de la monnaie étrangère. Quand la banque centrale crée beaucoup d'argent, la monnaie nationale devient moins rare. Son offre va donc augmenter, ce qui fait que son prix extérieur (le taux de change) diminue. À l'inverse, une politique restrictive réduit la quantité de monnaie, la rendant plus rare, ce qui fait grimper son prix : le taux s'apprécie.

Pour avoir des taux de change fixes, la banque centrale laisse flotter le taux de change dans un intervalle très précis, histoire de borner les évolutions du taux de change.

Mechanism of Fixed Exchange Rate System

Quand le taux de change menace de dépasser la borne maximale, c'est signe qu'il y a un excès de demande de monnaie nationale par rapport à l'offre. Dit autrement, c'est signe que la quantité de monnaie nationale est trop forte. Pour éviter cela, la banque centrale doit acheter sa monnaie nationale, avec de la monnaie étrangère. Pour cela, toute banque centrale possède des réserves de devises étrangères qu'elle peut échanger à volonté sur les marchés des devises. Une autre solution est d'utiliser une politique monétaire restrictive.

Excess Demand for Dollars

Inversement, un taux de change trop bas signifie qu'il y a excès d'offre de monnaie étrangère, ou un manque de demande. Dit autrement, la monnaie nationale est trop rare, que la création monétaire est insuffisante. Pour éviter cela, la banque centrale doit vendre sa monnaie nationale, contre de la monnaie étrangère. Pour cela, la banque centrale a juste à créer de la monnaie nationale avec une politique monétaire accommodante.

Excess Supply of Dollars



Les anticipations d'inflation

On ne peut pas créer de théorie macroéconomique sans utiliser les grandes variables que sont le PIB, le niveau des prix, la masse monétaire, les taux, et ainsi de suite. La macroéconomie a pour but de trouver des relations assez stables entre ces variables, afin de pouvoir décrire le fonctionnement de l'économie. Avant les années 1970, ces relations étaient tirées d'études statistiques ou d'observations à grande échelle. Les économistes découvraient des relations statistiques entre le PIB et l'inflation, entre le PIB et le chômage, et ainsi de suite. Certaines de ces relations sont aujourd'hui connues sous le nom de courbe de Phillips, Courbe IS, et ainsi de suite.

Mais en 1970, Lucas émis une critique quant à l'utilisation de telles relations statistiques : elles ne sont pas stables dans le temps et toute tentative des gouvernements d'utiliser ces relations pour relancer l’économie est vaine. Cette critique de Lucas part du principe que les agents anticipent la politique monétaire et réagissent en fonction. Ainsi, toute tentative de modéliser l'économie sans tenir compte des anticipations des agents et leur réaction donnera des modèles incomplets, dont les relations statistiques ne sont en réalité que des artefacts sans grande importance. Ce raisonnement, associé à des modèles théoriques, a eu son heure de gloire suite à la mort de la courbe de Phillips keynésienne, quand on montra que celle-ci dépendait fortement des anticipations des agents. Si on tient compte de ces anticipations, le fonctionnement de l'économie est plus compliqué à comprendre et à modéliser, mais le faire nous donne des résultats particulièrement intéressants.

Il est très important de voir dans le détail ce qui influence les anticipations d'inflation et quel est leur influence sur l'économie. Le présent chapitre va donc détailler les modèles qui utilisent les anticipations des agents économiques et les modélisent. Du point de vue de la politique monétaire, ce sont essentiellement les anticipations d'inflation qui sont importantes.

L'effet des anticipations d'inflation sur l'économie

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Les agents économiques essayent de prédire l'inflation future, consciemment ou non, et tiennent compte de ces anticipations lors de leurs décisions. Les décisions d'épargne, de consommation, les revendications salariales, et bien d'autres décisions demandent en effet de prédire l'inflation. Par exemple, une forte inflation anticipée peut pousser les agents à négocier leurs salaires à la hausse, ou à prendre plus de risques pour leurs investissements.

L'effet sur l'inflation

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Toutes ces réactions font que l'inflation est performative, à savoir que le simple fait d'anticiper l'inflation suffit à la concrétiser. L'inflation totale est donc la somme d'une inflation anticipée , à laquelle il faut ajouter une inflation non-anticipée  :

.

Les banques centrales ayant comme mandat un contrôle de l'inflation, elles suivent régulièrement l'évolution de ces anticipations, pour bien faire leur travail.

L'effet sur les taux d'intérêts

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Dans le chapitre sur les taux d'intérêts, nous avons vu l'équation qui relie taux réel, inflation et taux nominal :

Elle donne le taux réel d'un investissement/crédit une fois que le versement des intérêts s'est concrétisé. Il s'agit du taux réellement obtenu, aussi appelé le taux réel effectif. Cependant, les investisseurs/emprunteurs ne peuvent connaitre le taux réel à l'avance, quand bien même les taux nominaux sont connus à l'avance et fixés par un contrat. Même si le taux nominal est fixé à l'avance, ce qui n'est pas garantit, l'inflation ne l'est pas et peut varier durant la durée du crédit/placement. Cependant, un investisseur peut quand même faire une estimation du taux réel, en tentant de prédire l'inflation (au moins approximativement). Les investisseurs estiment l'inflation future et en déduisent non pas le taux réel effectif, mais un taux réel anticipé estimé sur la base des anticipations d'inflation. Sous ces conditions, l'équation de Fisher se reformule comme suit :

, avec le taux réel anticipé.

Cette équation nous dit que les anticipations d'inflation vont influencer le taux réel et le taux nominal. Deux cas sont possibles : soit le taux nominal est fixe (cas fréquent à court-terme), soit le taux réel est fixe (cas observé sur le long-terme). Si le taux réel est fixe, les anticipations d'inflation se répercutent sur les taux nominaux, sans grand effet sur l'économie. Mais si le taux nominal est fixe, alors les anticipations influencent le taux réel. Or, les taux réels sont extrêmement importants pour nombre de décisions économiques, l'investissement étant le cas le plus important. Le taux réel influence la volonté d’emprunter des ménages et entreprises et influence les décisions d'épargne. Autant dire que les anticipations d'inflation vont avoir un effet majeur sur l'économie, si les taux nominaux sont fixes.

La modélisation des anticipations

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Modéliser les anticipations d'inflation est assez compliqué et plusieurs modèles ont été inventés par les économistes. Pour simplifier, on distingue les anticipations rationnelles des autres, dites adaptatives/extrapolatives.

Les anticipations adaptatives

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Les premières théories ont utilisé des anticipations fixes, où les agents ne prennent en compte que la dernière valeur de l'inflation, celle de l'année dernière. Ces anticipations sont définies comme suit, avec l'inflation anticipée pour la prochaine période (l'an prochain, par exemple) et l'inflation actuelle.

Un cas plus général est celui des anticipations adaptatives, où les agents utilisent l'inflation passée pour prédire l'inflation future. Avec elles, les agents extrapolent l'inflation future à partir de l'inflation passée. Plus précisément, ils anticipent l'inflation en faisant une moyenne pondérée des valeurs passées de l'inflation, valeurs passés dont le poids diminue exponentiellement avec le temps.

Ce qui se reformule ainsi, pour une forme plus compacte :

Les anticipations adaptatives ne sont pas parfaites et les utiliser dans des modèles économiques est relativement compliqué. Leur défaut principal est qu'elles sont incomplètes, qu'elles ne décrivent pas parfaitement le comportement des agents économiques. En effet, les agents ne se limitent pas à l'inflation passée pour prédire l'inflation future : ils utilisent d'autres sources d'information, comme les statistiques de la production, les taux d'intérêts de la banque centrale, etc. Par exemple, certains traders peuvent surveiller les taux et la politique monétaire, identifier les chocs d'offre ou de demande, et ainsi de suite.

Les anticipations rationnelles

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Pour résoudre ces problèmes, les anticipations adaptatives ont progressivement été remplacées par les anticipations rationnelles, la théorie des anticipations aujourd'hui la plus répandue (non sans être critiquée). Avec cette théorie, les agents économiques anticipent l'inflation en utilisant toute l'information disponible. Cela ne signifie pas que tous les agents se forgeront la même anticipation : au contraire, chaque agent peut se faire sa propre anticipation, fortement différente des anticipations des autres agents. Par exemple, les agents économiques peuvent se tromper avec des anticipations rationnelles. Néanmoins, et c'est là le cœur des anticipations rationnelles, la moyenne des anticipations de tous les agents ne se trompe pas : elle est égale à la valeur réelle qu'aura l'inflation dans le futur, si aucun évènement imprédictible n'a lieu. L'hypothèse des anticipations rationnelle ne postule donc pas des agents rationnels, mais des marchés rationnels : il s'agit plus d'un postulat d'intelligence collective que de rationalité individuelle.

Pour formuler cela mathématiquement, prenons une variable macroéconomique , que les agents souhaitent anticiper. Celle-ci évolue comme une variable aléatoire, ce qui fait que chaque valeur qu'elle peut prendre possède une probabilité d'avoir lieu. L'espérance mathématique de cette variable aléatoire est la somme :

Les agents vont anticiper la valeur de en utilisant toute information pertinente qu'ils ont a disposition lors de la période précédente, cette dernière étant notée . L'espérance qu'ils vont anticiper est une espérance conditionnelle, à savoir que les probabilités sont les probabilités conditionnelles sachant que l'information disponible est réalisée. Donc l'espérance qu'ils calculent est la suivante :

Évidemment, les agents peuvent se tromper : les valeurs anticipées sont alors différentes de la valeur réalisée. La différence entre les anticipations et la réalité est ce qu'on appelle l'erreur de prédiction. Elle vaut :

L'hypothèse des anticipations rationnelles se base sur deux principes de base, qui assurent que les agents utilisent toute l'information disponible et que celle-ci est traitée de manière adéquate.

  • L’espérance de l'erreur de prédiction, compte tenu des informations disponibles, est nulle. Physiquement, cela signifie que les agents ne mettent pas de côté les informations pertinentes, ils ne sont pas myopes à certaines données. Les agents n'ont donc pas de biais cognitifs qui rendent certaines données plus saillantes que les autres, et ont des capacités cognitives non-limitantes. En clair : les agents peuvent se tromper, mais pas de manière systématique, pas à chaque fois de la même manière. Et ils ne sont pas censés se tromper en raison d'une interprétation biaisée des informations.
  • L'erreur de prédiction est indépendante de l'information disponible. Cela signifie que les agents utilisent bien toute l'information disponible. Ils ont accès à toute l'information disponible, sans coût, sans erreur, sans biais (ou du moins, tout se passe comme si c'était le cas). Et enfin, ils savent comment fonctionne l'économie, savent quel est le modèle adéquat. L'erreur de prédiction est donc causée par des phénomènes que les agents ne pouvaient pas prévoir sur la base des informations disponibles.

Avec des anticipations rationnelles, si les prix/salaires ne sont pas fixes, l'inflation est prédite à la perfection et la politique monétaire a bien un effet sur les variables nominales, mais n'a aucun effet sur le PIB ou les autres variables réelles (les taux réels ou les salaires réels, par exemple). Celle-ci est parfaitement prédite par les agents économiques, qui s'adaptent et annule tout effet qu'elle aurait pu avoir. En théorie, seule l'inflation non-anticipée a un effet sur le PIB ou les taux réels. Certains auteurs ont réussi à rendre compte de l'existence d'un effet à court-terme de la politique monétaire tout en utilisant des anticipations rationnelles, mais cela demande d'ajouter des frictions dans les théories utilisées. Nous détaillerons ce genre de théories dans un chapitre à la fin du cours.



Les chefs d'orchestre : les banques centrales

Avec la création des banques, le pouvoir de création de la monnaie a changé de main. Chaque banque imprimait sa propre monnaie, ces monnaies n'étant pas forcément convertibles d'une banque à l'autre. Lors de cette période de free banking, la monnaie était intégralement créée par le secteur privé et n'était pas vraiment régulée. Quelques économistes récents, dont Frédéric Hayek, ont vanté les mérites d'un tel système, causant quelques controverses dans les rangs de leur profession. Par la suite, le système monétaire est rapidement devenu ce qu'on appelle l'étalon-or. Chaque banque devait garantir la convertibilité de la monnaie en or, ce qui faisait que la quantité de monnaie imprimée était limitée par les quantités d'or disponibles. Rapidement, la création monétaire a changé de main et est devenu le rôle d'une unique banque, dirigée par le gouvernement : la banque centrale. Leur but premier, dans les anciens temps, était simplement d'imprimer les billets et de fabriquer les pièces. Puis, leur rôle de réserve d'or ou de monnaie est devenu prépondérant.

Depuis l'effondrement de l'étalon-or et du système de Bretton-Woods, le système monétaire mis en place est ce qu'on l'appelle un régime d'inflation-targeting, ou encore système monétaire moderne. La création monétaire est gouvernée par une banque centrale qui utilise la monnaie pour atteindre divers objectifs macroéconomiques. Elle n'est pas limitée par la quantité d'or dans ses caisses, ni par une quelconque contrainte physique. Cela est possible grâce à l'existence de la monnaie électronique, qui facilite la création monétaire. La banque centrale peut imprimer des billets, frapper des pièces, fabriquer des chèques, créer de la monnaie sous forme électronique, remplir des comptes bancaires, etc. Avec le temps, celle-ci a gagné beaucoup de pouvoir, notamment celui de réguler les banques et de gouverner tout ce qui a rapport de près ou de loin avec la gestion de la monnaie dans l'économie. Les chapitres qui vont suivre vont expliquer le fonctionnement détaillé du système monétaire actuel.

De nos jours, les banques centrales sont la clé de voûte de la gestion de la monnaie dans l'économie, la fameuse politique monétaire. De nos jours, ces banques centrales influencent l'économie, via la quantité de monnaie en circulation, l'inflation, le taux de chômage et d'autres paramètres assez importants. Elles jouent aussi un rôle de régulation et de surveillance du secteur bancaire.Les rôles, objectifs, et instruments d'une banque centrale constituent ce qu'on appelle la politique monétaire. Chaque pays (ou zone monétaire, dans le cas de l'euro) définit le fonctionnement de sa banque centrale dans des lois ou traités, qui précisent quels sont les objectifs de la banque centrale, son organisation, les procédures de nomination de ses dirigeants, et ainsi de suite. Ceux-ci déterminent le statut juridique de la banque centrale. Par exemple, c'est le traité de Maastricht qui définit le statut juridique de la banque centrale européenne. C'est ce statut juridique que nous allons aborder ici.

Les objectifs d'une banque centrale

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La banque centrale peut avoir plusieurs objectifs distincts, qui varient fortement suivant le pays. Néanmoins, on retrouve souvent plus ou moins les mêmes objectifs chez un grand nombre de banques centrales, la stabilité des prix étant l'objectif principal. Certaines banques centrales ont un objectif de stabilité des taux d'intérêts, d'autres ont un objectif de maintien de la croissance ou de soutien de l'emploi. Un autre objectif est de stabiliser l'économie, en complément d'une éventuelle politique fiscale. Cela implique de lutter contre les récessions ou de freiner une économie en surchauffe. Cet objectif de stabilisation demande de manipuler la demande (et non l'offre), la politique monétaire ayant une grande influence sur celle-ci. Les banques centrales actuelles tentent de maintenir l'économie de leur pays en bonne santé, notamment en régulant ou en soutenant le système bancaire.

Certaines banques centrales ont, dans leurs statuts juridiques, plusieurs objectifs qui sont le plus souvent contradictoires. Dans ce cas, les statuts juridiques des banques centrales précisent souvent quel est l'objectif principal de la banque centrale, mais ils peuvent aussi préciser des objectifs annexes. Les statuts de ce type sont des mandats hiérarchiques, qui précisent quels sont les objectifs prioritaires. C'est notamment le cas de la réserve fédérale américaine, qui a un double objectif de lutte contre l'inflation et de soutien à l'emploi. Les origines de cette situation atypique sont à rechercher dans l'histoire du pays : la crise de 1929 et son chômage de masse ont profondément marqué les Américains.

Banque centrale Description du mandat Texte de loi exact qui décrit les objectifs
Banque centrale européenne La banque centrale européenne a un mandat hiérarchique, décrit par l'article 127 du traité de Lisbonne, qui a la stabilité des prix comme objectif principal. Mais la formulation des autres objectifs est vague, se contentant d'évoquer le fonctionnement économique général de la zone. Peu de choses sont connues sur la manière dont les dirigeants interprètent cette formulation et on ne sait pas s'ils tentent d'influer sur le chômage ou la croissance avec leur politique monétaire. L'objectif principal du Système européen de banques centrales, ci-après dénommé «SEBC», est de maintenir la stabilité des prix. Sans préjudice de l'objectif de stabilité des prix, le SEBC apporte son soutien aux politiques économiques générales dans l'Union, en vue de contribuer à la réalisation des objectifs de l'Union, tels que définis à l'article 3 du traité sur l'Union européenne. Le SEBC agit conformément au principe d'une économie de marché ouverte où la concurrence est libre, en favorisant une allocation efficace des ressources et en respectant les principes fixés à l'article 119.
Réserve fédérale américaine La réserve fédérale américaine a un mandat triple, qui vise la stabilité des prix, des taux d'intérêts et un emploi maximal. Ces trois objectifs étant contradictoires, les dirigeants de la FED interprètent ces objectifs comme une hiérarchie : la FED lutte d'abord contre l’inflation et ensuite seulement contre le chômage. Le taux de chômage que cherche à atteindre la FED est le taux de chômage minimal qui n’accélère par l'inflation, ou NAIRU : si le taux de chômage descend en dessous de ce taux, l'inflation augmente. The Board of Governors of the Federal Reserve System and the Federal Open Market Committee shall maintain long run growth of the monetary and credit aggregates commensurate with the economy’s long run potential to increase production, so as to promote effectively the goals of maximum employment, stable prices, and moderate long-term interest rates.

La banque centrale n'a accès qu'à un seul instrument pour sa politique monétaire : soit elle fixe la quantité de monnaie en circulation, soit elle fixe les taux d'intérêts. Or, la règle de Tinbergen, une célèbre règle de politique économique nommée d'après son inventeur, stipule que le nombre d'objectifs doit être égal au nombre d'instruments. Si la banque centrale ou un gouvernement souhaite atteindre plusieurs objectifs distincts avec un seul instrument, il ne pourra pas y parvenir. Tout au plus pourra-t-il faire un arbitrage en ces deux objectifs, et aboutir à un compromis. Cette règle de Tinbergen est souvent secondée par la règle de Mundell, qui stipule que l'instrument choisi pour atteindre un objectif doit être le plus performant possible. La combinaison de ces deux règles est la source principale de la séparation entre politique monétaire et politique fiscale : la première cible l'inflation, tandis que l'autre cible les variables réelles, comme l'emploi ou la production.

De nos jours, les banques centrales ont toutes le même objectif : limiter l'inflation. Ce régime de ciblage de l’inflation n'est cependant pas apparu par hasard. Les objectifs des banques centrales ont changé plusieurs fois au cours de l'histoire, cette évolution ayant mené à la situation actuelle. Dans les grandes lignes, les banques centrales ont débuté leur carrière en contrôlant la quantité de monnaie.

La stabilité du prix de l'or

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Avant les années 50, le système monétaire international était basé sur l'étalon-or, où la banque centrale fixait le prix de l'or. Aux états-unis, le prix était fixé à environ $20 par once d'or avec des variations assez mineures. Ce système tire son origine du fait que les pièces étaient autrefois fabriquées en or, et a survécu avec l'apparition de la monnaie papier. Avec ce système, chaque unité de monnaie correspond à un certain poids en or : une pièce de 10 dollar contenait une demi-once d'or, une pièce de 20 dollar contenait une once d'or, etc. La valeur de la pièce dépendait donc de sa teneur en or mesurée en onces, et du prix de l'once d'or. Les banques centrales garantissaient que la convertibilité de la monnaie papier en or. La monnaie papier était échangeable à volonté contre de l'or, du moins en théorie, ce qui explique que l'étalon-or ait survécu à l'invention de la monnaie papier. La création monétaire était ainsi limitée par les dépôts d'or à la banque centrale : sans échange d'or, pas de création monétaire.

Le prix de l'or a eu quelques évolutions et soubresauts sous l'étalon-or. Déjà, le prix de l'once d'or est passé de 19.39 dollars l'once à 20.67 dollars en 1834. En 1837, l'étalon-or a été temporairement suspendu. Puis, durant la période de Bretton-Woods, entre 1934 et 1971, le prix de l'once est monté à 35 dollars l'once. Après 1971, l'étalon-or a totalement disparu.

Évolution du prix de l'once d'or entre 1793 et 2005. On voit que le prix de l'or est resté stable pendant l'étalon-or, mais a ensuite augmenté fortement après sa fin, dans les années 70.

L'or était une monnaie de paiement internationale et les prix de l'or était sensiblement les mêmes dans tous les pays. En conséquence, ce système impliquait des taux de change "fixes", dépendant des dépôts d'or nationaux.

Ce système a perduré durant très longtemps et a fait un travail remarquable durant plusieurs siècles. Il avait cependant de gros défauts, que nous détaillerons dans les chapitres sur le sujet. Avec la révolution industrielle et les guerres mondiales, les défauts de ce système sont devenus de plus en plus insupportables, menant à son abandon.

La stabilité de la masse monétaire

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La sortie de l'étalon-or au début du 20ème siècle ne s'est pas faite sans douleur. Au sortir des guerres mondiales, certains pays sont sortis de l'étalon-or en raison du poids important des dettes nationales. Certains pays, au sortir de la guerre, avaient des dettes nationales égales à plus de 2 à 5 fois leur PIB ! Dans de telles conditions, les états ont décidé de rembourser ces dettes en créant de la monnaie, ce qui leur a demandé de sortir de l'étalon-or. Cette création monétaire a entrainé des périodes d'hyperinflation, à savoir des inflations de plus de 50 % par an, qui ont ruiné de nombreuses économies nationales, ainsi que de nombreux épargnants. Autant dire que le contrôle de la monnaie n'était pas l'idée du siècle dans de telles conditions.

Par la suite, dans les années 1980, les états ont progressivement abandonné l'étalon-or, dans une situation où rembourser la dette avec la création monétaire n'était pas à l'ordre du jour. Aucune hyperinflation n’eut lieu, mais cela a quand même entrainé de l'inflation. Les états imprimaient beaucoup de monnaie, ce qui entraina l'apparition d'une inflation élevée avec un taux de chômage lui aussi élevé. Cette coexistence d'un chômage et d'une inflation élevée a valu le nom de stagflation à cette période. Les banques centrales ont alors tenté de contrôler la masse monétaire, en espérant que cela réduirait l'inflation. Un tel regain d'intérêt pour le contrôle de la masse monétaire provenait de l'influence d'une école de pensée économique, le monétarisme, qui mettait au premier plan le rôle économique de la masse monétaire. La création monétaire était alors gouvernée par un principe simple : faire en sorte que la croissance de la masse monétaire soit strictement égale à la croissance de l'économie. Le but était de limiter l'inflation, qui était très importante à l'époque, la politique monétaire étant un des nombreux instruments mis en œuvre à l'époque. Si les tentatives de la banque centrale américaine ont bien permis de limiter l'inflation, elles ont été de véritables échecs pour ce qui est de contrôler la masse monétaire entre 1979 et 1982, les banques centrales ayant systématiquement raté leurs objectifs de masse monétaire. C'est alors que les banques centrales ont abandonné leur idée de contrôler finement la masse monétaire.

La stabilité des taux de change

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Suite à la sortie de l'étalon-or, de nombreux pays ont décidé de stabiliser leurs taux de change. Leurs efforts ont mené à la création d'un système monétaire international, nommé le système de Bretton-Woods, en 1944. Sous un tel système, la banque centrale va créer ou détruire de la monnaie afin de garder un taux de change constant. On verra dans quelques chapitres comment la banque centrale influence les taux de change. Cependant, ce système n'était pas très adapté pour garantir la prospérité nationale. Il pouvait imposer de réduire la quantité de monnaie alors que l'économie nationale avait au contraire besoin d'un stimulus monétaire. Par exemple, si les taux de change baissaient en pleine récession, la banque centrale devait réduire fortement la création monétaire pour garder les taux de change fixes, alors que la lutte contre les récessions demandait de faire l'inverse. La politique monétaire avait encore une fois les mains liées et ne pouvait créer de la monnaie comme elle le devait pour garantir le plein emploi.

De nos jours, ce système de contrôle des taux de change est encore utilisé par certains pays. Pour les petits pays, extrêmement dépendants des importations, la stabilité des prix est obtenue par le biais de la stabilité des taux de change, le niveau général des prix étant extrêmement dépendant des prix importés. La plupart de ces petits pays fixent le taux de change de leur monnaie sur une autre monnaie, généralement le dollar, dont les variations sont relativement faibles. La banque centrale de ces pays est généralement une caisse d'émission, à savoir une banque centrale qui se préoccupe de garder les taux de change avec le dollar (plus rarement l'euro) fixe. Ce mécanisme permet de limiter l'inflation et de lutter assez efficacement contre les récessions, qui sont souvent induites par une hausse des prix importés. Par contre, les pays plus grands n'ont pas vraiment de bénéfices à utiliser une caisse d'émission et préfèrent gérer leur monnaie eux-mêmes. Ils utilisent donc des taux de change flottants, et se concentrent sur l'inflation globale, faiblement dépendante des prix importés.

La stabilité des prix

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De nos jours, les banques centrales ont pour objectif principal de garantir la stabilité des prix, à savoir limiter l'inflation à des valeurs raisonnables. La stabilité des prix est aujourd'hui l'objectif principal de la plupart des banques centrales actuelles, plus d'un quart d'entre elles n'ayant que cet objectif en tête. Il faut dire que les banques centrales, de par leur possibilité de créer la monnaie, peuvent influencer la valeur de celle-ci et donc le niveau des prix. Le chapitre sur la théorie quantitative de la monnaie donnera un argument fondamental quant au choix de l'objectif de stabilité des prix assigné aux banques centrales. On verra dans quelques chapitres que cibler l'inflation permet de lutter efficacement contre les récessions et stabilise l'économie autour du plein emploi. Quand une récession a lieu, elle se traduit le plus souvent par une diminution de l'inflation, si ce n'est par une déflation. Pour éviter cela, la banque centrale peut alors stimuler la demande et lutter contre la récession directement à la source. Elle n'a pas les mains liées par le contrôle des taux de change ou par les réserves en or. Ce système permet aussi à la banque centrale de créer suffisamment d'argent pour lutter contre la récession, mais pas suffisamment pour entrainer des dégâts. Les situations d'hyperinflation sont notamment impossibles si la banque centrale s'engage à respecter son objectif de 2% d'inflation.

La majorité des banques centrales tente de garder l'inflation proche d'une certaine valeur, appelée cible d'inflation, souvent proche de 2 %. Le choix de la cible d'inflation est à la discrétion de la banque centrale, mais il est admis que la cible d'inflation doit être légèrement positive. Cela a divers avantages comparé à un taux d'inflation nul, notamment celui d'éviter la déflation, dont on verra qu'elle a une influence néfaste sur l'économie d'ici quelques chapitres. De plus, cela permet à la banque centrale de gérer plus facilement ses taux à court-terme, en évitant que ceux-ci butent sur la limite basse des taux (le taux zéro). Mais surtout, cela réduit les effets néfastes de l'inflation sur l'économie, tout en conservant les quelques rares effets positifs. Je vous renvoie au chapitre sur l'inflation, au début de ce livre, pour ceux qui auraient oublié quels sont les effets de l'inflation sur l'économie.

De nos jours, beaucoup de banques centrales ont une cible d'inflation égale à 2%. Il faut préciser que cette cible a cependant une interprétation assez peu intuitive. La cible n'est pas un plafond, mais une valeur moyenne sur une longue période. Par valeur moyenne, on veut dire que la banque centrale est autant inquiète d'une inflation à 3% qu'une inflation à 1%. La cible n'est pas un plafond qu'il ne faut pas dépasser, et que la banque centrale tente de respecter à tout prix. La banque centrale peut accepter des déviations temporaires de la cible, tant qu'elles sont temporaires et qu'elles sont de faible intensité. Par exemple, il est possible que la banque centrale laisse l'inflation dépasser temporairement la cible de 2% suite à une récession où l'inflation était faible. Depuis la crise de 2008, un débat s'est fait jour chez les économistes, certains souhaitant une cible d'inflation plus haute, de l'ordre de 3 à 4%. L'argument est que la banque centrale aura alors plus de marge pour diminuer les taux en cas de récession ou de forte baisse de l'inflation, vu que les taux seront naturellement plus élevés (les taux étant reliés à l'inflation, comme dit dans le chapitre précédent).

Les instruments de politique monétaire

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La politique monétaire est le fait de la banque centrale, qui la met en œuvre. Pour mettre en œuvre sa politique monétaire, la banque centrale dispose d'instruments de politique monétaire : les taux d'intérêt directeurs, la base monétaire, le taux de réserve, etc. Elle décide quelle valeur donner aux taux directeurs, combien de monnaie imprimer, s'il faut acheter des obligations sur le marché monétaire, etc. Pour le dire autrement, la banque centrale configure ses instruments de manière à respecter ses objectifs macroéconomiques. De nos jours, l'instrument utilisé est le taux directeur, les autres instruments étant des instruments non-conventionnels, utilisés dans des situations particulières.

Les canaux de transmission et la fonction de réaction de la banque centrale

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Les instruments de politique monétaire influencent directement ou indirectement la masse monétaire et les taux d'intérêts. Une variation des taux ou de la masse monétaire se transmet aux autres variables macroéconomiques, ce qui a des conséquences assez diverses sur l'économie. Les taux ou la monnaie peuvent, par exemple, impacter le PIB, l'inflation, le niveau des prix, le taux de change, etc. Dit autrement, la politique monétaire se transmet aux variables macroéconomiques, par divers mécanismes. La transmission peut se faire par des intermédiaires : par exemple, une variation des taux influence l'investissement, qui lui-même influence le PIB, qui influence le chômage et l'inflation, etc. En clair, la transmission de la politique monétaire s'effectue par des chaines de causes à effets, qui portent les noms de canaux de transmission de la politique monétaire. Ceux-ci peuvent être mis en équation, certains assez facilement mais d'autres plus difficilement. De nos jours, les banques centrales tentent de cibler l'inflation, ce qui fait que les canaux de transmission se résument à des équations de la forme :

, avec Y le PIB, P le niveau des prix, e le taux de change etc.

La banque centrale ne décide pas sa politique arbitrairement, mais sur la base des variables macroéconomiques. Elle analyse le niveau des prix, le PIB, et d'autres variables macroéconomiques, comme les taux de change, et en déduit ce qu'elle doit faire. En clair, elle réagit aux variables macroéconomiques : toute variation pertinente de ces variables doit être perçue par la banque centrale et donner lieu à une réaction si besoin est. Par exemple, la banque centrale doit réagir quand une récession a lieu, afin de la circonvenir. Si elle voit que le PIB chute brutalement et de manière assez importante, elle doit modifier sa politique et revoir ses taux directeurs. On peut résumer le comportement de la banque centrale par une fonction mathématique, la fonction de réaction de la banque centrale, qui donne le niveau des taux ou de la masse/base monétaire en fonction des autres variables économiques. La fonction de réaction est une fonction de la forme suivante, avec le taux d'intérêt (directeur) et la masse monétaire. On utilise la première forme dans les modèles Wickseliens, ceux qui supposent que la banque centrale contrôle les taux, et la seconde dans le modèles monétaristes, qui supposent quant à eux que la banque centrale contrôle la masse monétaire.

, avec Y le PIB, P le niveau des prix, e le taux de change etc.
, avec Y le PIB, P le niveau des prix, e le taux de change etc.
Relations entre instruments de politique monétaire et variables macroéconomiques. Canaux de transmission et fonction de réaction de la banque centrale.

Les contraintes sur les instruments de politique monétaire

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La banque centrale use de ses instruments pour atteindre ses objectifs. Le statut juridique peut contraindre leur usage des instruments ou au contraire laisser une marge de manœuvre à la banque centrale pour ce qui est des moyens employés. La politique monétaire peut être soit discrétionnaire ou basée sur une règle monétaire.

Dans le cas discrétionnaire, la banque centrale pouvant faire ce qu'elle souhaite pour atteindre ses objectifs. Elle peut fixer les taux comme elle le veut ou faire varier la masse monétaire selon ses désirs. Le défaut de cette approche est que le comportement de la banque centrale est imprévisible, ce qui peut totalement contrarier certaines décisions économiques qui demandent de parier sur l'avenir. Quelques études théoriques ont montré que les politiques monétaires discrétionnaires ont tendance à créer plus d'inflation que leurs opposées basées sur une règle. Un tel biais inflationniste a été montré en premier lieu par les travaux de Barro et Gordon, datés de 1983. L'inflation dépasse alors l'inflation normale, ciblée par la banque centrale. Ce biais provient en grande partie de la volonté de la banque centrale de stimuler la production, afin d'augmenter le PIB.

Opposées à la politique discrétionnaire, les règles monétaires contraignent l'utilisation des taux ou de la masse monétaire par la banque centrale. La banque centrale n'est donc pas libre d'utiliser les moyens qu'elle souhaite pour atteindre ses objectifs. Souvent, ces règles contraignent la manière dont la banque centrale doit fixer ses taux en fonction de l'inflation ou de la production. D'autres règles contraignent l'évolution de la masse monétaire. Par exemple, Friedmann a proposé de faire augmenter la masse monétaire d'un pourcentage fixe par an, d'une valeur de 3%. Ce genre de politique monétaire est facilement prédictible, stabilisant ainsi les marchés. Les marchés peuvent en effet plus facilement anticiper les évolutions futures des taux ou de la masse monétaire.

L'indépendance des banques centrales

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Une autre variable précisée par les statuts juridiques est l'indépendance de la banque centrale vis-à-vis du pouvoir politique. Quand la banque centrale n'est pas indépendante, celle-ci doit obéir aux injonctions du pouvoir politique, qui décide de la politique monétaire à tenir. Avec une banque centrale indépendante, l’État ne peut pas décider de la politique monétaire. Si cette indépendance est importante, c'est que le pouvoir politique a intérêt à pratiquer une politique monétaire plutôt qu'une autre, que ce soit sous la pression de l'opinion publique, de lobbys, des banques, ou pour favoriser ses chances de réélection. Par exemple, un pays endetté préférera financer sa dette publique par la banque centrale, au lieu de recourir à des hausses d'impôts ou de réduire les dépenses. Comme autre exemple, un gouvernement peut utiliser sa banque centrale pour dévaluer les taux de change afin de booster les exportations.

Vu que ces politiques se traduisent le plus souvent par de l'inflation, on devine que l'inflation sera plus faible et plus stable avec une banque centrale indépendante. Les études sur le sujet semblent indiquer que les pays avec une banque centrale dépendante du pouvoir politique ont une inflation nettement supérieure aux pays avec une banque centrale indépendantes, sans que cela se traduise par des taux de chômage ou de dette publique significativement différents.

Corrélation entre indépendance des banques centrales et inflation nationale.

La banque centrale européenne

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La banque centrale européenne, ou BCE, est bien plus indépendante du pouvoir politique que ne le sont la réserve fédérale ou la banque du Japon. On peut clairement dire qu'il s'agit d'une des banques centrales les plus indépendantes au monde. Son indépendance juridique est garantie par le traité de Lisbonne, dans l'article numéro 123, que voici :

"Il est interdit à la Banque centrale européenne et aux banques centrales des États membres, ci-après dénommées « banques centrales nationales », d'accorder des découverts ou tout autre type de crédit aux institutions, organes ou organismes de l'Union, aux administrations centrales, aux autorités régionales ou locales, aux autres autorités publiques, aux autres organismes ou entreprises publics des États membres ; l'acquisition directe, auprès d'eux, par la Banque centrale européenne ou les banques centrales nationales, des instruments de leur dette est également interdite."

"Le paragraphe 1 ne s'applique pas aux établissements publics de crédit qui, dans le cadre de la mise à disposition de liquidités par les banques centrales, bénéficient, de la part des banques centrales nationales et de la Banque centrale européenne, du même traitement que les établissements de crédit privés."

La Bank Of Japan

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La banque du Japon est clairement peu indépendante. Si les textes semblent indiquer que "l'autonomie de la Bank Of Japan doit être respectée", d'autres textes précisent que "La Bank Of Japan doit toujours rester en contact étroit avec le gouvernement et procéder à un échange de vues suffisant avec lui". La politique de dévaluation de la banque centrale, menée sous le gouvernement de Shinzo Abe, a clairement montré que la banque centrale est sous le joug du gouvernement japonais.

La communication de la banque centrale

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Les banques centrales, même non-contraintes, doivent quand même rendre des comptes sur ce qu'elles font. Ce qui nous amène à parler de la transparence de la politique monétaire, à savoir comment la banque centrale communique sur ses décisions.

Un changement de culture : de la discrétion vers la transparence

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Les banques centrales avaient autrefois une culture de la discrétion. Elles ne commentaient pas leurs décisions de politique monétaire et n'en donnaient pas les raisons. Elles communiquaient peu avec les marchés ou les responsables politiques. Les communications de presse étaient sibyllines, peu détaillées, jargonneuses, volontairement incompréhensibles par les marchés. Et c'était à dessein que les banques centrales procédaient ainsi. D'où la boutade d'Allan Greenspan (ancien directeur de la réserve fédérale américaine) : «Si vous avez compris ce que je viens de dire, c’est que vous ne m’avez peut-être pas bien entendu.». Et pire : les banques centrales d’avant aimaient faire des surprises aux marchés. Elles changeaient leurs taux du jour au lendemain, en mettant les marchés devant le fait accompli. Par exemple, il arrivait que la FED d’avant/pendant Greenspan prenne tout le monde au dépourvu en n’annonçant même pas ses changements de taux). En clair, les banques centrales d'avant n'étaient pas transparentes du tout.

De nos jours, les banques centrales sont devenues bien plus transparentes. Elles préviennent de leurs changements de taux à l'avance, tentent de lisser l'évolution des taux pour ne pas brusquer les marchés, font beaucoup de conférences de presse pour expliquer leur politique, justifient chaque décision devant les marchés et responsables politiques, etc. Leur communication tend à être la plus claire possible, histoire d'être interprétée correctement par les marchés, mais aussi plus fréquente qu'avant. La culture de la discrétion autrefois monnaie courante a aujourd'hui totalement disparue. Aux états-unis, ce changement vers plus de transparence a eu lieu lors de la nomination de Ben Bernanke à la tête de la réserve fédérale, en 2005.

Les avantages/inconvénients de la transparence

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Les raisons derrière ce changement de comportement sont multiples, allant d'arguments théoriques (anticipations rationnelles, prime de risque liée à l'incertitude), à des arguments purement politiques.

Le premier argument est que la communication des banques centrales aide les agents à former des anticipations correctes. En dévoilant les informations dont elle dispose, ainsi que la manière dont elle les interprète, la banque centrale informe les agents de la situation macroéconomique. Ces informations modifient les anticipations d'inflations des agents économiques pour les rendre plus rationnelles, plus proches de la réalité. En somme, la transparence des banques centrales rend les anticipations des agents plus rationnelles. Cet effet sur les anticipations a un effet macroéconomique notable, vu que, je le rappelle, l'inflation est performative (les anticipations influencent l'inflation réelle). En communiquant correctement, les banques centrales peuvent donc agir sur l'économie réelle par le biais des anticipations. On peut voir la banque centrale comme une sorte de joueur de flute, dont les paroles guident les marchés vers l'objectif souhaité. Il s'agit d'ailleurs d'un des canaux de transmission de la politique monétaire, appelé canal des anticipations. C'est surprenant, mais c'est le cas : la communication de la banque centrale est un instrument de politique monétaire comme un autre !

Le second argument théorique est qu'une banque centrale transparente est plus crédible, ce qui facilite son travail. Une banque centrale crédible est une banque centrale que les marchés croient : ils savent qu'elle ne ment pas, qu'elle ne cherche pas à tromper les marchés. Les agents savent alors qu'ils peuvent utiliser sans risque les informations divulguées par la banque centrale. La communication de la banque centrale est fiable, et peut agir sur les anticipations sans risque. Par contre, une banque centrale non-crédible n'est pas fiable et les informations qu'elle divulgue sont généralement peu dignes de confiance. Par exemple, une banque centrale peut souhaiter mener une politique expansionniste pour des motifs politiques (faire baisser le chômage avant une élection), mais le cacher par une communication un peu arrangée. Soit elle cherche à tromper les marchés en sous-estimant les effets de sa politique, soit elle est incompétente et ses informations sont juste mauvaises. Dans les deux cas, sa communication n'a pas d'effets sur les anticipations des agents, ou alors un effet contraire à celui recherché. En clair, la crédibilité de la banque centrale favorise un fonctionnement correct du canal des anticipations. D'où la nécessité d'une certaine transparence, mais aussi d'une indépendance vis-à-vis du pouvoir politique. Ces deux mesures rendent la banque centrale lus crédible, notamment en luttant contre son biais inflationniste.



Les banques et leur bilan comptable

Le bilan comptable est un "résumé" des possessions et dettes d'une entreprise (ici, la banque), composé d'un actif et d'un passif. L'actif correspond à ce que la banque possède, tandis que le passif est l'ensemble de ce que doit la banque à ses créanciers et investisseurs.

L'actif correspond à l'ensemble des actifs détenus par la banque centrale, essentiellement les prêts qu'elle a accordés, ainsi que des obligations, actions, possessions immobilières et réserves de change. L'actif est précisément calculé en faisant la somme du prix de chaque actif par sa quantité détenue par la banque. L'actif de la banque est composé d'actifs (ici indicés) , qui ont chacun un prix . L'actif total de la banque centrale vaut donc :

.

La variation de l'actif peut avoir deux sources : soit l'achat d'actifs, soit l'augmentation du prix des actifs déjà achetés.

.

Le passif est la somme des dettes de la banque et de son capital (la dette est l'argent dû à ses créanciers, alors que le capital est l'argent que la banque doit à ses actionnaires/propriétaires). Le passif de la banque est composé des dépôts sur ses comptes, des dettes qu'elle doit à divers investisseurs (émission d'obligations ou dettes auprès d'autres banques) et des fonds propres (le capital). Notez que les dépôts sont considérés comme des dettes : quand vous déposez votre argent à la banque, celle-ci vous doit cet argent et accepte d'honorer sa dette à la moindre demande de retrait, ce qui ressemble plus à une dette qu'à du capital. Précisons que l'actif et le passif doivent être égaux, sans quoi le bilan comptable est automatiquement erroné.

Actif Passif
Prêts :
  • Prêt à la clientèle (particuliers ou professionnels).
  • Prêts à d'autres banques, sur le marché interbancaire.

Dette :

  • Dépôts de la clientèle, dont comptes courants et livrets.
  • Emprunts interbancaires, réalisés auprès d'autres banques, d'assureurs.
  • Emprunts obligataires, réalisés sur le marché obligataire.
Réserves bancaires (obligatoires ou excédentaires)
Titres et autres actifs (obligations, actions et immobilier) Capital :
  • Fonds propres

Précisons que certains actifs peuvent se déprécier, c'est à dire perdre leur valeur. Par exemple, prenons le cas où une banque détient un patrimoine immobilier à son actif. Si le prix de ses actifs immobiliers diminue, suite par exemple à un retournement du marché immobilier, alors cela se répercute sur l'actif dans son bilan. La colonne de l'actif doit diminuer du même montant que les pertes encaissées. Vu que l'actif doit être systématiquement égal au passif, le passif doit automatiquement diminuer du même montant. Mais la banque ne peut pas répercuter cette baisse sur les dettes qu'elle doit honorer : une entreprise doit être capable de rembourser ses dettes et donc avoir un actif égal au montant des dettes pour les couvrir. Elle est donc obligée de répercuter cette perte sur son capital. Ainsi, les pertes d'une banque ne sont pas encaissées par ses créanciers ou ses déposants, mais par ses actionnaires/propriétaires. Si le capital tombe à zéro, une banque commerciale fait faillite (par contre, ce n'est pas le cas pour une banque centrale, comme on le verra plus loin).

Le bilan comptable de la banque centrale

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Le bilan comptable de la banque centrale fait appel aux prêts qu'elle accorde aux banques commerciales, aux actifs qu'elle possède, ainsi qu'aux réserves et espèces.

Actif Passif
Prêts aux banques et établissements de crédit Espèces (billets et pièces)
Titres : obligations et actions (obligations d'état, le plus souvent) Réserves (comptes courants des banques)
Autres, comme les réserves de devises ou d'or Autres, tels le capital social et les fonds propres (ne font pas partie de la base monétaire)

L'actif d'une banque centrale

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Au niveau de l'actif de la banque centrale, on trouve évidemment les prêts qu'elle accorde aux banques commerciales, mais aussi des obligations, des actions, des réserves de change, et d'autres actifs qu'elle a acquis sur le marché. Pour simplifier, on peut classer les actifs d'une banque centrale en plusieurs types principaux : l'or, les réserves de change, le solde du gouvernement et les instruments financiers.

Actif d'une banque centrale
Stocks d'or et de métaux précieux
Solde du gouvernement
Réserves de change Devises
Stocks d'or, autres
Instruments financiers Prêts aux banques et établissements de crédit
Titres : obligations et actions (obligations d'état, le plus souvent)

L'or détenu par les banques centrales est généralement un reliquat de l'étalon-or, l'ancien système monétaire basé sur l'or qui s'est effondré durant la période comprise entre les années 40 et 80. Ce qui explique que les banques centrales ont souvent beaucoup d'or, comparé au reste des entreprises, souvent plusieurs tonnes par banque centrale. La gestion comptable de cet actif est quelque peu étrange et il n'existe pas de normes comptables pour sa valorisation. Ce qui fait que le traitement des réserves d'or varie beaucoup suivant les banques centrales, chacune faisant à sa sauce. Une partie de l'or détenue fait en fait partie des réserves de change, alors qu'une autre n'a rien à voir avec les marchés des changes. Suivant la banque centrale, la distinction est faite dans le bilan comptable ou non. La valeur des réserves d'or est comptabilisé soit en tenant compte de son prix de marché (le prix de vente actuel), soit du prix auquel la banque centrale a acquis l'or. Là encore, tout dépend de la banque centrale.

Les réserves de change sont des actifs qui sont libellés dans une monnaie étrangère. Par exemple, certaines banques centrales possèdent beaucoup d'obligations d'états de pays étrangers, en raison de leur politique monétaire. Elles peuvent aussi posséder de la monnaie de pays étrangers, sous forme d'espèces ou de dépôts bancaires. C'est surtout le cas pur les banques centrales qui manipulent leur taux de change, ou qui interviennent sur les marchés des devises. Beaucoup de pays en développements sont dans ce cas et leurs réserves de change sont majoritairement en dollars. Évidemment, la valeur des réserves de change varie avec les taux de change, ce qui fait que la banque centrale peut faire des plus-values ou des moins-values suivant la manière dont évoluent les devises.

Pour certaines banques centrales, leur bilan contient l'argent de l'état, le solde du gouvernement L'état, comme tout autre agent économique de grande envergure, a besoin d'avoir un ou plusieurs comptes courants. Certains pays ont fait le choix de déléguer cela à des banques commerciales, qui se chargent de la gestion des deniers publics. C'est un choix adéquat pour les pays sans banques centrales, mais la majorité des pays avec une banque centrale préfère que ce soit la banque centrale qui serve de banque au gouvernement. Pour ces pays avec une banque centrale, l'état a un compte courant à la banque centrale. Les impôts viennent s'accumuler sur ce compte courant, alors que les dépenses du budget général en sortent. L'argent de l'état est alors placé dans les actifs de la banque centrale, au même titre que les réserves de change. Néanmoins, si la banque centrale gère les virements et opérations courantes, la loi limite les opérations qu'elle peut faire sur ce compte courant d'état. Dans de nombreux pays, elle n'a pas le droit d'utiliser la création monétaire pour y ajouter de la monnaie, que ce soit sous forme de don ou de prêts. Dit autrement, elle n'a pas le droit de financer directement les états.

Passons maintenant aux instruments financiers détenus par la banque centrale. On peut noter que les banques centrales préfèrent investir dans des actifs relativement sûrs, essentiellement des obligations d'état. Peu de banques centrales possèdent des actions ou des instruments similaires, la seule exception étant la banque centrale du Japon, qui détient une grande partie des ETFs sur les indices japonais. À titre d'exemples, les graphiques ci-dessous montrent la composition du bilant des banques centrales japonaise et américaines, qui sont majoritairement dominés par les obligations d'état. On voit que la banque centrale japonaise conserve une grosse majorité de ses actifs sous la forme de dette de l'état japonais. La réserve fédérale américaine n'est pas en reste, même si les proportions sont moindres que pour la banque du Japon. On peut remarquer qu'à la suite de la crise économique de 2008, la réserve fédérale américaine a acheté de nombreux actifs basés sur des crédits, les fameux MBS impliqués dans la crise financière de 2008.

Bilan comptable de la Banque du Japon.
Bilan comptable de la Federal Reserve.

Le passif d'une banque centrale

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L'argent détenu par la banque centrale, son passif, est la somme de son capital et de ce qu'on appelle la base monétaire. Il est composé d'une faible portion de capital, des espèces en circulation et de ce qu'on appelle les réserves bancaires.

Passif d’une banque centrale
Base monétaire Espèces en circulation (currency)
Réserves bancaires Espèces conservées par les banques (vault cash)
Dépôts électroniques à la banque centrale (réserves électroniques)
Passif hors base monétaire Capital de la banque centrale

Les réserves bancaires correspondent à de l'argent que les banques commerciales possèdent. Elles regroupent à la fois la monnaie électronique et l'argent physique possédé par la banque. Outre les pièces et billets stockées dans les coffres de la banque, les banques commerciales conservent leur monnaie électronique sur un compte courant à la banque centrale. Dans ce qui va suivre, nous allons utiliser le terme "réserves électroniques" pour parler de la monnaie électronique stockée à la banque centrale. Au passage, sachez que la banque centrale peut échanger les réserves électroniques contre des espèces à n'importe quel moment, sur simple demande. Cette opération ne fait que convertir de la monnaie électronique en billets ou pièces, mais ne change pas le montant total des réserves de la banque.

Les réserves, électroniques ou en espèces, ont toutes les caractéristiques de la monnaie. Elles peuvent circuler d'une banque à l'autre (lors d'un virement entre banques), être prêtée, être épargnée à la banque centrale, etc. Quand vous faites un virement vers une autre banque, ce n’est rien de plus qu'un mouvement de réserves : votre banque donner un montant équivalent de réserves à la banque réceptrice, argent qui est ensuite crédité au destinataire. Les banques mettent donc en réserve une partie de l'argent de leurs déposants, pour servir efficacement les retraits.

Les réserves proviennent des dépôts des clients, mais peuvent aussi provenir de la banque centrale. La banque centrale a la possibilité de prêter des réserves aux banques commerciales qui en font la demande. Il va de soi que plus le taux est élevé, plus les banques préféreront éviter d'utiliser l'emprunt à la banque centrale : la quantité de réserve sera alors assez faible. Par contre, des taux bas inciteront les banques à emprunter au guichet de la banque centrale, ce qui augmente la quantité de réserves en circulation. In fine, ces réserves pourront alors soit être prêtées, soit servir à acheter des actifs, soit être conservées telles quelles.

Maintenant, précisons ce que l'on veut dire par : "les réserves proviennent en partie des dépôts des clients". Pour être plus précis, elles correspondent à une fraction des dépôts que les banques conservent à la banque centrale, le reste étant prêté ou utilisé d'une manière ou d'une autre par la banque. La raison à cela est qu'elles sont tenues de le faire par la réglementation bancaire, mais aussi parce que ces réserves leur permettent d'assurer les retraits d'argent de leurs clients. Du fait de la réglementation, les banques doivent conserver une fraction minimale des dépôts sous la forme de réserves obligatoires. Précisément, la réglementation financière les oblige à en conserver un certain pourcentage, ce pourcentage étant appelé le taux de réserve. Mais les banques commerciales sont souvent assez prudentes et peuvent mettre en réserve un peu plus que ce qu'oblige la réglementation. La plupart du temps, les banques n'hésitent pas à garder des réserves au-delà de ce qui est requis par le taux de réserve, ces réserves de précaution étant appelées des réserves excédentaires. Pour donner un exemple, de nombreux pays n'imposent pas un niveau minimal de réserves, leur taux de réserve étant nul... Et pourtant, les banques de ces pays gardent environ 1 à 5% de réserves sur leurs comptes.

Enfin, outre les réserves, la base monétaire contient aussi les pièces et billets en circulation dans l'économie. Attention cependant à ne pas confondre avec les espèces conservées par les banques. Il faut bien faire la distinction entre les espèces stockées par les banques dans leur coffre, et les espèces qui ne sont pas dans une banque. Les pièces et billets dans votre porte-monnaie font bien partie de la base monétaire, mais elles ne font pas partie des réserves bancaires vu qu'elles ne sont détenues par aucune banque. Il n'existe pas de terminologie française pour exprimer cette distinction, mais les anglo-saxons font la différence entre vault cash et currency, le premier terme correspondant à l'argent conservé dans les coffres des banques, alors que le second correspondant à l'argent qui circule dans l'économie hors des banques. Cette petite différence a de grandes implications. En effet, les espèces en circulation font partie à la fois de la base monétaire et de la masse monétaire. Par contre, ce n'est pas le cas pour les réserves en espèces, qui font uniquement partie de la base monétaire, mais ne sont pas comptées dans la masse monétaire. Cela a des implications pour la création monétaire stricto sensus, comme nous le verrons plus bas.

Base monétaire
Espèces en circulation (currency)
Réserves bancaires Espèces conservées par les banques (vault cash)
Dépôts électroniques à la banque centrale (réserves électroniques)

Après avoir vu la base monétaire, parlons du reste du passif, à savoir le capital de la banque centrale. Les banques centrales ont, comme toutes les banques, une organisation capitalistique, bien qu'elle soit assez spéciale. En tout cas, elles possèdent des fonds propres et des capitaux, sous la forme d'actions. Sauf que les actions de la banque centrale ne sont pas normalement accessibles en bourse, mais sont détenues intégralement par l'état. Par exemple, la banque centrale française est totalement détenue par l'état français, qui en possède la totalité des actions. Il existe cependant quelques exceptions, où la banque centrale est détenue en partie par l'état et en partie par des investisseurs privés. C'est le cas pour les banques centrales des états-unis, du Japon, de Grèce, de Belgique, De Turquie, d'Italie, de Suisse, de l'Afrique du Sud, et de San Marino. Les banques centrales du Japon, de Grèce, de Belgique et de Suisse sont même cotées en bourse ! Mais la plupart de ces banques centrales ne verse pas de dividende et leurs actions sont sans droits de vote.

La situation est un peu plus complexe dans le cas des unions monétaires, où plusieurs pays partagent la même banque centrale. Dans ce cas-là, les différents pays doivent se répartir les actions de la banque centrale. Tel est le cas de l'union européenne, où la banque centrale européenne a pour actionnaires les banques centrales de chaque pays de la zone euro. Le poids de chaque banque dans l'actionnariat de la BCE est proportionnel à sa population et au poids du PIB dans la zone euro.

Répartition des actionnaires de la BCE

Les spécificités comptables des banques centrales

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La banque centrale a le pouvoir de créer de la monnaie à partir de rien. Mais ce pouvoir peut être limité par son mandat ou d'autres contraintes légales, qui font que la banque centrale ne peut pas créer de monnaie n'importe comment, ni la donner à n'importe qui. Mais si on met ces contraintes de coté, alors la banque centrale peut créer de la monnaie à partir de rien, sans avoir à produite ou vendre quelque chose. Elle peut théoriquement fabriquer des billets ou des pièces et les mettre en circulation, avec ou sans contreparties. Et elle peut faire la même chose avec de la monnaie électronique, qu'elle peut créer à partir de rien et mettre en circulation. Cependant, la mise en circulation ne se fait pas forcément sans contrepartie : en temps normal, la banque centrale échange la monnaie qu'elle crée contre quelque chose qui a de la valeur (un actif financier en général). La création de la monnaie se fait donc en contrepartie de quelque chose qui a une valeur équivalente, du moins en temps normal.

Du fait de sa création monétaire, la banque centrale peut voir son actif et son passif évoluer dans le temps. Si l'actif de la banque centrale se déprécie, cela doit se répercuter sur le passif, vu que passif et actifs doivent systématiquement rester égaux. Comme pour toutes les banques, cela est réalisé en réduisant le capital de la banque centrale, sans répercussion possible sur ses dettes. Les propriétaires de la banque centrale encaissent donc les pertes, sans que ses créanciers ne soient aucunement touchés. Il est possible que, suite à des dépréciations importantes, le capital de la banque centrale devienne nul, voire négatif. En théorie, si le capital d'une banque commerciale est à zéro, elle fait faillite. Mais ce n'est pas le cas d'une banque centrale, qui peut fonctionner avec un capital négatif indéfiniment, sans aucun problème ! C'est même la définition d'une banque centrale : c'est la seule banque à continuer de fonctionner alors que son capital est nul ou négatif : l'état ne peut pas faire faillite.

Cependant nombre d'états préfèrent respecter les règles appliquées aux autres banques et doivent alors mettre la main au porte-monnaie pour compenser les pertes de la banque centrale. La banque centrale respecte alors certaines règles de comptabilité, communes à toutes les banques. Par exemple, on considère que l'actif et le passif de la banque centrale doivent être égaux. La création monétaire augmentant mécaniquement le passif, elle doit fatalement augmenter l'actif d'un même montant. Ainsi, la création monétaire doit se faire en contrepartie de quelque chose de réel, qui a de la "valeur" : des actifs, tels des contrats de prêt, des actions, obligations, devises ou autres. Cela garantit que la monnaie n'est pas créée sans contrepartie, sans quelque chose qui représente de la valeur dans l'économie.

La création de monnaie sans achat d'actif reste cependant possible, mais n'est pas une politique envisagée à l'heure actuelle. Il s'agit d'une forme de création monétaire qui porte le nom de monnaie hélicoptère (helicopter money). En théorie, la banque centrale doit être recapitalisée par l'état, pour compenser ses pertes. Du moins, c'est le cas si la banque centrale suit les règles de comptabilité usuelles, communes à toutes les banques. Mais en théorie, il est possible de passer outre cette règle, et de ne pas recapitaliser la banque centrale après une période de monnaie hélicoptère. De l'argent est alors créé sans contrepartie, ce qui est la forme la plus pure de "planche à billets".

Le seigneuriage

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Il se peut qu'en poursuivant sa politique monétaire, la banque centrale fasse des profits. Par exemple, elle peut recevoir les intérêts sur les prêts qu'elle accorde aux banques, ou recevoir les intérêts des obligations qu'elle détient dans son portefeuille de titres. Elle peut aussi vendre des actifs acquis auparavant, dont la valeur a augmenté depuis leur achat, ce qui arrive souvent avec les obligations. Techniquement, les actifs achetés par la banque centrale versent des intérêts ou des dividendes, source de profit. Il en est de même pour les prêts qu'elle octroie aux banques commerciales, qui versent des intérêts. Le profit de la banque centrale est aussi appelé le seigneuriage.

Le seigneuriage provient de deux sources : la création monétaire elle-même, ainsi que les revenus des actifs (plus-value et intérêts). On peut deviner qu'une politique accommodante, avec beaucoup d'achats d'obligations, va maximiser le seigneuriage. Après tout, les intérêts des obligations détenues par la banque centrale seront reversées à l'état sous forme de dividendes. Et plus la banque centrale possède d'obligations, plus ses revenus obligataires seront élevés. Ainsi, les gouvernements sont naturellement tentés d'utiliser une politique monétaire accommodante, afin que leur banque centrale fasse beaucoup de profits. C'est un bon moyen pour monétiser leur dette.

Le profit de la banque centrale est redistribué à ses actionnaires, à savoir l'état et éventuellement diverses administrations publiques. Il se peut cependant que la banque centrale ne redistribue pas la totalité de ses bénéfices et les conserve pour plus tard. Ce bénéfice non-distribué sert alors à augmenter son capital social (ses fonds propres).

Le bilan des banques commerciales

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Les mécanismes comptables vus au début du chapitre valent aussi pour les banques commerciales/privées, qui ont un bilan comptable comme toutes les banques. Si vous regardez les bilans des banques commerciales les plus connues, vous verrez qu'elles ont beaucoup plus de dettes que de capital. Si on regarde le pourcentage du passif sous forme de dettes, on est proche de 90%, voire 97% pour certaines banques. C'est beaucoup plus que pour les autres entreprises et cela met les banques face à un risque de faillite assez élevé. Nous allons expliquer pourquoi elles font cela.

La marge d'intermédiation bancaire

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Illustration de la marge d'intermédiation financière.

Le bilan d'une banque est rempli de dette et d'actifs, auxquels on peut adosser un taux d'intérêt, ou du moins un rendement. Qu'il s'agisse des emprunts interbancaires, des prêts financés par la banque, des dépôts bancaires (pensez aux taux des livrets bancaires), des actifs acquis par la banque, des réserves : tous sont rémunérés par un taux d'intérêt (sauf quelques dépôts bancaires, comme les comptes courants, mais c'est un détail). Le fait est que ces taux n'ont pas la même signification selon qu'ils sont adossés à l'actif ou au passif. Les intérêts de ses actifs sont de l'argent qui lui revient. Les intérêts qu'elle perçoit sur ses prêts, sur ses réserves bancaires, ou sur ses actifs, sont autant d'argent qui appartient à la banque. Mais pour les taux des dépôts et dettes de la banque, il s'agit d'un coût : il s'agit des intérêts que la banque doit verser à ses déposants ou à ses créanciers. La banque va naturellement devoir compenser les intérêts qu'elle paye à ses clients/créanciers par les intérêts qu'elle perçoit sur son actif.

La différence entre intérêts perçus sur ses actifs et ceux dus pour son passif est appelée la marge bancaire nette d'intérêt, ou encore la marge d'intermédiation. Il s'agit de l'argent que la banque a réellement gagné une fois qu'elle a versés ses intérêts liés au passif. Évidemment, les intérêts liés à l'actif doivent être supérieurs aux intérêts liés au passif, sans quoi la banque ne peut rembourser ses créanciers/déposants. Pour simplifier, ce n’est possible que si le taux moyen délivré par ses actifs est supérieur au taux moyen de ses dettes (modulo quelques cas particuliers). Ce qui fait que le fonctionnement d'une banque se résume ainsi : emprunter à taux bas pour prêter à taux élevés et empocher la différence entre les deux. Par exemple, prêter à 5% de l'argent emprunté à 3% donne un rendement brut de 2%. La différence entre le taux d'emprunt et le taux de prêt porte un nom : c'est la marge d'intérêt, ou encore le taux de marge d'intermédiation.

Les banques doivent emprunter à un taux plus faible que celui auquel elles prêtent et si possible à un taux le plus bas possible. Pour cela, elles financent leurs prêts en priorité par leurs dépôts, qui ne sont pas rémunérés ou alors avec un taux extrêmement faible. Vous remarquerez que les comptes courants sont pas ou très peu rémunérés, de même que les livrets (qui font partie des dépôts). Ce n'est qu'une fois la quasi-totalité des dépôts utilisés que la banque recourt à l'emprunt interbancaire, dont les taux d'intérêts sont plus élevés que ceux des dépôts. Enfin, elle peut recourir à l'emprunt obligataire, voire à des élevées de capital en bourse, mais le cout de ces opérations est prohibitif et ne peut servir qu'à financer des prêts très rémunérateurs, fort bien rares. Le bilan d'une banque doit donc être composé principalement de dépôts et d'emprunt interbancaire, avec très peu d'emprunts obligataires et un très faible capital.

L'effet de levier bancaire

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On vient de voir que les banques empruntent de l'argent pour le prêter, ou du moins pour acheter des actifs rémunérateurs. La banque doit évidemment avoir plus d'intérêts délivrés par ses actifs que d'intérêts à fournir à ses créanciers/déposants. L'utilisation de la dette pour financer des actifs porte un nom : c'est l'effet de levier. Son utilité principale est d'augmenter le rendement d'un investissement, ici ceux de la banque, ce qui plait aux actionnaires/investisseurs. Mais pour cela, il faut paradoxalement maximiser la dette de l'entreprise, du moins tant que le taux de marge d'intérêt est positif. Dans cette section, nous allons voir en quoi l'effet de levier explique pourquoi les banques ont tant recours à l'endettement.

Effet de levier - schéma explicatif

Cependant, les banques ne se financent pas que par l’emprunt, mais aussi sur leurs fonds propres, leur capital : sur l'actif total, une part est financée sur fonds propres et une autre par de l'emprunt. Maintenant, supposons que l'actif a un rendement bien précis, qui sera appelé rendement de l'actif. La part financée sur fonds propres aura un rendement égal au rendement de l'actif, mais ce ne sera pas le cas de la part financée par la dette. La part financée par la dette aura un rendement égal au rendement du capital, auquel il faut enlever le paiement des intérêts de la dette. Le résultat est que la part de l'actif financée par la dette aura un rendement égal à la marge d'intérêt. Rappelons que cette marge d'intérêt est distribuée aux actionnaires uniquement. Par exemple, si les actifs ont un rendement de 5% de rendement et que 3% sont remboursés aux créanciers, les 2% de taux de marge vont aux actionnaires. Le rendement pour les actionnaires dépend du taux de marge d'intérêt (ici, les 2%), mais aussi de la quantité de dettes et de fonds propres et plus précisément du ratio capital/passif. En effet, les 2% sont sur la part financée par la dette, pas sur l'actif total. Le tout est résumé dans le schéma ci-contre. On devine donc qu'à capital égal, il vaut mieux augmenter le plus possible la dette pour profiter de la marge d'intérêt, du moins en tant qu'actionnaire.

Dans ce qui va suivre, nous allons mettre le tout en équations, en posant :

  • le taux moyen délivré par ses actifs ;
  • le taux moyen adossé à ses dettes ;
  • son actif et son passif ;
  • le montant de dettes à son passif (dépôts inclus s'ils sont rémunérés) ;
  • le montant de son capital.

Premièrement, calculons la différence entre ce que la banque touche sur ses actifs et ce qu'elle doit à ses créanciers. Cette différence est destinée à être reversée à ses actionnaires et donne la quantité d'argent auquel le capital donne droit. Nous allons appeler cette différence le rendement net, et nous allons le noter .

Sachant que , on a :

Quelques simplifications algébriques donnent :

, où le terme de gauche donne l'argent gagné par investissement en fonds propres, alors que le terme de droite donne l'argent gagné du fait de la marge d'intérêt.

En divisant par C, on trouve le rendement total d'une unité de capital :

On voit que le rendement d'une banque dépend du rendement de ses actifs , du taux différentiel d'intermédiation : , mais aussi du rapport dette/capital : . Cela explique pourquoi les banques ont autant de dettes : c'est pour obtenir un rendement maximal pour leurs actionnaires/propriétaires. C'est totalement à l'opposé de ce qu'on observe chez les autres entreprises, où les dépôts sont inexistants et où le capital et les emprunts obligataires sont bien plus importants.

L'utilisation de l'effet de levier n'est pas sans risques, car il fonctionne d'autant mieux que la banque a peu de capital. Le principal est que le ratio capital/passif diminue fortement. Rappelons que pour ne pas faire faillite, la banque doit être capable de répercuter une dépréciation de ses actifs sur son capital, elle doit avoir un capital suffisant pour encaisser des pertes. Or, l'effet de levier augmente fortement la dette et l'actif, sans augmentation du capital. La banque se retrouve donc avec un capital riquiqui et des actifs susceptibles de se déprécier : le risque de faillite est augmenté par l'effet de levier. En conséquence, une banque doit donc faire attention ne pas avoir un ratio capital/dettes trop faible, sans quoi les moindres pertes sur ses actifs peuvent lui faire faire faillite. La réglementation bancaire impose un levier maximal dans la plupart des pays développés, afin de réduire les risques de faillite.

La transformation de maturités

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Un point particulier des banques commerciales est qu'elles gèrent des dettes qui ont des liquidités très différentes : d'un côté le passif est composé d'actifs extrêmement liquides, de l'autre l'actif est composé d'actifs assez illiquides. Les dépôts peuvent être retirés quasiment immédiatement, les emprunts interbancaires ont une maturité assez faible : ce sont des instruments très liquides, qui ont une faible maturité. Par contre, les instruments financiers de l'actif ont des maturités plus longues : entre 15 et 30 ans pour les prêts immobiliers, plusieurs années pour les prêts à la consommation, etc. Seules les réserves et les espèces sont liquides et peuvent être virés ou retirés immédiatement. On résume cela par l'adage : "les banques se financent à court-terme et prêtent à long-terme". D'une manière plus technique, on dit que les banques font de la transformation de maturités.

La raison en est simple : c'est pour maximiser le taux de marge d'intérêt. Le fait est qu'il y a une relation mécanique entre maturité d'un prêt et son taux : plus la maturité est longue, plus le risque est important et plus le taux est élevé. Pour profiter de l'effet de levier, les banques sont donc encouragées à emprunter à taux bas, ce qui implique des maturités courtes, pour prêter à des taux hauts, ce qui implique des maturités élevées. La composition du bilan d'une banque s'explique, du moins dans les grandes lignes, par cette utilisation de l'effet de levier bancaire.

Mais la transformation de maturités n'est pas sans risque et expose les banques à un risque de liquidité : si trop de clients retirent leurs encaisses en même temps, les banques n'auront pas assez de liquidités pour rembourser tout le monde. Elles seront alors obligées de revendre leurs titres de dettes pour acquérir les liquidités nécessaires et feront faillite si elles n'y arrivent pas. Pour éviter cela, les banques utilisent une gestion actif-passif, qui consiste à garder suffisamment de liquidités pour garantir les retraits à venir. Elles doivent estimer la quantité de retraits et de remboursements à venir dans les semaines/mois à venir, et elles doivent ajuster leur niveau de liquidités/réserves en fonction.



La création monétaire : vision comptable

Dans ce chapitre, nous allons voir comment la création monétaire se manifeste dans les bilans comptables des banques. Nous allons faire un rappel rapide sur le bilan d'une banque et comment celui-ci est structuré. Nous allons ensuite voir comment les banques peuvent créer de la monnaie, ou du moins semblent le faire, en prêtant. Nous allons voir comment le bilan d'une banque évolue quand elle accorde un prêt.

La création monétaire d'un point de vue comptable

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Pour commencer, nous allons analyser la création monétaire d'un point de vue comptable. Précisons que ce mécanisme fonctionne aussi bien pour une banque commerciale que pour les banques centrales : la création monétaire se voit de la même manière dans leurs bilans comptables. Mais faites attention : la vision comptable que nous allons voir ne décrit que d'une manière très imparfaite la création monétaire actuelle. Beaucoup de choses sont passées sous silence et cette vision est même quelque peu trompeuse. Elle cache beaucoup de chose et ne fait que rendre compte d'une partie des faits.

Ne penser qu'en termes de bilan bancaire permet certes de comprendre en partie le processus de création monétaire, mais il amène facilement à des déductions fausses. Par exemple, certains pensent que les banques ne sont pas limitées par les dépôts bancaires ou par la quantité de réserves lorsqu'elles créent de la monnaie. D'autres pensent même que les banques ne sont pas des intermédiaires bancaires et qu'elles ne sont pas tenues de collecter des dépôts pour financer leurs crédits. Mais dans les faits, ce n'est pas du tout le cas. Soyez vigilants quand vous lisez des documents sur le sujet : beaucoup d'erreurs sont dites en se basant purement sur la vision comptable de la création monétaire !

Nous allons voir que, contrairement à ce que les interprétations naïves de la création monétaire font penser, les banques financent leurs crédits/actifs soit par des dépôts, soit par de la dette (en empruntant quand les dépôts viennent à manquer). Elles ne créent pas l'argent des crédits, bien qu'elles aient la capacité de créer de la monnaie (dans une certaine mesure). Tout cela est assez subtil, mais j'espère que la section qui suit l'expliquera clairement. En tout cas, sachez que les interprétations fautives de la création monétaire sont légion sur le net, et que le sujet est bourré de subtilités assez problématiques qui ne se voient pas dans les bilans comptables.

Le cas avec une seule banque

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Pour détailler le fonctionnement de la création monétaire, nous allons commencer par un cas très simple où il n'existe qu'une seule banque dans toute l'économie. Nous verrons ensuite ce qui se passe quand on ajoute plusieurs banques dans l'économie, afin de rendre le tableau plus réaliste.

Pour commencer, étudions le cas où une banque achète un actif à un de ses clients, qui a un compte chez elle. Quand la banque achète quelque chose, elle crédite le compte du vendeur de la somme demandée. Ce faisant, son passif augmente de la somme voulue. En même temps, la banque augmente son actif d'une valeur égale à ce qu'elle a acheté. Actif et passif ayant augmenté dans les mêmes proportions, de la monnaie a été créée.

Actif Passif
+ Actif acheté. + Prix de l'actif (sur le compte courant de l'acheteur).

Il en est de même lorsque la banque donne un prêt à un particulier où à une entreprise. Elle crédite le compte courant de la somme prêtée, mais augmente son actif de la valeur du prêt. Ce comportement bizarre peut se résumer par la fameuse maxime : "les crédits font les dépôts". Remarquons cependant que cette création monétaire implique cependant que la banque augmente son passif en même temps, ou au moins dans un temps assez proche. La banque doit avoir quelque chose à mettre en face de la monnaie créée, sans quoi elle n'équilibre pas son bilan. Ce quelque chose, c'est le contrat du prêt lui-même. Ce contrat est en effet un actif qui a une valeur, égale à la somme prêtée et que le créancier doit rembourser.

Actif Passif
+ Montant du prêt accordé. + Montant du crédit sur le compte courant de l'emprunteur.

La situation est la même si le prêt est versé sur un compte dans une autre banque, si ce n'est qu'il faut prendre en compte la répartition de l'actif et du passif entre les banques.

On voit que, si on analyse la situation uniquement d'un point de vue comptable, les banques peuvent fabriquer de la monnaie, semble-t-il à partir de rien. Quand une banque prête, elle crée automatiquement la monnaie qu'elle prête, au moment où elle le verse sur le compte courant du créditeur. Même chose lorsqu'elle achète un actif quelconque. Elle doit simplement faire attention à avoir suffisamment de réserves pour respecter le taux de réserves obligatoires.

Cette analyse comptable peut laisser penser que les banques peuvent créer de la monnaie à partir de rien. Mais dans la réalité, les banques doivent financer leurs prêts à partir des dépôts des clients, d'emprunts réalisés auprès d'autres banques, voire de levées de capital. Les banques doivent acquérir de l'argent avant de pouvoir le prêter, mais cela ne se voit pas dans le bilan comptable, si l'argent est acquis sous la forme de dépôts (ou de dettes). En effet, la banque prête l'argent des dépôts, mais fait croire que ce n'est pas le cas. Si je dépose 1000 euros à la banque, elle ne va pas réduire le montant de mes dépôts si elle en prête une partie. Elle va me faire croire que l'argent des dépôts n'a pas quitté la banque et me dit que j'ai toujours 1000 euros sur mon compte. Or, dans le bilan comptable, ces 1000 euros restent dans la colonne du passif, au même titre que l'argent qu'elle a prêté, d'où l'illusion que la monnaie des crédits est créée à partir de rien. On voit donc que la création monétaire n'est qu'un artifice comptable. Nous reparlerons de tout cela plus en détail dans le chapitre suivant.

Précisons que la majorité des prêts sert à rembourser des prêts préexistants. Beaucoup d'entreprises font cela régulièrement : elles remboursent certains prêts en empruntant l'argent à rembourser. On dit qu'elles rollent leur dette. Dans une telle situation, le prêt remboursé se traduit par une destruction de monnaie, mais l'emprunt réalisé pour rembourser se traduit lui par une création monétaire équivalente. Les deux se compensent : la quantité de monnaie n'a pas changé.

Le cas avec plusieurs banques

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Le cas avec plusieurs banques ressemble au précédent, si ce n'est que la banque peut prêter à des emprunteurs extérieurs, qui ont leur compte dans une autre banque. De plus, il faut ajouter les virements entre les banques, entre les clients de banques différentes.

Lors d'un virement, le montant viré passe des dépôts de la banque d'origine vers la banque destinatrice, ce qui diminue d'autant le passif de la banque d'origine et augmente le passif de la banque destinatrice. Le bilan des deux banques doit cependant rester équilibré, ce qui impose que quelque chose doit diminuer ou augmenter au niveau de l'actif. Ce quelque chose, ce sont les réserves bancaires. La banque d'origine du virement voit ses réserves bancaires diminuer du montant viré, alors que la banque réceptrice voit ses réserves augmenter du même montant. Pour faire simple, les réserves bancaires sont envoyées à l'autre banque, pour "payer le virement".

Banque de l'envoyeur
Actif Passif
- Réserves excédentaires - Montant du virement
Banque du récepteur
Actif Passif
+ Réserves bancaires + Montant du virement

Pour ce qui est des prêts à des clients extérieurs, tout se passe comme si la banque prêtait de l'argent sur un de ses comptes, avant de faire un virement vers l'extérieur. La banque préteuse "crée la monnaie" du prêt et l'envoie à la banque réceptrice. Cet envoi est un virement interbancaire, qui implique un échange de réserves. Le passif de la banque réceptrice augmente donc du montant du prêt (le client reçoit le versement du prêt), les réserves à son actif augmentent du même montant. Pour la banque préteuse, les réserves échangées sont remplacées par le contrat du prêt, passé avec le client.

Banque préteuse
Actif Passif

+ Contrat de prêt
- Réserves excédentaires

Pas de changements
Banque du client
Actif Passif
+ Réserves bancaires + Montant du prêt

Les mouvements d'argent entre banques sont donc des mouvements de réserves, plus que des mouvements d'argent créé à partir de rien. L'argent créé lors d'un crédit ne peut donc pas passer d'une banque à l'autre. Cela fait dire à certains que cette monnaie-crédit, créée à partir de rien, est en fait une monnaie spécifique à la banque créditrice. Ainsi, la banque "BNP Paribas" aurait une monnaie différente de la monnaie "Banque Populaire", elle-même différente de la monnaie "Crédit agricole", etc. Les échanges de monnaie entre banques se feraient en utilisant une véritable monnaie, spécifique aux échanges interbancaires, à savoir les réserves bancaires. Cette interprétation a le mérite d'expliquer pourquoi les échanges interbancaires se font en réserves bancaires et pas en monnaie scripturale usuelle, mais utilise de manière un peu particulière la notion de monnaie. Avouons que dire que chaque banque a sa propre monnaie n'est pas du tout intuitif, tant le caractère fongible de la monnaie nous est une évidence.

Les banques commerciales sont des intermédiaires financiers

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Les banques commerciales sont des intermédiaires financiers, ce qui signifie qu'ils servent d'intermédiaire entre des personnes qui ont de l'argent à placer et des personnes qui ont besoin d'argent pour investir. Pour simplifier, elles servent d'intermédiaire entre des épargnants et des emprunteurs. Les épargnants placent leur argent à la banque, et celle-ci le prête à divers emprunteurs.

Faire ainsi a plusieurs avantages. Déjà, les épargnants n'ont pas besoin de chercher eux-mêmes des emprunteurs, et encore moins de vérifier leur solvabilité : la banque s'en charge. Ensuite, cela permet aux épargnants de diversifier leurs emprunts. Une banque ne prête pas qu'à une seule personne, mais à un grand nombre d'emprunteurs. Et tous ne font pas défauts sur leurs dettes. La plupart des emprunteurs remboursent effectivement leurs dettes, seule une minorité ne le faisant pas. Ainsi, on s'assure que le risque de perte est plus faible, car répartit sur plusieurs emprunteurs différents avec chacun une faible probabilité de défaut. Au lieu de jouer à la roulette russe en choisissant un emprunteur, l'épargnant répartit le risque et s'assure que le risque de pertes est moins volatil.

L'intermédiation financière en termes de bilan comptable

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Au niveau des bilans comptables, le système de dépôts est assez simple à comprendre. Sans intermédiation financière, la situation est la suivante, telle qu'illustrée ci-dessous. On voit que l'argent prêté passe du préteur à l'emprunteur, en échange de quoi ce dernier reçoit une reconnaissance de dette. L'argent prêté reste à l'actif, mais change de main, alors que la reconnaissance de dette est un passif pour l'emprunteur et un actif pour le préteur.

Bilan comptable suite à un prêt sans intermédiation financière.

Avec un intermédiaire financier, la situation est légèrement plus différente. L'intermédiaire en question peut être une banque, un courtier de bourse, une assurance, etc. Suivant les cas, les bilans comptables ne sont pas les mêmes, mais la situation globale est la même.

Tout commence quand l'épargnant place son argent auprès de l'intermédiaire financier. L'argent passe donc à l'actif de l'intermédiaire financier (c'est lui qui possède l'argent), tandis qu'un contrat est passé entre l'épargnant et l'intermédiaire. Le contrat en question peut être une reconnaissance de dette ou un titre de propriété. Par exemple, si vous achetez une action d'une entreprise, le contrat sera un titre de propriété de l'entreprise, l'action proprement dite. Si c'est une obligation, ce sera une reconnaissance de dette. Partons du principe que c'est une reconnaissance de dette, pour simplifier les explications.

L'argent est placé et un contrat signé, c'était la première étape. Ensuite, l'intermédiaire financier va prêter cet argent ou l'utiliser pour investir. L'argent se retrouve dans la poche des investisseurs, tandis que l'intermédiaire signe avec lui un contrat (reconnaissance de dette dans le cas présent). La situation est illustrée ci-dessous, en supposant que les contrats sont tous des reconnaissances de dettes. On peut les remplacer par des titres de propriétés, mais qu'importe.

Bilan comptable suite à un prêt avec intermédiation financière.

Les banques sont des intermédiaires financiers comme les autres. Elles empruntent de l'argent pour le prêter : elles empruntent aux épargnants et prêtent aux emprunteurs. Dans le cas des banques, les reconnaissances de dettes des épargnants sont soit des emprunts normaux, soit des dépôts bancaires. L'argent que vous avez sur vos comptes n'est en réalité pas dans les coffres de la banque : il est voué à être prêté, donc à sortir de la banque. Une fois que l'argent est placé, la banque peut le prêter à divers emprunteurs et recevoir un contrat de prêt en contrepartie. Ce qui est résumé par l'adage : "les dépôts font les crédits". Au passage, cela explique que vos comptes soient rémunérés avec des intérêts. Les intérêts de vos comptes bancaires et livrets correspondent donc à l'intérêt d'un prêt.

Par contre, la banque s'engage à vous rendre cet argent dès que vous en faites la demande, au distributeur ou lors d'un virement. C'est la différence principale entre les banques et les autres intermédiaires financiers : les banques acceptent que l'argent placé puisse être retiré à tout moment. Vous pouvez disposer de l'argent sur vos livrets comme bon vous semble, alors que ce n'est pas le cas pour les autres reconnaissances de dettes. Par exemple, vous ne pouvez pas convertir une obligation d'état (de la dette étatique) en argent liquide en demandant au trésor public. Ce dernier n'a jamais promis contractuellement qu'il acceptait de faire un tel remboursement sur demande. En conséquence, les obligations d'état ne sont pas considérées comme de la monnaie. Mais pour les dépôts, c'est l'inverse : vous pouvez les retirer comme bon vous semble, ce qui en fait une dette, mais aussi de la monnaie.

Bilan comptable suite à un prêt avec intermédiation bancaire.

Au passage, cela explique comment les banques peuvent soi-disant créer de la monnaie. Si on reprend l'exemple illustré ci-dessus, on voit qu'il y a plus d'argent dans la situation finale que dans la situation initiale : seulement l'argent en vert dans la situation initiale, l'argent en vert et les dépôts en orange dans la situation finale. Tout se passe comme si l'argent des dépôts avait été créé à partir de rien lors du prêt. Le remboursement du crédit a l'effet inverse et détruit la monnaie que celui-ci avait créé. En quelque sorte, tout se passe comme si l'argent prêté était créé de toutes pièces lors du prêt et détruit lors du remboursement du crédit !

L'explication de la création monétaire par les banques commerciales est donc évidente. Quand elles prêtent, l'argent passe bien de la banque vers l'emprunteur, mais les dépôts sont toujours là. La banque fait croire qu'elle a toujours autant de monnaie dans ses coffres qu'elle n'a de dépôts, alors qu'une bonne partie de ceux-ci ont été convertis en prêts dans son bilan. L'argent réel (des espèces ou des réserves) passe bien de main en main, mais des reconnaissances de dettes sont créés par-ci, par-là et augmentent la masse monétaire. Tout cela trahit le fait que les dépôts bancaires ne sont en réalité pas de la vraie monnaie, mais sont en fait une dette que la banque s'engage à rembourser sous la forme de monnaie, la demande de remboursement n'étant autre qu'un retrait ou un virement. La vraie monnaie est donc limitée à l'argent qui circule réellement dans l'économie (on verra plus tard qu'il s'agit de l'argent crée par la banque centrale, la base monétaire), non l'argent sur les comptes bancaires (la masse monétaire).

La banque fait comme si l'argent déposé restait sur les comptes des déposants, alors que ce n'est pas tout à fait le cas. Ce mécanisme ne pose pas de problèmes tant que ceux-ci ne le retirent pas. D'expérience, la banque sait que les épargnants ne vont pas tous retirer leur argent au même moment, ce qui fait qu'une petite quantité d'argent est réellement retirée chaque année. Une bonne partie de l'argent va rester sur les comptes d'épargne suffisamment longtemps pour que les prêts effectués avec soient remboursés. Mais il n’empêche que si un épargnant retire son argent, la banque doit trouver de l'argent liquide pour rembourser le déposant. Pour cela, la banque ne va pas prêter la totalité des dépôts, mais va en garder une partie en réserve, pour assurer la liquidité de ses placements. Elle a aussi besoin de garder des réserves pour respecter certaines règlementations, comme le taux de réserves, les ratios de liquidité ou d'endettement par effet de levier.

La création monétaire : le cas sans dépôts à la banque centrale

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Maintenant, étudions la création monétaire par les banques plus en détail. Peut-être avez-vous déjà lu des documents sur le sujet, que ce soit dans des livres ou sur le net. Les explications que l'on trouve sur le net ou dans les manuels commencent par le cas où une banque effectue des prêts sous forme de monnaie électronique/fiduciaire à ses déposants. Cet exemple est utilisé pour dire que les banques créent l'argent des crédits sans devoir les financer. Mais ce cas est en réalité extrêmement trompeur et les explications associées ne fonctionnent que dans ce cas bien précis et pas dans les autres. Aussi, nous allons prendre un cas tout aussi simple, mais bien moins trompeur et plus intuitif.

Pour expliquer comment se passe la création monétaire par les banques, mieux vaut d'abord étudier le cas où il n'y a pas de réserves bancaires électroniques. Dans l'exemple qui va suivre, nous supposons que la monnaie existe seulement sous forme de dépôts et d'espèces. Les espèces sont fabriquées par le trésor public ou par une banque centrale qui s'occupe uniquement de la création des espèces. Les banques ne peuvent pas placer d'argent à la banque centrale, ou alors leurs dépôts sont en espèces. Dit autrement, l'argent conservé par les banques ne l'est pas sous forme de réserves, mais l'est en espèces dans les coffres des banques, sous la forme de vault cash. Les prêts sont versés en espèces directement ou sous la forme de virements. Nous allons d'abord étudier le cas où les prêts sont versés à l'emprunteur en espèces. Ce cas est assez proche de ce qu'on observe dans les pays en cours de développement, où le micro-crédit est assez courant. Il ressemble aussi à ce qu'on avait avant les années 1800-1900, avant l'apparition des lettres de change, des chèques, des virements interbancaires et autres technologies bancaires élaborées.

Ce cas est illustré ci-dessous. La base monétaire est intégralement composée d'espèces, 1000$ en tout, et elle ne change pas du tout au cours de l'exemple. Au départ, un épargnant dispose de 1000$ en espèces : la masse monétaire est alors égale à la quantité d'espèces en circulation, soit 1000$. Puis, l'épargnant place ces espèces à la banque : la masse monétaire ne change pas, mais les espèces sont converties en dépôts. Les espèces en question disparaissent de la masse monétaire, qui prend en compte les espèces en circulation, mais pas les réserves en cash. Enfin, la banque prête 1000$ en espèces à un emprunteur : la masse monétaire est la somme du dépôt de l'épargnant et des espèces prêtées. Le total fait une masse monétaire supérieure à celle disponible avant le prêt : il y a eu création monétaire

Par contre, on ne peut pas vraiment dire que l'argent du prêt a été créé, comme le disent les interprétations naïves. On voit bien que l'argent prêté est l'argent de l'emprunteur, les espèces qu'il avait au départ. En réalité, la création monétaire vient du fait que la banque fait croire que l'argent prêté n'a pas quitté la banque, en faisant croire au déposant que le dépôt est toujours là. C'est donc l'argent des dépôts qui est créé lors d'un prêt, bien que ce ne soit pas très intuitif à comprendre. Mais on voit, avec cet exemple, que la banque ne peut pas prêter plus d'argent qu'elle n'en a dans ses coffres, plus d'argent qu'on en a déposé chez elle. Mieux : on voit que les espèces déposées se retrouvent dans les mains de l'emprunteur, signe que le dépôt a financé le crédit.

Création monétaire sans banque centrale - cas historique.

Le cas où le prêt est viré sous la forme de dépôts dans une autre banque n'est pas si différent. La banque du préteur envoie 1000$ à la banque de l'emprunteur, et celle-ci crédite son compte courant du même montant. Du point de vue comptable, la situation est identique à celle qu'on aurait si le prêt était accordé sous forme d'espèces, mais que l'emprunteur plaçait ces espèces sur son compte courant.

Création monétaire sans banque centrale - cas avec le prêt viré dans une autre banque.

Enfin, étudions le cas où l'emprunteur est un client de la banque préteuse et a un compte chez elle. Le prêt est donc versé sur un compte de la banque, il reste dans la banque. Dans ce cas, la situation est identique, si ce n'est qu'il n'y a pas besoin de virement. On remarque que les espèces sont adossées au prêt, pas aux dépôts.

Création monétaire sans banque centrale - avec une seule banque.

La création monétaire : le cas avec des dépôts à la banque centrale

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Les explications précédentes sont encore valides dans le monde actuel, sous réserve d'une petite modification : les réserves sont un substitut aux espèces, un équivalent électronique aux espèces. La seule correction à faire est de remplacer le vault cash par les réserves bancaires. Le fonctionnement du système bancaire actuel est le même à ce détail près. Les banques ne s'échangent donc pas forcément des espèces, mais peuvent s'échanger de la monnaie électronique, détenue sur des dépôts à la banque centrale.

Les échanges interbancaires de réserves

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La monnaie des dépôts circule par le biais des virements, paiements et retraits. Elle passe d'une banque à l'autre et les échanges interbancaires se font avec des réserves. Si je fais un virement de 1000 euros la banque A vers la banque B, la banque A doit envoyer 1000 euros de réserves bancaires à la banque B. Pour être plus général, les banques peuvent aussi d'échanger des actifs autres que les réserves, mais c'est un détail. Cela simplifie fortement les échanges interbancaires, qui peuvent se faire sous forme électronique, sans que cela change grand-chose au fonctionnement de principe du système.

Pour être plus précis, les banques ne s'échangent pas des réserves à chaque virement, mais elles font le solde des échanges. Plus précisément, deux banques A et B font la somme des entrées et sorties et calculent le montant net qu'elles se doivent l'une l'autre, montant qui est échangé ensuite sous la forme de réserves. Les mouvements d'argent entre deux banques ne se compensent pas forcément, certaines recevant un surplus de réserves tandis que d'autres subissent des fuites. Si une banque a trop de fuites, elle perd des réserves excédentaires et se rapproche du seuil du taux de réserves, ce qui est mauvais signe. À l'inverse, une banque avec trop de surplus a des réserves en trop, qu'elle va essayer de faire fructifier d'une manière ou d'une autre. Le système bancaire étant rarement à l'équilibre, on a des banques en manque de réserves et des banques avec des excès de réserves.

Pour équilibrer le tout, les banques peuvent prêter leur excès de réserves aux banque qui en manquent. Si jamais une banque n'a pas assez de réserves, elle peut emprunter les réserves manquantes auprès d'autres banques. Par autres banques, on veut dire à d'autres banques commerciales qui ont des réserves excédentaires, ou à la banque centrale. Ces emprunts interbancaires de réserves s'effectuent sur le marché interbancaire, un marché informel sur lequel interviennent les banques commerciales, la banque centrale, et quelques autres participants. Sur ce marché, les banques peuvent se prêter ou emprunter des réserves. La plupart des prêts sont gagés, ce qui signifie que la banque emprunteuse fournit en contrepartie un ensemble d'actifs financiers appelé collatéral. Ces prêts ont une durée inférieure à deux ans, les durées les plus communes étant de quelques jours à quelques mois. Les emprunts des clients ont des maturités plus longues (supérieures à l'année), ce qui montre bien que les banques emprunter à taux courts pour prêter à taux longs.

Il est souvent dit que si on fait la somme des mouvements sur le marché interbancaire, le montant total de réserves ne change pas. Les échanges entre banques ne peuvent pas créer des réserves ni en détruire, du moins en première approximation. Mais cela n'est qu'une première approximation, qui met de côté plusieurs points.

Le premier est que la banque centrale peut intervenir sur les marchés pour créer ou détruire des réserves. Les banques centrales ont en effet la capacité de créer des réserves à volonté. Les banques commerciales peuvent emprunter des réserves à la banque centrale, réserves qui sont créées lors du prêt. La seconde est que les réserves peuvent disparaître. Rappelons qu'elles peuvent être converties en cash sans restriction, sur simple demande. Les banques commerciales peuvent demander à la banque centrale de convertir des réserves électroniques en cash et la banque centrale n'a aucun moyen de refuser.

De plus, les réserves comprennent aussi le vault cash, qui peut être retiré à tout moment par les dépositaires. Les retraits des clients transforment ainsi des réserves en espèces circulantes, réduisant la quantité de réserves. D'autres mécanismes peuvent convertir des réserves et les faire disparaître ou apparaître. C'est le cas de certaines interventions sur le marché des change, par exemple. Tout cela pour dire que le montant de réserves n'est pas fixe, mais varie d'un jour à l'autre.

Les réserves sont une limite à la création monétaire

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Dans les exemples précédents, la banque ne peut pas prêter des espèces qu'elle n'a pas dans ses coffres. Si on analyse la situation avec non pas des espèces, mais des réserves en général, c'est la même chose. Les banques ont besoin de réserves pour prêter et sont donc limitées par la quantité de réserves dont elles disposent. Et cela est encore aggravé par le fait que les banques doivent disposer de réserves obligatoires, ce qui peut limiter sa capacité à fabriquer de la monnaie. Si une banque veut créer de la monnaie, elle doit avoir un encours de réserves excédentaires suffisant pour le faire. Si elle n'a pas assez de réserves, la création d'un nouveau dépôt/crédit risquerait de la faire passer sous le niveau réglementaire.

Par exemple, supposons que la banque prête à ses clients sur des comptes qu'elle gère. En faisant cela, elle augmente son bilan, à savoir que le passif de la banque augmente en même temps que son actif. Dans une telle situation, elle "transforme" les réserves excédentaires en réserves obligatoires. Au bout d'un moment, les réserves obligatoires deviendront insuffisantes et la banque ne pourra pas prêter plus.

Création monétaire et réserves - point de vue comptable

Et il en est de même si la banque prête à des clients extérieurs. Dans ce cas, elle doit transférer des réserves à l'autre banque et remplace les réserves excédentaires par un contrat de prêt dans son bilan. Précisons que ce cas est de loin le plus fréquent. Aux états-unis, près de 90% des prêts sont des prêts immobiliers qui sont versés directement au propriétaire de la maison vendue, pas à l'acheteur. Et si l'acheteur va voir sa banque pour avoir un prêt, rien n'oblige le propriétaire à avoir un compte dans la banque de l'acheteur. La banque doit donc posséder les réserves quand elle verse le prêt, sans quoi le propriétaire ne reçoit pas le virement/versement.

Utilisation des réserves bancaires par les banques, pour acheter des actifs

Pour résumer, la création monétaire est limitée par la quantité de réserves bancaires. Une banque qui veut prêter de l'argent doit avoir suffisamment de réserves bancaires pour ce faire, que ce soit pour respecter le taux de réserves obligatoires ou pour réaliser le virement de la somme prêtée. Les banques peuvent financer leurs prêts soit en utilisant les dépôts, soit en empruntant l'argent nécessaire sur le marché monétaire, voire par d'autres mesures.

À ce propos, il n'est pas rare que certaines banques aient un encours de prêts supérieurs à l'encours de leurs dépôts. Le rapport entre prêt et dépôts est souvent proche de 100% pour la plupart des banques, mais il arrive qu'il dépasse cette limite et atteigne des valeurs de 110%, 120%, etc. Lorsque cela arrive, c'est signe que la banque a financé ses prêts non seulement par ses dépôts, mais aussi par d'autres méthodes. Un rapport prêt/dépôts élevé est souvent mauvais signe pour une banque et est d'ailleurs assez mal vu par les marchés financiers. Précisons que dans certains pays, il existe une limite légale au rapport prêts/dépôts, qui ne peut pas dépasser une valeur maximale précisée par la loi.



La création monétaire : du crédit à la banque centrale

La banque centrale est une banque un petit peu spéciale, qui peut créer de la monnaie à sa guise, condition sine qua non pour lui permettre de remplir ses objectifs. La banque centrale dispose de plusieurs instruments, qui visent à contrôler la quantité de monnaie en circulation dans l'économie. Mais ce contrôle de la quantité de monnaie n'est pas un contrôle direct, les banques commerciales et d'investissement peuvent en effet créer à tout moment de la monnaie, dans une certaine mesure. Aussi bizarre que cela puisse paraître, la création monétaire n'est pas que le fait de la banque centrale, mais aussi des banques commerciales. Pour comprendre pourquoi, nous allons devoir parler plus en détail des banques et de leur fonctionnement. La banque centrale peut créer de la monnaie à loisir, mais les banques commerciales ont aussi leur rôle à jouer.

Pour rappel, la masse monétaire est composée de deux types de monnaie :

  • La base monétaire regroupe l'argent détenu et crée par la banque centrale. Il s'agit de l'ensemble des espèces (pièces et billets) et de ce qu'on appelle les réserves bancaires (nous verrons ce que c'est dans ce qui suit).
    • Les espèces regroupent les pièces et les billets. C'est une forme de monnaie que seule la banque centrale peut créer : elle a le monopole de leur fabrication.
    • La monnaie des banques commerciale qui est placée à la banque centrale, qui porte le nom de réserves bancaires. On en reparle dans ce qui suit.
  • Le reste est de la monnaie crée par les banques commerciales. Elle est créée lorsque des agents économiques contractent un emprunt auprès d'une banque. En conséquence, nous appellerons cette forme monnaie par le terme monnaie crédit dans ce qui suit. Il s'agit toujours de monnaie scripturale, la banque centrale ayant le monopole de la création d'espèces.
Monnaie non-scripturale Monnaie scripturale
Base monétaire Espèces Réserves bancaires
Masse monétaire Monnaie scriptural, sauf réserves

La création monétaire par la banque centrale

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La banque centrale a le monopole de l'émission de monnaie centrale, le monopole de création de la base monétaire. Elle peut en théorie créer de la monnaie sans se soucier de l'égalité entre actifs et passif, bien que cela n'ait jamais été tenté jusqu'à présent. Cependant, la création monétaire de la banque centrale ne doit pas être illimitée. Il vaut mieux que la banque centrale ne puisse pas imprimer plus de monnaie que nécessaire pour l'économie. Pour cela, la banque centrale ne peut qu'échanger des actifs contre de la monnaie ou prêter aux banques commerciales.

Politique de création monétaire Description
Politique monétaire conventionnelle Contrôle des taux directeurs, via des prêts ou des opérations d'open market.
Assouplissement quantitatif Rachat de titres (obligations d'état) sur le marché secondaire, avec de la monnaie créée spécialement pour l'occasion.
Monnaie hélicoptère Création monétaire pure, sans achat d'actifs. Peut se traduire par un versement direct d'argent au public, ou à l'état, ou encore par un prêt au trésor public.

Les prêts de la banque centrale

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En temps normal, la création monétaire prend la forme d'un prêt interbancaire, un prêt de la banque centrale aux banques commerciales. La monnaie du prêt est créée de toutes pièces et est détruite une fois le prêt remboursé. Le prêt aux états était autrefois autorisé mais est aujourd'hui interdit, ce genre de politique étant extrêmement inflationniste. Ce n'est que dans les périodes de l'étalon-or (et des accords de Bretton-Woods) que ces prêts étaient autorisés, l'étalon-or limitant fortement la création monétaire par la banque centrale (et donc le volume des prêts aux états). Au passage, les taux d'emprunt à la banque centrale sont appelés les taux directeurs. Retenez bien ce terme, car il reviendra très souvent dans la suite de ce chapitre, et plus généralement de ce cours.

La politique monétaire conventionnelle se borne à modifier les taux directeurs des prêts interbancaires. Une telle politique modifie donc les taux à court-terme, ce qui a une influence sur les autres taux bancaires, comme les taux des crédits immobiliers, les taux des obligations, et bien d'autres. La banque centrale ne s'engage pas à créer une quantité fixe de monnaie, mais doit fournir la liquidité nécessaire pour atteindre sa cible de taux d'intérêt. Mais Quand la gestion des taux court n'est plus possible (quand ceux-ci sont à zéro, par exemple), la banque centrale peut utiliser d'autres méthodes pour relancer l'économie.

Les échanges d'actifs avec la banque centrale

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Outre les prêts, la banque centrale peut ainsi créer de la monnaie pour acheter des actifs, ou en détruire en les vendant, la monnaie ayant servi à payer étant détruite. Lorsqu'elle achète des titres à une banque, elle va payer le montant acheté sous la forme de réserves. Lors d'une vente, la banque centrale va retirer le prix des obligations des réserves de la banque commerciale acheteuse.

La banque centrale n'a pas le droit d'acheter n'importe quel actif, mais doit se limiter à une classe d'actifs autorisés, sauf cas particuliers. Et les actifs achetables dépendent de l'objectif de la banque centrale. Citons quelques exemples :

  • Du temps de l'étalon-or, la banque centrale achetait de l'or et rien d'autre. Elle se chargeait de convertir de l'or en monnaie et réciproquement, mais les autres échanges d'actifs étaient interdits. Cela permettait de fixer le prix de l'or, à environ 20 dollars par once.
  • Si la banque centrale fixe les taux de change, elle ne peut échanger sa monnaie qu'avec des monnaies étrangères. Par exemple, une banque centrale qui fixe sa monnaie sur le cours du dollar ne pourra qu'échanger sa monnaie avec des dollars, mais rien d'autre.
  • Si la banque centrale contrôle les taux d'intérêt, elle doit acheter des titres qui sont rémunérés par des intérêts. Les actifs en question sont des obligations ou des instruments du marché monétaire, mais guère plus. Il s'agit le plus souvent d'actifs sûrs, à faible risque, assez liquides. Les obligations d'états qui ont une maturité de court-terme sont les plus indiquées. Il arrive exceptionnellement que la banque centrale soit autorisée à acheter d'autres titres, mais nous en reparlerons plus tard.

En se limitant aux obligations d'états, la banque centrale garantit que la somme (dette d'état + monnaie) reste constante, malgré les achats ou ventes d'actifs. La politique monétaire ne fait que changer la part de cette somme détenue sous la forme de monnaie. Seul l'état peut augmenter ce stock, en créant des obligations. Une telle politique est alors appelée une politique fiscale. La banque centrale ne peut pas acheter directement des dettes d'états lors de leur émission (elle n’achète pas sur la marché dit primaire). Elle ne peut qu'acheter ou vendre des dettes/titres déjà émis et achetés par les banques commerciales (elle achète des obligations sur le marché dit secondaire, le marché de l'occasion des obligations). Cette contrainte empêche aux états de monétiser leur dette, à savoir la faire financer par la banque centrale. Une telle monétisation est en effet extrêmement inflationniste, et tous les pays qui l'ont pratiqué ont subi une hyperinflation, situation où l'inflation est très forte (plus de 30% par mois).

Illustration du fonctionnement de la politique monétaire conventionnelle par opérations d'open market et de l'assouplissement quantitatif, ainsi que de la différence entre politique monétaire et fiscale.

Pour faire ces achats et ventes de titres, la banque centrale peut utiliser deux mécanismes différents. Cet échange peut prendre deux formes différentes, l'une consistant en un échange temporaire, l'autre en un échange permanent. On distingue ainsi les prêts repos et les opérations d'Open Market, les premiers étant un échange temporaire, l'autre un échange permanent. Dans les deux cas, ces ventes ou achats se payent avec des réserves.

  • Avec les repos, la banque centrale achète des titres à une banque commerciale, celle-ci s'engageant à les racheter ultérieurement à un prix supérieur. L'achat ou la vente est alors temporaire, et non permanente. On peut voir les repos comme un prêt pour lequel l'emprunteur doit fournir une "hypothèque", un collatéral. Les collatéraux acceptés par la banque centrale sont relativement limités, dans le sens où ils ne doivent contenir que des titres de haute qualité, le plus souvent des dettes d'état. Ce n'est que quand la liquidité se fait rare que la banque centrale accepte des collatéraux risqués. Mais dans tous les cas, la banque centrale applique une décote au prix de marché du collatéral, l'haircut, en fonction de la qualité du prêt.
  • Une autre technique consiste à vendre ou acheter des obligations d'états de maturité inférieure à deux mois, sans avoir à les racheter ou les revendre plus tard. On parle alors d'opération d'open market au sens strict.

La monnaie hélicoptère

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Enfin, il est possible pour la banque centrale de créer de la monnaie sans l'échanger ou la prêter. La monnaie est alors crée sans contrepartie et est distribuée soit à l'état, soit à ses citoyens. Il s'agit de création monétaire pure, sans contraintes, la monnaie étant créée sans contrepartie. De plus, cette monnaie est créée de manière définitive. En comparaison, l'assouplissement quantitatif crée de la monnaie de manière temporaire : la banque centrale peut toujours retirer cette monnaie de la circulation en vendant les actifs achetés.

À l'heure actuelle, divers arguments théoriques nous disent que création monétaire temporaire et définitive n'ont pas les mêmes effets sur l'économie. Une création monétaire par monnaie-hélicoptère est considérée comme étant la plus inflationnistes. Mais nous en reparlerons dans un chapitre dédié. Tout ce que l'on peut dire est qu'il y a une grande différence entre monnaie hélicoptère d'un côté, et assouplissement quantitatif et politique monétaire conventionnelle de l'autre. D'ailleurs, les théories économiques qui décrivent la monnaie hélicoptère ne sont pas du tout les mêmes que celles qui décrivent une politique monétaire plus normale. Et cela peut se comprendre : il y a une différence entre échanger des actifs contre de l'argent, et recevoir de l'argent sans contrepartie. SI un jour la banque centrale vous fait un don et vire 2000 euros sur votre compte, vous n'allez pas réagir de la même manière que si elle vous propose un rachat d'assurance-vie sans frais.

La création monétaire par les banques commerciales/privées

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On vient de voir que la base monétaire et la masse monétaire sont deux grandeurs différentes. On peut se demander s'il existe une relation entre les deux et, si oui, laquelle. Pour répondre à cette question, diverses théories ont étés formulées dès les années 70-80. On peut grossièrement les classer en deux catégories : les théories à monnaie exogène et les théories à monnaie endogène. Les deux s'accordent sur quelques hypothèses de base, communes à la fois aux théories à monnaie exogène et endogène.

  • Le premier est que les banques (les banques commerciales, mais aussi la banque centrale) créent de la monnaie par les crédits, quand les agents économiques empruntent. Toute somme empruntée correspond à une création monétaire de valeur équivalente. Inversement, tout remboursement de crédit détruit de la monnaie. Vu que les crédits à destination des ménages et des entreprises sont le fait des banques commerciales, ce sont elles qui sont les responsables finaux de la création monétaire.
  • Le second point est que la monnaie crée par les banques circule dans l'économie et passe de mains en mains. Tout emprunteur achète quelque chose avec l'argent d'un prêt, ce qui fait que l'argent va aller au vendeur, vendeur qui dépensera aussi cet argent, et ainsi de suite. À la fin de ce processus de circulation, une partie de la monnaie va être transformée en liquidités (espèces, argent sur un compte courant), alors que le reste sera transformé en dépôts bancaires.

Pour résumer, la première hypothèse dit que "la masse monétaire est endogène", alors que la seconde dit que "les crédits font les dépôts". Si les deux hypothèses sont communes à toutes les théories de la monnaie, les théories à monnaie exogène considèrent que les banques sont des intermédiaires financiers, alors qu'elles ne le sont pas avec la monnaie endogène. Cela pourrait paraître comme un détail, mais a en réalité des conséquences assez profondes. À cause de cette hypothèse, les différences entre monnaie endogène et exogène sont nombreuses.

La première tient dans l'existence ou non d'une limite à la création monétaire, liée à la politique de la banque centrale. Dans les théories à monnaie exogène, les banques sont limitées par la base monétaire, par l'encours de réserves imprimées par la banque centrale. Dans les théories à monnaie endogène, elles sont limitées, mais pas par la quantité de réserves.

La seconde est la causalité entre base monétaire et masse monétaire. Par exemple, si la base monétaire augmente, est-ce que la masse monétaire suivra la danse ? Ou alors est-ce que la base monétaire répond aux variations de la masse monétaire ? Avec les théories à monnaie exogène, la banque centrale créée la base monétaire et la masse monétaire s'en déduit : la base monétaire est donc exogène (sous-entendu, déterminée par la banque centrale) et la masse monétaire est endogène. Avec une monnaie endogène, la masse monétaire est créée par les banques commerciales et la banque centrale adapte la base monétaire en réaction. Dans le second, base et masse monétaire sont indépendantes. On voit donc que l'attribut endogène/exogène est à attribuer à la base monétaire, pas à la masse monétaire.

L'auteur de ce wikilivre pense que les deux types de théories répondent à une question mal posée. Elles pensent en termes d'agrégats monétaires et laissent complètement de côté les taux d'intérêt, qui sont pourtant primordiaux pour la gestion de politique monétaire. Dans un monde où les banques centrales ont abandonné le contrôle de la masse/base monétaire et fixent les taux d'intérêts, mieux vaut penser en premier lieu en termes de taux d'intérêt qu'en termes d'agrégats monétaires. Ainsi, au lieu de se demander si la base monétaire est la source de la masse monétaire ou inversement, il vaudrait mieux se demander si les deux n'ont pas une source commune liée aux taux d'intérêts. Mais cela n’empêche pas de voir en détail ces théories endogène et exogène, qui ont des choses importantes à nous apprendre. Même si elles sont actuellement obsolètes, ces deux visions sont porteuses d'enseignements qu'il est important de connaître, quitte à les critiquer plus tard.

Les théories à monnaie endogène

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Les théories à monnaie endogène sont plus simples que les théories à monnaie exogène, ce qui fait que nous allons les voir en premier lieu. Dans ces théories, les banques privées créent la monnaie lors des emprunts. Une fois la monnaie crée, celle-ci circule dans l'économie est transformée en dépôts et en espèces. Les banques privées conservent une partie des dépôts sous la forme de réserves, acquises auprès de la banque centrale. La banque centrale ne limite pas la base monétaire, ce qui veut dire qu'elle imprime les espèces nécessaires et crée la quantité de réserves demandée par les banques privées. Pour résumer, la masse monétaire est imposée par le volume de prêt des banques commerciales. La base monétaire est le fait du souhait plus ou moins important des agents à conserver des liquidités et/ou des réserves. La base monétaire est donc endogène, dans le sens où la banque centrale ne la contrôle pas directement.

Ce schéma décrit le fonctionnement de la création monétaire tel qu'il est décrit par les théories à monnaie endogène.

Mais heureusement, les banques vont limiter la quantité de prêt qu'elles accordent et ce pour plusieurs raisons.

  • Premièrement, rappelons que les banques doivent avoir un capital suffisant par rapport à leur actif, sans quoi elles risquent de faire faillite. Cela peut les amener à limiter leurs encours de prêts si elles n'ont pas assez de capital. Mais ces limites ne sont que des limites microéconomiques, pas des limites macroéconomiques. En dehors de cette limite maximale imposée par le capital, les banques prêtent un montant qui dépend des taux en vigueur, ce qui nous amène à la deuxième raison.
  • Deuxièmement, la demande de crédit des emprunteurs est naturellement limitée. Non seulement il n'y a pas une infinité d'emprunteurs, mais en plus leur nombre varie fortement selon les taux proposés : certains n'empruntent pas si les taux sont trop élevés, par exemple. Ce qui fait que la création monétaire d'une banque est donc limitée par la demande d'emprunt, qui dépend elle-même des taux d'intérêt. Ainsi, la masse monétaire dépend donc de la demande de crédit de la part des agents économique et du taux choisit par les banques. Cela a tendance à conditionner la masse monétaire a la santé de l'économie : plus l'économie va bien, plus les ménages auront confiance et emprunteront. La masse monétaire dépend alors de ce qui détermine les taux d'intérêts., ce que nous verrons dans le chapitre suivant.

Les théories à monnaie exogène

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Après avoir vu les théories à monnaie endogène, il est temps de passer aux théories à monnaie exogène, que l'on peut voir comme une amélioration des théories précédentes. Par amélioration, on veut dire que les mécanismes présents dans les théories à monnaie endogène sont aussi valables pour les théories exogènes. Par contre, les théories exogènes ajoutent une relation causale entre les dépôts et les prêts.

Description du processus de création monétaire par les théories à monnaie exogène. Les ajouts des théories exogènes sont indiqués en jaune.

Le système bancaire à réserves fractionnaires

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Dans les théories à monnaie exogène, les banques sont des intermédiaires financiers entre les épargnants et les emprunteurs. Elles prêtent leurs dépôts pour faire des crédits. On dit que "les dépôts font les crédits". L'argent qui est prêté vient des réserves excédentaires des banques. Une banque sans réserves excédentaires a prêté tout l'argent déposé chez elle, sauf pour la part réglementaire de réserves, et ne peut donc pas prêter plus, sauf à acquérir des réserves auprès d'autres banques.

Notons que ce mécanisme est parfaitement compatible avec les explications de la création monétaire basées sur des bilans comptables. Prenons l'exemple suivant : un déposant place 1000 euros dans sa banque, ce qui donne 100 euros de réserves à la banque. La banque en met en réserve 50 euros pour respecter le taux de réserves réglementaire et prête les 950 euros de réserves excédentaires. Les 950 euros sont alors versés sur un compte de dépôt ou convertis en espèces. Rappelons que la banque fait semblant que les dépôts des clients n'ont pas bougés dans son bilan comptable. La masse monétaire est alors composée des 1000 euros déposés initialement et des 950 euros du crédit : la masse monétaire a donc augmenté suite au crédit.

Le mécanisme décrit précédemment ne s’arrête pas là. L'emprunteur va dépenser ou investir l'argent emprunté, ce qui va le faire circuler dans l'économie. L'argent du crédit est soit converti en espèces, soit viré sur un compte de dépôt. Si l'argent est converti en espèces, le circuit s’arrête ici et aucune création monétaire supplémentaire n'a lieu. Dans l'autre cas, le dépôt est la source d'un nouveau prêt. Les dépôts font les prêts, qui eux-mêmes font des dépôts, qui eux-mêmes font des prêts, etc. Un nouveau tour de création monétaire a lieu à chaque dépôt : le mécanisme s'auto-alimente de lui-même !

On pourrait croire que le mécanisme peut s'emballer, mais il n'en est rien. Il est limité par plusieurs grands facteurs : les besoins en réserves obligatoires, l'existence de réserves excédentaires et la demande d'espèces.

  • En premier lieu, à chaque fois que quelqu'un dépose de l'argent à la banque, la banque doit en conserver une partie sous la forme de réserves. Dit autrement, à chaque dépôt, une petite partie des dépôts ne peut plus être prêtée et cesse de circuler dans l'économie. Petit à petit, le stock de fonds prêtables diminue à chaque tour de création monétaire, à chaque dépôt. Les réserves obligatoires s’accroissent à chaque nouveau dépôt créé, vu que le taux de réserve frappe la masse monétaire totale. Plus les contraintes en termes de réserves sont fortes, plus la somme prêtable se réduit à chaque dépôt/prêt.
  • En second lieu, les banques ne prêtent pas toutes leurs réserves excédentaires, pour diverses raisons. Soit parce qu'elles ne trouvent pas assez d'emprunteurs, soit parce que les emprunteurs ont de bonnes chances de ne pas rembourser, ou pour d'autres raisons. Et ces réserves excédentaires sont autant de monnaie qui ne circule plus dans l'économie et qui est conservée à la banque centrale.
  • Enfin, les retraits d'espèces transforment des dépôts appartenant à la masse monétaire en espèces appartenant à la base monétaire.

Ces trois mécanismes limitent la quantité totale de monnaie qui peut être créé dans l'économie. La relation exacte entre base et masse monétaire est donc liée au taux de réserve obligatoire, au taux de réserves excédentaires accepté par les banques et à la propension à détenir des espèces.

Il faut noter que tout ce qui vient d'être dit marche aussi en remplaçant les crédits par les achats d'actifs. Il est en effet possible qu'une banque achète des actions, des obligations ou de l'immobilier avec l'argent des déposants. Cette possibilité est cependant très encadrée par la réglementation bancaire, quand elle n'est pas tout simplement interdite. Mais mettons cela de côté et supposons que la banque ait le droit d'acheter des actifs. Dans ce cas, l'argent donné au vendeur va se retrouver sur un compte de dépôt, au même titre que l'argent d'un crédit. Les mécanismes décrits plus haut fonctionnent donc de la même manière : l'achat d'actifs par une banque commerciale crée de la monnaie ! À vrai dire, on peut interpréter la création monétaire par le biais du crédit comme un cas particulier d'achat rémunéré par un intérêt.

La source primaire de la création monétaire

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La présentation précédente peut laisser penser que seuls les dépôts sont la source de la création monétaire. En réalité, il n'est pas rare que les banques se financent par d'autres sources que les dépôts bancaires. Une banque peut prêter quand elle dispose de réserves excédentaires qu'elle peut prêter à ses clients, mais ces réserves ne viennent pas forcément de dépôts. Pour acquérir des réserves, les banques peuvent faire appel aux dépôts des particuliers, mais aussi à l'emprunt auprès d'une autre banque commerciale ou de la banque centrale, sur le marché monétaire. En clair, la banque commerciale emprunte de l'argent pour le prêter et se rémunère sur la différence entre les deux. Pour résumer, si une banque doit financer ses prêts, elle n'a pas forcément besoin de les associer à un montant équivalent de dépôts.

Si on remonte la source de chaque emprunt, on s’aperçoit qu'il provient soit d'un dépôt, soit d'un emprunt auprès d'autres intermédiaires financiers, soit de la création de réserves par la banque centrale. Et si on remonte aussi loin que possible, on s’aperçoit que toute monnaie provient de la banque centrale. C'est une première forme de création monétaire : la base monétaire nait ainsi. Les banques acquièrent ainsi les réserves obligatoires dont elles ont besoin, mais aussi les réserves excédentaires. Mais les banques commerciales n'aiment pas détenir de réserves excédentaires, peu rémunératrices, et s'en débarrassent en les prêtant à leurs clients ou à d'autres banques, ce qui enclenche le processus de création monétaire secondaire vu plus haut. L'activité de prêts injecte de la monnaie dans l'économie, en transformant une partie de la base monétaire (les réserves excédentaires) en monnaie de la masse monétaire. Pour résumer, les banques centrales créent de la monnaie, qui est mise en circulation par les banques commerciales.

Comme on le voit, cette vision, bien que réaliste, repose sur une hypothèse bien précise : les banques commerciales ne souhaitent pas garder de réserves excédentaires et préfèrent les échanger contre d'autres actifs. C'est réaliste quand les autres placements sont une meilleur compromis rendement/risque. Entre des réserves non-rémunérées et des obligation d'état peu risquées rémunérées à, mettons, 3%, le choix est vite fait. Mais depuis la crise de 2008, il est apparu que dans certaines circonstances, les banques commerciales acceptent de conserver de grandes quantités de réserves excédentaires. C'est le signe que les autres placements ne sont pas assez rentables et/ou trop risqués. Cela est aggravé par le fait que les réserves sont rémunérées par la banque centrale, avec un intérêt annuel, ce qui augmente l'attractivité des réserves. Si les banques commerciales conservent leurs réserves au lieu de les prêter, la mise en circulation des réserves ne se fait pas. La banque centrale a beau créer de grandes quantités de réserves, la masse monétaire reste la même.

L'influence de la banque centrale sur la création monétaire

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Les théories exogènes décrivent correctement les économies où la banque centrale contrôle la quantité de réserves. Si la banque centrale contrôle la quantité de monnaie, les banques ne peuvent pas emprunter une quantité infinie de monnaie et ne peuvent pas créer autant de monnaie qu'elles le souhaitent. Mais le cas est rare et ne correspond pas aux économies développées où la banque centrale contrôle son taux directeur.

Dans ces économies modernes, on pourrait croire que la banque centrale peut imprimer autant de réserves que possible et que la création monétaire est donc illimitée. Si les banques commerciales manquent de réserves pour prêter, elles ont juste à emprunter à la banque centrale ou sur le marché monétaire. Mais c'est oublier que la banque centrale prête à un taux non-nul, ce qui empêche les banques d'emprunter autant qu'elles le souhaitent. En effet, les banques n'empruntent pas si les taux du marché monétaire sont plus grands que les taux de leurs crédits. Inutile d'emprunter à 5% sur le marché monétaire si les crédits ne rapportent que 2% à la banque. Les banques vont donc adapter leurs emprunts à la banque centrale en fonction des taux directeurs. Des taux trop élevés réduisent l’emprunt de réserves, alors que des taux bas favorisent la création de nouvelles réserves. La base monétaire est donc indirectement contrôlée par la banque centrale.

Pour résumer, ces théories donnent une limite maximale à la masse monétaire, limite qui dépend de la base monétaire. La masse monétaire est donc limitée par la base monétaire, ce qui permet à la banque centrale de contrôler la masse monétaire, par l'intermédiaire de la base monétaire. Quand la banque centrale crée de la monnaie, elle l'injecte dans l'économie, ce qui augmente la quantité de dépôts et d'emprunts. Cela se traduit par une augmentation générale de la masse monétaire, qui est amplifiée par le fait que les dépôts sont prêtés, ce qui crée de nouveaux dépôts, qui eux-mêmes créent de nouveaux prêts, etc. En clair, la masse et la base monétaire covarient, sauf dans le cas où les banques accumulent les réserves excédentaires. Ce qui est un avantage du modèle sur les théories à monnaie endogène : les théories exogènes expliquent pourquoi la banque centrale peut contrôler la masse monétaire et l'inflation, par son action sur la base monétaire et/ou les taux directeurs.

Comment tester empiriquement l'endogénéité/exogénéité de la monnaie ?

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Maintenant que les théories en compétition ont été présentées, il est intéressant de regarder quelles peuvent être les moyens de les départager. Au niveau théorique, les versions élaborées de ces théories fonctionnent assez bien. Elles rendent compte de beaucoup d'observations et sont donc des approximations pas trop mauvaises de la réalité. Certes, les deux théories ont des défauts, mais ceux-ci sont généralement mineurs et peuvent se corriger avec quelques ajouts mineurs. Si on veut vraiment départager les deux théories, il faut se concentrer sur des points importants du modèle, qui ne peuvent pas être patchés facilement. Pour cela, on doit partir directement de l'hypothèse de base qui sépare monnaie exogène et endogène : est-ce que les banques sont des intermédiaires financiers ou non ?

Les modèles à monnaie exogène partent du principe que les banques sont des intermédiaires financiers, qui prêtent une épargne pré-existante. En clair, ils adhérent d'une manière ou d'une autre à la théorie des fonds prêtables, que nous avons vue dans le début de ce cours. Pour rappel, celle-ci explique quelle est l'origine des taux d'intérêt sur les marchés, sur le marché du crédit notamment. Elle dit qu'une offre d'épargne pré-existante rencontre une demande de crédits, donnant naissance à un prix du crédit : le taux d'intérêt. De plus, et c'est une chose importante : l'offre de crédit augmente avec les taux d'intérêt. À l'inverse, la monnaie endogène refuse cette interprétation et considère que la courbe de l'offre de crédit est horizontale. Elle n'explique pas les taux d'intérêts autrement que par le fait qu'ils sont décidés par les banques commerciales/centrales.

Notons que les deux théories sont compatibles avec le fait que le taux d'intérêt dépend du taux directeur et d'une prime de risque. Pour la monnaie exogène, les deux paramètres influencent à la fois la demande de crédit et l'offre d'épargne. Pour la monnaie endogène, les banques décident de la quantité de crédit accordée en fonction du risque de leurs clients et du taux directeur.
Équilibre IS dans les théories à monnaie endogène et exogène.

L'effet d'éviction de l'investissement

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L'absence/existence d'une offre d'épargne pré-existante a des conséquences macroéconomiques. La différence se fait jour quand la demande de crédit augmente soudainement, peu importe la raison. D'après la théorie des fonds prêtables, la courbe d'offre de crédit reste la même, du moins tant que la banque centrale ne fait rien. Si la banque centrale n'injecte pas de liquidités, l'augmentation de la demande à offre égale se traduit par une hausse des taux d'intérêt. Mais pour la monnaie endogène, rien de tout cela ne se produit. Si la demande de crédit augmente, les banques fournissent les crédits demandés en créant la monnaie à partir de rien et les taux n'ont aucune raison de varier.

Là où la situation devient intéressante, c'est que cette situation hypothétique peut se voir dans le monde réel. En temps normal, l'état est en déficit fiscal, ce qui veut dire qu'il dépense plus qu'il ne collecte en impôt. Pour combler ce déficit, il emprunte l'argent manquant sur les marchés financiers. Le montant des emprunts est assez constant d'une année sur l'autre et il est assez prédictible. Mais il arrive que l'état emprunte soudainement plus que d'habitude. Par exemple, ce peut être parce que l'état lance un grand plan de relance économique, qui consiste à baisser les impôts et à augmenter les dépenses, afin de soutenir l'économie. Ou encore, ce peut être parce qu'un gouvernement nouvellement élu décide de baisser les impôts et/ou d'augmenter les dépenses. Ce faisant, la différence entre dépenses fiscales et impôts se creuse. Cela se traduit par une brutale augmentation des emprunts d'État, et donc par une hausse de la demande de crédit. Avec la monnaie endogène, il ne se passe rien en termes de taux d'intérêt. Mais avec la monnaie exogène, les taux augmentent, du moins si la banque centrale réagit correctement.

La hausse des taux liées à un déficit fiscal est ce qu'on appelle l'effet d'éviction. Le nom vient du fait que l'investissement privé est en partie évincé par l'emprunt public. En effet, la demande de crédit provient de deux sources : l'investissement privé et l'emprunt public. C’est une vision simplifiée, qui considère que tout emprunt par le privé est de l’investissement, mais passons. Sans augmentation du déficit fiscal, cet argent serait parti dans l'investissement privé, pas dans des emprunts d'État. Il y a donc remplacement de l'investissement privé par l'emprunt d'État, d'où le terme d'effet d'éviction.

Pour illustrer le tout, supposons que l'état emprunte 100 milliards de plus que d'habitude et qu'une partie de ces 100 milliards proviennent d'une épargne pré-existante. On précise bien une partie et pas la totalité. En effet, une partie de ces 100 milliards peut être financée par la création monétaire. Les théories à monnaie endogène disent que les 100 milliards proviennent systématiquement de la création monétaire, car les banques ne prêtent pas d'épargne pré-existante. À l'inverse, la monnaie exogène dit qu'une partie des 100 milliards est financée par la création monétaire, le reste par l'épargne. Par exemple, l'effet d'éviction se manifeste si 90 milliards sont créés et que 10 milliards proviennent de l'épargne. Et ce sont ces 10 milliards manquants qui sont à l'origine de la hausse des taux et de l'effet d'éviction.

Les conditions d'observation de l'effet d'éviction suivant le système monétaire

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Dans un système monétaire où la banque centrale contrôle la quantité de monnaie, l'offre d'épargne n'est pas constante, mais augmente ou diminue en fonction de ce que décide la banque centrale. L'effet d'éviction se manifeste quand la création monétaire ne finance pas totalement le déficit de l'état. Si la banque centrale crée moins d'épargne que l'état n'en emprunte, le manque (argent crée - création monétaire) doit venir d'une épargne pré-existante qui est redirigée de l'investissement privé vers l'état. Par contre, l'effet d'éviction disparaît quand la banque centrale augmente la quantité d'épargne du même montant que ce que l'état emprunte.

Dans le système monétaire actuel, avec des banques centrales qui contrôlent leurs taux directeurs, il faut que la banque centrale réagisse en augmentant ses taux afin de limiter la création monétaire. Pour cela, il faut que l'état lance une relance fiscale alors que l'économie est assez proche du plein-emploi (certains états l'ont déjà fait). La banque centrale va alors anticiper les effets inflationnistes de cette politique et augmenter ses taux, afin d'annuler l'effet du plan de relance. La banque centrale limite donc sa création monétaire, de manière à ne pas financer totalement le déficit de l'état.

L'existence ou l'absence de l'effet d'éviction permet de dire quelle théorie est vraie : monnaie endogène ou exogène. Nul besoin de vous dire que la bataille fait rage entre les partisans de chaque modèle. Les études économétriques semblent bel et bien démontrer l'existence d'un effet d’éviction, mais sous conditions. Par conditions, on veut dire que la banque centrale doit réagir comme dit plus haut, soit en gardant la quantité de monnaie constante, soit en augmentant ses taux directeurs. Mais il arrive que la banque centrale ne réagisse pas quand l'état creuse son déficit, voire pire : baisse ses taux. C'est le cas suite à une crise économique : la banque centrale baisse ses taux et/ou crée de la monnaie pour complémenter le plan de relance. On ne s'attend pas à ce que l'effet d'éviction se manifeste, vu que la banque centrale baisse ses taux directeurs et que l'offre d'épargne augmente. Un cas particulier est quand la banque centrale crée directement l'argent demandé par l'état : l'état emprunte alors de l'argent frais à la banque centrale. Nous reviendrons sur ce phénomène dans le chapitre sur le modèle IS/LM, qui est le cadre idéal pour expliquer ce phénomène et donner ses conditions d'apparition.

Le multiplicateur du crédit

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Dans les deux théories précédentes, il est raisonnable de supposer une relation proportionnelle entre la base monétaire et la masse monétaire. Le coefficient de proportionnalité entre les deux est appelé le multiplicateur du crédit, ou encore le multiplicateur monétaire, plus rarement diviseur du crédit.

Notations :

  •  : espèces (pièces et billets) ;
  •  : dépôts bancaires ;
  •  : la base monétaire  ;
  •  : la masse monétaire  ;
  • : le taux de réserve.

Le multiplicateur monétaire est défini par cette formule :

, ce qui est équivalent à dire que

On peut en donner une approximation on ne prend en compte que les réserves et où les espèces sont négligées. La base monétaire se résume alors aux réserves, alors que la masse monétaire se résume aux dépôts bancaires. On a alors :

,

En combinant les équations précédentes, on a :

On voit que le multiplicateur monétaire n'est autre que l'inverse du taux de réserves, dans ce cas particulier.

L'interprétation du multiplicateur monétaire

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L'interprétation du coefficient monétaire est différente dans les modèles à monnaie endogène et dans les modèles à monnaie exogène. Les théories à modèle exogène nous disent que ce coefficient doit s'interpréter comme un multiplicateur. Il dit, pour chaque unité de base monétaire crée, de combien la masse monétaire va augmenter. À l'inverse, les théories à monnaie endogène supposent que ce coefficient est un diviseur : la masse monétaire est créée par les banques commerciales et la banque centrale doit créer alors 1/c unités de base monétaire pour chaque unité de masse monétaire crée.

Le diviseur du crédit

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Avec une monnaie endogène, ainsi que dans les théories à monnaie exogène moderne, les banques commerciales créent le montant de crédit qu'elles souhaitent et imposent la masse monétaire. Elles vont alors acquérir le montant de réserves nécessaires pour respecter leurs obligations légales, et acquérir suffisamment d'espèces pour couvrir les retraits. Si on omet les espèces, les banques commerciales vont d'abord créer la masse monétaire , puis acquérir une quantité de réserves. La banque centrale crée ces réserves sur demande, en les prêtant ou en les échangeant contre des actifs. La causalité va donc de la masse monétaire vers la base monétaire, ce qui fait que ce coefficient est à interpréter comme un diviseur de la masse monétaire.

Changer le taux de réserve n'a donc pas d'influence directe sur la masse monétaire et ne permet pas d'augmenter la masse monétaire : cela permet juste de modifier la quantité de réserves à masse monétaire inchangée. Le taux de réserves n'est donc pas un instrument de la politique monétaire et ne peut pas servir pour contrôler ni la masse monétaire, ni l'inflation, ni quoi que ce soit d'autre. Évidemment, cela ne colle pas parfaitement au monde réel, où certaines banques centrales utilisent ou ont utilisé leur taux de réserve comme instrument, avec une certaine réussite. Par exemple, la réserve fédérale américaine a utilisé le taux de réserve comme instrument à l'époque de l'étalon-or. Plus récemment, les banques centrales chinoises, brésiliennes, russes et quelques autres utilisent encore le taux de réserves comme instrument, avec à chaque fois un effet sur la masse monétaire. Les augmentations du taux de réserves réduisent bien la création de nouveaux prêts par les banques, alors que les réductions les facilitent.

Le multiplicateur du crédit

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Dans les anciennes théories à monnaie exogène, l'interprétation du multiplicateur du crédit est l'inverse de celle en monnaie endogène. Cette fois-ci, la banque centrale crée la base monétaire, qui est exogène, et le système bancaire s'occupe de fabriquer la masse monétaire à partir des réserves. Dans ce processus, la création monétaire par les banques commerciales fait que la masse monétaire augmente, par rapport à la base monétaire. Au final, la masse monétaire totale devient égale à la base monétaire multipliée par le multiplicateur du crédit. En quelque sorte, la création monétaire des banques commerciales s'occupe de multiplier la base monétaire par le multiplicateur du crédit. La base monétaire est donc exogène, alors que la masse monétaire est endogène.

Pour comprendre comment font les banques pour "multiplier la base monétaire", prenons le cas où la masse monétaire est nulle initialement. La banque centrale crée une base monétaire égale à une certaine somme, qui sert de dépôts bancaires. Les banques commerciales vont alors garder la quantité nécessaire de réserves (avec éventuellement des réserves excédentaires), mais vont prêter le reste. Or, ces  prêts sont considérés comme de la monnaie crée par les banques commerciales. La masse monétaire, initialement du fait de la banque centrale, augmente par le biais des prêts, d'un montant qui dépend du taux de réserves (qui impose de ne pas prêter une certaine quantité des dépôts). Ce processus est illustré dans le schéma ci-contre. Mais ce n'est que la première étape : la monnaie crée ainsi va aussi être déposée, une partie va être mise en réserves, et le reste prêté. La masse monétaire va donc encore augmenter d'un certain montant, plus faible que le montant de l'étape précédente. Et le processus va se répéter ainsi indéfiniment. Nous avions vu ce mécanisme dans le paragraphe sur la monnaie exogène, mais il est intéressant de détailler ce processus étapes par étape, afin de le mettre en équations.

Le tableau ci-dessous donne un exemple de ce processus itéré de création monétaire, étape par étape. On suppose que le taux de réserves est de 10%, et que la masse monétaire initiale est de 100 euros.

Illustration du processus de création monétaire avec un exemple chiffré (taux de réserves = 10%)
Tour de création monétaire Réserves Crédits Dépôts
1 100
2 100 * 10% = 10 100 * 90% = 90 100 + 90 = 190
3 190 * 10% = 19 190 * 90% = 171 190 + 171 = 361
4 361 * 10% = 36.1 361 * 90% = 324.9 361 + 324.9 = 685.9
...
100 900 1000

Il est intéressant de mettre ce processus en équation, en regardant ce qui se passe étape par étape. Dans ce qui suit, nous allons partir d'une quantité de dépôts fixe et regarder quelle est la quantité de crédits créée à chaque étape, et la quantité de dépôts obtenue. Voici le déroulement complet :

1 : La banque centrale crée une quantité de dépôts, qui sont placés dans les banques commerciales.

2 : Les banques commerciales vont mettre en réserve une fraction des dépôts et vont prêter le reste. La quantité de crédit sera alors de . La masse monétaire totale sera égale à la masse monétaire initiale à laquelle il faut ajouter l'encours des nouveaux crédits. On a alors :

3 : Encore une fois, les banques vont mettre en réserve une fraction des dépôts et vont prêter le reste. On a alors : . La masse monétaire totale sera égale à la masse monétaire de l'étape précédente à laquelle il faut ajouter l'encours des nouveaux crédits. On a alors :

4 : Même principe que pour les étapes précédentes, ce qui donne :

Et ainsi de suite. Au énième tour de création monétaire, on a :

Le processus se répète indéfiniment (ou presque), ce qui donne, pour une infinité de tours de création monétaire :

Quelques calculs algébriques nous donnent la somme totale des dépôts :

On peut alors calculer la quantité totale de réserves qui correspond, en multipliant la formule précédente par le taux de réserves, ce qui donne :

Si on néglige totalement l'existence des espèces, la quantité finale de dépôts n'est autre que la masse monétaire et la quantité totale de réserves n'est autre que la base monétaire. On a alors :

On retrouve bien la formule simplifiée obtenue pour le multiplicateur monétaire.

Un défaut de ce modèle est qu'il part du principe que la banque centrale crée la base monétaire, qu'elle décide combien de réserves mettre en circulation dans l'économie. Ce qui n'est pas le cas dans le système monétaire actuel, où la banque centrale contrôle les taux directeurs, mais pas la quantité de monnaie qu'elle crée. Un autre défaut est qu'il suppose que les banques ne gardent pas de réserves excédentaires, du moins dans une version naïve du modèle. Si les banques commerciales gardent des réserves excédentaires, la masse monétaire est alors inférieure à celle prédite par la formule naïve du multiplicateur. On peut cependant résoudre ce problème en remplaçant le taux de réserves obligatoires par le taux de réserve effectif (qui prend en compte toutes les réserves, qu'elles soient obligatoires ou excédentaires).

À noter que l'existence des réserves excédentaires peut s'expliquer de plusieurs manières : soit les banques ne veulent pas prêter leurs réserves excédentaires, soit elles ne le peuvent pas. Par exemple, elles peuvent très bien garder leurs réserves excédentaires parce qu'elles sont rémunérées à un taux positif par la banque centrale, parce que les opportunités d'investissements sont mauvaises (préteurs trop risqués, rares, ..). Elles peuvent aussi vouloir les prêter, mais ne pas trouver suffisamment de demande de crédit. On en revient un peu à ce qui était dit dans le paragraphe sur la monnaie endogène. Tout cela pour dire que la théorie du multiplicateur monétaire est une sorte de théorie de l'offre, mais appliquée à la monnaie. Elle considère que la demande de crédit n'est pas un facteur limitant, et que toute réserve pouvant être prêtée l'est. La prise en compte des réserves excédentaires dans le calcul du multiplicateur monétaire résout cependant ce problème.

Les formules de calcul du multiplicateur monétaire

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Dans cette section, nous allons donner une formule pour le calcul du multiplicateur qui est un peu plus précise que la formule . Nous utiliserons ensuite cette formule plus élaborée pour discuter de l'influence du taux de réserves ou de la présence d'espèces sur la politique monétaire. Il faut noter qu'il existe un multiplicateur différent pour chaque agrégat monétaire : le multiplicateur de l'agrégat M1 n'est pas celui du M2, ou du M3 ! Dans ce qui va suivre, nous allons nous concentrer sur le multiplicateur de l'agrégat M1, histoire de nous concentrer sur le cas le plus simple. Pour rappel, l'agrégat regroupe les espèces et l'argent déposé sur les comptes de dépôts. On va aussi prendre en compte le fait que les réserves se décomposent en réserves obligatoires et excédentaires. Notons les réserves obligatoires, et les réserves excédentaires. Le taux de réserves est égal à . On pose aussi , et (ce dernier est appelé le coefficient de liquidité). On a :

Or, de par la relation , il vient :

Le taux de réserve

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La formule précédente permet de déterminer la valeur maximale possible du multiplicateur du crédit, pour une valeur de fixée. Ce maximum est atteint quand le coefficient k vaut 0 : tout l'argent est alors déposé à la banque, ce qui maximise la création monétaire par le crédit. On obtient alors :

Illustration de l'effet du taux de réserve sur la création monétaire maximale, toutes choses égales par ailleurs.

On peut remarquer que le taux de réserves influence le multiplicateur du crédit et donc la quantité totale de monnaie dans l'économie. À ceci près que ce raisonnement prend en compte le taux de réserves excédentaires. Supposons qu'il n'y ait pas de réserves excédentaires, toutes les banques cherchant à prêter leurs réserves au maximum. Dit autrement, on suppose que la demande de crédit de la part des emprunteurs est suffisamment grande pour ne pas avoir d'influence, seule l'offre de crédit de la part des banques étant limitante. Dans ces conditions, l'offre de crédit sera contrainte par les réserves détenues par les banques. Celles-ci seront limitées par le fait qu'elles ne peuvent pas prêter au-delà de ce qu'impose le taux de réserves. Augmenter la base monétaire, diminuer le taux de réserves, permettra aux banques d'avoir plus d'argent à prêter, augmentant ainsi la masse monétaire totale. Du moins, le raisonnement reste valide tant que les banques ne veulent pas garder de réserves excédentaires...

Abaisser le taux de réserves permet ainsi de créer de la monnaie, dans une certaine mesure, et inversement pour une hausse. Comme exemple, on peut citer le cas de la réserve fédérale américaine lors de la dépression de 1929, qui a baissé son taux de réserves pour faire face à la crise (entre autres). Mais de nos jours, cet instrument est peu utilisé par les économies développées, même si quelques utilisations récentes par la Chine ou l'Inde font exception. La raison est que, pour les économies développées, modifier le taux de réserve a peu d'impact sur la masse monétaire. Diminuer le taux de réserve permet de libérer des réserves, devenues excédentaires après modification du taux, mais cela n'implique pas que les banques vont les utiliser. À l'opposé, augmenter le taux de réserves force les banques à accumuler les réserves, mais cela peut mettre en difficulté le système bancaire, par raréfaction des réserves.

En théorie, un taux de réserves non-nul augmente l'efficacité de la politique monétaire, d'où le fait que le taux de réserve soit non-nul dans beaucoup de pays développés. Cependant, beaucoup de pays développés ont supprimé la contrainte du taux de réserve, celui-ci étant nul au Canada, au Royaume-Uni, et dans quelques autres pays. La Banque centrale européenne a gardé un taux de réserves non-nul.

Le coefficient de liquidité

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Le coefficient k, qui décrit comment les agents répartissent leur monnaie sous forme d'espèce ou de dépôts, a aussi une influence importante. Ces fuites sous forme d'espèces imposent une seconde limite à la création monétaire. Si la banque crée énormément de monnaie sous la forme de crédit, une part de celle-ci quittera les comptes de la banque, à cause des virements ou des retraits. Au final, une partie pourra être transformée en billets ou en pièces, que la banque devra fournir. Et la banque doit avoir assez de billets et de pièces pour répondre aux besoins : si elle prête trop, l'argent des crédits ne pourra être retiré faute de billets et de pièces en circulation. Au maximum, la création monétaire ne peut pas dépasser une valeur dépendant uniquement du taux de liquidité, qui se calcule en posant le taux de réserve comme nul :

On voit alors que plus est petit, plus le multiplicateur du crédit est fort. Cela se comprend intuitivement : plus les personnes préfèrent la monnaie, moins les dépôts seront importants, réduisant les réserves et donc les prêts. Les banques prêtant moins, la monnaie crédit sera alors moins importante, réduisant d'autant la masse monétaire. Il est donc important de comprendre ce qui fait que les agents économiques préfèrent utiliser des dépôts ou des espèces.

  • Un premier paramètre est tout simplement la différence de rendement des dépôts comparé aux espèces. Il arrive que les comptes courants soient rémunérés, chose courante dans d'autres pays que la France. Dans cette situation, conserver son argent en dépôts est plus rentable que de convertir en espèces. Les ménages préféreront conserver des dépôts en lieu et place des espèces, faisait augmenter le coefficient .
  • Un autre paramètre est le fait que les espèces sont utilisées pour les dépenses. Les ménages qui dépensent une faible partie de leur revenu ont donc moins besoin d'espèces et peuvent préférer conserver leur argent sur des comptes courants. Ces ménages sont souvent des ménages à fort revenus, ou tout du moins dont les revenus couvrent bien plus que leurs dépenses courantes. Le revenu et la richesse globale de l'économie diminuent donc le coefficient .
  • L'activité illégale a besoin d'espèces, les transferts d'argent importants étant surveillés sur les réseaux bancaires. Les criminels, vendeurs de drogue et autres malfrats ont besoin d'espèces pour conserver la confidentialité de leurs transactions délictueuses.
  • De plus, ce coefficient évolue fortement dans les situations de crises financières et bancaires, quand le risque de faillite d'un grand nombre de banques augmente. Lors de ces crises, les agents économiques tentent de se prémunir d'une éventuelle faillite en retirant leur argent. Dit autrement, ils voient les dépôts comme étant plus risqués et préfèrent donc garder leur monnaie sous forme d'espèces. Le coefficient k augmente alors, pouvant aggraver la situation financière des banques. Si le nombre de retrait est suffisamment important pour aggraver fortement la situation des banques, on parle de situation de bank-run.

Références, en savoir plus

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Les relations entre taux et agrégats monétaires

Les deux chapitres précédents ont porté sur la création monétaire, sans faire le lien avec les taux d'intérêt. Mais dans les faits, la masse monétaire dépend des taux d'intérêt en vigueur et réciproquement. Plus les taux sont élevés, plus le crédit baisse, plus la masse monétaire se réduit. Dans ce chapitre, nous allons poursuivre les développements du chapitre précédent et montrer quelles sont les relations entre taux directeur, taux long-terme, masse monétaire et base monétaire. Nous en avions déjà touché un mot avec les théories de la monnaie endogène et exogène, mais nous n'avions pas tout dit. Il nous faut en effet parler plus en détail des différentes relations entre les taux et la monnaie, ce qui est le but de ce chapitre.

La relation entre base monétaire et taux directeur

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Pour commencer, il nous faut étudier le lien entre base monétaire et taux directeur, qui sont très dépendants l'un de l'autre. En temps normal, la relation entre les deux est la même qu'entre la masse monétaire et les taux d'intérêt : plus le taux directeur est haut, plus la base monétaire est réduite. La raison à cela tient dans le fonctionnement du marché monétaire. Rappelons que les banques commerciales empruntent à la banque centrale au taux directeur. Plus celui-ci est bas, plus il est intéressant pour les banques d'emprunter à la banque centrale. Or, les banques empruntent des réserves bancaires, qui font partie de la base monétaire. Le lien est donc : taux directeur -> emprunt à la banque centrale -> base monétaire. On peut résumer cette relation décroissante sur un graphique.

Lien entre base monétaire et taux directeurs

Il existe cependant des situations où la base monétaire devient totalement indépendante des taux directeurs, comme nous allons le voir plus bas.

Les origines de la demande de réserves

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Il existe toujours une demande de réserve minimale, liée à l'existence du taux de réserve. Les banques étant tenues d'avoir un certain pourcentage de leurs dépôts en réserves à la banque centrale, cela signifie qu'il y a une quantité minimale de réserves, qui dépend des dépôts (et donc de la masse monétaire). Ce qui fait que tant qu'il existe un taux de réserve obligatoire, la demande de réserves ne peut pas être nulle. Mais attention : rien n’empêche les banques commerciales d'avoir plus de réserves que nécessaire, pour diverses raisons. La demande de réserves n’est donc jamais nulle, même avec des taux règlementaires de réserve à 0, et dépasse parfois la demande minimale de réserves obligatoires.

La présence de réserves excédentaires peut s'expliquer, au moins en partie, par le fait que les banques ont besoin des réserves pour assurer les virements interbancaires. Rappelons que les banques s'échangent des réserves pour payer les virements. Lorsqu'on fait un virement d'une banque A vers une banque B, la banque A envoi le montant du virement à la banque B sous la forme de réserves bancaires. La monnaie que s'échangent les banques est donc composée de réserves bancaires, pas de monnaie-crédit (la monnaie de la masse monétaire). Il existe donc une demande de réserves liée aux échanges interbancaires, qui dépend de la banque (certaines auront besoin de beaucoup de réserves, d'autres non). La demande de réserve d'une banque dépend du nombre de virements entrants et sortants. Plus elle a de virement sortants par rapport à ses virements entrants, plus sa demande de réserve sera importante. On peut appeler cette demande de réserve ainsi : "demande de réserve pour motif de transaction". En théorie, cette demande de réserve est indépendante des taux directeurs, les taux n’influençant pas les virements interbancaires, que ce soit en nature ou en nombre. Elle dépend par contre de la masse monétaire totale et de sa vitesse de circulation. Plus précisément, elle dépend de la demande de dépôts en monnaie scripturale, mais pas exactement de la demande de crédits.

Une autre part de la demande de réserves excédentaires sert à faire des prêts, sur le marché interbancaire ou dans l’économie réelle. Les banques empruntent des réserves pour les prêter, soit à d'autres banques en manque de réserves, soit sous la forme de prêts aux entreprises ou à des particuliers. Mais rappelons que ces réserves n'en restent pas longtemps et qu'elles deviennent de la monnaie scripturale une fois prêtées. Cette forme de demande de réserves est donc transitoire : peu de temps après avoir été créées, ces réserves quittent les comptes de la banque centrale pour circuler dans l'économie réelle. Notons que, en théorie, les montants empruntés pour ce motif dépendent uniquement de la prime de risque, pas du montant des taux directeurs proprement dits. Mais les choses sont plus compliquées en pratique.

Une autre origine de la demande de réserve excédentaires tient dans l'anticipation des taux directeurs futurs. Les banques peuvent décider d'emprunter des réserves maintenant pour les prêter dans plusieurs années ou dans plusieurs mois. On peut se demander pourquoi elles empruntent aussi tôt, au lieu d'emprunter juste avant de prêter, mais ce serait omettre que les taux directeurs évoluent. Entre emprunter maintenant à taux bas et emprunter plus tard à taux hauts, le choix est vite fait. Si les banques anticipent une hausse future des taux, elles vont emprunter maintenant au lieu de dans le futur. À l'inverse, si elles anticipent une baisse des taux, elles vont attendre un petit peu avant d'emprunter à la banque centrale. On peut appeler cette demande de réserve ainsi : "demande de réserves pour motif de spéculation". Cette demande de réserves dépend donc naturellement des taux. Plus précisément, cette demande diminue quand les taux augmentent, ce qui donne une relation décroissante.

Pour résumer, la demande de réserves a plusieurs origines : les virements interbancaires, le financement des prêts bancaires, et l'existence des réserves obligatoires.

Excès et pénurie de réserves

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Le schéma précédent montre une situation où la demande de réserve existe et fait face au taux directeur de la banque centrale ce qui détermine la quantité de réserves imprimée par la banque centrale. Une autre situation est possible, où la banque centrale décide de la quantité de réserves qu'elle offre, l'intersection offre-demande décidant du taux directeur. Dans les deux cas, on a une demande de monnaie non-nulle, ce qui veut dire que les banques commerciales manquent de réserves et comblent ce manque par un emprunt à la banque centrale. Mais il existe des situations où les banques commerciales ont suffisamment de réserves et où elles n'ont pas besoin d'emprunter : la demande de réserves n'existe pas. Tout dépend de si il y a un manque ou un excès de réserve.

Dans le cas le plus classique, les réserves manquent. Le système bancaire manque globalement de réserves, que ce soit pour répondre à la demande de réserves obligatoires, ou pour financer les prêts. Par globalement, on veut dire que les réserves excédentaires sont insuffisantes. Les banques qui manquent de réserves vont chercher à les acquérir auprès d'autres banques qui ont des réserves excédentaires. Les réserves excédentaires sont alors prêtées aux banques en pénurie, mais cela ne suffit pas à combler le manque. Au final, il restera quelques banques qui manqueront de réserves et devront se fournir auprès de la banque centrale. Pour le dire autrement, pour que la demande de monnaie existe, il faut que le système bancaire soit en pénurie de réserves. On dit que l'on est dans un système à corridor, terme dont nous verrons le sens complet dans le chapitre sur le marché monétaire.

À l'inverse, on peut imaginer une situation où le système bancaire ait un excès global de réserves. Il peut y avoir des banques qui manquent de réserves, mais elles arrivent toutes à se fournir auprès des banques commerciales avec des excès. Ce faisant, aucune banque n'a besoin d'emprunter auprès de la banque centrale. Cela arrive si la banque centrale a autrefois émis trop de réserves et que l'excès s'est maintenu dans le temps. Dans une telle situation, le taux d'emprunt auprès de la banque centrale n'a plus aucun effet sur l'économie et sur le marché interbancaire.

Mais cela ne signifie pas que la banque centrale ne peut plus influencer les taux sur le marché interbancaire. Pour cela, elle doit utiliser un autre instrument : le taux de rémunération des réserves. Il correspond au taux d'intérêt auquel la banque centrale rémunère les réserves, comme si celles-ci étaient placées sur un livret bancaire avec un intérêt positif. Les banques n'ont alors pas intérêt à prêter leurs réserves à un taux inférieur au taux de rémunération des réserves : à quoi bon prêter les réserves à 2%, si la banque centrale les rémunère à 5% ? Ce qui fait que le taux de rémunération influence la quantité de prêts accordés par les banques, ce qui a un impact indirect sur la quantité de réserves (la courbe de demande de réserves est alors horizontale, voire croissante).

Un tel système est appelé un système à plancher (Floor system) et nous l'étudierons plus en détail dans le chapitre sur le marché monétaire. Toujours est-il que dans un tel système, il n'y a pas à proprement parler de courbe de demande de réserves, qui relie le taux de rémunération à la quantité de réserves, ce qui n'a pas d'importance pour ce qui va suivre.

Relation entre base monétaire et taux directeurs, suivant que le système bancaire est en manque ou en excès de réserves

Toujours est-il que la banque centrale peut contrôler l'état du système bancaire : elle peut le mettre en manque ou en excès de réserves en utilisant divers instruments. Par exemple, la banque centrale peut injecter ou retirer des réserves de la circulation comme bon lui semble, avec des opérations d'open market. En achetant/vendant des obligations d'état, elle augmente/réduit la quantité de réserves. Elle peut aussi organiser une pénurie en augmentant le taux de réserves obligatoires. Les banques vont devoir alors garder plus de réserves dans leurs coffres, ce qui augmente la demande de réserves. Pour que sa politique monétaire ait un impact optimal sur l'économie, la banque centrale doit faire en sorte que le système bancaire se trouve en pénurie de réserves, c’est-à-dire qu'il existe une demande non-nulle de réserves agrégées (toutes banques comprises). La banque centrale a le contrôle des taux d'intérêt, ce qui limite de ce fait la création monétaire avec les mécanismes expliqués dans la suite du chapitre.

La relation entre taux directeur et taux d'intérêts bancaires

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Rappelons quelques faits : les banques commerciales font face à une demande de crédits de la part des agents économiques souhaitant emprunter. Elles répondent à cette demande en fournissant une partie des emprunts demandés. Dit autrement, une demande de crédits fait face à une offre bancaire de crédits. L'intersection entre cette offre et cette demande donne le volume total de crédit circulant dans l'économie, c’est-à-dire la masse monétaire, mais aussi le taux d'intérêt. Il y a donc une relation entre taux d'intérêt et masse monétaire. Sauf que le taux d'intérêt en question n'est pas le taux directeur, mais le taux proposé par les banques. Ce taux est le taux auquel les agents économiques empruntent, et il est différent du taux directeur de la banque centrale. S'il y a une relation entre ces deux taux, nous allons d'abord voir ce qui se passe si on néglige cette relation, afin de simplifier les explications.

La relation entre masse monétaire et taux d'intérêts

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Rappelons que les banques, comme toute entreprise, cherchent à maximiser leurs profits, profits qui lui viennent des intérêts des prêts. Elle va donc fixer un taux d'emprunt qui lui permet de rentabiliser au maximum ses activités de prêts. Dans la théorie que nous allons voir, c'est ce taux d'emprunt qui détermine la création monétaire. Cette "théorie", fabriquée pour l'exemple, dit que la masse monétaire dépend de la volonté des agents de s'endetter, ainsi que de la volonté des banques de maximiser leur profit. La masse monétaire nait de la rencontre entre une demande de crédit de la part des agents économiques et un taux décidé par les banques. Tout se passe comme si la masse monétaire était choisie par les agents économiques. L'ensemble du modèle, base et masse monétaire inclue, est résumé dans le schéma ci-dessous.

Détermination de la masse monétaire dans un modèle de monnaie endogène

L'offre de crédit de la part des banques n'est pas limitée par les réserves bancaires et on voit mal comment la politique monétaire pourrait intervenir pour la limiter, ni même pour la contrôler finement. La politique monétaire est, dans cette théorie, complètement impotente : elle ne peut pas limiter la création monétaire par les banques privées. Chose qui est passablement incompatible avec la réalité : on observe bien que les banques centrales ont bien réussi à contrôler l'inflation et la masse monétaire depuis plusieurs décennies... Avec l'apparition du régime de ciblage de l'inflation, les banques centrales ont toutes réussi à maintenir l'inflation proche de leur cible de 2%, alors que les théories à monnaie endogène disent clairement que c'est impossible.

D'ailleurs, chose liée au problème précédent, la théorie n'explique pas pourquoi les taux d'intérêts servis par les banques dépendent des taux directeurs, les taux d'emprunt à la banque centrale. En théorie, le taux d'intérêt servi par les banques commerciales ne devrait dépendre que de la maximisation de leur profit. Le taux auquel elles empruntent leurs réserves ne devrait pas jouer du tout sur leur profitabilité. Pourtant, dans le monde réel, les taux directeurs et les taux des banques commerciales covarient très fortement : quand l'un monte, l'autre le fait presque exactement dans les mêmes proportions. Une hausse de 1% du taux directeur se répercute à l'identique sur les taux bancaires. Impossible d'expliquer cela sans recourir d'une manière ou d'une autre à un mécanisme de monnaie exogène, ce que les théories concurrentes font très bien !

Qui plus est, la théorie n'explique pas pourquoi le taux de réserve est utilisé par certaines banques centrales comme instrument de leur politique monétaire. Avec un effet macroéconomique sur l'emprunt qui est très loin d'être négligeable.

D'ailleurs, cette théorie n'explique pas pourquoi les banques détiennent des réserves excédentaires. En théorie, les banques devraient limiter au maximum leurs réserves excédentaires, qui ne leur servent à rien. Elles ne peuvent pas les prêter si le besoin s'en fait sentir, mais leur emprunt leur coute beaucoup à cause des taux d'intérêts de la banque centrale. Elles ont besoin d'emprunter juste ce qu'il faut pour respecter les taux de réserves obligatoires, mais pas plus. Limiter au maximum les réserves excédentaires est donc une chose très importante, qui s'est observé durant un long moment (jusqu'à la crise de 2008), mais qui est aujourd'hui incompatible avec le gigantesque niveau de réserves excédentaires. Tout cela semble indiquer que les banques commerciales ont intérêt à avoir des réserves excédentaires, ce qui est incompatible avec le fait que ces réserves leur coutent.

Au passage, le fait que les réserves sont rémunérées à un taux d'intérêt positif n'y change rien : ce taux est de toute façon inférieur au taux d'emprunt de ces réserves. De plus, en zone euro, les banques acceptent des réserves excédentaires alors que le taux de rémunération de celles-ci était négatif !

Et pour finir, cette théorie n'explique pas pourquoi les banques cherchent à attirer des dépôts, ni pourquoi elles empruntent sur les marchés financiers. Pourquoi s’embêtent-elles à rémunérer les livrets, comptes à terme et autres formes dépôts bancaires, alors qu'elles n'en ont pas besoin ? En théorie, elles n'ont pas besoin de dépôts pour fonctionner et on peut s'étonner que les banques aient conservé une activité de banque de détail. Alors pourquoi attirer des fonds en promettant de les rémunérer avec un intérêt ? De même, pourquoi les banques empruntent-elles autant d'argent, au point d'avoir des ratios capital/passif proches du pourcent ? Pourquoi une telle quantité d'emprunts interbancaires, pourquoi empruntent-elles sur les marchés obligataires ? Autant l'emprunt aux banques centrales peut se comprendre, vu qu'elles font face à des contraintes règlementaires qui imposent un taux de réserve minimal. Mais les autres formes d'emprunt ne collent absolument pas avec les théories à monnaie endogène ! Impossible d'expliquer la structure du bilan d'une banque avec ces théories, alors que les théories à monnaie exogène le font parfaitement bien !

Les taux directeurs influencent les taux d'intérêts bancaires

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Le modèle précédent, trop simpliste, est une fiction à laquelle aucun économiste ne croit. Il s'agit d'une création de l'auteur, qui a pour but de simplifier les explications qui vont suivre. Ce modèle pédagogique doit naturellement être amendé, au vu de ses nombreux problèmes. Pour cela, nous allons revenir sur une hypothèse : le taux d'intérêt servi par les banques ne dépend que de leur volonté de faire du profit. Si le gout pour l'argent des banques n'est pas à démontrer, il faut cependant ajouter un paramètre : le taux des banques dépend du taux servi par la banque centrale. Dans le monde réel, les taux directeurs et les taux des banques commerciales varient en même temps : quand l'un monte ou descend, l'autre le fait presque exactement dans les mêmes proportions. Mais taux directeur et taux bancaires ne sont pas identiques. Dans les faits, les taux bancaires sont un peu plus élevés que les taux directeurs, pour diverses raisons.

Le mécanisme qui lie les tau directeurs aux taux d'emprunt est assez simple, et se base sur le fait que les banques sont des intermédiaires financiers. Les banques commerciales acquièrent leurs réserves en les empruntant à la banque centrale, à un certain taux : le taux directeur. Le taux directeur va moduler l'offre de crédit et les taux d'intérêts bancaires, par deux mécanismes. Ces mécanismes impliquent des taux différents : le taux d'emprunt à la banque centrale pour le plancher, le taux de rémunération des réserves pour le second.

Pour étudier le premier mécanisme, il faut se mettre dans une situation de pénurie de réserves. Dit autrement, on suppose que les banques commerciales prêtent l'argent qu'elles empruntent à la banque centrale. Prenons l'exemple d'une entreprise qui souhaite emprunter 100 000 euros à sa banque. Si la banque n'a pas les fonds nécessaires pour ce prêt, elle les emprunte sur le marché monétaire. Et seule la banque centrale peut créer la monnaie demandée si celle-ci vient à manquer dans le système économique. La banque commerciale va donc emprunter de l'argent à la banque centrale et le prêter à des entreprises ou des ménages. Évidemment, la banque centrale ne prête pas ses réserves à taux zéro, mais charge ses prêts au taux directeur. Ce système n'est rentable que si le taux du prêt est plus important que le taux directeur. Emprunter à 1% pour prêter à 2/3% est rentable, mais emprunter à 2% pour le prêter à 1% signifie une perte pour la banque. Le taux directeur sert donc de plancher pour le taux auquel prêtent les banques.

L'autre mécanisme se manifeste quand le système bancaire est en excès de réserves, quand les banques n'ont pas besoin de se financer auprès de la banque centrale. Dans ce cas, les banques vont quand même limiter leur création monétaire en réaction à la politique monétaire. En effet, il faut prendre en compte le taux de rémunération des réserves. Si le taux de rémunération des réserves est à 5%, aucune banque n'irait prêter ces réserves à seulement 2 à 3%. Les banques n'auraient d'intérêt à prêter les réserves qu'à un taux supérieur. Ce faisant, le taux de prêt sert donc là aussi de plancher pour les taux auxquels les banques prêtent. Par contre, le taux directeur est différent dans cette situation.

L'existence d'une prime de risque

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Les banques ne se contentent pas de prêter des fonds au taux directeur, pour plusieurs raisons. Déjà, la durée d'un emprunt à la banque centrale n'est pas la même que la durée d'un prêt. Une banque ne peut pas emprunter sur 20 ans à la banque centrale, alors qu'elle offre des crédits immobiliers sur 20 ans. Mais surtout, les crédits qu'elle offre sont risqués et il y a un risque de non-remboursement. Pour l'éviter, les banques sélectionnent activement les crédits qu'elles acceptent en fonction du risque de crédit. Mais cela ne suffit pas et elles doivent faire payer à chaque crédit un taux plus élevé que le taux directeur pour compenser le risque pris. Ainsi, si un prêt n'est pas remboursé, le sur-taux des autres prêts compense totalement la perte du crédit.

Les banques commerciales vont fixer leurs taux juste au-dessus du taux directeur, en fixant une marge qui leur permet de couvrir les risques du prêt, mais aussi de gagner un profit et de rémunérer leurs employés. Or, les banques commerciales sont toutes en concurrence, ce qui les pousse à baisser leurs taux ou tout du moins à les garder proches des taux des autres banques. Une banque ne peut pas augmenter ses taux trop haut, sous peine de perdre ses clients, partis voir la concurrence. Du fait de la concurrence, cette marge est réduite au plus possible et se limite à peu près à une prime de risque, qui varie selon le risque de non-remboursement. L'existence du taux directeur limite donc les taux d'emprunt, ce qui décide donc indirectement de la masse monétaire (par l'intermédiaire de la demande de monnaie). Pour résumer, le taux d'intérêt sur les crédits dépend non seulement des taux de la banque centrale, mais aussi d'une prime de risque qui dépend du ménage et de son projet d'investissement/emprunt. Ce qui se résume avec la formule suivante :

, avec i le taux d'un crédit, le taux sans risque et une prime de risque.

Pour résumer, il y a une relation entre taux monétaires, taux des crédits et création monétaire : plus les taux monétaires sont élevés, plus les banques doivent augmenter les taux longs pour compenser le cout de l'emprunt et moins de crédits sont demandés par les agents économiques. Vu que la banque centrale a le contrôle quasi-total des taux monétaires, elle a un pouvoir de contrôle indirect de la masse monétaire. La banque centrale contrôle les taux courts, ce qui influence les taux longs et donc la masse monétaire. La banque centrale choisit son taux directeur, et les banques doivent suivre. En choisissant son taux directeur, elle peut augmenter ou diminuer les taux bancaires et donc la création de nouveaux crédits. Il lui suffit de remonter ses taux directeurs pour limiter l'expansion du crédit, et de les baisser pour favoriser l'emprunt. Tout ce qui compte est qu'elle adapte les taux pour obtenir la masse monétaire demandée. Par contre, elle n'a pas le choix de sa base monétaire, qui est toujours imposée par le taux de réserves (et plus précisément par le diviseur/multiplicateur du crédit, que nous verrons plus bas). Le modèle complet est illustré ci-dessous.

Modèle de monnaie endogène de type horizontal

On voit que plusieurs défauts de la théorie précédente sont corrigés. D'abord, la banque centrale a enfin un impact sur la masse monétaire, sa politique monétaire n'est plus impotente et elle gagne un certain pouvoir de gestion de l'inflation. Tout cela grâce à son influence sur les taux directeurs, qui se répercutent par l'intermédiaire des taux bancaires sur la masse monétaire. Cela rend le modèle particulièrement intéressant, bien qu'imparfait. En tout cas, c'est une approximation pas trop mauvaise de ce qui se passe dans le monde réel. Mais le modèle n'est pas exempt de défauts. Par exemple, il n'explique pas pourquoi les banques conservent des réserves excédentaires, pourquoi le taux de réserves est utilisé par certaines banques centrales avec la même efficacité que le taux directeur, pourquoi le bilan des banques est ce qu'il est, etc. Il ne dit pas non plus comment les taux et la prime de risque varient avec la masse/base monétaire. Mais des défauts sont des défauts mineurs, qui peuvent se corriger avec quelques ajouts au modèle.

La relation entre base et masse monétaire

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Vu ce qu'on vient de dire, il n'y a pas vraiment de relation stable entre la base monétaire et la masse monétaire. Tout dépend des taux directeurs, de la prime de risque et des demandes de réserves et de crédit. Difficile d'en établir une formule mathématique qui permette de faire des prédictions pertinentes. Par exemple, on ne peut pas prédire comment évolue la masse monétaire quand on augmente la base monétaire. Tout dépend de comment les banques et les agents vont réagir, de leurs demandes de monnaie et de crédit respectives et des variations de taux. Le modèle complet, qui tient compte de la base monétaire et de la masse monétaire, est illustré ci-dessous.

Contrôle de la masse et de la base monétaire par l'intermédiaire des taux directeurs

Pour être plus complet, il faut aussi indiquer l'existence d'une demande de réserves minimales, liée aux réserves obligatoires. Cette quantité de réserves obligatoires est imposée par le taux de réserves, mais la base monétaire la dépasse souvent, du fait de l'existence de réserves excédentaires.

Contrôle de la masse et de la base monétaire par l'intermédiaire des taux directeurs, avec réserves obligatoires

On peut raffiner le modèle en ajoutant quelques contraintes sur la manière dont la prime de risque dépend de la masse monétaire. Par exemple, on peut supposer que les banques évitent de trop prêter, pour diverses raisons. Par exemple, on peut supposer que plus leur encours de crédit est fort, plus cela signifie qu'elles ont prêté à des emprunteurs risqués. En effet, les banques prêtent en priorité aux emprunteurs surs, dont elles pensent qu'ils vont rembourser avec certitude. Le proverbe dit bien qu'on ne prête qu'aux riches ! Autant les premiers prêts sont réservés à des emprunteurs extrêmement surs, autant les prêts suivants sont réalisés à des emprunteurs de moins en moins solvables. Plus l'encours de crédits augmente, plus les clients qui restent sont risqués. On peut aussi ajouter une hausse du taux directeur avec la masse monétaire, qui sert à limiter son extension : plus la masse monétaire augmente, plus la banque centrale augmente ses taux pour en limiter les effets, pour contrôler l'inflation, par exemple. Nous en reparlerons dans les chapitres ultérieurs.

Modèle de monnaie endogène de type horizontal, amélioré

En théorie, base et masse monétaire peuvent évoluer indépendamment, suite à une variation de leurs demandes respectives. Tout déplacement des courbes de demande de réserves/crédit se traduit par une variation du multiplicateur du crédit.

Par exemple, une soudaine hausse des primes de risque va augmenter la demande de réserves à dépôts égaux. Pour simplifier, les banques ne souhaitant plus prêter leur argent et vont restreindre leur offre de crédit. La courbe de demande sera la même, mais l'intersection entre taux et demande sera placée plus haut, sur un point où le crédit est plus faible. La quantité de prêts va diminuer, ce qui réduira la masse monétaire (ou du moins, sa croissance). La banque centrale va alors réagir en baissant son taux directeur pour compenser la baisse des crédits et limiter au mieux les effets de la hausse de la prime de risque. Idéalement, la hausse des primes de risque est exactement compensée par la baisse du taux directeur, ce qui fait que le taux bancaire ne change pas. Sous ces conditions, la demande de crédit ne varie pas et la masse monétaire reste donc la même, ce qui contient l'inflation et le niveau des prix au niveau souhaité par la banque centrale. L'effet sur la base monétaire est pas contre tout autre. En théorie, la demande de réserves ne change pas alors que le taux directeur baisse : on se retrouve avec une hausse de la base monétaire, alors que la masse monétaire reste inchangée. On en déduit que le multiplicateur du crédit diminue donc, par augmentation des réserves excédentaires.

Un exemple est celui de la crise financière similaire de 2007. Cette crise est partie des crédits immobiliers dits subprimes, supposés risqués, mais malgré tout "solvables". Avec la soudaine baisse du prix de l'immobilier, lié à la politique de réserve fédérale, ces crédits se sont soudainement retrouvés nettement plus risqués que prévu. Par un effet de cascade, la hausse des primes s'est propagée à l'ensemble des banques, sur tous les types de crédits existants. La forte hausse des taux qui en a découlé a réduit le crédit, diminuant fortement la quantité de monnaie en circulation dans l'économie. Pour parenthèse, cette contraction de la masse monétaire a eu pour conséquence une récession, à savoir un ralentissement de l’activité économique. La banque centrale a alors réagi en baissant ses taux directeurs pour compenser la récession, ainsi que par d'autres mesures d'urgence.



Le marché monétaire

Pour atteindre ses objectifs, la banque centrale doit créer de la monnaie et échanger celle-ci avec les banques commerciales, que ce soit pour en retirer ou pour en injecter dans l'économie. Ces échanges s'effectuent sur le marché monétaire, un marché où les intervenants peuvent se prêter ou emprunter de la monnaie. Les intervenants en question sont très divers : les banques commerciales, la banque centrale, les trésors publics nationaux, les assureurs, les établissements de crédit, etc. En contrepartie du prêt, la banque emprunteuse va donner au créditeur un ensemble d'actifs financiers appelé collatéral. Ces prêts ont une durée inférieure à deux ans, les durées les plus communes étant de quelques jours à quelques mois.

Les prêts sur le marché monétaire impliquent fatalement un ou plusieurs taux d'intérêt, appelés taux d’intérêt interbancaires. Généralement, les taux d'intérêt sur le marché monétaire guident les taux à plus long-terme, les banques répercutant ces taux d'emprunt sur les crédits qu'elles accordent aux particuliers. Influencer le taux interbancaire permet ainsi de manipuler, dans une certaine mesure, le développement du crédit et donc la croissance de la masse monétaire. Dans la suite du chapitre, on verra que ce taux sont influencés par les taux directeurs.

Dans la zone euro, les taux à court-terme sur le marché monétaire sont mesurés au jour le jour par divers indicateurs. Le premier est l'EONIA, le taux moyen des prêts d'une durée égale ou inférieure à la journée. Celui-ci est calculé sur la base des taux demandés par les différentes banques. Tous les jours, les banques commerciales indiquent à quel taux elles souhaitent prêter ou emprunter sur le marché monétaire. Les quatre valeurs les plus élevées et les plus faibles sont négligées, les autres valeurs servant dans le calcul de la moyenne. L'EURIBOR est un ensemble de taux similaires à l'EONIA, si ce n'est qu'ils portent pour les prêts d'une durée égale respectivement à 1, 2, 3 semaines et 1, 2, 3, .. , 12 mois.

Évolution de l'EONIA entre 1999 et 2009.

D'ordinaire, les banques préfèrent emprunter à une autre banque commerciale au lieu de faire appel à la banque centrale, pour diverses raisons un peu obscures. Mais il arrive que certaines banques ne puissent pas trouver assez de réserves chez les autres banques. Ces dernières peuvent refuser de prêter à une banque trop risquée et endettée, par exemple. Les banques très risquées, qui risquent de faire faillite, peuvent cependant demander des prêts de la dernière chance à la banque centrale. La banque centrale est ainsi un préteur de dernier ressort.

Les prêts de dernier ressort sont monnaie courante quand le marché monétaire dysfonctionne complètement. Lorsque cela arrive, les banques n'aient pas accès à suffisamment de liquidité sur le marché monétaire ou refusent de se prêter entre elles. C'est notamment ce qui est arrivé suite à la crise financière de 2008, où les banques considéraient que les prêts sur le marché monétaire étaient trop risqués. La banque centrale a alors dû jouer son rôle de préteur de dernier ressort et a fourni la totalité de la liquidité du marché monétaire suite la crise. Mais ces prêts de dernier ressort ne permettent pas toujours aux banques de survivre. Tel a été le cas de Lehman Brothers, qui n'avait pas assez de collatéral pour obtenir un prêt de dernier ressort, ce qui entraîna sa faillite. Faillite qui déclencha la crise de 2008, mais cela est une autre histoire !

Les taux directeurs

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Dans les chapitres précédents, nous avons beaucoup parlé du taux directeur de la banque centrale. Mais dans la réalité, il existe plusieurs taux directeurs différents, qui jouent chacun un rôle assez précis dans la conduite de la politique monétaire. Dans cette section, nous allons voir à quoi correspondent ces taux directeurs.

Pour commencer, rappelons que la banque centrale est la banque des banques commerciales. Elle leur fournit la même gamme de service que ce que font les banques commerciales auprès du grand public. Les banques commerciales peuvent ouvrent un compte courant à la banque centrale, un "livret d'épargne" ou des comptes à termes, et peuvent même y emprunter. Le compte courant est là où les banques commerciales parquent leurs réserves obligatoires et excédentaires, en attendant de les utiliser (pour des prêts, pour les placer ou faire des virements à une autre banque). Certaines banques centrales fournissent aussi un équivalent aux comptes à terme, qui permet aux banques de rémunérer leurs liquidités excédentaires, plutôt que de les laisser dormir sur leur compte courant. En zone euro, ce livret/compte à terme de la banque centrale s'appelle les facilités de dépôts. Les liquidités sont cependant placées sur une durée très courte, à peine 24 heures, voire quelques semaines tout au plus. Enfin, les banques commerciales peuvent emprunter des liquidités à la banque centrale, moyennant intérêt. La banque centrale manipule le marché monétaire en utilisant deux types de taux : le taux d'emprunt et le taux de placement (sur les facilités de dépôt).

Les taux d'emprunt auprès de la banque centrale

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La banque centrale peut prêter des réserves aux banques commerciales, avec un système de repos ou d’opération d'Open Market. Le taux d’intérêt des prêts d'une banque centrale est appelé taux directeur. Aux états-unis, la banque centrale utilise plusieurs taux directeurs. Dans les grandes lignes, la réserve fédérale dispose de plusieurs guichets, auxquels les banques commerciales peuvent emprunter, qui correspondent chacun à des durées de prêts plus ou moins longues. Le guichet pour les prêts d'une journée correspond au taux directeur, d'autres guichets étant accessibles à des taux supérieurs. Le taux le plus élevé demandé est appelé le taux d'escompte. Dans la zone euro, ces prêts sont gérés par un système d'appel d'offre relativement complexe, pour deux maturités différentes.

  • Le premier appel d'offre porte sur des prêts d'une durée de deux semaines. Chaque banque peut ainsi emprunter des réserves toutes les semaines, à condition que celle-ci rembourse son prêt précédent. Le taux lié à cet appel d'offre est appelé taux de prêt marginal.
  • À côté, la banque centrale gère un second guichet pour des prêts quotidiens, d'une durée de un jour maximum. Le taux lié à ces prêts est appelé le taux de refinancement. Le taux de refinancement est toujours inférieur au taux de prêt marginal, de par leurs maturités différentes.

Le taux de rémunération des réserves

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Outre les taux précédents, la banque centrale peut rémunérer ou non les réserves et les facilités de dépôt, avec des intérêts, suivant ses objectifs de politique monétaire. Le taux d'intérêt de la banque centrale sur les réserves est appelé le taux de rémunération des dépôts. Comme dans les banques commerciales, le taux sur les placements à la banque centrale est plus faible que le taux d'emprunt. Sans cette contrainte, les agents emprunteraient à un taux faible pour placer l'emprunt sur les facilités de dépôts fortement rémunérées.

Les réserves sont un coût d'opportunité pour les banques : elles pourraient être prêtées ou servir à acheter des actifs, ce qui permettrait aux banques d'en tirer un revenu. En rémunérant les réserves, la banque centrale réduit ou augmente ce coût d'opportunité, afin de stimuler le crédit ou de le limiter. Prenons le cas où la banque centrale souhaite stimuler le crédit. Dans ce cas, elle va rémunérer très faiblement les réserves, voire pas du tout, ce qui rend leur prêt plus rentable que leur dépôt à la banque centrale. Les banques vont alors chercher à prêter les réserves excédentaires pour en minimiser la quantité. Ce faisant, les réserves créées par la banque centrale ou les dépôts vont finir par circuler dans l'économie sous la forme de monnaie, favorisant l'investissement et la consommation. À l'inverse, la banque peut aussi rémunérer les réserves avec un intérêt assez élevé : les banques ne sont alors pas incitées à prêter leurs réserves, vu qu'il est plus rentable de les conserver à la banque centrale. Il arrive aussi que les banques ne fassent pas circuler leurs réserves excédentaires, même si elles ne sont pas rémunérées. Cela arrive quand l’économie va très mal. Dans ce cas, la banque centrale peut alors imposer des taux négatifs sur les réserves, afin d'inciter les banques à faire des crédits.

Les taux à court-terme

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La banque centrale agit sur le marché interbancaire de deux façons : soit elle fixe la quantité de réserves qu'elle est prête à échanger, soit elle se fixe une cible pour le taux interbancaire. Si la quantité de réserves (la base monétaire) est fixée par la banque centrale, les taux à court-terme dépendent uniquement de la demande de réserves des banques. Plus les réserves se font rares, plus le taux interbancaire est fort (et réciproquement). Inversement, en fixant le taux d'intérêt, la banque centrale doit fatalement fournir autant de liquidités que les banques demandent à ce taux. De nos jours, les banques centrales fixent leurs taux d'intérêts, ce qui leur impose d'imprimer une certaine quantité de réserve.

Influence d'une opération d'Open Market (création monétaire et achats d'actifs) sur les taux d'intérêt interbancaires.

En utilisant le graphe ci-dessus, on peut distinguer deux portions de la demande de réserve. Dans la première portion, la demande de réserves dépend du taux d'intérêt, la fonction étant décroissante. Dans la seconde, la quantité de réserve est fixe et peut varier sans la moindre influence des taux : elle ne dépend plus du taux directeur. Notons que la banque centrale peut passer d'un régime à l'autre, que ce soit en changeant ses taux directeurs ou en modifiant la quantité de réserves. Ces deux situations correspondent à deux régimes monétaires différents, dans le sens où la banque centrale implémente sa politique monétaire différemment selon la situation. Dans le premier cas, tous les taux directeurs sont utiles, mais le principal est le taux d'emprunt directeur. Dans la seconde situation, le taux principal est le taux de rémunération des réserves.

Le régime de corridor

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Le premier cas est le régime normal de fonctionnement de la politique monétaire, où le système bancaire n'est pas saturé de réserves : certaines banques manquent de réserves et font appel à celles qui en ont trop. Dans ce cas, le taux d'intérêt à court-terme sur le marché interbancaire est encadré par les deux taux directeurs, le taux d'emprunt servant de plafond et le taux de rémunération des dépôts servant de plancher. En somme, la banque centrale contrôle le taux directeur en l'encadrant par les deux taux qu'elle contrôle. Le système est appelé un régime de Corridor, en référence à l'encadrement des taux monétaire par les taux directeurs.

Illustration des différents taux pour la zone euro.

Les raisons qui font que cet encadrement fonctionne sont les suivantes. Premièrement, le taux de rémunération des réserves ne peut pas être supérieur au taux directeur sur le marché interbancaire. Si c'était le cas, les banques gagneraient plus en plaçant leur argent à la banque centrale et n'aurait aucun besoin de les prêter sur le marché interbancaire. La fixation d'un taux de rémunération des réserves permet ainsi de garantir un taux directeur minimum. Deuxièmement, les banques commerciales n'ont aucun intérêt à emprunter à un taux supérieur à celui donné par la banque centrale (le taux de prêt marginal), ce qui fait que les banques préteuses aligneront leurs taux de manière à ce que celui-ci reste compétitif face au taux de prêt marginal.

Première situation, appelée régime de type corridor.

Le régime plancher

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Dans le second cas, les banques sont complètement saturées en réserves excédentaires et elles n'ont aucun besoin d'en acquérir en plus. En conséquence, elles n'empruntent plus à la banque centrale et il n'y a plus de prêts interbancaires. Cela se traduit par le fait que l'offre de réserves est dans la seconde portion de la courbe de demande de réserves, là où elle est plate. Le taux d'emprunt perd complètement sa pertinence et n'a plus d'influence sur le marché monétaire. Formellement, le taux du marché monétaire est strictement égal au taux de rémunération des dépôts. On est dans un régime qui porte le nom de Floor System, nom qui trahit le fait que le taux monétaire est à sa valeur plancher, sous-entendu au taux de rémunération des réserves.

Seconde situation, appelée régime de type plancher.

Les taux à long-terme

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L'influence de la banque centrale porte essentiellement sur les taux de prêt à courte maturité, qu'il s'agisse d'obligations ou d'autres formes d'actifs. Mais il se trouve que les taux des maturités plus longues sont vraisemblablement dépendants des taux courts, ou tout du moins des taux courts futurs anticipés. Un outil très intéressant pour étudier la relation entre taux longs et taux courts est la courbe des taux, qui donne les taux en fonction de la maturité de l'obligation. On peut alors tomber sur plusieurs cas.

  • En général, les taux longs (des obligations de long-terme) sont plus importants que les taux courts. De plus, les taux longs augmentent avec la maturité : le taux d'une obligation à 2 ans est plus faible que celui d'une obligation à 5 ans, lui-même plus faible que celui d'une obligation à 10 ans, etc. Dans ce cas, on trouve une courbe croissante des taux en fonction de la maturité, qui est la courbe des taux croissante, la plus habituelle.
  • Plus rarement, les taux courts sont plus élevés que les taux longs (au moins sur une partie de la courbe). La courbe des taux devient une courbe des taux inversés.
  • Enfin, il est possible que tous les taux soient identiques, ce qui donne une courbe des taux plate.
Courbe des taux normale.
Courbe des taux inversée.

Les théories des relations entre taux longs et courts

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Aujourd'hui, il existe plusieurs théories pour expliquer les relations entre taux longs et courts. La théorie de la préférence pour la liquidité de Keynes, que nous avons vu dans le début de ce livre, est l'une d'entre elle. Mais elle n'est pas la seule et il existe de nombreuses autres théories, à la fois concurrentes et complémentaires de la théorie de Keynes. Nous n'allons pas toutes les voir, mais aborder seulement les principales. Si nous ne reviendrons pas sur la théorie de la préférence pour la liquidité, nous allons parler de la théorie des anticipations de la structure des taux d'intérêts (la plus consensuelle) et quelques autres théories complémentaires.

La théorie des marchés obligataires segmentés

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La première théorie, la plus simple de toute, dit que les épargnants ne s'occupent que de la maturité et pas du rendement, ce qui fait qu'il n'y a pas d'arbitrage entre les différentes maturités. Quelqu'un qui achète une obligation à 10 ans n’achèterait pas d'obligation à 5 ans à la place, pour diverses raisons. Par exemple, l'acheteur souhaite épargner pour payer une échéance future : pour sa retraite qui arrivera dans 10 ans, pour payer l'université de son fils dans 10 ans, etc. Les obligations ne sont pas substituables, et il existe un marché indépendant pour chaque maturité. Le taux d'une obligation dépend uniquement de la demande et de l'offre pour la maturité demandée, mais pas des taux des autres obligations à maturité plus courte ou plus longue.

On peut expliquer la forme normale de la courbe des taux en supposant que les épargnants préfèrent des obligations à plus court terme. Ils préfèrent prêter à court-terme et non à long-terme, parce qu'ils pensent que c'est moins risqué. En clair, cette explication combine la théorie de la préférence pour la liquidité avec la théorie précédente. Les autres courbes des taux possibles apparaissent dans diverses situations pathologiques, où le prêt à court-terme devient très risqué, mais que le prêt à plus long-terme ne l'est pas (par exemple, une crise de liquidité). Mais tout cela ne permet pas de rendre compte d'un phénomène : toutes les maturités tendent à varier dans le même sens. Quand les taux courts augmentent, les taux longs augmentent, et la théorie des marchés segmentés est mise en défaut par cette observation.

La théorie des anticipations de la structure des taux d'intérêts

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La seconde théorie part du principe que les agents économiques n'ont pas de préférence quant aux maturités et ne se réoccupent que du rendement. Dans ce cas, les agents font un arbitrage entre des obligations à long-terme et une succession d'achats d'obligations de court-terme. Les épargnants sur de longues durées peuvent certes acheter des obligations de longue maturité, mais ils peuvent aussi renouveler des placements de court-terme une fois ceux-ci à l'échéance. À l'équilibre, une succession d'obligations courtes et une obligation longue donneront le même rendement.

On pourrait croire que les taux courts et longs sont identiques, mais il faut prendre en compte la variabilité des taux au fil des ans. Dans ce cas, tout agent va anticiper les taux pour chaque année future. L'arbitrage dépend alors des taux courts futurs, anticipés par les agents économiques. La relation entre taux longs et courts dépend donc des anticipations des variations des taux. Dans ce qui suit, on suppose que l'année de début de maturité est l'année 0 et que les obligations sont renouvelées chaque année. L'agent va naturellement anticiper les taux pour l'année 1, l'année 2, etc. Ils prédiront donc des taux , , etc. La rémunération d'un renouvellement d’obligations courtes est donc de :

, avec la "moyenne" des taux courts.

Si les agents économiques pensent que les taux courts vont augmenter ou rester stables, les taux longs dépendront essentiellement des taux courts actuels. On pourrait croire que les deux sont équivalents, si bien que le taux annuel devrait être identique dans les deux cas. Mais c'est oublier qu'un placement unique à long-terme est plus risqué : l'émetteur peut parfaitement faire défaut, l'inflation peut dépasser les valeurs anticipées, etc. Une succession de placements de court-terme n'a pas ces problèmes, les taux et opportunités étant remises à jour à chaque nouvel investissement. Dans ces conditions, ce risque supplémentaire doit être compensé par une rémunération supérieure, une prime de risque, faute de quoi les agents n’achèteraient pas d'obligations à long-terme. Ainsi, les taux longs sont légèrement supérieurs au taux équivalent à une succession de taux courts de durée équivalente. Une variation des taux courts doit donc se propager aux taux longs.

Par contre, si les agents anticipent une baisse des taux, les taux longs peuvent devenir inférieurs aux taux courts. Cela arrive quand les agents anticipent une baisse des taux directeurs de la banque centrale. Les taux courts ne changent pas tant que la banque centrale ne réagit pas. Par contre, les taux longs baissent avec les taux courts anticipés (voir la section précédente). Pour résumer, les taux longs baissent, les taux courts se maintiennent tant que la récession ne s’est pas concrétisée.

La théorie de l'habitat préféré

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Les deux théories précédentes sont incompatibles : pas d'arbitrage d'un côté, arbitrage total de l'autre. La première théorie dit que les épargnants se préoccupent uniquement de la maturité, mais pas du rendement, alors que la seconde théorie dit l'inverse. Mais dans les faits, les épargnants prennent sans doute en compte à la fois les rendements et la maturité. Des arbitrages sont possibles, mais pas des arbitrages basés uniquement sur le rendement. Certains épargnants peuvent faire des arbitrages, en fonction de leur appétit pour le risque, mais les maturités rentrent en compte dans les décisions d'arbitrage.

Pour un niveau de risque et une rémunération égale, une obligation à taux court sera donc un substitut parfait pour une obligation longue. Les taux des obligations longues et courtes sont donc semblables, si ce n'est que les obligations longues subissent un risque d'inflation et de taux : il se peut que les taux ou l'inflation anticipée divergent des prédictions. Ce risque n'existe pas avec un renouvellement d'obligations de court-terme. En résumé, les épargnants éviteront d'acheter une obligation longue si une succession d'obligations courtes donne le même rendement, et ne l’achèteront que si celle-ci donne une prime pour compenser le risque. Pour compenser ce risque, les agents vont demander une rémunération supérieure aux obligations de long-terme. La prime de risque permet de rendre compte de la courbe des taux normale croissante. Plus un investissement a une durée longue, plus il est risqué et plus la prime de risque est grande.

Pour résumer cette théorie, il existe une relation entre les taux courts et les taux longs, les deux ayant tendance à évoluer dans le même sens (ils montent ensemble et descendent ensemble). Les taux longs sont vus comme la somme de deux termes : d'un côté la moyenne des taux courts futurs, de l'autre une prime de risque croissante avec la durée du placement. On peut résumer cela avec une équation de la forme :

, avec la prime de risque et la moyenne anticipée des taux courts.

On peut approximer le tout avec cette formule :

, avec la prime de risque et la moyenne anticipée des taux courts.

Précisons que la prime de risque compense plusieurs risques différents, comme l'inflation, le non-remboursement d'une obligation, ou sa faible liquidité. On peut schématiquement décomposer la prime de risque en une prime égale à l'inflation anticipée, une prime qui dépend de la probabilité de non-remboursement, et d'une prime de liquidité.

, avec la probabilité de non-remboursement et la compensation pour une éventuelle non-liquidité.
Relation entre taux courts et taux longs.

La manipulation des taux longs par la banque centrale

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En temps normal, la banque centrale influence les taux longs par son action directe sur les taux courts. Elle baisse son taux directeur, qui entraînent avec eux les taux longs. Cette politique est ce que l'on appelle la politique monétaire conventionnelle. Néanmoins, il se peut que cela ne suffise pas pour maintenir une inflation suffisante. Lorsque cela arrive, la banque centrale peut tenter de faire baisser les taux longs autrement qu'en faisant baisser les taux courts. On dit qu'elle utilise une politique monétaire non-conventionnelle. Pour cela, la banque centrale dispose de deux outils : l'assouplissement quantitatif et la forward guidance.

La politique monétaire non-conventionnelle

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La première solution est appelée la forward guidance. Celle-ci consiste à manipuler les anticipations des taux futurs par une stratégie de communication adaptée. La banque centrale s'engage à garder les taux bas durant une longue période de temps (plusieurs années). Les agents ne s'attendent donc pas à une remontée des taux futurs, et savent que les taux courts resteront longtemps bas. Si on reprend la théorie des anticipations de la structure des taux, on remarque que cela se traduit par des taux longs plus bas. Le but de cette méthode est de faire baisser le terme dans la formule . Ainsi, les anticipations des taux futurs seront basses, modifiant la courbe des taux en faisant mécaniquement baisser les taux longs.

L'autre solution porte le nom d'assouplissement quantitatif. Le but de cette méthode est de faire baisser la prime de risque, le terme dans la formule . En l'absence de Q.E, la banque centrale se contente de moduler le taux sans risque sans modifier la prime de risque. Par contre, avec le Q.E, la banque centrale écrase cette prime de risque pour faire baisser les taux longs et stimuler l’économie. Les épargnants sont alors incités à investir dans des actifs plus risqués, ce qui stimule l’économie par divers mécanismes. Les spécialistes appellent cela le "canal de la prise de risque" (risk taking channel).

Pour ce faire, la banque centrale va créer de la monnaie et l'échanger contre des actifs de long-terme, généralement des obligations d'état. Ces achats d'obligations vont en faire monter le prix, ce qui en fera diminuer les taux d'intérêt. Rappelons que le prix des obligations est relié en sens inverse à leur taux d'intérêt : le taux diminue quand le prix augmente et vice-versa. Quand la banque centrale achète des obligations, la demande d'obligations va augmenter, faisant monter leur prix et baisser leur taux. Inversement, une vente massive d'obligations va les rendre moins rares, faisant baisser leur prix et monter leur taux. Ainsi, l'assouplissement quantitatif vise à contrôler les taux d'intérêt sur la dette d'état de long-terme.

Sans assouplissement quantitatif, la banque centrale ne fait que des échanges avec de la dette de court-terme, ce qui modifie les taux d'intérêt à court-terme. Avec assouplissement quantitatif, la banque centrale doit acheter des titres de moyen ou long-terme qu'elle n'achetait pas auparavant. Elle peut se mettre à acheter des obligations d'état à maturité importante (long-terme), des obligations d'entreprises, des produits basés sur des crédits aux ménages, voire des actions ou des titres immobiliers. Généralement, la banque centrale achète des obligations d'état dont la durée/maturité est importante, mais guère plus. Dit autrement, la banque centrale modifie la courbe des taux, en faisant baisser les taux longs uniquement, sans toucher aux taux bas (qui sont à zéro). On comprend pourquoi cette politique est utilisée quand les taux directeurs sont déjà à zéro.

Si l'effet sur les taux réels a une influence macroéconomique (du moins le pense-t-on), il a aussi des effets problématiques. La prime de risque ne reflète plus le risque des investissements, ce qui perturbe la perception du risque par les marchés. Cela peut mener à la formation de bulles ou à des comportements d’investissements plus risqués que prévu. Par exemple, cela incite les agents prudents à investir dans des actifs risqués comme les actions ou immobilier, alors qu’ils auraient investis en obligations d’état sans Q.E. Cela entraîne une surévaluation du prix de certains actifs, qui disparaîtra une fois le Q.E retiré. Ou encore, cela incite à prendre du levier en excès, ce qui est rarement une bonne idée… Pire : cela peut pousser les banques à faire n’importe quoi pour chercher du rendement, leurs marges étant fortement compressées par la baisse de la prime de risque. Les risques vont d’une surévaluation de la plupart des actifs risqués à des trucs plus graves, comme des crises bancaires causés par une mauvaise perception du risque (à la 2008). À noter que ces effets n’ont pas lieu avec une variation du taux sans risques, qui est la politique monétaire en temps normal.

En théorie, l'assouplissement quantitatif est censé créer de l'inflation. Cependant, les expériences de des banques centrales américaine et européennes lors de la crise de 2008 montrent que ce n'est pas forcément le cas. Si ces politiques ont aidé à augmenter le prix des actifs achetés par la banque centrale, tout en diminuant leurs taux d'intérêts, les effets macroéconomiques sont beaucoup plus faibles, pour ne pas dire inexistants.

Aux États-Unis, la baisse sur les taux de long-terme a été assez importante, de près d'un pour cent, mais les banques n'ont cependant pas décidé d’augmenter le volume de leurs prêts, pour des raisons assez techniques et encore mal comprises. La même chose a été observée lors de la crise japonaise de 1990, les politiques d'assouplissement quantitatif ayant fortement augmenté le bilan de la banque centrale. Pourtant, force est de constater que l'augmentation de la base monétaire a été très importante dans tous les cas étudiés, allant jusqu’à la tripler ou la quadrupler. Les études sur le QE sont assez contrastées, certaines disant qu'il n'a pas eu d'effet vraiment significatif sur l'économie, tandis que d'autres lui attribuent l'origine de plusieurs pourcents de croissance.

Précisons que les obligations achetées par la banque centrale ne sont pas détruites, mais belles et bien conservées par la banque centrale. L'état doit toujours rembourser sa dette, intérêts compris. Seul le destinataire de la dette change : investisseurs privés sans QE, banque centrale avec. Il y a cependant une petite subtilité quant au cout de la dette. Si l'état doit bel et bien rembourser les intérêts, ceux-ci sont considérés comme un profit par la banque centrale, profit qui est redistribué à ses actionnaires, donc à l'état. En clair, les intérêts sont payés par l'état, mais la banque centrale les renvoie en tout ou partie. Mais cette nuance n'a aucune application pratique, car le QE est utilisé quand les taux d'intérêts sont à zéro, ce qui fait que le gain pour l'état sur sa dette est nul. Le QE ne monétise donc pas la dette d'état. Après, on peut imaginer une situation improbable où la banque centrale décide de faire fi de son mandat e d'alléger la charge des intérêts de la dette. Mais dans ce cas, elle a plutôt intérêt à faire baisser ses taux directeurs à zéro que d'utiliser le QE : l'économie en intérêt sera la même et la mesure sera bien plus efficace.

Les différences entre politique conventionnelle, forward guidance et assouplissement quantitatif

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Avec ce qu'on vient de dire, il est intéressant de mettre en avant les différences entre types de politiques monétaires conventionnelle/non-conventionnelle. Pour comprendre la différence entre les deux, il faut regarder ce qui se passe pour la courbe des taux. La politique monétaire conventionnelle déplace la courbe des taux, mais ne modifie pas sa forme. Une baisse des taux directeurs entraîne eux les taux longs, ce qui fait que courbe des taux descend, sur le graphique intérêt-maturité. En théorie, la baisse est identique sur toute la courbe des taux, avec la même intensité partout. En pratique, il se peut que les taux bas baissent plus vite que les taux longs, si la transmission n'est pas optimale, mais ce cas est cependant plus pathologique qu'usuel.

Avec la politique monétaire non-conventionnelle, la courbe des taux s’aplatit. Seuls les taux longs baissent, les taux courts restant identiques. Précisons qu'entre forward guidance et assouplissement quantitatif, le mécanisme d’aplatissement de la courbe des taux est différent. L'assouplissement quantitatif réduit la prime de risque, alors que le forward guidance réduit les taux courts anticipés. Les deux canaux décrits dans les théories précédentes sont utilisés : demande pour une maturité précise pour l'assouplissement quantitatif, taux courts anticipés pour le forward guidance.

Influence des politiques monétaires conventionnelle et non-conventionnelle sur la courbe des taux.



Le modèle new-keynésien

Il existe deux manières de décrire la politique monétaire, qui portent les doux noms de « paradigme monétariste » et de « paradigme Wickselien ». La première, le paradigme monétariste, met l'accent sur la quantité de monnaie en circulation et son impact primordial sur le niveau général des prix. Il est représenté par d'anciennes théories comme la théorie quantitative de la monnaie, les théories IS/LM et AD/AS, et quelques autres théories plus complexes. Mais elle n'est pas la plus apte à décrire l'économie actuelle, où les banques centrales actuelles contrôlent les taux directeurs sur le marché monétaire. Ce qui fait que le paradigme Wicksellien est le plus adapté pour expliquer le fonctionnement actuel de l'économie. En conséquence, nous allons d'abord voir le paradigme Wicksellien sur plusieurs chapitres, avant de voir le paradigme monétariste dans les chapitres de fin de cours.

Le modèle IS-MP-PC

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Si on analyse les différents canaux de transmission de la politique monétaire, on remarque que la quasi-totalité passe par un même intermédiaire : le PIB. En clair, la politique monétaire impacte le PIB, par diverses voies plus ou moins directes. Les variations du PIB influencent ensuite l'inflation par un mécanisme assez précis. Seuls quelques canaux ne passent pas par l'intermédiaire du PIB et peuvent influencer directement les prix ou l'inflation. On peut donc simplifier les différents canaux de transmission en deux équations : une qui donne l'influence de la politique monétaire sur le PIB, et une relation entre le PIB et l'inflation.

La première équation est la courbe IS, une relation entre les taux réels à long-terme et le PIB. Cette relation est décroissante, ce qui signifie qu'une baisse des taux fait augmenter le PIB et inversement. On peut mettre cette relation en équation, ce qui donne l'équation suivante :

, avec le taux d'intérêt réel, le PIB et le PIB quand .

La seconde équation, qui relie le PIB et l'inflation, est appelée courbe de Phillips. Celle-ci postule que les anticipations d'inflation sont performatives, à savoir qu'elles se concrétisent. L'inflation est donc égale à la somme de l'inflation anticipée et d'une inflation non-anticipée. La détermination de cette dernière dépend du PIB. Pour simplifier, plus le PIB croît, plus l'inflation augmente. La relation entre PIB et inflation est donc croissante. Sa mise en équation donne l'équation suivante :

, avec l'inflation, l'inflation anticipée et f(Y) une valeur/fonction qui dépend de la valeur du PIB.

À ces deux équations, il faut ajouter une équation qui résume l'action de la banque centrale. On suppose que la banque centrale tente de garder l'inflation proche d'une cible d'inflation prédéfinie. Pour cela, elle joue sur son contrôle des taux réels à courts-terme, pour agir sur le PIB et donc sur l'inflation. Dans les faits, elle augmente les taux réels quand l'inflation dépasse sa cible et les baisse quand l'inflation est trop basse. Ce comportement est résumé dans une règle, la règle de Taylor. Celle-ci est résumé dans l'équation suivante, qui décrit comment la banque centrale fixe son taux directeur (réel) :

, avec le taux réel, le taux réel pour lequel l'inflation est égale à la cible d'inflation, l'inflation et la cible d'inflation de la banque centrale.

Au final, on obtient le modèle néo-kéynésien, une théorie qui se résume en trois équations : une courbe de Phillips, une courbe IS et une fonction de réaction de la banque centrale. Ces trois courbes sont à l'origine du second nom donné à ce modèle : le modèle IS-MP-PC (IS pour la courbe IS, MP pour Monetary Policy et PC pour Phillips curve).

Politique monétaire et modèle à trois équations.

Les équations du modèle avec les taux nominaux

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Les trois équations précédentes ont deux problèmes, qui peuvent se corriger assez facilement. En premier lieu, la courbe IS dépend des taux à long-terme, alors que le taux réel de la banque centrale est un taux de court-terme. Les taux pertinents pour l'économie sont les les taux des crédits, des emprunts immobiliers, des obligations, etc. Et ce sont tous des taux longs, pour diverses raisons dont nous reparlerons plus en détail dans la suite du cours. Mais la banque centrale ne peut pas modifier directement les taux longs. À la place, elle contrôle le taux directeur, qui a une influence indirecte sur les autres taux d'intérêts. Rappelons que la relation entre taux courts et taux longs est, en toute généralité, la relation obtenue dans le chapitre sur le marché monétaire. Celle-ci est, pour rappel, la suivante :

, avec une prime de risque et la moyenne anticipée des taux courts.

Mais on peut la simplifier fortement, en remplaçant les anticipations des taux futurs par le taux courant. On obtient alors cette équation approximative :

Modele IS-MP-PC avec une relation entre taux courts et taux longs

Voyons maintenant le second problème. La banque centrale contrôle un taux directeur nominal, non pas un taux réel. Par contre, l'équation IS et la règle de Taylor contiennent un taux réel. Pour corriger ce défaut, il faut ajouter au modèle la relation de Fisher vue dans les premiers chapitres, à savoir l'équation . La banque centrale fixe un taux nominal, auquel il faut retirer les anticipations d'inflation pour obtenir le taux réel en découle. Un point important est que les anticipations d'inflation sont stables sur le court-terme. En effet, les prix sont généralement visqueux, ce qui veut dire qu'ils mettent du temps avant de se mettre à jour, qu'il y a un temps de latence avant que se réalise l'égalité de l'offre et la demande sur le marché des biens et services. En conséquence, les agents économiques ne s'attendent pas à une variation soudaine de l'inflation : les anticipations d'inflation sont stable sur le court-terme. Ce qui fait que toute variation des taux nominaux se répercute sur les taux réels et non sur les anticipations d'inflations. La banque centrale, en modifiant le taux nominal, altère donc temporairement le taux réel.

Modèle IS-MP-PC avec relation de Fisher et relation taux courts-longs

L'état d'équilibre du modèle

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Sur le long-terme, l'économie est censée être à l'équilibre, ce qui signifie que les grandeurs macroéconomiques n'évoluent plus. C’est là un principe que l'on retrouve dans tous les domaines de l'économie, qui est pris en tant qu'hypothèse. À l'équilibre, les taux d'intérêts sont stables, de même que le PIB, le niveau des prix ou l'inflation. Ces valeurs prennent alors leur valeur d'équilibre, dite valeur naturelle.

  • L'inflation mesurée et l'inflation anticipée sont toutes deux égales à la cible d'inflation de la banque centrale.
  • La valeur d'équilibre des taux d'intérêts porte le nom de taux naturel. Ces deux valeurs correspondent aux valeurs de PIB et de taux qui gardent l'inflation constante.
  • La valeur d’équilibre du PIB s'appelle le PIB potentiel.
  • Le taux de chômage est à un niveau bien précis appelé le taux de chômage naturel. C'est, par définition, le taux de chômage obtenu lorsque l'économie est au PIB potentiel.

On peut alors reformuler les trois équations précédentes en faisant appel au PIB potentiel et au taux réel naturel. On obtient alors les trois équations suivantes, avec :

  • le PIB et le PIB potentiel  ;
  • le taux d'intérêt réel et le taux d'intérêt naturel  ;
  • l'inflation et la cible d'inflation de la banque centrale ;
  • a, b et c des coefficients multiplicateurs.
 : Courbe IS
 : Courbe de Phillips
 : Relation de Taylor

L'effet d'un déséquilibre sur l'économie

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Il arrive que l'économie subisse un choc, c'est à dire qu'un variable quitte sa valeur d'équilibre. Dans ce cas, cette variation va entraîner une variation du PIB, des taux et de l'inflation telle que l'économie finit par retourner à l'équilibre. Par exemple, supposons que le PIB augmente soudainement. Cela entraîne une hausse de l'inflation, puis une hausse des taux d'intérêt qui réduit alors le PIB. L'effet de la hausse de l'inflation et des taux compense la hausse du PIB, qui revient à la normale. Généralement, ces chocs entraînent des variations du PIB, puis de l'inflation. Mais la banque centrale réagit et modifie ses taux de manière à stabiliser l'économie. On verra dans quelques chapitres que la politique monétaire a une influence sur l'économie à court-terme, influence provenant de son contrôle sur les taux réels sur le court-terme.

Il est intéressant d'étudier ce qui se passe quand la banque centrale baisse ses taux. Une baisse des taux réels incite les ménages et entreprises à s'endetter, ce qui facilite l'investissement : acheter des machines, des usines, une voiture ou de l'immobilier se fait souvent à crédit. Or, l'investissement fait lui-même partie du PIB. Le surplus d'investissement causé par la baisse des taux entraîne donc une hausse égale du PIB. Dit autrement, la baisse des taux réels injecte de la monnaie dans l'économie sous la forme de prêts, qui seront dépensés. La consommation et l'investissement vont augmenter et les entreprises vont augmenter leurs ventes, induisant une hausse de la production et du PIB. C'est la première étape : la relation IS.

L'augmentation de la production va rapidement être remarquée par les commerçants et producteurs. Du fait du jeu de l'offre et de la demande, ceux-ci vont augmenter leurs prix jusqu'à ce que l'offre et la demande soient égales. On peut en dire plus sur cette transition vers le long-terme, en la résumant en une relation entre PIB et inflation : plus le PIB est élevé, plus l'inflation le sera aussi. C'est l'effet de la relation de Phillips, qui sera abordée en détail d'ici quelques chapitres.

Mais la hausse de l'inflation ne va pas durer très longtemps. La durée de cette phase dépend énormément de la réaction de la banque centrale, de la manière dont elle prend en compte l'inflation. La banque centrale surveille régulièrement l'évolution de l'inflation et réagit si celle-ci devient trop importante. Elle vérifie aussi le PIB, dont les variations permettent de prédire l'inflation, via la courbe de Phillips. Cette réaction se base sur une modification des taux réels, à l'initiative de la banque centrale, par le biais d'une modification des taux nominaux. La banque centrale augmente les taux réels quand l'inflation dépasse sa cible et les baisse quand l'inflation est trop basse, en suivant la règle vue plus haut. On dit qu'elle suit une règle de Taylor.

Du fait de la rigidité des anticipations d'inflation, toute baisse des taux nominaux par la banque centrale se répercute sur les taux réels. Mais sur le long-terme, les anticipations d'inflation et s'adaptent pour devenir de plus en plus précises, et ce d'autant plus que les anticipations d'inflation sont performatives. Finalement, l'inflation finit toujours par être égale à ses anticipations sur le long-terme. Ces anticipations d'inflation des agents économiques vont contrecarrer l'effet de la politique monétaire. Pour simplifier, l'inflation va se répercuter dans les taux nominaux, réduisant le taux réel à sa valeur naturelle. Le PIB évoluera en même temps que les taux, et finira par atteindre le PIB d'équilibre. L'effet sur le PIB de la politique monétaire est alors annulé, au prix d'une variation des prix. Sur le long-terme, le taux reste égal au taux naturel, les anticipations d’inflation s'adaptant naturellement à la politique de la banque centrale, en neutralisant celle-ci.

L’influence des taux sur l'économie

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Plus haut, nous avons résumé l'effet d'une variation de taux d'intérêts par la relation IS, à savoir le fait qu'une baisse des taux augmente le PIB (et inversement). Mais dans les faits, les taux d'intérêts ont une influence un peu plus large. Dans le détail, une variation des taux entraine les effets suivants :

  • elle fait varier le recours au crédit (ce qui modifie le PIB) ;
  • elle modifie les taux de change ;
  • elle influe sur les prix de certains actifs ;
  • elle modifie les anticipations d'inflation.

Ces effets sont ce qu'on appelle les canaux de transmission de la politique monétaire. C'est grâce à eux que les taux directeurs ont une influence sur l'inflation par divers moyens indirects.

Canaux de transmission de la politique monétaire.

Le canal de l'investissement

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La baisse des taux réels a des effets (à court-terme) sur les taux des crédits distribués par les banques. Baisser ces taux favorise l'emprunt, ce qui va naturellement créer de la monnaie-crédit. L'augmentation de la quantité de monnaie qui en découle va naturellement faire augmenter le PIB à court-terme, puis les prix sur le long-terme. En comparaison, une hausse des taux à l'effet inverse, ce qui diminue les tensions inflationnistes d'une économie qui surchauffe. Ce mécanisme porte le nom de canal des taux d'intérêt. Ce canal sera vu en détail dans le chapitre suivant, dans le section sur la courbe IS kéynésienne.

Les canaux liés à l'emprunt et l'épargne

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Outre le canal des taux d'intérêt, d'autres canaux impliquent l'emprunt et le crédit, associés à l'épargne. Ces deux canaux, liés entre eux, disent comment une variation des taux se répercute sur l'arbitrage entre épargne, emprunt et consommation. La microéconomie nous dit que quand le prix d'un produit varie, il se produit deux effets : un effet revenu (on peut acheter moins de ce produit qu'avant) et un effet de substitution (on substitue le produit par un autre). Ici, la logique est analogue, bien que légèrement différente. Quand les taux varient, on a un effet revenu et un effet de substitution. L'effet revenu se traduit par le fait que les mensualités des crédits et la rémunération de l'épargne sont directement touchés par la variation des taux. L'effet de substitution fait que les agents peuvent substituer de l'épargne en consommation. En cas de baisse des taux, les agents tendent à désépargner pour consommer, et inversement.

Le premier effet implique les crédits à taux variables, des crédits dont le taux varie pendant la durée de vie du contrat. Ces crédits ne sont pas très communs en France, mais ils le sont dans de nombreux autres pays européens ou aux état-unis. Pour simplifier, les taux de ces crédits suivent les taux directeurs. Quand la banque centrale hausse son taux directeur, les taux des crédits variables augmentent et les mensualités des crédits suivent. Les ménages perdent alors un peu de revenu disponible, qui part dans l'augmentation des mensualités. Et inversement pour une baisse des taux, qui fait baisser les mensualités et rend du pouvoir d'achat aux emprunteurs. Pour les épargnants, la baisse/hausse des taux se traduit directement par une hausse/baisse de leurs revenus d'épargne, qui peut se répercuter sur leur consommation. Ces deux phénomènes sont regroupés dans ce qu'on appelle le canal du « cashflow ».

Le second effet fait qu'une baisse des taux défavorise l'épargne et favorise la consommation. En effet, les agents économiques font un arbitrage entre consommation et épargne (épargne qui n'est d'ailleurs que de la consommation différée). Et le taux d'intérêt est la rémunération de l'épargne : mieux vaut consommer qu'épargner si elle est trop faible, mieux vaut épargner si elle est forte. Ce canal est appelé en termes techniques : canal de substitution intertemporel. Ce canal sera vu en détail dans un chapitre dédié.

Le canal des prix d'actifs financiers

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Les variations du taux d'intérêt ont des effets sur le prix de divers actifs financiers. Elle joue surtout sur la rémunération des obligations, des actifs qui représentent une reconnaissance de dette remboursée après un certain temps avec un intérêt. Mais elle a aussi des effets assez indirects sur le prix des actions ou de l’immobilier. La hausse du prix des actifs a alors plusieurs effets. Premièrement, les détenteurs d'actifs, devenus plus riches, vont augmenter leur consommation. Cet effet est appelé l'effet de richesse : les gens consomment plus quand leur patrimoine augmente, quand ils sont plus riches.

Le second effet est que les détenteurs d'actifs sont mieux vus par les banques. L'augmentation de leur patrimoine fait qu'ils sont plus sûrs, que leur risque de faillite ou de non-remboursement diminue auprès des banques. En conséquence, ils peuvent emprunter plus d'argent qu'avant, voire avoir accès à des crédits qui leur étaient interdits avant. Cela stimule d'emprunt, et donc l'investissement et la consommation.

Le canal des taux de change

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On verra dans le chapitre sur la courbe IS que toute modification des taux réels entraine une variation des taux de change. Ainsi, une baisse des taux dévaluera la monnaie, renchérissant les importations et favorisant les exportations.

À plus court-terme, la modification des taux de change a aussi une influence sur le prix des matières importées : une hausse des taux de change fait grimper le prix des biens importés, tandis qu'une hausse les fait baisser. Ainsi, dévaluer la monnaie d'un pays est un bon moyen de faire repartir l'inflation, tandis que l'apprécier coupe l'herbe sous le pied à d'éventuelles tensions inflationnistes. Soit le taux de change, les prix des importations et les exportations nettes, le canal du taux de change a ainsi deux effets :

Le canal des anticipations

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La modification des taux va entraîner une variation à la hausse ou à la baisse des anticipations d'inflation réalisées par les agents économiques. Or, on verra dans quelques chapitres que ces anticipations sont quelque peu performatives, dans le sens où les agents tentent de se prémunir contre l'inflation anticipée. Cela passe par des négociations salariales, des demandes de rendements supérieures de la part des investisseurs en cas d'inflation anticipée, des taux de crédit supérieurs, ou des variations de la quantité d'épargne. Et les agents économiques se basent sur les taux pour anticiper l'inflation future.

Un bon moyen pour la banque centrale d'influencer les anticipations d'inflation est de fixer une cible d'inflation. Ainsi, les agents économiques s'attendront à une inflation proche de celle voulue par la banque centrale. Les anticipations seront, en négligeant toute autre influence, égale à la cible d'inflation. Néanmoins, cela ne fonctionne que si la banque centrale est crédible. Si les agents économiques pensent que la banque centrale ne respectera pas son objectif d'inflation, leurs anticipations pourront s'écarter de la cible d'inflation. Ainsi, la crédibilité de la banque centrale est très importante pour ancrer les anticipations d’inflation au niveau de la cible.



La courbe IS

Dans ce chapitre, nous allons voir comment rendre compte de l'influence des taux d'intérêts sur l'économie. Les chapitres précédents nous ont appris qu'il existe plusieurs canaux de transmission, des mécanismes qui font qu'une variation des taux influence le PIB, l'inflation, le taux de change, etc. La plupart de ces canaux de transmission font que le PIB augmente ou diminue quand les taux varient. Les taux d'intérêts ont une relation assez forte avec le PIB réel. Cette relation est représentée graphiquement par la courbe IS, qui lie PIB et taux d'intérêt réel. Ce chapitre va parler en détail de cette fameuses courbe IS. Nous allons voir qu'il en existe deux versions, qui sont tirées de théories différentes : la courbe IS des keynésiens concurrence la version des new keynesian. Autant la première se dérive à partir d'hypothèses assez simples, la seconde est démontrée à partir de la microéconomie. Il va de soit que la première est bien plus simple à étudier que la seconde.

La courbe IS : généralités

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Courbe IS

La courbe IS est une fonction décroissante des taux, ce qui traduit le fait que de forts taux diminuent le PIB, là où des taux faibles le stimulent. Il va de soit que la forme exacte de cette courbe est inconnue et que la seule certitude est qu'elle est décroissante. Dans ce qui va suivre, nous allons supposer que cette courbe est linéaire. Cette hypothèse irréaliste nous permettra de simplifier les calculs et le raisonnement, sans trop sacrifier la véracité des conclusions tirées.

Le taux pertinent pour la courbe IS est un taux réel de long-terme

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Il faut faire attention au taux d'intérêt pris en compte par la courbe, qui n'est pas le taux directeur de la banque centrale. Le taux pertinent pour la courbe IS est un taux long, pas le taux directeur. La raison à cela est que les agents n'empruntent pas directement à la banque centrale, mais auprès des banques commerciales. Et si les taux des banques commerciales suivent le taux directeur la plupart du temps, les deux taux n'en sont pas moins différents. Pour rappel, les banques prêtent à un taux qui est la somme du taux directeur et d'une prime de risque.

, avec le taux nominal des prêts commerciaux, le taux directeur et la prime de risque.

En second lieu, il s'agit du taux réel et non du taux nominal. De plus, le taux réel n'est connu qu'à posteriori, ce qui fait que la courbe IS utilise le taux réel anticipé, un taux ex-ante. La raison à tout cela est que les décisions économiques se basent sur le taux réel. Les agents économiques anticipent l'inflation et estiment le rendement réel, sur lequel ils basent leurs décisions économiques. Pour résumer, le taux de la courbe IS est un taux réel anticipé, qui se calcule à partir des taux nominaux et de l'inflation, grâce à l'équation de Fisher des taux d'intérêts :

, avec i le taux nominal et l'inflation anticipée.

Le taux réel de long-terme dépend des taux directeurs

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En combinant les deux équations précédentes, on peut calculer le taux réel de long terme, qui est utilisé dans la courbe IS. Pour cela, partons de l'équation suivante :

Soustrayons l'inflation anticipée des deux côtés et regroupons les termes comme ceci :