Pathologie/Pathologie générale/Pathologie tumorale/Méthodes d'études

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Certaines colorations histochimiques peuvent permettre de préciser la différenciation d'une tumeur. Le PAS et le bleu Alcian peuvent montrer la sécrétion de mucoprotéines par les cellules tumorales, objectivant ainsi la nature glandulaire de la prolifération (adénome, adénocarcinome). La coloration de Fontana peut montrer la présence de mélanine, affirmant ainsi la nature mélanocytaire de la tumeur (mélanome). La coloration des graisses neutres (Huile rouge ou Oil-Red-O) peut en affirmer la nature adipocytaire (liposarcome).

La différenciation d'une prolifération tumorale peut également être objectivée par d'autres méthodes que la microscopie optique conventionnelle.

L'immunohistochimie utilise des anticorps marqués (detectables en microscopie optique ou en Fluorescence), dirigés contre un antigène situé à l'intérieur ou à la surface de la cellule tumorale.

De très nombreux types de molécules sont utilisés : la plupart permettent de confirmer la différenciation d’une tumeur, et donc de préciser le phénotype du tissu dont elle est issue.

Par exemple, les immunoglobulines, les molécules du complexe du récepteur T (CD3, CD4, CD8), les molécules présentes à la surface des cellules immunitaires permettent de caractériser les proliférations lymphoïdes.

Les filaments intermédiaires et les filaments contractiles sont des constituants du cytosquelette que l'on peut utiliser comme marqueur de certains types tumoraux. Le tableau II montre quelques exemples de correspondance entre la présence d'une molécule donnée et le type tumoral.

Correspondance entre la présence d'une molécule donnée et le type de tumeur

Molécules Type cellulaire Tumeur Molécules de surface Antigène leucocytaire commun Cellules nucléées sanguines Hémopathies L26, CD20 Lymphocytes B Lymphomes B CD3 Lymphocytes T Lymphomes T Filaments intermédiaires Cytokératine Cellules épithéliales Carcinomes Vimentine Cellules mésenchymateuses Sarcomes Desmine Cellules musculaires striées Rhabdomyosarcomes Neurofilament Cellules neuronales Tumeurs nerveuses Protéine Gliale fibrillaire (GFA) Cellules gliales Gliomes Autres HMB45, Melana Cellules mélanocytaires Mélanomes Chromogranine A Cellules neuroendocrines Tumeurs carcinoïdes C-Kit Cellules stromales Tumeurs stromales Enolase Neuronale Spécifique (NSE) Cellules neuronales Tumeurs nerveuses Neuroblastomes

Toutefois, plus qu'une seule molécule, c'est plutôt l'ensemble des molécules exprimées qui permet l'identification du type cellulaire tumoral.

La microscopie électronique (étude ultrastructurale) permet la mise en évidence d'organites cellulaires spécifiques d'un type cellulaire donné. Le tableau III montre quelle relation peut être faite entre la présence d'un organite cellulaire et un type histologique.

Relations entre la présence d'un élément ultrastructural et un type tumoral

Organite, élément ultrastructural Type tumoral desmosomes, tonofilaments carcinome épidermoïde microvillosités, cils adénocarcinome grains neurosécrétoires carcinome neuroendocrine corps de Weibel-Palade angiosarcome myofilaments rhabdomyosarcome mélanosomes mélanome

Moyens de diagnostic anatomo-pathologique du cancer
Cytodiagnostic

Il repose sur la connaissance des caractères de la cellule cancéreuse.

Plusieurs prélèvements peuvent être utilisés : - liquides d'épanchement (ascite, pleurésie): le liquide est centrifugé; le culot est étalé sur une lame. - cytoponction d'un ganglion, d'une tumeur (sein par exemple); le suc aspiré dans l'aiguille peut être étalé sur une lame. - prélèvement par raclage: col utérin par exemple (frottis cervico-vaginaux) - apposition sur lame d'une tranche de section d'un organe frais. Cette méthode est très employée pour l'étude des organes hémopoïétiques (ganglions en particulier).

Exemple : Le cytodiagnostic du cancer du col utérin : c'est une méthode simple, sensible (les faux négatifs sont rares, à condition que les frottis soient effectués correctement) et spécifique (les faux positifs sont rares). Enfin c'est une méthode rentable en terme de santé publique car le dépistage systématique du cancer du col par le frottis cervico-vaginal permet la détection de cancers cervicaux. Ce dépistage doit être effectué régulièrement chez les femmes aussi bien avant qu'après la ménopause. Trois frottis sont réalisés : au niveau du cul de sac vaginal postérieur, de l'exocol et de l'endocol. Les préparations sont fixées immédiatement par une laque (alcool isopropylique et glycol de polyéthylène) ou par un mélange alcool-éther. Elles seront colorées par la coloration de Papanicolaou. Seule la biopsie pratiquée lors d'un résultat cytologique signalant ces cellules tumorales malignes permettra de préciser le degré d'extension du cancer (intra-épithélial ou invasif) et sa variété.

Biopsie

La biopsie nécessite certaines précautions : - éviter de brûler les tissus (bistouri électrique) - prélever à la limite des tissus sain et tumoral - éviter les zones de nécrose - prélever des fragments de taille suffisante - les fixer ou les transmettre à un anatomo-pathologiste immédiatement.

Une biopsie extemporanée peut être demandée chaque fois que le résultat de cette biopsie peut modifier la technique chirurgicale. Par exemple, devant une tumeur du sein, dont le diagnostic n'est pas fait par l'examen préopératoire, la biopsie extemporanée définira s'il s'agit d'une lésion bénigne (exérèse simple) ou d'une tumeur maligne (exérèse large, mammectomie ou non, avec curage ganglionnaire).

La biopsie exérèse est à double visée diagnostique et curative puisqu'elle consiste à réséquer une petite lésion dans sa totalité. Exemple: biopsie exérèse d'un naevus cutané ou d'un polype intestinal.

Examen macroscopique

L'examen macroscopique des tumeurs est réalisé par le chirurgien, par l'endoscopiste ou par l'anatomo-pathologiste au temps macroscopique de l'examen d'une pièce opératoire.

Cet examen est important. Il permet au chirurgien ou à l'endoscopiste d'avoir une forte présomption sur la nature d'une tumeur ainsi que sur son extension.

Dans un organe creux (vessie, tube digestif, bronches), l'aspect de surface est important. Une tumeur sessile est une tumeur à large base d'implantation. Une tumeur pédiculée est une tumeur possédant une mince base d'implantation ou pied.

Dans le tube digestif, le terme de "polype" est un terme strictement macroscopique désignant une formation en saillie dans la lumière, sessile ou pédiculée, ne préjugeant pas de sa nature histologique (adénome, pseudotumeur inflammatoire, hamartome). Une tumeur villeuse possède un aspect de surface "villeux" (constitué de villosités).

Une tumeur végétante est une tumeur dont la croissance se fait vers l'extérieur (tumeur exophytique). Une tumeur infiltrante est une tumeur dont la croissance se fait, à l'inverse, en profondeur. Une tumeur ulcérée est une tumeur dont la surface est le siège d'une perte de substance.

Au cours de l'examen macroscopique d'une pièce opératoire contenant une tumeur, la pièce opératoire est pesée, mesurée et éventuellement photographiée. Des prélèvements numérotés, identifiant différentes zones, sont faits pour l'examen microscopique conventionnel. Des appositions peuvent être réalisées en apposant la tumeur sur des lames, en particulier en hématopathologie.

Dans certains cas, des prélèvements sont congelés dans l'azote liquide pour l'immunohistochimie ou les études de biologie moléculaire. Un fragment tumoral peut être fixé dans la glutaraldéhyde pour une étude en microscopie électronique. Un autre fragment tumoral peut être placé dans du milieu de culture cellulaire (RPMI, par exemple) pour une étude de cytogénétique tumorale à la recherche d'un remaniement chromosomique spécifique de la tumeur.

Examen microscopique

Les prélèvements déterminent la nature de la tumeur, sa place dans la classification nosologique, son degré de malignité (grade histopronostique) et son extension (stade).

Autres examens

Cette étude peut être complétée par d’autres méthodes.

L’immunohistochimie sur coupes congelées ou sur coupes en paraffine (suivant l’anticorps) permet de mettre en évidence à l’intérieur ou à la surface de la cellule un constituant spécifique d’un type cellulaire donné, et ainsi de préciser la différenciation d’une tumeur.

L’utilisation d’un anticorps reconnaissant une protéine du cycle cellulaire (Ki67, MIB1, PCNA) permet de préciser la proportion de cellules tumorales en cycle cellulaire et ainsi de mieux quantifier la prolifération cellulaire.

Enfin, il est possible de mettre en évidence des proteines virales et ainsi, d’identifier un virus impliqué dans la cancérogenèse ou associé à certaines tumeurs (Papilloma Virus, Virus d’Ebstein Barr, Herpès Virus 8). La microscopie électronique peut permettre de préciser la différenciation d’une tumeur en visualisant des organites spécifiques.

La biologie moléculaire permet de rechercher un remaniement du gène de chaîne lourde d'immunoglobuline ou du récepteur T dans les proliférations lymphoïdes, l'amplification d'un oncogène (comme le gène N-Myc dans les neuroblastomes), des pertes d'allèles ou un remaniement chromosomique spécifique dans une tumeur.

La cytogénétique permet de réaliser un caryotype des cellules tumorales. Il s'agit d'une technique longue (15 jours), coûteuse et d'interprétation difficile. La présence d'une anomalie chromosomique spécifique peut permettre de préciser la nature d'une tumeur.

Pour cela, un fragment frais de tumeur doit être placé dans un milieu de culture cellulaire. L'hybridation in situ de sondes d'ADN fluorescentes sur les chromosomes tumoraux peut permettre de mieux caractériser les remaniements en cause (FISH, Fluorescent In Situ Hybridization).

10-7- Histopronostic des tumeurs malignes – Grade et stade

L'Anatomie Pathologique permet d'apprécier le pronostic d'une tumeur. Cette appréciation se fait par l'étude de deux paramètres anatomo-pathologiques : le grade et le stade tumoral.

Grade tumoral

Le grade histopronostique établit un score en fonction du degré d'anomalies nucléaires et cytoplasmiques, de la différenciation, du nombre de mitoses. Le grade histopronostique tente de quantifier le degré de malignité de la tumeur. Le caractère du stroma, l'existence d'invasions vasculaires, de zones de nécrose, ont également leur importanc.

Ces critères morphologiques sont différents pour chaque type tumoral. Par convention, le grade est noté en chiffres arabes.

Stade tumoral

Le stade établit un score en fonction de l'extension de la tumeur. Chaque tumeur a son propre système d'évaluation du stade d'extension.

Par convention, le stade est noté en chiffres romains. L'O.M.S. a tenté d'harmoniser ces systèmes en proposant une classification, dite TNM. La classification TNM tient compte de la taille de la tumeur primitive (T), de l'existence éventuelle de métastases ganglionnaires régionales (N) ou de métastases à distance (M). Elle peut être établie sur des données cliniques ou d'imagerie (TNM), ou sur les données de l'examen anatomopathologique postopératoire d'organes ayant fait l'objet d'une exérèse chirurgicale (pTNM; "p" signifiant pathology).

Depuis quelques années, les anatomo-pathologistes proposent des modèles standardisés de comptes-rendus pour les tumeurs les plus fréquentes. Ceci permet d’assurer une description exhaustive de la tumeur en incluant les critères diagnostiques (macroscopie, histologie, immunophénotype) et pronostiques (grade histo-pronostique et stade pTNM).