Les cartes graphiques/La mémoire unifiée et la mémoire vidéo dédiée
Il existe deux grandes manières d'organiser la mémoire à laquelle la carte graphique a accès.
- La première est celle de la mémoire vidéo dédiée, à savoir que la carte graphique dispose de sa propre mémoire rien qu'à elle, séparée de la mémoire RAM de l'ordinateur. On fait alors la distinction entre RAM système et RAM vidéo. Si les premières cartes graphiques n'avaient que quelques mégaoctets de RAM dédiée, elles disposent actuellement de plusieurs gigas-octets de RAM.
- A l'opposé, on trouve la mémoire unifiée, avec une seule mémoire RAM est partagée entre le processeur et la carte graphique. Le terme "unifiée" sous-entend que l'on a unifié la mémoire vidéo et la mémoire système (la RAM).
On pourrait croire que la mémoire unifiée est un désavantage. Entre avoir 16 gigas de RAM pour le processeur et 4 gigas pour la carte graphique, et seulement 16 gigas pour les deux, le choix est vite fait. Ceci dit, cette comparaison se fait à quantité de RAM système égale, ce qui n'a pas le même prix. En clair, ce désavantage peut se compenser en ajoutant de la RAM à l'ordinateur, ce qui n'est pas forcément plus cher. La RAM vidéo a un prix, après tout. Et surtout, ces comparaisons sont quelque peu biaisées par la manière dont l'IGP utilise la mémoire vidéo.
Par contre, les performances sont totalement différentes. La raison principale est que le débit de la RAM est à partager entre la carte graphique et le processeur. Rappelons que le débit est la quantité de données qu'on peut lire ou écrire par seconde. Plus il est élevé, plus la RAM est rapide. Avec une mémoire unifiée, ce débit est partagé entre processeur et GPU. Par exemple, pour une mémoire RAM capable de lire ou écrire 87 gigaoctets par secondes, on peut allouer 20 gigas par secondes au GPU et le reste au GPU. Alors qu'avec une mémoire dédiée, tout le débit aurait été dédié au GPU, le CPU ayant quant à lui accès à tout le débit de la RAM système.
De plus, le partage du débit n'est pas chose facile. Les deux se marchent sur les pieds et entrent en conflit pour l'accès à la RAM. La carte graphique doit parfois attendre que le processeur lui laisser l'accès à la RAM et inversement. Divers circuits d'arbitrage s'occupent de répartir équitablement les accès à RAM entre les deux, mais cela ne permet que d'avoir un compromis imparfait qui peut réduire les performances.
Le seul moyen pour réduire la casse est d'ajouter des mémoires caches entre le GPU et la RAM, le processeur ayant déjà beaucoup de caches lui-même. Mais l'efficacité des caches est relativement limitée pour le rendu 3D et ne donne pas des résultats vraiment spectaculaires.
Les cartes graphiques dédiées et intégrées
[modifier | modifier le wikicode]Avant de poursuivre, nous devons parler d'une chose importante. Il existe deux types de cartes graphiques : les cartes dédiées et les cartes intégrées. Les cartes graphiques dédiées sont des cartes graphiques branchées sur des connecteurs/ports de la carte mère. A l'opposé, sur beaucoup d'ordinateurs modernes, il y a une carte graphique intégrée au processeur, appelée carte graphique intégrée, ou encore IGP (Integrated Graphic Processor). En somme, les cartes dédiées sont opposées à celles intégrées dans les processeurs modernes. Dans la grosse majorité des cas, les cartes vidéos dédiées ont une mémoire dédiée, alors que les cartes graphiques intégrées ont une mémoire unifiée. Il s'agit là du cas le plus commun, les deux autres étant plus rares.
Les cartes graphiques intégrées utilisent systématiquement la mémoire unifiée, car on n'a pas vraiment le choix. En théorie, il est possible d'avoir une carte graphique intégrée avec une mémoire vidéo dédiée, mais les contraintes techniques sont trop fortes pour cela. Cela demanderait d'intégrer la mémoire vidéo directement dans le processeur, et on ne pourrait y mettre que quelques dizaines ou centaines mégaoctets au grand maximum. Cela ne serait pas suffisant pour les applications actuelles, ce qui fait que cette solution n'est pas utilisée et que la mémoire unifiée règne en maitre sur les cartes graphiques intégrées.
L'usage d'une carte vidéo dédiée se marie très bien avec une mémoire vidéo dédiée : quitte à avoir une carte graphique qui dispose de sa propre carte, autant mettre de la mémoire dessus. Mais il existe de nombreux cas où une carte vidéo dédiée est associée à de la mémoire unifiée. La mémoire unifiée était notamment utilisée sur certaines consoles de jeux vidéo assez anciennes, qui avaient pourtant une carte graphique dédiée, soudée sur la carte mère, qu'on peut facilement repérer à l’œil nu. Mais les deux composants se partagent une mémoire RAM unique, même s'ils sont séparés. C'est notamment le cas sur la Nintendo 64, pour ne citer qu'elle.
Comme autre exemple, la toute première carte graphique AGP, l'Intel 740, ne possédait pas de mémoire vidéo proprement dite, juste un simple framebuffer. Tout le reste, texture comme géométrie, était placé en mémoire système et la carte graphique allait lire/écrire les données directement en mémoire RAM système ! Les performances étaient ridicules, car la carte graphique devait aller lire/écrire des données via le bus AGP qui était plus lent qu'une mémoire vidéo dédiée. Mais l'absence de RAM vidéo faisait que la carte graphique coutait peu cher, ce qui lui a valu un petit succès sur les ordinateurs d'entrée de gamme.
Le partage de la mémoire unifiée
[modifier | modifier le wikicode]Avec la mémoire unifiée, la quantité de mémoire système disponible pour la carte graphique est généralement réglable avec un réglage dans le BIOS. On peut ainsi choisir d'allouer 64, 128 ou 256 mégaoctets de mémoire système pour la carte vidéo, sur un ordinateur avec 4 gigaoctets de RAM. L'interprétation de ce réglage varie grandement selon les cartes mères ou l'IGP.
Pour les GPU les plus anciens, ce réglage implique que la RAM sélectionnée est réservée uniquement à la carte graphique, même si elle n'en utilise qu'une partie. La répartition entre mémoire vidéo et système est alors statique, fixée une fois pour toutes. Dans ce cas, la RAM allouée à la carte graphique est généralement petite par défaut. Les concepteurs de carte mère ne veulent pas qu'une trop quantité de RAM soit perdu et inutilisable pour les applications. Ils brident donc la carte vidéo et ne lui allouent que peu de RAM.
Heureusement, les GPU modernes sont plus souples. Ils fournissent deux réglages : une quantité de RAM minimale, totalement dédiée au GPU, et une quantité de RAM maximale que le GPU ne peut pas dépasser. Par exemple, il est possible de régler le GPU de manière à ce qu'il ait 64 mégaoctets rien que pour lui, mais qu'il puisse avoir accès à maximum 1 gigaoctet s'il en a besoin. Cela fait au total 960 mégaoctets (1024-64) qui peut être alloués au choix à la carte graphique ou au reste des programmes en cours d’exécution, selon les besoins. Il est possible d'allouer de grandes quantités de RAM au GPU, parfois la totalité de la mémoire système.
La mémoire virtuelle sur les GPUs dédiés
[modifier | modifier le wikicode]La mémoire virtuelle est à l'origine une technologie qui permet à un processeur d'utiliser plus de mémoire qu'il n'y en a d'installé dans l'ordinateur. Par exemple, elle permet au CPU de gérer 4 gigas de RAM sur un ordinateur qui n'en contient que trois, le gigaoctet de trop étant en réalité simulé par un fichier sur le disque dur. La technique est utilisée par tous les processeurs modernes.
Il se trouve que les cartes graphiques dédiées peuvent faire la même chose, bien que la technique soit un petit peu différente. La mémoire virtuelle des GPUs dédiés permet d'utiliser plus de RAM qu'il n'y en a d'installé sur la carte graphique. Par exemple, si on prend une carte graphique avec 6 gigas de RAM dédiée, elle pourra gérer jusqu'à 8 gigas de RAM : les 6 en mémoire vidéo, plus 2 gigas fictifs en rab. Et c'est là qu'intervient la première différence avec la mémoire virtuelle des CPU : les 2 gigas fictifs ne sont pas stockés sur le disque dur dans un fichier pagefile, mais sont à la place pris sur la mémoire RAM système. Pour le dire autrement, ces cartes dédiées peuvent utiliser la mémoire système si jamais la mémoire vidéo est pleine.
Pour que la carte graphique ait accès à la mémoire système, elle intègre un circuit appelé la Graphics address remapping table, abrévié en GART. Cela vaut aussi bien pour les cartes graphiques utilisant le bus AGP que pour celles en PCI-Express. La GART est techniquement une Memory Management Unit, à savoir un circuit spécialisé qui prend en charge la mémoire virtuelle.
Les cartes graphiques au format PCI ou antérieures n'avaient pas de mémoire virtuelle. La technologie est apparue avec le bus AGP, dont certaines fonctionnalités (l'AGP texturing) permettaient de lire ou écrire directement dans la mémoire RAM, sans passer par le processeur. D'ailleurs, la première carte graphique AGP poussait cette logique à son paroxysme, en se passant totalement de mémoire vidéo, comme dit plus haut. L'arrivée du bus PCI-Express ne changea pas la donne, si ce n'est que le bus était plus rapide, ce qui améliorait les performances.
Au début, seules les cartes graphiques d'entrée de gamme pouvaient accéder à certaines portions de la mémoire RAM grâce à des technologies adaptées, comme le TurboCache de NVIDIA ou l'HyperMemory d'AMD. Mais la technologie s'est aujourd'hui étendue. De nos jours, toutes les cartes vidéos modernes utilisent la RAM système en plus de la mémoire vidéo, mais seulement en dernier recours, soit quand la mémoire vidéo est quasiment pleine, soit pour faciliter les échanges de données avec le processeur. C'est typiquement le pilote de la carte graphique qui décide ce qui va dans la mémoire vidéo et la mémoire système, et il fait au mieux de manière à avoir les performances optimales.
L'espace d'adressage est l'ensemble des adresses géré par le processeur ou la carte graphique. En théorie, l'espace d'adressage du processeur et de la carte graphique sont séparés, ils ne communiquent pas entre eux. Mais des standards comme l'Heterogeneous System Architecture permettent au processeur et à une carte graphique de partager le même espace d'adressage. Une adresse mémoire est donc la même que ce soit pour le processeur ou la carte graphique.
Mémoire vidéo dédiée | Mémoire vidéo unifiée | |
---|---|---|
Sans HSA | ||
Avec HSA |
Les échanges entre processeur et mémoire vidéo
[modifier | modifier le wikicode]Quand on charge un niveau de jeux vidéo, on doit notamment charger la scène, les textures, et d'autres choses dans la mémoire RAM, puis les envoyer à la carte graphique. Ce processus se fait d'une manière fortement différente selon que l'on a une mémoire unifiée ou une mémoire vidéo dédiée.
Avec la mémoire unifié, les échanges de données entre processeur et carte graphique sont fortement simplifiés et aucune copie n'est nécessaire. La carte vidéo peut y accéder directement, en lisant leur position initiale en RAM. Une partie de la RAM est visible seulement pour le CPU, une autre seulement pour le GPU, le reste est partagé. Les échanges de données entre CPU et GPU se font en écrivant/lisant des données dans la RAM partagée entre CPU et GPU. Pas besoin de faire de copie d'une mémoire à une autre : la donnée a juste besoin d'être placée au bon endroit. Le chargement des textures, du tampon de commandes ou d'autres données du genre, est donc très rapide, presque instantané.
Avec une mémoire vidéo dédiée, on doit copier ces données dans la mémoire vidéo pour le rendu, ce qui implique des transferts de données passant par le bus PCI-Express. Le processeur voit une partie de la mémoire vidéo, dans laquelle il peut lire ou écrire comme bon lui semble. Le reste de la mémoire vidéo est invisible du point de vue du processeur, mais manipulable par le GPU à sa guise. Il est possible pour le CPU de copier des données dans la portion invisible de la mémoire vidéo, mais cela se fait de manière indirecte en passant par le GPU d'abord. Il faut typiquement envoyer une commande spéciale au GPU, pour lui dire de charger une texture en mémoire vidéo, par exemple. Le GPU effectue alors une copie de la mémoire système vers la mémoire vidéo, en utilisant un contrôleur DMA intégré au GPU.
La gestion de la mémoire vidéo est prise en charge par le pilote de la carte graphique, sur le processeur. Elle a tendance à allouer les textures et d'autres données de grande taille dans la mémoire vidéo invisible, le reste étant placé ailleurs. Les copies DMA vers la mémoire vidéo invisible sont adaptées à des copies de grosses données comme les textures, mais elles marchent mal pour des données assez petites. Or, les jeux vidéos ont tendance à générer à la volée de nombreuses données de petite taille, qu'il faut copier en mémoire vidéo. Et c'est sans compter sur des ressources du pilote de périphériques, qui doivent être copiées en mémoire vidéo, comme le tampon de commande ou d'autres ressources. Et celles-ci ne peuvent pas forcément être copiées dans la mémoire vidéo invisible. Si la mémoire vidéo visible par le CPU est trop petite, les données précédentes sont copiées dans la mémoire visible par le CPU, en mémoire système, mais leur accès par le GPU est alors très lent. Aussi, plus la portion visible de la mémoire vidéo est grande, plus simple est la gestion de la mémoire vidéo par le pilote graphique. Et de ce point de vue, les choses ont évolué récemment.
Pour accéder à un périphérique PCI-Express, il faut configurer des registres spécialisés, appelés les Base Address Registers (BARs). La configuration des registres précise quelle portion de mémoire vidéo est adressable par le processeur, quelle est sa taille, sa position en mémoire vidéo, etc. Avant 2008, les BAR permettaient d’accéder à seulement 256 mégaoctets, pas plus. La gestion de la mémoire vidéo était alors difficile. Les échanges entre portion visible et invisible de la mémoire vidéo étaient complexes, demandaient d’exécuter des commandes spécifiques au GPU et autres. Après 2008, la spécification du PCI-Express ajouta un support de la technologie resizable bar, qui permet au processeur d’accéder directement à plus de 256 mégaoctets de mémoire vidéo, voire à la totalité de la mémoire vidéo. De nombreux fabricants de cartes graphiques commencent à incorporer cette technologie, qui demande quelques changements au niveau du système d'exploitation, des pilotes de périphériques et du matériel.