Planétologie/L'eau dans le système solaire
L'eau liquide est de loin ce qui rend notre planète unique au monde et a permis l'apparition de la vie. Cependant, il ne faut pas croire que les autres planètes ou satellites sont tous pauvres en eau. On trouve de l'eau sous toutes ses formes sur la majorité des planètes et satellites du système solaire. Mercure et Venus sont pauvres en eau liquide ainsi qu'en vapeur d'eau : il n'y a pas la moindre trace d'eau sur ces planètes. Mais Mars a une certaine quantité d'eau sous forme de glaces à ses pôles. D'autres satellites sont recouverts de glaces et la plupart ont bien de l'eau liquide en leur sein. Bref, l'eau a une importance assez importante dans la compréhension du système solaire.
Les propriétés de l'eau
[modifier | modifier le wikicode]Pour rappel, l'eau est une molécule formée d'un atome d'oxygène et de deux atomes d'hydrogène, d'où sa formule chimique : H2O. L'angle entre les deux atomes d'hydrogène (angle H-O-H) est de 120°. La particularité de la molécule d'eau est qu'elle peut former des liaisons chimiques particulières avec ses congénères : les liaisons hydrogènes. Pour simplifier, celle-ci provient de l'attraction entre un atome d'hydrogène avec un atome "négativement chargé" (en réalité un atome électronégatif, mais passons ce détail). Ces liaisons hydrogènes sont à l'origine de certains comportements spécifiques à l'eau. Du fait des attractions hydrogènes entre molécules d'eau, celle-ci peut exister sous forme solide, liquide ou gazeuse.
Le point de fusion de l'eau varie selon la pression, la valeur pour une pression atmosphérique étant de 100°c. Selon la pression et la température, l'eau sera soit sous forme gazeuse, solide ou liquide. Le diagramme suivant, appelé diagramme des phases de l'eau, donne l'état de l'eau selon le couple P-T. Comme on le voit, la température de fusion de l'eau diminue avec la pression. Ce comportement est spécifique à l'eau, les autres matériaux voyant leur température de fusion augmenter avec la pression. Dans le cas de l'eau, cela signifie qu'on peut la faire fondre en la compressant ! Ce phénomène est à relier à un autre détail : l'eau liquide est plus dense que la glace ! Encore une fois, c'est l'inverse que l'on observe sur les autres matériaux : ils sont plus denses à l'état solide qu'à l'état liquide. La raison tient aux comportements des liaisons hydrogènes. On verra que ce comportement aura des conséquences concrètes en planétologie.
L'eau liquide libre et liée
[modifier | modifier le wikicode]L'eau liquide existe sur de nombreuses planètes du système solaire. Seule la Terre a, à l'heure actuelle, des étendues d'eau liquide libre, à savoir non-liée à d'autres molécules. L'eau libre forme des océans ou des écoulements. Sur les autres planètes, l’eau est surtout présente sous forme liée, à savoir mêlée à des roches ou des minéraux. Par exemple, les argiles absorbent beaucoup d'eau à la surface de leurs minéraux. La péridotite, la roche qui forme le manteau des planètes, incorpore facilement des molécules d'eau dans sa structure cristalline. Ces minéraux qui absorbent bien l'eau, voire l'incorporent dans leur structure cristalline, sont appelés des minéraux hydratés. On trouve de l'eau liée aussi bien sur Terre que sur les autres planètes.
Les glaces
[modifier | modifier le wikicode]La glace est de l'eau sous forme solide, généralement cristallisée. Ceci dit, on devrait plutôt parler des glaces et non de la glace : il existe différentes formes de glaces qui différent par leur forme cristalline (quand celle-ci existe). Il existe en effet différentes façons pour organiser les molécules dans un cristal de glace : hexagonale, monoclinique, tétragonale, cubique, etc. On parle ainsi de glace de type 1, de type 2, de type 3, de type 4, et de bien d'autres. En planétologie, les quatre formes précitées sont les plus communes.
Type de glace | Structure cristalline |
---|---|
Type 1 | Hexagonale |
Type 2 | Monoclinique |
Type 3 | Tétragonale |
Type 4 | Cubique |
... | ... |
Aux basses pressions, la glace hexagonale (glace Ih) est la forme la plus fréquente, quoiqu'elle puisse parfois être remplacée par de la glace cristalline Ic ou de la glace amorphe (non-cristalline). Dans un cristal de glace hexagonale, chaque molécule d'eau est entourée par quatre molécules d'eau voisines. C'est la même chose dans l'eau liquide, si ce n'est que les molécules voisines changent constamment, contrairement à ce qu'on a dans un cristal de glace. L'empilement hexagonal est un mauvais moyen pour empiler les molécules d'eau, ce qui explique que la glace hexagonale est moins dense que l'eau liquide. Il s'agit de la seule forme de glace pour laquelle c'est le cas : toutes les autres sont plus denses que l'eau liquide.
À plus forte pression, la glace hexagonale de type 1 est remplacée par de la glace de type 2, de structure monoclinique. Par la suite, la glace monoclinique est remplacée par de la glace de type 3, tétragonale, puis par de la glace de type 4 cubique. Puis, les glaces de type 5, 6, 7, ...11 lui succèdent. Des formes de glace de plus haute pression existent au cœur des planètes géantes, mais leur structure cristalline et leurs propriétés physico-chimiques sont encore très mal connues. Quoi qu’il en soit, la densité des glaces augmente avec la pression : les glaces les moins denses (type 1,2) laissent progressivement la place à des glaces de plus en plus denses quand la pression augmente.
L'état de l'eau dans le système solaire
[modifier | modifier le wikicode]Sur les autres planètes que la Terre, l'eau n'est présente qu'à l'état de traces assez infimes. Cela ne signifie cependant pas que le cycle de l'eau n'existe que sur Terre. Certains corps telluriques, comme Mars, ont un cycle de l'eau assez simple, bien que très éloigné de celui observé sur Terre. D'où la présence de calottes polaires qui contiennent un peu d'eau, ainsi que de nuages d'eau dans l'atmosphère martienne. Mais la quantité d'eau qui circule ainsi est très faible, inférieure à celle observée sur Terre de plusieurs ordres de grandeur. En général, l'eau est surtout présente sous les formes de liquide et de glaces, la vapeur d'eau étant assez rare par rapport aux phases solides et liquides. L'eau liquide est elle-même assez rare par rapport à la glace.
Comme dit il y a quelques chapitres, l'eau liquide n'existe que dans un intervalle de distance très précis : elle se transforme en glace au-delà d'une distance limite (la limite des glaces) et en vapeur d'eau au-delà de la limite de la vapeur d'eau. Elle est inexistante près du Soleil, en deçà de ce qu'on appelle la ligne de la vapeur d'eau. À ces faibles distances, la température fait que la vapeur d'eau est la seule forme possible et toute eau liquide se vaporise. Et la vapeur d'eau n'est pas conservée par les atmosphères planétaires, du fait de sa faible vitesse de libération. Les planètes proches du Soleil sont donc des déserts secs, pauvres en eau, ce qui explique l'aridité de Mercure et de Venus. L'eau liquide ne peut exister dans le système solaire que dans un intervalle de distance assez petit, entre la limite des glaces et la limite des gaz. Seule la Terre est dans cet intervalle. Au-delà de la ligne des glaces la température ne permet plus à l'eau de rester liquide. Les planètes et satellites sont donc recouverts totalement ou partiellement de glaces. Mars possède ainsi quelques glaciers et des calottes polaires assez importantes. Les planètes gazeuses possèdent des glaces en leur for intérieur, en dessous de leur immense atmosphère. Mais les fortes pressions font que l'état physico-chimique de la glace n'est pas très bien connu. Tel n'est pas le cas des satellites de Jupiter et Saturne, ou encore des planètes naines Pluton et Charon. Tous, si ce n'est quelques exceptions, sont recouverts de plusieurs couches de glaces et d'eau liquide.
La glace
[modifier | modifier le wikicode]De nombreux satellites de Jupiter et Saturne sont recouverts par des couches de glaces assez épaisses. Il en est de même pour les planètes naines Pluton et Charon. Sur ces corps, la couche de glace est suffisamment épaisse pour que la pression augmente avec la profondeur. À la base, la pression sera suffisante pour que l'on trouve des glaces de type 4. À leur surface, on trouve naturellement des glaces de faible pression, hexagonale. Entre la surface et la base, on passe progressivement des glaces 1 aux glaces 2, puis aux glaces 3, avant d'atteindre la glace 4. La couche de glaces est donc structurée en quatre couches de glace 1, 2, 3 et 4.
L'intérieur des planètes géantes gazeuses contient aussi des glaces et de l'eau. Celle-ci se trouve en dessous de leur épaisse atmosphère. Mais la glace est tellement compressée qu'il s'agit certainement de glace de haute pression, à la structure inconnue. Si Jupiter et Saturne ont une mince couche de glaces, Uranus et Neptune ont une couche de glace particulièrement épaisse. Certaines estimations montrent qu'Uranus et Neptune sont composées à plus de 50% de glace.
Enfin, il ne faut pas oublier les glaces cométaires ou celles observées sur les corps de la ceinture de Kuiper. La quasi-totalité des corps transneptuniens sont ainsi composés de glace en majeure partie.
L'eau liquide
[modifier | modifier le wikicode]Si on fait l’inventaire de la présence d'eau liquide dans le système solaire, on peut remarquer qu'elle n'est pas répartie également entre toutes les planètes. Si la Terre a beaucoup d'eau à sa surface, les autres planètes n'ont que très peu d'eau liquide.
La Terre est vraiment un cas à part : c'est la seule planète du système solaire à avoir autant d'eau à sa surface. Cette eau provient des apports mantelliques liés au volcanisme, sans compter la part apportée par les météorites. L'ensemble a été injecté dans l'atmosphère sous la forme de vapeur d'eau, une fois la croûte terrestre formée, puis cette vapeur d'eau s'est condensée en nuages et en précipitations : les premiers océans étaient nés.
Mais l'eau liquide n'est pas présente que sur Terre, mais aussi sur d'autres planètes, voire sur certains satellites telluriques. Elle est notamment présente dans la plupart des satellites de Jupiter ou de Saturne. La différence avec la Terre est que l'eau n'affleure pas à la surface, mais est coincée entre des couches de glace. Sa présence provient des propriétés de la glace hexagonale, notamment la diminution de sa température de fusion avec la pression. Pour comprendre pourquoi, nous allons prendre une couche de glace similaire à celle qui recouvre la plupart des satellites de Jupiter et Saturne. La température est relativement constante sur le profil étudié, ce qui est une approximation pas trop affreuse. Dans cette couche épaisse de glace hexagonale Ih, la température de fusion diminue avec la profondeur. À partir d'une profondeur précise, la température de la couche de glace dépasse la température de fusion. La glace fond et forme une couche d'eau liquide en dessous de la glace hexagonale. Ce n'est qu'au-delà d'une certaine pression que l'eau liquide ne peut plus exister et que de la glace de type 2 se forme. Sur tous les satellites joviens et saturniens, l'eau liquide se trouve en sandwich entre une couche de glace hexagonale et une couche de glace monoclinique.
La vapeur d'eau
[modifier | modifier le wikicode]La vapeur d'eau est extrêmement rare dans le système solaire. On la trouve à l'état de traces dans les atmosphères planétaires, que ce soit pour les planètes telluriques ou gazeuses. La seule exception est naturellement la Terre, où la vapeur d'eau y est proéminente. Dans toutes les atmosphères, l'eau peut former des nuages atmosphériques de faible ampleur. Quelques nuages d'eau ont été décelés dans les planètes gazeuses, ainsi que sur Venus. On en trouve aussi dans l'atmosphère martienne, où la vapeur d'eau est produite par sublimation des calottes polaires.
Les autres planètes n'ont pas beaucoup de vapeur d'eau dans leur atmosphère. Les planètes gazeuses ont une atmosphère extrêmement pauvre en eau liquide, ce qui n'est pas étonnant vu qu'elles se situent au-delà de la limite des glaces. Mais les planètes telluriques ne font pas exception : toutes ont une atmosphère pauvre en vapeur d'eau, à l'exception notable de la Terre. Cette relative rareté de la vapeur d'eau atmosphérique provient de plusieurs phénomènes, mais l'échappement gravitationnel est celui qui a le plus joué sur Venus et sur Mars. Sur ces planètes, il n'y a plus beaucoup de molécules d'eau dans leur atmosphère, vu qu'elles se sont toutes carapatées par échappement gravitationnel, du fait de la forte température de surface et d'une insuffisance de la gravité. Le fort effet de serre présent sur Venus expliquerait pourquoi l'eau s'est évaporée dans l'espace, la température de l'eau ayant dépassée sa température de fuite atmosphérique. Assez ironiquement, l'eau a participé à la création d'un fort effet de serre, quand celle-ci était présente dans l’atmosphère vénusienne.
On sait que ce scénario a de bonnes chances d'être le bon grâce à l'étude des proportions en eau "normale" et en eau lourde sur ces deux planètes.
- Pour rappel, l'eau est composé d'un atome d'Oxygène et de deux atomes d'Hydrogène. Or, il existe plusieurs isotopes de l’hydrogène : le Protium n'a pas de neutrons, le Deutérium en possède 1, le Tritium en a 2, etc. Dans certaines molécules d'eau, les atomes d'Hydrogène sont du protium, ce qui donne de l'eau normale. Mais il est aussi possible que l'Hydrogène soit du Deutérium, ce qui donne de l'eau lourde.
L'eau normale et l'eau lourde ont des températures de fuite légèrement différentes : l'eau lourde s'évapore légèrement moins vite que l'eau normale. Cette différence n'est peut-être pas très grande, mais ses effets sont particulièrement marqués, notamment sur les planètes Venus et Mars. L'eau lourde a mis plus de temps à s'échapper, du fait de son poids légèrement plus important. En conséquence, l'atmosphère s'est enrichie en eau lourde en proportion (la quantité totale d'eau a diminuée, mais l'eau lourde a diminué moins vite que l'eau normale). Le rapport eau lourde / eau totale est donc plus important sur ces planètes : il est de 6 fois supérieur à la normale sur Venus et plus de 2 fois sur Mars. C'est grâce à ces mesures que l'on sait qu'il y a eu de l'eau sur Venus et Mars, mais que celle-ci s'est échappée de leur atmosphère.