Planétologie/La température de surface des planètes

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La température de surface de l'atmosphère varie grandement selon les planètes. Par exemple, Vénus a une atmosphère plus chaude que la Terre ou Mars. Expliquer ces différences semble assez facile si on observe la température de chaque planète du système solaire : on voit rapidement que la température dépend de la distance au Soleil. Plus on s'éloigne du Soleil, plus la température des atmosphères diminue.

Tableau des températures de surface des planètes
Planète Température moyenne en surface
Mercure 169 °C
Vénus 470 °C
Terre le jour 15 °C à -
Mars -63°C
Jupiter -163 °C
Saturne -189 °C
Uranus -218 °C
Neptune -220 °C

On peut remarquer qu'au-delà d'une certaine distance, la température ne permet plus à l'eau de rester liquide. À cette distance, la température de surface devient égale au point de congélation de l'eau. La limite où cela arrive est appelée la ligne des glaces. Et inversement, il y a une distance en-deça de laquelle l'eau reste sous forme gazeuse, du fait des fortes températures. L'eau liquide ne peut exister dans le système solaire que dans un intervalle de distance assez petit, entre la limite des glaces et la limite des gaz. Les planètes situées en-deças de la limite des gaz verront leur eau se vaporiser, et quitter leur atmosphère. Les planètes proches du Soleil sont donc des déserts secs, pauvre en eau. Le système solaire interne est donc assez pauvre en eau, de manière générale. Mais on observe l'inverse au-delà de la limite des glaces. L'eau restant sous forme solide, elle ne peut quitter sa planète en s'évaporant et reste coincée sur place grâce à la gravité. En conséquence, les corps telluriques ont des surfaces riches en glaces. Inutile de préciser que la majorité de l'eau du système solaire est localisée dans le système solaire externe, au-delà de la limite des glaces.

Distance de la zone habitable d'un système planétaire en fonction de la luminosité de l'étoile centrale.

L'intervalle de distance où l'eau reste liquide est appelé de façon assez trompeuse : fenêtre habitable. Dans le système solaire, la Terre est la seule planète à être dans cet intervalle de distance, qui est localisé entre les orbites de Venus et de Mars. Divers systèmes solaires ont aussi une zone habitable, bien que cela soit assez rare. Leur zone habitable est cependant plus proche ou plus éloignée de la leur étoile, sauf en de rares cas. Cela vient du fait que la distance de la zone habitable dépend de la luminosité de l'étoile. Plus l'étoile est lumineuse, plus la zone habitable sera éloignée, et inversement. Cependant, cette notion de fenêtre habitable ne prend pas en compte l'effet de l'atmosphère, qui peut changer la température de surface. Dans notre système solaire, cela ne change pas grand-chose. Mais cela peut changer dans les systèmes extrasolaires, du moins en théorie. Quoi qu’il en soit, et malgré les réserves de rigueur face à la notion de fenêtre habitable, la température de surface a une influence importante sur la présence de vie dans un système solaire : sans eau liquide, pas de vie. Aussi, la température de surface mérite certainement qu'on s'y attarde. Ce chapitre va vous expliquer les mécanismes qui se cachent derrière la température de surface des planètes. Nous allons y aborder les phénomènes liés à l'ensoleillement, ainsi que le mal-nommé effet de serre.

La température de surface sans effet de serre[modifier | modifier le wikicode]

Si on néglige l'effet de serre, il est possible de calculer facilement la température de surface avec quelques principes de thermodynamique. Tout corps émet un rayonnement, proche de ce que les physiciens appellent un rayonnement de corps noir. Un corps noir est tout simplement un corps qui absorbe toute la lumière qu'il reçoit. Il ne réfléchit pas la lumière, pas plus qu'il n'a de transparence. Ce corps noir réémet autant de chaleur sous forme de rayonnement qu'il en absorbe. Il se trouve que la lumière émise par le Soleil est un rayonnement de corps noir quasi-parfait.

Dans ce qui va suivre, nous utiliserons la formule de Stefan-Boltzmann, qui nous donne la puissance émise par unité de surface, par un corps noir de température T. Celle-ci est la suivante, avec une constante nommée constante de Stefan. Celle-ci fournit une équation qui relie la température d'un objet avec la puissance émise par unité de surface, que nous noterons dans ce qui suit pour simplifier les écritures :

Précisons que la formule précédente donne la puissance émise par unité de surface. Pour obtenir la puissance totale rayonnée par un objet, on doit multiplier la formule de Boltzmann par la surface d'émission, la surface du corps noir en question.

, avec S la surface totale du corps considéré.

Nous n'allons manipuler que des surfaces sphériques dans ce qui suit. Or, pour une sphère, la surface est égale à , avec R le rayon de la sphère. En injectant dans l'équation précédente, on trouve :

.

La puissance reçue par la Terre[modifier | modifier le wikicode]

De la formule précédente, nous allons déduire la part de rayonnement qui atteint la Terre. La puissance émise par le Soleil est égale à ceci :

, où est le rayon du Soleil.

La puissance est rayonnée dans toutes les directions de l'espace. Ce faisant, elle est répartie sur une surface de plus en plus grande, au fur et à mesure qu'on s'éloigne du Soleil. Si on se place à une distance D du Soleil, le rayonnement émis par lui se répartit sur la surface d'une sphère dont le rayon est la distance D. Cette surface vaut alors . On en tire alors la puissance reçue par unité de surface à la distance D:

La puissance reçue par unité de surface diminue donc avec le carré de la distance D.

Voici sa valeur pour chaque planète du système solaire :

Planète Puissance reçue en watts par mètre carré
Mercure 12 300
Vénus 3 140
Terre 1 361
Mars 600
Jupiter 50
Saturne 10
Uranus 3,5
Neptune 1,5

La puissance absorbée par la Terre[modifier | modifier le wikicode]

Les calculs précédents nous ont appris quelle est la puissance du rayonnement solaire, à une distance D du Soleil, par unité de surface. Reste à multiplier par la surface éclairée pour obtenir la puissance totale absorbée par la planète. Il se trouve que vu du Soleil, cette surface éclairée est un disque dont le rayon r est le rayon de la planète, soit une surface de . Cette aire est quatre fois plus petite que la surface de la Terre parce que d'un côté, seulement la moitié de la Terre est éclairée (la face de jour) et de l'autre, les rayons arrivent dans les régions polaires de façon de plus en plus obliques. La puissance absorbée par la surface de la Terre, notée dans ce qui suit, est donc la suivante :

Pour la terre, cette puissance vaut . Elle est appelée la constante solaire, référence fait que cette valeur est relativement constante d'année en année.

L'hypothèse du rayonnement de corps noir nous dit que toute cette puissance est abordée. Mais on peut parfaitement supposer que la surface renvoie une partie de la lumière. Pour cela, on définit l'albédo, qui définit la fraction de rayonnement réfléchie par la planète. Cette réflexion est non seulement le fait de la surface, mais aussi des nuages, qui renvoient une partie du rayonnement incident dans l'espace. Sur Terre, l'albédo est aussi le fait des glaciers et des océans (l'eau et la glace ont un bon pouvoir réflecteur), ainsi que de la végétation. Mais laissons cela de côté pour le moment. Pour résumer, la puissance absorbée dépend de l'albédo et de la constante solaire, la formule exacte étant la suivante :

L’équilibre entre rayonnement rayonné et absorbé[modifier | modifier le wikicode]

Cette puissance est absorbée par la surface, ce qui l'échauffe. Mais la chaleur va entièrement quitter la surface, ce qui fait que la température de la surface n'augmente pas en permanence. Il se trouve que cette émission dépend de la température : plus la température est grande, plus l'émission de rayonnement est forte : le rayonnement émis par les planètes est très proche d'un rayonnement de corps noir ! Or, tout corps noir réémet autant de chaleur sous forme de rayonnement qu'il en absorbe. On peut donc dire, par définition, que l'énergie solaire captée par l'atmosphère est réémise sous la forme de rayonnement de corps noir. Si ce n'était pas le cas, la température de la surface augmenterait ou diminuerait jusqu’à atteindre la température du corps noir, qui est une température d'équilibre. Si on note la puissance absorbée par la surface, et la puissance du rayonnement émis (le rayonnement de corps noir), nous avons :

Or, on sait que , et on utilise la formule de Stefan pour exprimer en fonction de la température :

Après simplification (diviser par et prendre la racine quatrième), nous obtenons la loi d'échelle entre la entre la température T de la planète et la distance D de son étoile :

L'effet de serre[modifier | modifier le wikicode]

En utilisant les formules précédentes, on obtient les températures suivantes :

Planète Température de surface calculée Température de surface mesurée
Mercure 160,9 °C 179°C
Vénus 41,3°C 462°C
Terre -18,7°C 15°C
Mars −62,9 °C -63°C
Jupiter −163 °C -163°C
Saturne −191,9°C -189°C
Uranus −216 °C -220°C
Neptune −218 °C -218°C

Comme on le voit, les calculs donnent de très bons résultats. Cependant, Vénus et la Terre font quelque peu exception. Vénus a une température d'environ 500°C, la Terre a une température de 18 à 20°C qui permet la vie. Dans les deux cas, la température mesurée diffère beaucoup de la température calculée. La raison tient à la composition chimique des atmosphères, qui crée un effet de serre augmentant la température. L'effet de serre nécessite la présence d'une atmosphère, ainsi que quelques autres conditions particulières. Pour comprendre d'où il vient, il nous faut étudier ce qui se passe quand le Soleil illumine l'atmosphère.

L'interaction entre rayonnement solaire et atmosphère[modifier | modifier le wikicode]

Pour commencer, étudions ce qui se passe quand de la lumière interagit avec un objet. On va omettre volontairement le cas de la réflexion, de la réfraction, de la diffraction, de la dispersion et autres phénomènes de ce genre. À la place, nous allons nous concentrer sur deux cas : celui où la lumière traverse, et celui où la lumière est absorbée. Dans le premier cas, le matériau est transparent, la lumière passe au travers sans interagir avec lui. Dans le second cas, la lumière ne traverse pas : le matériau est opaque. La lumière est absorbée par le matériau opaque et est transformée en chaleur : le matériau chauffe. En clair, soit le matériau est transparent et ne chauffe pas, soit il est opaque et il chauffe.

Transparence-opacité et absorption.
Radiation absorbée/transmise par l'atmosphère (spectres d'absorptions IR et visible).

On doit préciser que l'absorption/transparence dépend de la fréquence de la lumière. Les matériaux ne réagissent pas de la même manière aux infrarouges, aux ultraviolets ou à la lumière visible. La plupart des solides sont opaques à la fois au rayonnement infrarouge et à la lumière visible. Pour les matériaux gazeux, c'est autre chose. Par exemple, certains matériaux/gaz sont transparents pour la lumière visible, mais sont opaques pour les infrarouges et les ultraviolets.

Dans le cas qui nous intéresse, les matériaux en question sont le sol l'atmosphère. Sur les planètes sans effet de serre, l'atmosphère est transparente à presque tout, que ce soit le rayonnement solaire ou les infrarouges. Mais sur les planètes avec un effet de serre, l'atmosphère est transparente pour la lumière visible, mais opaque aux infrarouges. C'est lié à la présence de certains gaz à effet de serre, qui absorbent les infrarouges. Le plus courant d'entre eux est le gaz carbonique, mais on peut aussi citer le méthane, la vapeur d'eau ou l'ozone. Seuls Venus et la Terre ont une atmosphère riche en gaz à effet de serre, ce qui fait qu'elles sont les seules à avoir un effet de serre digne de ce nom. Les autres planètes ont soit une atmosphère pauvre en gaz à effet de serre, soit pas d'atmosphère du tout.

Spectre d'absorption de l'atmosphère. On voit qu'elle absorbe beaucoup plus les infrarouges que la lumière visible.

Pas d'effet de serre sans atmosphère adaptée[modifier | modifier le wikicode]

La lumière du soleil est essentiellement composée de lumière visible et d'ultraviolets, mais ne contient presque pas d'infrarouges. L'atmosphère est complètement transparente à ces rayonnements, ce qui fait qu'ils ne réchauffent pas beaucoup l'atmosphère. Une très faible partie du rayonnement solaire est interceptée, mais elle est tellement faible qu'on peut la négliger complètement. En clair, le Soleil ne réchauffe pas l'atmosphère. La presque totalité de lumière solaire atteint donc le sol, où elle est soit réfléchie, soit absorbée. La partie absorbée par le sol réchauffe celui-ci, avant d'être réémise sous la forme de rayonnement thermique. Sur les planètes l'effet de serre, la réflexion domine ou alors le rayonnement thermique s'échappe dans l'espace. Il n'y a aucun mécanisme supplémentaire pour chauffer l'atmosphère. Une telle situation est illustrée ci-dessous.

Atmosphère planétaire sans effet de serre
Effet de Serre

L'effet de serre intervient quand la lumière émise par le sol est réabsorbée par l'atmosphère. Mais pour cela, il faut que la lumière réémise soit différente de la lumière solaire, sans quoi l'atmosphère ne peut pas l'absorber. L'effet de serre réchauffe l'atmosphère en convertissant de la lumière visible en infrarouge. Ce faisant, elle absorbe beaucoup plus de lumière solaire, ce qui la réchauffe. Mais quel est le mécanisme qui convertit la lumière solaire en infrarouges ? Et bien c'est la réaction du sol au rayonnement solaire. Le sol est totalement opaque au rayonnement solaire et l'absorbe en grande partie. Une faible partie est réfléchie vers l'espace (en raison de l'albédo), tandis que le reste est absorbé. L'absorption de la lumière solaire réchauffe le sol, ce qui augmente sa température. Ce faisant, le sol chauffé libère sa chaleur sous la forme de rayonnement infrarouge. En clair : le sol absorbe la lumière visible et la réémet sous la forme d'infrarouge. Infrarouges absorbés par l'atmosphère, ce qui la réchauffe.

Effet de serre - explication simplifiée