Pour lire Platon/Guide des dialogues/Ménon

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Introduction[modifier | modifier le wikicode]

Ce dialogue met en scène Ménon et Socrate, et, brièvement, Anytos, futur accusateur de Socrate, ainsi qu'un esclave de Ménon. Ménon pose à Socrate la question suivante : la vertu peut-elle s'enseigner ? Question alors classique chez les sophistes qui se présentaient comme des maîtres de vertu et l'enseignaient. Ménon est fasciné par les sophistes et les rhéteurs. Il suit les cours de Gorgias, célèbre rhéteur venu de Sicile. Il a reçu une éducation aristocratique traditionnelle et est l'enfant des préjugés de l'aristocratie. Le dialogue va très vite basculer dans une impasse, Ménon ne supportant plus Socrate qu'il compare à un "taon" qui pique. Anytos passe en coup de vent et on devine qu'il va porter aux juges l'acte d'accusation contre Socrate.

Le sens de l'aporieou l'impasse du dialogue[modifier | modifier le wikicode]

Cependant si le dialogue échoue pour les protagonistes du dialogue, il n'en demeure pas moins que pour le lecteur attentif, il y a une définition de la vertu qui est donnée dans le texte. Il suffit d'être très attentif à l'épisode où l'esclave résout la duplication du carré par la voie géométrique, ainsi qu'à l'exemple des couleurs et celui de la figure.

Ménon, le demeuré[modifier | modifier le wikicode]

À Ménon qui lui demande si la vertu peut s'enseigner, Socrate précise qu'il faut savoir ce qu'on enseigne, avant de répondre à sa question. Il lui demande de ne pas se presser, c'est-à-dire de réfléchir. Ménon, en grec, vient de "menein" , celui qui reste sur place. C'est le "demeuré" au sens de celui qui ne comprend rien. Il a existé : noble de Thessalie originaire de Pharsale, homme de haras, mercenaire des Perses. Platon joue sur l'étymologie pour ridiculiser le personnage si imbu de lui-même. C'est le type même de l'élève qu'on ne parviendra jamais à "élever". Il élève des chevaux, et de cette compétence technique, il prétend se hisser à toutes les formes d'enseignements. Mercenaire, il est surtout attiré par l'appât du gain et ne connaît aucune fidélité ou engagement. Socrate rappelle aussi que Ménon est élève des sophistes et que leur enseignement est mécanique et surtout dogmatique. Il s'agit d'apprendre par cœur ce qui est une démarche passive. Au contraire le dialogue socratique vise à accoucher d'un savoir qui est déjà en soi. C'est la théorie de la réminiscence qui sera exposée plus loin dans l'œuvre, sous forme de mythe.


L'ironie de Socrate
Jusqu'à présent, Ménon, les Thessaliens étaient renommés entre les Grecs, et admirés pour leur adresse à manier un cheval et pour leurs richesses; [70b] mais aujourd'hui ils sont renommés encore, ce me semble, pour leur sagesse, principalement les concitoyens de ton ami Aristippe de Larisse (03). C'est à Gorgias que vous en êtes redevables ; car, étant allé dans cette ville, il s'est attaché par son savoir les principaux des Aleuades (04), du nombre desquels est ton ami Aristippe, et les plus distingués d'entre les Thessaliens.

Il vous a accoutumés à répondre avec assurance et d'un ton imposant aux questions qu'on vous fait, comme il est naturel que [70c] répondent des gens qui savent, d'autant plus que lui-même s'offre à tous les Grecs qui veulent l'interroger, et qu'il n'en est aucun auquel il ne réponde sur quelque sujet que ce soit. Mais ici, cher Ménon, les choses ont pris une face toute contraire. Je ne sais quelle espèce de sécheresse a passé sur la science, et il paraît qu'elle a quitté [71a] ces lieux pour se retirer chez vous. Du moins si tu t'avisais d'interroger de la sorte quelqu'un d'ici, il n'est personne qui ne se mît à rire, et te dît : Étranger, tu me prends en vérité pour un heureux mortel, de croire que je sais si la vertu peut s'enseigner, ou s'il est quelque autre moyen de l'acquérir; mais tant s'en faut que je sache si la vertu est de nature à s'enseigner ou non, que j'ignore même absolument ce que c'est que la vertu. [71b] Pour moi, Ménon, je me trouve dans le même cas : je suis sur ce point aussi indigent que mes concitoyens, et je me veux bien du mal de ne savoir absolument rien de la vertu. Or, comment pourrais-je connaître les qualités d'une chose dont j'ignore la nature? Te paraît-il, possible que quelqu'un qui ne connaît point du tout la personne de Ménon sache s'il est beau, riche, noble, ou tout le contraire ? Crois-tu que cela se puisse ?

MÉNON.

Non. Mais est-il bien vrai, Socrate, [71c] que tu ne sais pas ce que c'est que la vertu ? Est-ce là ce que nous publierons de toi à notre retour chez nous ?

SOCRATE.

Non seulement cela, mon cher ami, mais ajoute que je n'ai encore trouvé personne qui le sût, à ce qu'il me semble.

MÉNON.

Quoi donc ! n'as-tu point vu Gorgias lorsqu'il était ici?

SOCRATE.

Si fait.

MÉNON.

Tu as donc jugé qu'il ne le savait pas?

SOCRATE.

Je n'ai pas beaucoup de mémoire, Ménon ; ainsi je ne saurais te dire à présent quel jugement je portai alors de lui. Mais peut-être sait-il ce que c'est que la vertu, et sais-tu toi-même ce qu'il disait. [71d] Rappelle-le-moi donc; ou, si tu l'aimes mieux, parle-moi pour ton propre compte : car tu es sans doute là-dessus du même sentiment que lui.

MÉNON.

Oui.

Les définitions[modifier | modifier le wikicode]

Première définition : Généralité et énumération;Expérience personnelle de Ménon et éducation
Laissons donc là Gorgias, puisqu'il est absent. Mais toi, Menon, au nom des dieux, en quoi fais-tu consister la vertu ?

Apprends-le moi, et ne m'envie pas cette connaissance, afin que si vous me paraissez, toi et Gorgias, savoir ce que c'est, j'aie fait le plus heureux de tous les mensonges, lorsque j'ai dit que je n'ai encore rencontré personne qui le sût.

[71e] MÉNON.

La chose n'est pas difficile à expliquer, Socrate. Veux-tu que je te dise d'abord en quoi consiste la vertu d'un homme ? Rien de plus aisé: elle consiste à être en état d'administrer les affaires de sa patrie, et, en les administrant, de faire du bien à ses amis, et du mal à ses ennemis, en prenant bien garde d'avoir rien de semblable à souffrir. Est-ce la vertu d'une femme que tu veux connaître ? il est facile de la définir. Le devoir d'une femme est de bien gouverner sa maison, de veiller à la garde du dedans, et d'être soumise à son mari. Il y a aussi une vertu propre aux enfants de l'un et de l'autre sexe, et aux vieillards : celle qui convient à l'homme libre est autre que celle de l'esclave. [72a] En un mot, il y a une infinité d'autres vertus; de manière qu'il n'y a nul embarras à dire ce que c'est : car selon l'âge, selon le genre d'occupation, chacun a pour toute action ses devoirs et sa vertu particulière. Je pense, Socrate, qu'il en est de 'même à l'égard du vice.
  • Ménon est sûr de lui. Il ne doute de rien, ce qui est le contraire de la réflexion qui n'admet rien comme certain sans l'examiner. Là il récite sa leçon. Plus précisément il énumère des vertus qui lui viennent de son éducation aristocratique. Cette démarche le conduit à sortir du sujet à la fin, en introduisant la question du vice
  • Il est dans le préjugé, c'est-à-dire le jugement hâtif.
  • Il est pris au piège de l'image sensible et ne parvient pas à s'abstraire de son expérience particulière.
  • Cette énumération aboutit à une généralité qui relève de cas particuliers nullement exemplaires.
  • Socrate va expliquer dans la suite la distinction entre cas particulier et exemple.
Distinction genre/espèce. La bonne définition ou L'exemple des abeilles
SOCRATE.

Il paraît, Menon, que j'ai un bonheur singulier : je ne te demande qu'une seule vertu, et tu m'en donnes un essaim tout entier. Mais, pour continuer l'image empruntée [72b] aux essaims, si, t'ayant demandé quelle est la nature de l'abeille, tu m'eusses répondu qu'il y a beaucoup d'abeilles et de plusieurs espèces, que m'aurais-tu dit, si je t'avais demandé encore : Est-ce précisément comme abeilles que tu dis qu'elles sont en grand nombre, dé plusieurs espèces et différentes entre elles? où ne diffèrent-elles en rien comme abeilles, mais à d'autres égaras, par exemple, par la beauté, la grandeur, ou d'autres qualités semblables? Dis-moi, quelle eût été la réponse à cette question ?

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MENON.

J'aurais dit que les abeilles, en tant qu'abeilles, ne sont pas différentes l'une de l'autre.

[72c] SOCRATE.

Si j'avais ajouté : Menon, dis-moi, je te prie, en quoi consiste ce par où les abeilles ne diffèrent point entre elles, et sont toutes la même chose; aurais-tu été en état de me satisfaire?

MENON.

Sans doute.

SOCRATE.

Eh bien, il en est ainsi des vertus. Quoiqu'il y en ait beaucoup et de plusieurs espèces, elles ont toutes un caractère commun par lequel elles sont vertus ; et c'est sur ce caractère que celui qui doit répondre à la personne qui l'interroge, fait bien dé jeter les yeux, pour lui expliquer [72d] ce que c'est que la vertu. Ne comprends-tu pas ce que je veux dire ?

MENON.

Il me paraît que je le comprends ; cependant je ne saisis pas encore comme je voudrais le sens de ta question.
  • Il me paraît que je le comprends. Cette conclusion manifeste une certaine honnêteté de Ménon qui en disant "il me paraît" semble reconnaître ne rien avoir compris.
  • Socrate explique la différence entre genre et espèce à l'aide d'un exemple sensible, facile à imaginer. Comme Ménon a du mal à s'extraire de ses habitudes de penser, l'exemple permet de l'amener à comprendre. Le pédagogue c'est celui qui conduit l'élève, qui l'accompagne afin de le hisser au monde plus abstrait des idées.
  • Tant qu'on en reste aux abeilles Ménon comprend. Quand on retourne à la vertu cela ne fonctionne plus.
  • Cela explique la série d'exemples qui suit.
Réexamen de la définition de Ménon : Socrate tente de détacher Ménon du sensible
SOCRATE.

N'est-ce qu'à l'égard de la vertu seule, Menon, que tu penses qu'elle est autre pour un homme, et autre pour une femme, et ainsi du reste ? ou penses-tu la même chose par rapport à la santé, la grandeur, la force? Te semble-t-il que la santé d'un homme soit autre que celle d'une femme? ou bien qu'elle a partout le même caractère, en tant que santé, [72e] quelque part qu'elle se trouve, soit dans un homme, soit en toute autre chose ?

MENON.

Il me paraît que c'est la même santé pour l'homme et pour la femme.

SOCRATE.

N'en dis-tu pas autant de la grandeur et de la force? en sorte que la femme qui sera forte, le sera au même titre et par la même force que l'homme. Quand je dis, par la même force, j'entends que la force, en tant que force, ne diffère en rien d'elle-même, qu'elle soit dans un homme ou dans une femme. Est-ce que tu y vois quelque différence?

MENON.

Aucune.

[73a] SOCRATE.

Et la vertu sera-t-elle différente d'elle-même en tant que vertu, qu'elle se trouve dans un enfant ou dans un vieillard, dans une femme ou dans un homme ?

MENON.

Je ne sais comment, Socrate, il me paraît qu'il n'en est pas de ceci comme du reste.

SOCRATE.

Quoi donc! n'as-tu pas dit que la vertu d'un homme consiste à bien administrer les affaires publiques, et celle d'une femme à bien gouverner sa maison?

MENON.

Oui.

SOCRATE.

Est-il possible de bien gouverner, soit un État, soit une maison, soit toute autre chose, si on ne l'administre sagement et justement?

MENON.

Non.

[73b] SOCRATE.

Mais si on les administre justement et sagement, n'est-ce point par la justice et la sagesse qu'on les administrera?

MENON.

Nécessairement.

SOCRATE.

La femme et l'homme, pour être bons, ont donc besoin des mêmes choses, savoir, de la justice et de la sagesse?

MENON.

Cela est évident.

SOCRATE.

Mais quoi ! l'enfant et le vieillard, s'ils sont déréglés et injustes, seront-ils jamais bons ?

MENON.

Non certes.

SOCRATE.

Mais il faut qu'ils soient sages [73c] et justes?

MENON

Oui.

SOCRATE

Tous les hommes sont donc bons de la même manière, puisqu'ils }e sont par la possession des mêmes choses?,

MENON

Vraisemblablement.

SOCRATE.

Mais ils ne seraient pas bons de la même manière, si leur vertu n'était pas la même vertu ?

MENON.

Non sans doute.

SOCRATE.

Ainsi, puisque la vertu est la même pour tous, tâche de me dire et de te rappeler en quoi Gorgias la fait consister et toi avec lui.

MENON.

Si tu cherches une définition générale, [73d] qu'est-ce autre chose que la capacité de commander aux hommes?

SOCRATE.

Voilà bien ce que je cherche : mais dis-moi, Menon, est-ce là la vertu d'un enfant, est-ce celle d'un esclave d'être capable de commander

à son maître? et te semble-t-il qu'on soit encore esclave, alors qu'on commande?

MENON.

Il ne me le semble point, Socrate.

SOCRATE.

Cela serait contre toute raison, mon cher. Considère encore ceci. Tu fais consister la vertu dans ia capacité de commander; n'ajouterons-nous pas : justement et non. injustement?

MENON.

C'est mon avis ; car la justice, Socrate, est de la vertu.

[73e] SOCRATE.

Est-ce la vertu, Menon, ou quelque vertu?

MENON.

Que veux-tu dire?


SOCRATE.

Ce que je dirais de toute autre chose : par exemple, je dirais de la rondeur que c'est une figure ; mais non pas simplement que c'est la figure ; et la raison pourquoi je parlerais de la sorte, c'est qu'il y a d'autres figures.

MENON.

Tu parlerais juste. Je conviens aussi que la justice n'est pas l'unique vertu, et qu'il y en a d'autres.

[74a] SOCRATE.

Quelles sont-elles? nomme-les, de même que je te nommerais les autres figures, si tu l'exigeais de moi ; fais la même chose à l'égard des autres vertus.

MENON.

Il me paraît que le courage est une vertu, ainsi que la tempérance, la sagesse, la générosité, et une foule d'autres.

SOCRATE.

Nous voilà retombés, Menon, dans le même inconvénient. Nous ne cherchons qu'une vertu, et nous en avons trouvé plusieurs d'une autre manière que tout à l'heure. Quant à cette vertu unique, qui embrasse toutes les autres, nous ne pouvons la découvrir.

MENON.

Je ne saurais, Socrate, trouver une vertu telle que tu la cherches, [74b] qui convienne à toutes les vertus, comme, je le ferais par rapport à d'autres choses.
Socrate définit la figure : exemple de la méthode
SOCRATE.

Essaie donc de me dire quelle est cette chose que l'on appelle figure. [75a] Si étant ainsi interrogé par quelqu'un, soit touchant la figure, soit touchant la couleur, tu lui disais : Mon cher, je ne comprends pas ce que tu me demandes, et je ne sais de quoi tu me veux parler, probablement il en serait surpris, et répliquerait : Tu ne conçois pas que je cherche ce qui est commun à toutes ces figures et ces couleurs? Quoi! Menon, n'aurais-tu rien à répondre, au cas qu'on te demandât ce que l'espace rond, le droit, et les autres figures, ont de commun ? Tâche de le dire, afin que cela te tienne lieu d'exercice pour ta réponse sur la vertu.

[75b] MENON.

Non. Mais dis-le toi-même, Socrate.

SOCRATE.

Veux-tu que je te fasse ce plaisir?

MENON.

Très fort.

SOCRATE.

Tu auras donc à ton tour la complaisance de me dire ce que c'est que la vertu ?

MENON.

Oui.

SOCRATE.

Il me faut faire tous mes efforts ; la chose en vaut la peine.

MENON.

Assurément.

SOCRATE.

Allons, essayons de t'expliquer ce que c'est que la figure. Vois si tu admets cette définition. La figure est de toutes les choses qui existent la seule qui va toujours avec la couleur. Es-tu content? ou désires-tu quelque autre définition? Pour moi, je serais [75c] satisfait si tu m'en donnais une pareille de la vertu .

MENON.

Mais cette définition est inepte, Socrate.

SOCRATE.

Pourquoi donc ?

MENON.

Selon toi, la figure est ce qui va toujours avec la couleur.

SOCRATE.

Eh bien, après.

MENON.

Mais si l'on disait qu'on ne sait point ce que c'est que la couleur, et qu'on est à cet égard dans le même embarras qu'à l'égard de la figure, que penserais-tu de ta réponse?

SOCRATE.

Qu'elle est vraie. Et si j'avais affaire à un de ces hommes habiles, toujours prêts à disputer et à argumenter, je lui [75d] dirais : Ma réponse est faite ; si elle n'est pas juste, c'est à toi de prendre la parole et de la réfuter. Mais si c'étaient deux amis, comme toi et moi, qui voulussent converser ensemble, il faudrait répondre d'une manière plus douce et plus conforme aux lois de la dialectique. Or il est, ce me semble, plus conforme aux lois de la dialectique, de ne point se borner à faire une réponse vraie, mais de n'y faire entrer que des choses dont celui qui est interrogé avoue qu'il est instruit. C'est de cette manière que je vais essayer de te parler. [75e] Dis-moi, n'y a-t-il pas quelque chose que tu appelles fin, c'est-à-dire borne et extrémité? Par ces trois mots j'entends la même idée; Prodicus n'en conviendrait peut-être pas : mais toi, ne dis-tu pas d'une chose également qu'elle est bornée ou finie? Voilà ce que je veux dire, rien de bien compliqué.

MENON.

Oui, je le dis, et je crois comprendre ta pensée.

[76a] SOCRATE.

N'appelles-tu point quelque chose surface, plan, et une autre chose, solide? par exemple, ce qu'on appelle de ce nom en géométrie.

MENON.

Sans doute.

SOCRATE.

Tu es peut-être à présent en état de concevoir ce que j'entends par figure. Je dis en général de toute figuré, que c'est ce qui borne le solide ; et pour comprendre cette définition en deux mots, j'appelle figure la borne du solide.

MENON.

Et qu'est-ce que tu appelles couleur, Socrate?

SOCRATE.

Tu es un railleur, Menon, de faire à un vieillard des questions embarrassantes, tandis que tu ne veux pas [76b] te rappeler ni me dire en quoi Gorgias fait consister la vertu.
  • La définition que donne Socrate de la figure est ici capitale
  1. Elle tente en passant de la couleur à la géométrie de hisser l'élève à l'abstraction
  2. Elle permet de donner une définition de la "définition"
  • Définir c'est poser des bornes : circonscrire un espace pour le mot.
  • Ménon fait marche arrière, mais le lecteur n'est pas Ménon.

Agacement de Ménon[modifier | modifier le wikicode]

À ce sujet voir le développement précédent sur l'aporie. Cette interruption ne permettra pas d'aller plus loin. Socrate introduit alors le mythe de la réminiscence puis entreprend de la mettre en œuvre sur un jeune esclave. À partir de ce moment le dialogue ne dépassera plus "l'opinion droite"


Définir[modifier | modifier le wikicode]

Définir c'est tracer les contours d'un terme qui s'avère avoir de multiples significations souvent contradictoires. Un mot a une histoire dont on trouve la trace dans l'étymologie et le dictionnaire. Il y a des mots qui du fait d'une surcharge sémantique ne veulent rien dire. C'est le cas par exemple du mot "liberté" associant des sens contradictoires par un jeu de synonymie souvent contradictoire. L'indépendance, l'autonomie, sont des synonymes ne partageant pas le même sens.

  • Définir c'est sortir de l'expérience particulière
  • Ménon définit la vertu
« Ménon : (…) si c’est la vertu d’un homme que tu veux connaître, rien de plus aisé : la vertu d’un homme consiste à être capable d’administrer les affaires de la cité et, en les administrant, de faire du bien à ses amis et du mal à ses ennemis, en se gardant soi-même de tout mal. Si c’est la vertu d’une femme, elle n’est pas difficile à définir : le devoir d’une femme est de bien gouverner sa maison, de conserver tout ce qui est dedans et d’être soumise à son mari. Il y a aussi une vertu propre à l’enfant, fille ou garçon, et une propre au vieillard, soit libre, soit esclave. Il y en a une foule d’autres encore ; aussi n’est-on pas embarrassé pour définir la vertu. Pour chaque action, pour chaque âge, pour chaque ouvrage, chacun de nous a sa vertu particulière. Et il en est de même du vice, Socrate, à ce que je crois. »

Ménon nous raconte sa vie. Ce que l'on comprend c'est qu'il est le produit de son éducation aristocratique. La vertu est définie à partir de ses convictions personnelles. L'éducation qu'il a reçue est pour lui critère du vrai, ce qui n'est rien d'autre qu'orgueil et préjugé.

Cette absence de l'universel et le repli sur l'expérience singulière peut être tragique comme l'explique Umberto Eco à propos des Aztèques, reprenant les propos d'Aristote, voyant dans la définition un procédé tragique. En effet comment comprendre ici ce qui se passe, lorsque l'on ne possède pas le concept de cheval, parce que l'on n'en a jamais vu ?


   "Tragique aussi si, en poussant l’exercice de comparaison dans ses derniers retranchements, on évoque le désarroi des Aztèques face au premier débarquement de l’armée de Cortez, désarroi qui les a conduit à l’issue fatale que l’on connaît. Convoqués par Moctezuma, les soldats aztèques qui ont assisté à la scène peinent à trouver les mots qui conviennent pour en donner le récit. Ils évoquent des hommes «au corps blanc comme s’il était de chaux», précisent «de tous côtés leurs corps sont protégés, on ne voit paraître que leur visage», puis «ils chevauchent, montés sur leurs cerfs[...]» [Eco, 1999: 131]. Les soldats n’ont à leur portée que le vocabulaire qu’ils partagent avec Moctezuma. Ils comparent. À défaut du concept d’armure, ils ont recours à la périphrase; à défaut du concept de «cheval», ils procèdent par analogie. La situation en tant que telle ne mérite sans doute pas le qualificatif de «tragique» au sens où l’emploie Aristote; mais nous savons qu’elle débouche sur une tragédie de la pire espèce. Tragédie qui découle de la faiblesse des outils cognitifs des Aztèques face à ceux et aux intentions des Espagnols."[3]
       Les limites de la maïeutique socratique

L’ironie socratique se contente de partir des croyances de l’interlocuteur, et de noter leurs contradictions internes : c'est là toute sa limite.La maïeutique, art d'accouchement de la vérité, est pratiquée par l'ironie socratique...mais l'accoucheur est stérile. C'est ce qu'on lira dans Théétète, dialogue qui met fin à la maïeutique.

       La bonne définition selon Socrate ou Platon?

Avec l'exemple méthodique de la définition des couleurs et de la figure, dans Ménon, on change de registre. Apparaît le modèle géométrique. Ménon : la figure géométrique Et puis si, à propos de couleur, de la même manière, il te demandait quoi est [couleur], et, toi ayant dit : « le blanc », l'interrogateur reprenait : « Lequel des deux : le blanc est couleur, ou une certaine couleur ? », tu dirais : « une certaine couleur », du fait qu'il se trouve y en avoir encore d'autres ?

MÉNON.-- Certes.

SOCRATE.-- Et si de plus il t'exhortait à lui dire d'autres couleurs, tu en dirais [74d] d'autres qui se trouvent n'être pas moins des couleurs que le blanc ?

MÉNON.-- Oui.

SOCRATE.-- Si donc, comme moi, il poursuivant son discours et disait : « Toujours, nous arrivons à une pluralité ! Mais très peu pour moi ! Mais puisque tu appelles ces choses multiples d'un même nom (21) et que tu ne dis d'aucune d'entre elles qu'elle n'est pas schèma, et cela même lorsqu'elles sont contraires les unes des autres, (22) quelle est cette chose qui n'englobe pas moins le rond (23) que le droit, qu'en somme tu nommes schèma, [74e] pour que tu dises que le rond n'est pas davantage schèma que le droit ? » Ou bien ne parles-tu pas ainsi ?

MÉNON.-- Certes.

SOCRATE.-- Eh bien donc, chaque fois que tu parles ainsi, dis-tu alors que le rond n'est pas davantage rond que droit, ni le droit, droit que rond ?

MÉNON.-- Sans doute pas, Socrate !

SOCRATE.-- Mais pourtant, tu dis bien que n'est pas davantage schèma le rond que le droit, ni celui-ci que l'autre ?

MÉNON.-- Tu dis vrai.

SOCRATE.-- Alors quoi donc de ce dont ce fameux « schèma » est le nom ? [75a] Essaye d'expliquer. Si donc, à celui qui interrogeait ainsi soit à propos de schèmatos, soit à propos de couleur, tu disais : « Mais je ne comprends pas, moi, ce que tu veux, l'homme , et je ne vois pas ce que tu veux dire ! », il s'étonnerait sans doute et dirait : « Ne comprends-tu pas que je cherche l'identique dans toutes ces choses ? » Ou encore, sur ces choses, Ménon, n'aurais-tu rien à dire, si l'on te demandait : « Quoi est, dans le rond et le droit et les autres choses que tu appelles "schèmata", identique dans toutes ? » Essaye de dire, et que cela te serve d'exercice en vue de la question à propos de l'aretès.

MÉNON.-- [75b] Non, mais toi, Socrate, dis-le.

SOCRATE.-- Tu veux que je te fasse plaisir ?

MÉNON.-- Tout à fait.

SOCRATE.-- Et tu consentiras alors, toi, à me répondre sur l'aretès ?

MÉNON.-- Certes.

SOCRATE.-- Il faut donc y mettre toute son ardeur : car ça en vaut la peine.

MÉNON.-- Très certainement.

SOCRATE.-- Allons donc ! Essayons de te dire quoi est schèma. Eh bien, examine si tu acceptes que ce soit ça : que soit donc désormais pour nous schèma cela qui, seul d'entre les êtres, (33) se trouve toujours accompagner la couleur. Assez pour toi, ou cherches-tu de quelque autre manière ? Quant à moi, [75c] j'apprécierais si tu me parlais ainsi d'aretèn.

MÉNON.-- Mais c'est vraiment bonhomme, Socrate !

SOCRATE.-- Que veux-tu dire ?

MÉNON.-- Qu'est schèma, en quelque sorte, selon ta définition, ce qui accompagne toujours le teint ! Soit ! Mais si maintenant on dit ne pas concevoir le teint, mais être pareillement bloqué comme à propos des schèmata, que penses-tu de ce que tu as répondu ?

SOCRATE.-- Que c'est vrai, pour moi du moins ; et si à la vérité le questionneur se trouvait être l'un de ces savants, controversistes et autres disputailleurs, je lui dirais : [75d] « Voilà qui par moi fut dit ; si toutefois je ne parle pas droitement, [c'est] ton travail de prendre la parole et de réfuter » ; par contre, pour peu que, comme moi et toi maintenant, des gens qui sont amis veuillent dialoguer l'un avec l'autre, il faut alors répondre de manière en quelque sorte plus douce et plus dialectique. Et de fait, vraisemblablement, ce « plus dialectique », ce n'est pas seulement répondre les choses vraies, mais encore le faire à l'aide de ce que celui qui est interrogé convient en outre connaître. Alors, je vais essayer moi aussi de te parler ainsi. [75e] Dis-moi donc : y a-t-il quelque chose que tu appelles « fin » ? Je veux dire quelque chose comme « terme » ou « extrémité »  ; tout cela, dis-je, c'est la même chose. Peut-être Prodicos serait-il en désaccord avec nous  ; mais toi du moins, il y a probablement quelque chose que tu appelles « être terminé » ou « finir »  ; c'est quelque chose comme ça que je veux dire, rien de compliqué.

MÉNON.-- Mais oui, j'emploie ces termes, et je crois comprendre ce que tu veux dire.

SOCRATE.-- [76a] Quoi encore ? Y a-t-il quelque chose que tu appelles « plan », et encore autre chose « solide », comme ces choses dont on parle en géométrie ?

MÉNON.-- Oui. J'emploie aussi ces termes.

SOCRATE.-- Maintenant donc, tu apprendra peut-être de moi à l'aide de ces termes ce que j'appelle schèma. Car sur toute schèmatos, je dis ceci : ce dans quoi se termine le solide, c'est cela schèma ; ce que précisément je dirais en résumant : schèma est le terme du solide.

MÉNON.-- Mais la couleur, qu'en dis-tu, Socrate ?

SOCRATE.-- Tu es vraiment excessif, Ménon ! Tu causes des désagréments à un vieil homme en le faisant répondre, mais toi, tu ne daignes pas [76b] dire ce dont tu te remémore de ce que Gorgias dit que peut bien être aretèn.[4] Deux méthodes d'analyse [URL] lien

Le mot « analyse » vient du grec « analusis » qui signifie « délier », « dissoudre ». Deux conceptions de l'analyse ont eu un rôle de tout premier plan en philosophie depuis la naissance de cette dernière.

   La première est illustrée par la recherche dite "maïeutique" de Socrate, de la définition de certains termes (tels que par exemple « vertu » et « savoir ») et son abandon par Platon qui inaugure la méthode par « division » ou art du tissage. Le Ménon, dans ce qu'on appelle l'intermède du jeune esclave et qui est loin d'être une simple parenthèse, met en place ce que l'on pourrait appeler un virage dans la méthode analytique. Cette décomposition-recomposition, permet de construire des « concepts ». C'est une dissection, ou réduction, d'un concept donné en des concepts qui le composent, et qui peuvent ensuite être utilisés pour définir le concept plus complexe. Par exemple, le concept d'être humain est analysé en celui d'animal et en celui de raison ; on obtient ainsi la définition de l'être humain : un animal raisonnable (i.e. capable d'utiliser la raison). Ainsi, la classe des êtres humains est contenue dans la classe des animaux, mais le concept d'être humain contient le concept d'animal, en ce sens que ce dernier est une partie de l'explication (ou de la définition) du premier.
   Exemple

Gorgias de Platon] SOCRATE.

Dis-moi donc quel est le sujet auquel se rapportent ces discours dont la rhétorique fait usage.

GORGIAS.

Ce sont les plus grandes de toutes les affaires humaines, Socrate, et les plus importantes.

SOCRATE.

Ce que tu dis là, Gorgias, est une chose controversée, [451e] sur laquelle il n'y a encore rien de décidé : car tu as, je pense, entendu chanter dans les banquets la chanson, où les convives, faisant rémunération des biens de la vie, disent que le premier est la santé ; le second, la beauté ; le troisième, la richesse acquise sans injustice, comme parle l'auteur de la chanson (09).

GORGIAS.

Je l'ai entendu; mais à quel propos dis-tu cela?

[452a] SOCRATE.

C'est que les artisans de ces biens, chantés par le poète, savoir, le médecin, le maître de gymnase, l'économe, se mettront aussitôt avec toi sur les rangs, et que le médecin me dira le premier : Socrate, Gorgias, te trompe. Son art n'a point pour objet le plus grand des biens de l'homme ; c'est le mien. Si je lui demandais: Toi, qui parles de la sorte, qui es-tu ? Je sois médecin, nie répondra-t-il. Et que prétends-tu ? que le plus grand des biens est celui que produit ton art ? Peut-on le contester, Socrate, me dira-t-il peut-être, puisqu'il produit la santé ? Est-il un bien préférable [452b] pour les hommes à la santé ? Après celui-ci, le maître de gymnase pourrait bien dire : Socrate, je serais très surpris que Gorgias pût te montrer quelque bien résultant de son art, plus grand que celui qui résulte du mien. Et toi, mon ami, répliquerai-je, qui es-tu? quelle est ta profession ? Je suis maître de gymnase, répondrait-il; ma profession est de rendre le corps humain beau et robuste. Après le maître de gymnase viendrait l'économe, qui, méprisant toutes les autres professions, me dirait, à ce que je m'imagine : [452c] Juge toi-même, Socrate, si Gorgias ou quelque autre peut produire un bien plus grand que la richesse. Quoi donc ! lui dirions-nous, est-ce toi qui fais la richesse? Sans doute, répondrait-il. Qui es-tu donc ? Je suis économe. Et quoi ! est-ce que tu regardes la richesse comme le plus grand de tous les biens ? Assurément, dira-t-il. Cependant, Gorgias que voici, prétend que son art produit un plus grand bien que le tien. Il est clair qu'il demanderait après cela : Quel est donc [452d] ce plus grand bien ? Que Gorgias s'explique. Imagine-toi, Gorgias, que la même question t'est faite par eux et par moi ; et dis-moi en quoi consiste ce que tu appelles le plus grand bien de l'homme, celui que tu te vantes de produire.

GORGIAS.

C'est en effet, Socrate, le plus grand de tous les biens, qui rend libre et même puissant dans chaque ville.

SOCRATE.

Mais encore quel est-il ?

[452e] GORGIAS.

C'est, selon moi, d'être en état de persuader par ses discours les juges dans les tribunaux, les sénateurs dans le sénat, le peuple dans les assemblées, en un mot tous ceux qui composent toute espèce de réunion politique. Or, ce talent mettra à tes pieds le médecin et le maître de gymnase : et l'on verra que l'économe s'est enrichi, non pour lui, mais pour un autre, pour toi qui possèdes l'art de parler et de gagner l'esprit de la multitude.

SOCRATE.

Enfin, Gorgias, il me paraît que tu m'as montré, d'aussi près [453a] qu'il est possible, quel art est la rhétorique. Si j'ai bien compris, tu dis qu'elle est l'ouvrière de la persuasion, que tel est le but de toutes ses opérations, et qu'en somme elle se termine là. Pourrais-tu en effet me prouver que le pouvoir de la rhétorique aille plus loin que de faire naître la persuasion dans l'âme des auditeurs ?

GORGIAS.

Nullement, Socrate, et tu l'as, à mon avis, bien définie; car c'est à cela véritablement qu'elle se réduit.

SOCRATE.

Écoute-moi, Gorgias. S'il est quelqu'un qui, [453b] en conversant avec un autre, soit jaloux de bien comprendre quelle est la chose dont on parle, sois assuré que je me flatte d'être un de ceux-là, et je pense que tu en es aussi.

GORGIAS.

À quoi tend ceci, Socrate?

SOCRATE.

Le voici : tu sauras que je ne conçois en aucune façon de quelle nature est la persuasion que tu attribues à la rhétorique, ni relativement à quoi cette persuasion a lieu. Ce n'est pas que je ne soupçonne ce que tu veux dire ; mais je ne t'en demanderai pas moins quelle persuasion [453c] la rhétorique fait naître, et sur quoi. Si je t'interroge, au lieu de te faire part de mes soupçons, ce n'est point à cause de toi, mais de cet entretien, afin qu'il aille de manière que nous sachions clairement ce dont il est question entre nous. Vois toi-même si j'ai raison de t'interroger. Si je te demandais dans quelle classe de peintres est Zeuxis, et si tu me répondais qu'il peint des animaux, n'aurai-je pas raison de te demander encore quels animaux il peint, et sur quoi ? (10)

GORGIAS.

Sans doute.

[453d] SOCRATE.

N'est-ce point parce qu'il y a d'autres peintres qui peignent aussi des animaux ?

GORGIAS.

Oui.

SOCRATE.

Au lieu que si Zeuxis était le seul qui en peignît, alors tu aurais bien répondu.

GORGIAS.

Assurément.

SOCRATE.

Dis-moi donc, par rapport à la rhétorique : te semble-t-il qu'elle produise seule la persuasion, au qu'il y a d'autres arts qui en font autant? Voici quelle est ma pensée : quiconque enseigne quoi que ce soit, persuade-t-il ou non ce qu'il enseigne ?

GORGIAS.

Il le persuade sans contredit, Socrate

Les dialogues dits "socratiques" aboutissent bien trop souvent à une aporie qui se manifeste par la conclusion du dialogue sous forme de mythe.

   La seconde conception de l'analyse vient de la géométrie grecque, de la démonstration et d'Aristote. Cette méthode d'analyse consiste à prendre pour point de départ une proposition qui n'a pas encore été prouvée et à remonter à des principes premiers, ou axiomes, d'où elle peut être dérivée (et elle devient alors un théorème).

C'est le sens du passage avec [jeune esclave dans Ménon]

La réminiscence[modifier | modifier le wikicode]

Le dialogue comporte également d'importantes explications méthodologiques (sur la définition) et une argumentation sur la notion de réminiscence. Nous exposerons ces points ultérieurement.

l'épisode du jeune esclave[modifier | modifier le wikicode]

  • Résoudre la duplication du carré, un problème insoluble.

Présentation de l'esclave[modifier | modifier le wikicode]

Stèle funéraire : l'esclave est représentée comme un personnage de petite taille, près de sa maîtresse, Glyptothèque de Munich

On ne sait rien de lui. Il n' a pas de prénom ou de nom. Il parle grec : c'est la seule nécessité pour se comprendre. Michel Serres définissant les mathématiques, dira d'elles que c'est une maison sans fenêtre, sans porte...sans sujet du cogito. Le mathématicien' à la blouse blanche, met de côté sa subjectivité. Un théorème est le produit des mathématiques, pas de ma pensée.

Socrate : Appelle un de ces nombreux serviteurs qui t'accompagnent, celui que tu voudras, afin que par lui je te montre ce que tu désires.

Ménon – D'accord. [Ménon désigne l'un de ses serviteurs.] Approche. Socrate – Est-il grec ? Sait-il le grec ? Ménon – Parfaitement ; il est né chez moi. Socrate – Fais attention : vois s'il a l'air de se ressouvenir, ou d'apprendre de moi.

Ménon – J'y ferai attention.

Premier moment : la méthode synthétique (hypothèse->déduction)[modifier | modifier le wikicode]

On part de théorème, de ce que l'on sait. Ici il s'agit des propriétés du carré. La démarche démonstrative pour résoudre la duplication du carré va aboutir à une impasse. Pour résoudre ce problème mathématique, il aurait fallu que les grecs connussent les racines, donc l'infini. Or le monde grec est un monde fini. On racontait alors l'histoire du chavirement du bateau d'un élève de Pythagore] qui avait découvert la racine carrée. La méthode synthétique ne permet pas de découvrir. Partant du connu, elle en reste au connu. C'est la limite de la démonstration.

  • Pour aller plus loin :

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Racine carrée de deux

Socrate [au serviteur] – Dis-moi, jeune homme, sais-tu que cet espace est carré ? [Socrate trace sur le sol la figure d'un carré.]

L'élève – Oui. Socrate – Et que, dans un espace carré, les quatre lignes que voici [les côtés] sont égales ? L'élève – Absolument. Socrate – Et que ces lignes-ci, qui le traversent par le milieu [les diagonales], sont égales aussi ? L'élève – Oui. Socrate – Un espace de ce genre peut-il être ou plus grand ou plus petit [tout en conservant ses caractéristiques] ? L'élève – Certainement. Socrate – Si on donnait à ce côté deux pieds de long et à cet autre également deux, quelle serait la dimension du tout ? Examine la chose comme ceci : s'il y avait, de ce côté, deux pieds et, de cet autre, un seul, n'est-il pas vrai que l'espace serait d'une fois deux pieds carrés? L'élève – Oui. Socrate – Mais du moment qu'on a pour le second côté aussi deux pieds, cela ne fait-il pas deux fois deux ? L'élève – En effet. Socrate – L'espace est donc alors de deux fois deux pieds carrés ? L'élève – Oui. Socrate – Combien font deux fois deux pieds carrés ? Fais le calcul et dis-le moi. L'élève – Quatre, Socrate. Socrate – Ne pourrait-on avoir un autre espace double de celui-ci, mais semblable, et ayant toutes ses lignes égales ? L'élève – Oui. Socrate – Combien aurait-il de pieds carrés ? L'élève – Huit. Socrate – Eh bien, essaie de me dire quelle serait la longueur de chaque ligne dans ce nouvel espace carré. Dans celui-ci, la ligne a deux pieds ; combien en aurait-elle dans le second, qui serait de surface double ? L'élève – Il est évident, Socrate, que la ligne serait double. Socrate – Tu vois, Ménon, que je ne lui enseigne rien : sur tout cela, je me borne à l'interroger. En ce moment, il croit savoir quelle est la longueur du côté qui donnerait un carré de huit pieds carrés. Es-tu de mon avis ? Ménon – Oui. Socrate – S'ensuit-il qu'il le sache ? Ménon – Non, certes. Socrate – Il croit que ce côté serait double de celui du précédent ? Ménon – Oui. Socrate – Mais vois maintenant comme il va se ressouvenir d'une manière correcte. Réponds-moi. Tu dis qu'une ligne double donne naissance à une surface deux fois plus grande ? Comprends-moi bien. Je ne parle pas d'une surface longue d'un côté, courte de l'autre ; je cherche une surface comme celle-ci, égale dans tous les sens, mais qui ait une étendue double, soit de huit pieds carrés. Vois si tu crois encore qu'elle résultera du doublement de la ligne. L'élève – Je le crois. Socrate – Cette ligne que tu vois sera-t-elle doublée si nous en ajoutons en partant d'ici une autre d'égale longueur ? [Au lieu de réfuter la solution de l'élève et de lui apporter la bonne réponse, Socrate va l'inciter à construire le carré de quatre pieds de côté et à faire apparaître l'erreur cachée sous la fausse évidence.] L'élève – Oui, absolument. Socrate – C'est donc sur cette nouvelle ligne que sera construite la surface de huit pieds si nous traçons quatre lignes pareilles ? L'élève – Oui. Socrate – Traçons les quatre lignes sur le modèle de celle-ci. Voilà bien la surface que tu dis être de huit pieds ? L'élève – Certainement. Socrate – Est-ce que, dans notre nouvel espace, il n'y a pas les quatre que voici, dont chacun est égal au premier, à celui de quatre pieds carrés ? L'élève – Nécessairement. Socrate – Une chose quatre fois plus grande qu'une autre en est-elle donc le double ? L'élève – Non, par Zeus ! Socrate – Qu'est-elle alors ? L'élève – Le quadruple. Socrate – Ainsi, en doublant la ligne, ce n'est pas une surface double que tu obtiens, c'est une surface quadruple. L'élève – C'est vrai. Socrate – Quatre fois quatre font seize, n'est-ce pas ?

L'élève – Oui.

Deuxième moment : l'erreur de l'esclave et son aveu d'ignorance[modifier | modifier le wikicode]

Socrate – Avec quelle ligne obtiendrons-nous donc une surface de huit pieds carrés ? Celle-ci ne nous donne-t-elle pas une surface quadruple de la première ?

L'élève – Oui. Socrate – Et cette ligne moitié moins longue nous donne quatre pieds carrés de superficie ? L'élève – Oui. Socrate – Soit ! La surface cherchée de huit pieds n'est-elle pas le double de celle-ci, qui est de quatre, et la moitié de l'autre, qui est de seize ? L'élève – Certainement. Socrate – Il nous faut donc une ligne plus courte que celle-ci et plus longue que celle-là ? L'élève – Je le crois. Socrate – Parfait ; réponds-moi selon ce que tu crois. Mais dis-moi : notre première ligne n'avait-elle pas deux pieds et la seconde quatre ? L'élève – Oui. Socrate – Essaie de me dire quelle longueur tu lui donnes.

Socrate – Pour qu'elle ait trois pieds de long, nous n'avons qu'à ajouter à la ligne initiale de deux pieds la moitié de sa longueur : ce qui fait ici deux pieds plus un pied. Puis, dans l'autre sens, encore deux pieds plus un pied. Nous obtenons le carré que tu demandais [le carré de trois pieds x trois pieds = neuf pieds carrés]. L'élève – Oui. Socrate – Mais si l'espace carré a trois pieds de long et trois pieds de large, la superficie n'en sera-t-elle pas de trois fois trois pieds ? L'élève – Je le pense. Socrate – Or, combien font trois fois trois pieds ? L'élève – Neuf. Socrate – Mais pour que la surface soit double de la première, combien de pieds devait-elle avoir ? L'élève – Huit. Socrate – Ce n'est donc pas encore la ligne de trois pieds qui nous donne la surface de huit. L'élève – Certes non. Socrate – Laquelle est-ce ? Tâche de me le dire exactement, et si tu aimes mieux ne pas faire de calculs, montre-la nous.

L'élève – Mais par Zeus, Socrate, je n'en sais rien.

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Découverte de la solution : démarche analytique[modifier | modifier le wikicode]

  • On part de l'erreur, ce qui montre la compatibilité de l'erreur et de la vérité
  • Les mathématiques sont inventives si on remonte du résultat au théorème qu'on ignorait. Dans le moment précédent l'erreur naît du fat qu'on fait l'inverse : partir du théorème vers la conclusion par déduction.
  • La géométrie est inventive.
  • la méthode analytique est donc une démarche inventive.
Socrate (s'adressant au serviteur) – Réponds-moi, toi. Nous avons donc ici un espace de quatre pieds carrés ? Est-ce compris ?

L'élève – Oui. Socrate – Nous pouvons lui ajouter cet autre-ci, qui lui est égal ? [En fait, Socrate reprend le carré de quatre pieds de côté, proposé par l'élève comme première solution du problème.] L'élève – Oui. Socrate – Et encore ce troisième, égal à chacun des deux premiers ? L'élève – Oui. Socrate – Puis remplir ce coin qui reste vide ? L'élève – Parfaitement. Socrate – N'avons-nous pas ici maintenant quatre espaces égaux ? L'élève – Oui. Socrate – Et combien de fois tous ensemble sont-ils plus grands que celui-ci ? L'élève – Quatre fois. Socrate – Mais nous cherchions un espace carré double, tu t'en souviens bien ? L'élève – Parfaitement. Socrate – Cette ligne, que nous traçons d'un angle à l'autre dans chaque carré, ne les coupe-t-elle pas en deux parties égales ? L'élève – Oui. Socrate – Voici donc quatre lignes égales qui enferment un nouveau carré.

L'élève – Je vois. Socrate – Réfléchis : quelle est la dimension de ce carré ? L'élève – Je ne le vois pas. Socrate – Est-ce que, dans chacun de ces quatre carrés, chacune de nos lignes n'a pas séparé une moitié en dedans ? Oui ou non ? L'élève – Oui. Socrate – Et combien y a-t-il de ces moitiés dans le carré du milieu [en grisé sur la figure] ? L'élève – Quatre. Socrate – Et dans celui-ci [dans le carré initial] ? L'élève – Deux. Socrate – Qu'est-ce que quatre par rapport à deux ? L'élève – C'est le double. Socrate – Combien de pieds alors a ce carré-ci [en grisé] ? L'élève – Huit. Socrate – Et sur quelle ligne est-il construit ? L'élève – Sur celle-ci. Socrate – Sur la ligne qui va d'un angle à l'autre dans le carré de quatre pieds carrés ? L'élève – Oui. Socrate – Cette ligne est ce que les sophistes appellent la diagonale. Si tel est son nom, c'est la diagonale qui selon toi, serviteur de Ménon, engendre l'espace carré double.

L'élève – C'est bien cela, Socrate.

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Aristote Seconds Analytiques. SECTION DEUXIÈME.DÉFINITION ET ÉLÉMENTS DE LA DÉMONSTRATION. CHAPITRE II.[5] § 10.[modifier | modifier le wikicode]

II faut de plus que les principes soient causes de la conclusion, qu'ils soient plus notoires qu'elle et antérieurs à elle : causes, parce que nous ne savons une chose qu'après en avoir connu la cause : antérieurs, puisqu'ils sont causes : et préalablement connus, non pas seulement en tant qu'on connaît le mot qui les exprime, mais en outre parce qu'on sait qu'ils sont.

On ne doit pas confondre cette méthode avec ce que Kant appelle la méthode synthétique, qui consiste à déduire des conséquences ou des théorèmes à partir d'axiomes ou de définitions selon certains procédures formelles dans le raisonnement (mathématiques ou logique).

Les analyses progressive et régressive commencent toutes deux par quelque chose de donné (un concept à analyser, une proposition à prouver) et permettent d'identifier quelque chose de plus simple (un composant ou les axiomes d'où l'on déduit un théorème) dont ce qui est donné est dérivé (c'est-à-dire défini ou prouvé).

Qu'est-ce que la vertu?[modifier | modifier le wikicode]

Cet exercice mathématique donne une réponse. Elle est dans la juste-mesure...Ce que Socrate tente de faire faire à l'esclave.

l'opinion droite[modifier | modifier le wikicode]

Le dialogue cesse de chercher à fonder en raison avec Ménon, la définition de la raison.