Philosophie/État
L'État est une organisation dotée d'un territoire, d'organes politiques, d'une personnalité morale et d'une souveraineté. L'État n’apparaît que lorsque l'entité politique qui devra le régir apparaît clairement et distinctement de la société. La distinction entre État et société civile est notamment caractérisée par les activités marchandes et juridiques.
Bibliographie
[modifier | modifier le wikicode]- La République, w:Platon
- L'Utopie, w:Thomas More
- Le Léviathan, w:Thomas Hobbes
- Le Prince, w:Nicolas Machiavel
- L'Esprit des lois, w:Montesquieu
- Contributions à la théorie de l'État, w:Carré de Malberg
- Métaphysique des mœurs, Doctrine du droit w:Kant
- Le savant et la politique w:Weber
- Du contrat social w:J.J Rousseau
- L'État et la Révolution w:Lénine
Textes
[modifier | modifier le wikicode]ARISTOTE
Certains sont d'avis qu'il est contre nature qu'un seul homme soit le maître absolu de tous les citoyens, là où la cité est composée d'hommes semblables entre eux : car, disent-ils, les êtres semblables en nature doivent, en vertu d'une nécessité elle-même naturelle, posséder les mêmes droits et la même valeur ; ils en tirent cette conséquence que s'il est vrai qu'une répartition égale de nourriture et de vêtements entre des personnes inégales est une chose nuisible aux corps, ainsi en est-il aussi au sujet de la distribution des honneurs ; et par suite il en est de même quand les personnes égales reçoivent un traitement inégal, et ce serait là précisément la raison pour laquelle il est juste que nul ne commande plus qu'il n'obéit, et qu'ainsi chaque citoyen soit appelé tour de rôle commander et à obéir, alternance qui n'est dès lors rien d'autre qu'une loi, puisque l'ordre est une loi.
HOBBES
Tout le plaisir de l'âme consiste en la gloire (qui est une certaine bonne opinion qu'on a de soi-même) ou se rapporte à la gloire). Les autres plaisirs touchent les sens, ou ce qui y aboutit, et je les embrasse tous sous le nom de l'utile. Je conclus donc derechef, que toutes les sociétés sont bâties sur le fondement de la gloire et des commodités de la vie ; et qu'ainsi elles sont contractées par l'amour-propre, plutôt que par une forte inclination que nous ayons pour nos semblables. Cependant il y a cette remarque à faire, qu'une société fondée sur la gloire ne peut être ni de beaucoup de personnes, ni de longue durée ; parce que la gloire, de même que l'honneur, si elle se communique à tous sans exception, elle ne se communique à personne ; la raison en est, que la gloire dépend de la comparaison avec quelque autre, et de la prééminence qu'on a sur lui ; et comme la communauté de l'honneur ne donne à personne occasion de se glorifier, le secours d'autrui qu'on a reçu pour monter à la gloire en diminue le prix. Car on est d'autant plus grand et à estimer, qu'on a eu de propre puissance, et moins d'assistance étrangère. Mais bien que les commodités de cette vie puissent recevoir augmentation par l'assistance mutuelle que nous nous prêtons, il est pourtant certain qu'elles s'avancent davantage par une domination absolue, que par la société ; d'où il s'ensuit, que si la crainte était ôtée de parmi les hommes, ils se porteraient de leur nature plus avidement à la domination, qu'à la société. C'est donc une chose tout avérée, que l'origine des plus grandes et des plus durables sociétés, ne vient point d'une réciproque bienveillance que les hommes se portent, mais d'une crainte mutuelle qu'ils ont les uns des autres.
De Cive, I.
STIRNER
L’État laisse autant que possible les individus jouer librement, pourvu qu’ils ne prennent pas leur jeu au sérieux, et ne le perdent pas de vue, lui, l’État. Il ne peut s’établir d’homme à homme de relations qui ne soient inquiétées sans surveillance d’une intervention supérieure. Je ne puis pas faire tout ce dont je serais capable, mais seulement ce que l’État me permet de faire ; je ne puis faire valoir ni mes pensées, ni mon travail, ni en général rien de ce qui est à moi.
L’État ne poursuit jamais qu'un but : limiter, enchaîner, assujettir l'individu, le subordonner à une généralité quelconque. Il ne peut subsister qu'à condition que l'individu ne soit pas pour soi-même dans le tout ; il implique de toute nécessité la limitation du moi, ma mutilation et mon esclavage. Jamais l’État ne propose de stimuler la libre activité de l'individu : la seule activité qu'il encourage est celle qui se rattache au but que lui-même poursuit. [...] L’État cherche par sa censure, sa surveillance et sa police, à enrayer toute activité libre ; en jouant ce rôle de bâton dans les roues, il croit (avec raison d'ailleurs, car sa conservation est à ce prix) remplir son devoir. L’État veut faire de l'homme quelque chose, il veut le façonner ; aussi l'homme, en tant que vivant dans l’État, n'est-il qu'un homme factice ; quiconque veut être soi-même est adversaire de l’État et n'est rien. » Il n'est rien « signifie : l’État ne l'utilise pas, ne lui accorde aucun titre, aucune commission, etc.
L'unique et sa propriété
MARX et ENGELS
C’est justement cette contradiction entre l’intérêt particulier et l’intérêt collectif qui amène l’intérêt collectif à prendre, en qualité d’État une forme indépendante, séparée des intérêts réels de l’individu et de l’ensemble et à faire en même temps figure de communauté illusoire, mais toujours sur la base concrète des liens dans chaque conglomérat de famille et de tribut tels que les liens existants du sang, le langage, la division du travail à une vaste échelle et autres intérêts ; et parmi ces intérêts nous trouvons en particulier, comme nous le développerons plus loin, les intérêts des classes déjà conditionnées par la division du travail, qui se différencient dans tout groupement de ce genre et dont l'une domine toutes les autres. Il s'ensuit que toutes les luttes à l'intérieur de l’État, la lutte entre la démocratie, l'aristocratie et la monarchie, la lutte pour le droit de vote, etc.., ne sont que les formes illusoires sous lesquelles sont menées les luttes effectives des différentes classes entre elles.
L'idéologie allemande
[modifier | modifier le wikicode]WEBER
S’il n’existait que des structures sociales d’où toute violence serait absente, le concept d’État aurait alors disparu et il ne subsisterait alors ce que l’on appelle au sens propre l’anarchie. La violence n’est évidemment pas l’unique moyen normal de l’État, cela ne fait aucun doute mais elle est son moyen spécifique. De nos jours la relation entre État et violence est tout particulièrement intime. Depuis toujours les groupements politiques les plus divers à commencer par la parentèle ont tous tenu la violence physique pour le moyen normal du pouvoir. Par contre il faut concevoir l’État contemporain comme une communauté humaine qui, dans les limites d'un territoire déterminé la notion de territoire étant une de ses caractéristiques revendique avec succès pour son propre compte le monopole de la violence physique légitime. Ce qui est en effet le propre de notre époque, c'est qu'elle n'accorde à tous les autres groupements, ou aux individus, le droit de faire appel à la violence que dans la mesure où l’État le tolère : celui-ci passe donc pour l'unique source du droit « à la violence.»
"l'État consiste en un rapport de domination de l'homme sur l'homme fondé sur le moyen de la violence légitime"
KANT "Un État (civitas) est l'unification d'une multiplicité d'hommes sous des lois juridiques."
La violence et l’État
[modifier | modifier le wikicode]ALAIN
Chacun a pu remarquer, au sujet des opinions communes, que chacun les subit et que personne ne les forme. Un citoyen, même avisé et énergique quand il n'a à conduire que son propre destin, en vient naturellement et par une espèce de sagesse à rechercher quelle est l'opinion dominante au sujet des affaires publiques. « Car, se dit-il, comme je n'ai ni la prétention ni le pouvoir de gouverner à moi tout seul, il faut que je m'attende à être conduit ; à faire ce qu'on fera, à penser ce qu'on pensera. » Remarquez que tous raisonnent de même, et de bonne foi. Chacun a bien peut-être une opinion ; mais c'est à peine s'il se la formule à lui-même ; il rougit à la seule pensée qu'il pourrait être seul de son avis. Le voilà donc qui honnêtement écoute les orateurs, lit les journaux, enfin se met à la recherche de cet être fantastique que l'on appelle l'opinion publique. « La question n'est pas de savoir si je veux ou non faire la guerre. » Il interroge donc le pays. Et tous les citoyens interrogent le pays au lieu de s'interroger eux-mêmes. Les gouvernants font de même, et tout aussi naïvement. Car, sentant qu'ils ne peuvent rien tout seuls, ils veulent savoir où ce grand corps va les mener. Et il est vrai que ce grand corps regarde à son tour vers le gouvernement, afin de savoir ce qu'il faut penser et vouloir. Par ce jeu, il n'est point de folle conception qui ne puisse quelque jour s'imposer à tous, sans que personne pourtant l'ait jamais formée de lui-même et par libre réflexion. Bref, les pensées mènent tout, et personne ne pense. D'où il résulte qu'un État formé d'hommes raisonnables peut penser et agir comme un fou. Et ce mal vient originairement de ce que personne n'ose former son opinion par lui-même ni la maintenir énergiquement, en lui d'abord, et devant les autres aussi.
RICOEUR
Toujours le souverain tend à escroquer la souveraineté ; c’est le mal politique essentiel. Aucun État n’existe sans un gouvernement, une administration, une police : aussi ce phénomène de l’aliénation politique traverse-t-il tous les régimes, à travers toutes les formes constitutionnelles ; c'est la société politique qui comporte cette contradiction externe entre une sphère idéale des rapports de droit et une sphère réelle des rapports communautaires, et cette contradiction interne entre la souveraineté et le souverain, entre la constitution et le pouvoir, à la limite la police. Nous rêvons d'un État où serait résolue la contradiction radicale qui existe entre l'universalité visée par l’État et la particularité et l'arbitraire qui l'affecte en réalité ; le mal, c'est que ce rêve est hors d'atteinte.
Histoire et vérité