Dictionnaire de philosophie/Bonheur
Le bonheur (étymologiquement la bonne chance, du latin bonum augurium) désigne un état durable de plénitude et de satisfaction, état agréable et équilibré de l'esprit et du corps, où la souffrance, l'inquiétude et le trouble sont absents. Cette notion constitue l'une des plus difficiles à déterminer dans l'histoire de la pensée philosophique :
- Dans la mesure où le bonheur est un état empirique, soumis aux aléas de la fortune et aux changements imprévisibles de l'humeur, donc un état temporel ; en tant que tel, le bonheur ne saurait se réduire à un concept. Comme l'observe Aristote dans l'Éthique à Nicomaque, « une seule hirondelle ne fait pas le printemps, ni un seul jour, et pas davantage ne suffit-il pour faire l'homme bienheureux et heureux dun seul jour ou dun court laps de temps ».[1]
- Il existe de fortes chances pour que chacun ait sa propre estimation de ce que c'est qu'être heureux. On peut tenter de distinguer quatre sortes de satisfactions liées au bonheur, qui correspondent aux dimensions fondamentales de l'existence humaine :
- La satisfaction du désir : désirs liés au corps, recherche des biens matériels, jouissance sensible.
- La satisfaction du devoir : accomplissement du bien moral, vertu éthique.
- La satisfaction du vrai : désir de connaissance, contemplation théorique.
- La satisfaction du beau : contemplation esthétique, expérience artistique.
- Ce qui suppose également la satisfaction de certains besoins fondamentaux, comme l'a montré la pensée antique. Ces idées, bien que paraissant vagues, soulignent surtout l'état de manque inhérent à l'existence humaine. Le bonheur semble tirer une partie de son sens de son contraire, car, comme le remarque Sénèque, peu d'hommes savent l'atteindre en réalité ; les hommes savent surtout faire leur propre malheur[2]. Ce qui peut se formaliser par le raisonnement suivant :
- Si le bonheur est un état de satisfaction durable et entier,
- et si l'homme est un être doué de raison et affecté sensiblement,
- alors le bonheur n'est qu'un rêve de l'imagination.
Il est de ce fait plus facile d'étudier le malheur que le bonheur, comme l'ont montré les philosophes pessimistes.
Le bonheur se distingue du plaisir, par la durée et parce que le plaisir concerne ce qui est agréable dans l'instant, alors que le bonheur implique une dimension temporelle plus vaste. Il se distingue également de la joie, en tant que cette dernière est un état plus dynamique que le bonheur, une émotion vive et passagère. La félicité, quant à elle, désigne un bonheur parfait et accompli.
Genèse
[modifier | modifier le wikicode]L'être humain, en tant qu'animal rationnel, dispose de deux moyens primitifs pour déterminer les rapports qu'il entretient avec le monde : le plaisir et la douleur. Par ces moyens, nous jugeons de l'utile, de l'agréable et de la souffrance comme du nuisible. Avant de percevoir le monde comme objet d'analyse rationnelle, nous le sentons donc comme un lieu de vie agréable ou menaçant. Cette sensibilité première constitue le fondement de notre rapport au monde.
Nos émotions et nos passions, mises en forme par les valeurs de notre civilisation, découlent de ce rapport à partir duquel nous extrapolons ou imaginons l'idée de bonheur et l'idée de malheur. Comme l'affirme Spinoza dans lÉthique, « le désir est l'essence même de l'homme »[3], et c'est de ce désir que naissent les affects de joie et de tristesse qui déterminent notre quête du bonheur.
Types philosophiques
[modifier | modifier le wikicode]Les grandes conceptions philosophiques du bonheur peuvent se classer selon leurs principes directeurs :
- Eudémonisme : le bonheur (eudaimonia) est la finalité de l'action humaine. Cette conception, développée par Aristote, fait du bonheur le souverain bien que tout homme recherche naturellement.
- Hédonisme : le plaisir (hêdonê) est la fin de l'action. Développé notamment par Aristippe de Cyrène, l'hédonisme identifie le bien au plaisir immédiat.
- Épicurisme : la suppression de la souffrance suffit au bonheur. Épicure distingue les plaisirs en mouvement (satisfaction d'un manque) et les plaisirs stables (absence de trouble), ces derniers constituant le véritable bonheur.
- Utilitarisme : le bonheur du plus grand nombre. Développé par Bentham et Mill au XIXe siècle, cette conception fait du bonheur collectif le critère de la moralité des actions.
La recherche du bonheur
[modifier | modifier le wikicode]L'eudémonisme antique
[modifier | modifier le wikicode]Les philosophes de l'Antiquité ont très tôt considéré que le bonheur constitue la fin ultime de la philosophie ; la recherche de la vérité et de la sagesse est surtout un moyen pour approcher le bonheur. Cette conception, qui fait du bonheur le souverain bien (summum bonum), s'appelle l'eudémonisme, du grec eudaimonia signifiant « bon démon » ou « bonne fortune ».
Bonheur de la vie contemplative
[modifier | modifier le wikicode]- Aristote : le bonheur est le souverain bien. Il consiste, pour chaque être, à remplir la fonction naturelle qui lui est propre. Cet accomplissement s'accompagne de plaisir, car le plaisir naît de la perfection de l'activité, « perfection qui s'ajoute par surcroît comme à la fleur de l'âge s'ajoute la beauté ».[4] La question qui se pose alors pour Aristote est de savoir quelle est la fonction propre à l'homme, la finalité qui lui procurera le bonheur. Cette fonction est selon lui la raison, l'activité de l'intellect (nous). Mais chacun peut trouver du plaisir dans certaines activités particulières où sa nature se réalise pleinement :
- « Ceux qui trouvent du plaisir à s'exercer à la géométrie deviennent meilleurs géomètres... et il en va de même de ceux qui aiment la musique, l'architecture et les autres arts : ceux-là progressent dans l'ouvrage qui leur est propre en éprouvant du plaisir à l'exercer. »[5]
Le bonheur est donc l'expression d'une excellence (aretê), c'est-à-dire d'une vertu. Néanmoins le bonheur suprême reste celui qui accompagne l'activité de la raison contemplative (theôria), ce qui en fait un idéal quasi surhumain :
- « Ce n'est pas en tant qu'homme qu'on vivra de cette façon, mais en tant que quelque élément divin est présent en nous »[6]
Sérénité de l'âme et du corps
[modifier | modifier le wikicode]- L'épicurisme : Épicure place le bonheur dans les plaisirs simples et la fuite des souffrances : « le plaisir est le commencement et la fin de la vie heureuse ».[7] Contrairement à une réputation imméritée, Épicure ne prône nullement la débauche. Comme les actions humaines amènent souvent des plaisirs et des souffrances mêlés, la philosophie d'Épicure le conduit à une casuistique des plaisirs et à un comportement qui favorise l'équilibre psychique et corporel :
- « Lors donc que nous disons que le plaisir est la fin, nous ne parlons point des plaisirs des prodigues et des plaisirs de sensualité, comme le croient ceux qui nous ignorent, ou s'opposent à nous, ou nous entendent mal, mais nous parlons de l'absence de douleur physique (aponie) et de l'ataraxie de l'âme. »[8]
L'épicurisme distingue trois catégories de désirs : les désirs naturels et nécessaires (boire, manger, dormir), les désirs naturels mais non nécessaires (manger raffiné), et les désirs ni naturels ni nécessaires (richesses, gloire). Seuls les premiers doivent être satisfaits pour atteindre le bonheur.
- Stoïcisme : pour le stoïcien, le bonheur consiste à rester maître de soi quels que soient les événements. Cette maîtrise, qui est une vertu, est la parfaite paix de l'âme (ataraxia) de celui qui se conforme à la nature et à la raison universelle (logos). Ainsi, selon Épictète :
- « Tu espères que tu seras heureux dès que tu auras obtenu ce que tu désires. Tu te trompes. Tu ne seras pas plus tôt en possession, que tu auras mêmes inquiétudes, mêmes chagrins, mêmes dégoûts, mêmes craintes, mêmes désirs. Le bonheur ne consiste point à acquérir et à jouir, mais à ne pas désirer. Car il consiste à être libre. »[9]
- Ainsi, au contraire de l'épicurisme qui fait dépendre le bonheur de la satisfaction de certains désirs, le stoïcisme affirme que le bonheur découle de la vertu seule et de l'indépendance vis-à-vis des choses extérieures. La distinction stoïcienne entre ce qui dépend de nous (nos jugements, nos désirs) et ce qui n'en dépend pas (notre corps, nos biens, notre réputation) constitue le fondement de cette sagesse.[10]
- Hédonisme antique : l'école cyrénaïque, fondée par Aristippe de Cyrène, développe un hédonisme du plaisir immédiat, distinct de l'épicurisme. Pour Aristippe, seul le plaisir présent compte, et la sagesse consiste à savoir jouir de l'instant.
Mise en cause de l'idéal du bonheur
[modifier | modifier le wikicode]On peut faire remarquer que la recherche du bonheur a un point de départ paradoxalement pessimiste : nous voulons le bonheur que nous n'avons pas, ou nous voulons fuir ce qui nous nuit. Il n'est donc pas étonnant que le bonheur complet soit si souvent lié à l'idée de perfection, attribut traditionnel de la divinité. Par conséquent le bonheur n'existe que sous la forme d'un but idéal et inaccessible à l'homme en cette vie.
Dans les cas les plus extrêmes, comme chez les philosophes qui croient en un dieu parfait, le vrai bonheur n'existe que sous la forme d'une promesse eschatologique : le bonheur n'est pas humain, il appartient à un être parfait, ou à la partie la plus divine de notre être, partie qui ne peut se satisfaire des réalités contingentes et illusoires du monde sensible. Le désir de l'homme serait d'être heureux, mais la satisfaction des aspirations humaines appartient à un autre que l'homme : au sage surhumain pour les Stoïciens, à l'âme immortelle dans certaines religions, notamment le christianisme et le platonisme.
Ce pessimisme est parfois poussé à l'extrême, comme on le voit chez le philosophe Hegesias de Cyrène, surnommé Peisithanatos (« Celui qui pousse à la mort »), qui enseigna au IIIe siècle avant J.-C. que la vie ne vaut rien, qu'il faut mourir pour être heureux. « Le bonheur est chose absolument impossible, car le corps est accablé de nombreuses souffrances, l'âme qui participe à ces souffrances du corps en est aussi troublée, enfin la Fortune empêche la réalisation de bon nombre de nos espoirs ».[11] Sa doctrine, aboutissement du Cyrénaïsme, entraîna de nombreux suicides parmi ses auditeurs, au point que le roi Ptolémée II dut interdire ses enseignements à Alexandrie.
Il existe enfin des philosophes qui remettent en cause le principe même de la recherche du bonheur. Le raisonnement est le suivant : les moralistes estiment que les hommes font leur propre malheur ; or ces hommes cherchent ce qu'ils croient leur être profitable, à savoir les honneurs, les richesses, le pouvoir, le plaisir. Si l'on s'en tient à leurs comportements réels, les hommes ne cherchent pas le bonheur, mais la puissance. Cette quête peut être brutale et sanguinaire ; elle peut être aussi heureusement spirituelle : recherche du savoir, création artistique, quête religieuse. En bref, c'est la quête d'une haute culture, qui exige de grands sacrifices, et qui n'est pas toujours compatible avec le bonheur.
On passe ainsi du problème du bonheur, peut-être un faux problème, au problème de notre destination, qu'on la conçoive d'un point de vue naturel ou d'un point de vue surnaturel. Cette thèse est soutenue par Kant : pour lui le bonheur existe, mais secondairement, non comme fin mais comme conséquence de la vie morale ; et par Nietzsche, pour qui le bonheur n'est que la conséquence de la force et de sa maîtrise spirituelle. « Qu'est-ce que le bonheur ? — Le sentiment que la puissance croît, qu'une résistance est surmontée ».[12] Le bonheur n'est donc pas un but en soi, mais le signe d'un accroissement de puissance et d'affirmation de la vie.
Si le désir est un élément essentiel de l'être humain, alors le bonheur est un état toujours espéré, jamais atteint, car le désir est un manque, la marque de l'imperfection de notre existence, le signe de notre finitude. Comme l'exprime Platon dans le Banquet, Éros, le désir, est fils de Poros (l'Expédient) et de Pénia (la Pauvreté) : il est toujours entre possession et privation, jamais pleinement satisfait.[13]
Cette conception du désir comme manque traversera toute l'histoire de la philosophie, jusqu'aux analyses contemporaines de la condition humaine comme être-jeté dans le monde, caractérisé par l'angoisse face au néant et à la mort.
L'ennui, le vide, l'insignifiance
[modifier | modifier le wikicode]- Pascal : ennui et divertissement. Le bonheur est un état stable, durable ; or, Pascal observe que les hommes sont incapables de rester en repos. Il développe dans les Pensées une analyse profonde de la condition humaine :
- Quand je me suis mis quelquefois à considérer les diverses agitations des hommes, et les périls et les peines où ils s'exposent, dans la cour, dans la guerre, d'où naissent tant de querelles, de passions, d'entreprises hardies et souvent mauvaises, etc., j'ai dit souvent que tout le malheur des hommes vient d'une seule chose, qui est de ne savoir pas demeurer en repos dans une chambre.[14]
Mais quand le repos est atteint péniblement, l'homme devient pour lui-même un enfer, confronté à sa propre finitude :
- Rien n'est si insupportable à l'homme que d'être dans un plein repos, sans passions, sans affaires, sans divertissement, sans application. Il sent alors son néant, son abandon, son insuffisance, sa dépendance, son impuissance, son vide. Incontinent il sortira du fond de son âme, l'ennui, la noirceur, la tristesse, le chagrin, le dépit, le désespoir.[15]
Ainsi le bonheur n'appartient-il pas à la condition humaine, ni dans le repos, ni dans l'activité :
- On doit donc reconnaître que l'homme est si malheureux qu'il s'ennuierait même sans aucune cause étrangère d'ennui par le propre état de sa condition naturelle : et il est avec cela si vain et si léger, qu'étant plein de mille causes essentielles d'ennui, la moindre bagatelle suffit pour le divertir. De sorte qu'à le considérer sérieusement, il est encore plus à plaindre de ce qu'il se peut divertir à des choses si frivoles et si basses, que de ce qu'il s'afflige de ses misères effectives ; et ses divertissements sont infiniment moins raisonnables que son ennui.[16]
Le divertissement, loin d'être la solution, est donc pour Pascal une fuite devant la vraie question, celle de notre condition métaphysique et de notre salut.
- Schopenhauer : le philosophe allemand pousse le pessimisme à son paroxysme en affirmant que la vie oscille entre la souffrance et l'ennui. « La vie oscille donc, comme un pendule, de droite à gauche, de la souffrance à l'ennui ».[17] Le désir insatisfait est souffrance ; le désir satisfait conduit à l'ennui, car une fois obtenu, l'objet perd son attrait. Pour Schopenhauer, influencé par la philosophie indienne, le bonheur n'est qu'une illusion : « Tout vouloir procède d'un besoin, c'est-à-dire d'une privation, c'est-à-dire d'une souffrance ».[18]
Le seul remède temporaire à cette condition tragique réside dans la contemplation esthétique, qui suspend momentanément le vouloir-vivre, et dans la compassion, qui nous fait sortir de l'égoïsme du désir. Mais la véritable délivrance ne peut venir que de l'ascétisme et du renoncement au vouloir-vivre lui-même.
La mort
[modifier | modifier le wikicode]La mort, comme pensée de la disparition du moi, comme conscience de notre finitude radicale, montre l'impossibilité d'un bonheur durable et d'une satisfaction complète. La mort met en question tout projet de bonheur terrestre et révèle le caractère fondamentalement temporel et fragile de notre existence.
La mort n'est ni synonyme de bonheur ni de malheur : c'est l'état du néant, un état dans lequel on ne saurait éprouver ni l'un ni l'autre, puisque le bonheur et le malheur sont des sentiments, des états d'être qui présupposent l'existence. Cependant, pour certains philosophes comme Épicure, cette considération même devrait nous libérer de la peur de la mort : « La mort n'est rien pour nous, puisque, tant que nous existons nous-mêmes, la mort n'est pas, et que, quand la mort existe, nous ne sommes plus ».[19]
Morale du devoir ou morale du bonheur ?
[modifier | modifier le wikicode]L'opposition du bonheur et du devoir est un lieu commun de la philosophie morale. La difficulté de cette opposition naît d'une conception dualiste de l'homme : d'une part, l'homme en tant qu'animal, qui trouve son bonheur dans la satisfaction de sa sensibilité ; d'autre part, l'homme en tant qu'être doué de raison, et qui doit obéir à ses commandements sans tenir compte de ses désirs immédiats.
- Kant : le devoir implique la mise à l'écart des déterminations de notre sensibilité, ce qui veut dire qu'un devoir ne peut être accompli pour des motifs empiriques. Les déterminations de la sensibilité sont en effet contingentes, dépendent de notre bonne ou de notre mauvaise fortune. Le devoir, quant à lui, n'est accompli que pour lui-même selon l'impératif catégorique : « Agis uniquement d'après la maxime qui fait que tu peux vouloir en même temps qu'elle devienne une loi universelle ».[20] On ne peut le faire dépendre de notre humeur ou de la recherche du bonheur.
- Kant distingue ainsi rigoureusement les impératifs hypothétiques (« si tu veux X, fais Y ») des impératifs catégoriques (« tu dois faire Y, point final »). La morale relève exclusivement des seconds, qui ne dépendent d'aucune condition empirique, donc d'aucune recherche du bonheur. « Le bonheur est un idéal, non de la raison, mais de l'imagination ».[21]
- Kant admet néanmoins que l'on ne saurait être pleinement moral si l'on est trop malheureux ; ce qui est pratiquement l'aveu que l'on ne fait le bien que dans une certaine tranquillité d'esprit (ce point doit être particulièrement souligné, car on fait souvent de Kant un rigoriste absolu, alors qu'il reconnaît la nécessité d'un minimum de bonheur pour la vie morale). Dans la Critique de la raison pratique, Kant introduit le concept de souverain bien (summum bonum), qui unit la vertu et le bonheur, mais dans une synthèse qui ne peut être réalisée que dans un monde intelligible, par un Dieu qui garantirait cette harmonie.[22]
- L'utilitarisme : les philosophes utilitaristes (Bentham, Mill) renversent cette perspective en faisant du bonheur le critère même de la moralité. Pour Bentham, « la nature a placé l'humanité sous l'empire de deux maîtres souverains : la peine et le plaisir ».[23] Le principe d'utilité prescrit de maximiser le bonheur du plus grand nombre. Mill, plus nuancé, distingue les plaisirs selon leur qualité : « Il vaut mieux être Socrate insatisfait qu'un imbécile satisfait ».[24]
- Nietzsche et l'amor fati : Nietzsche rejette à la fois la morale du devoir kantienne et la recherche utilitariste du bonheur collectif. Pour lui, le bonheur n'est pas un but à rechercher, mais une conséquence de l'affirmation de la vie et de l'accroissement de puissance. L'amor fati (« amour du destin ») consiste à dire « oui » à la vie dans tous ses aspects, y compris la souffrance et le tragique : « Ma formule pour ce qu'il y a de grand dans l'homme est amor fati : ne rien vouloir d'autre que ce qui est, ni devant soi, ni derrière soi, ni dans les siècles des siècles ».[25] Cette acceptation joyeuse de l'existence, jusque dans ses dimensions les plus douloureuses, constitue pour Nietzsche le véritable bonheur du surhomme.
Le bonheur dans la philosophie contemporaine
[modifier | modifier le wikicode]La question du bonheur continue d'interroger la philosophie contemporaine sous de nouvelles formes :
- Les philosophies existentialistes (Sartre, Camus) mettent l'accent sur l'absurdité de la condition humaine et sur la liberté comme fondement de l'existence, plutôt que sur la recherche du bonheur. Pour Camus, face à l'absurde, il faut « imaginer Sisyphe heureux ».[26]
- La philosophie analytique et les théories du bien-être (welfare) examinent les conditions objectives et subjectives du bonheur, en dialogue avec la psychologie et l'économie.
- Les éthiques du care et les philosophies de la sollicitude renouvellent la question du bonheur en l'articulant à celle de la vulnérabilité, de l'interdépendance et du soin.
Points de vue psychologiques
[modifier | modifier le wikicode]Bonheur et modernité
[modifier | modifier le wikicode]- Les sociétés de consommation :
- l'idéal publicitaire du bonheur.
- Individualisme et hédonisme
Notes et références
[modifier | modifier le wikicode]- ↑ Aristote, Éthique à Nicomaque, I, 6, 1098a 18-20
- ↑ Sénèque, De vita beata
- ↑ Spinoza, Éthique, III, définitions des affects
- ↑ Aristote, Éthique à Nicomaque, X, 4, 1174b 30-33
- ↑ Aristote, Éthique à Nicomaque, X, 5
- ↑ Aristote, Éthique à Nicomaque, X, 7, 1177b 26-31
- ↑ Épicure, Lettre à Ménécée, 128
- ↑ Épicure, Lettre à Ménécée, 131-132
- ↑ Épictète, Entretiens, IV, 1, 175
- ↑ Épictète, Manuel, I
- ↑ Diogène Laërce, Vies, doctrines et sentences des philosophes illustres, II, 94
- ↑ Nietzsche, L'Antéchrist, § 2
- ↑ Platon, Banquet, 203b-204c
- ↑ Pascal, Pensées, Br. 139 / Laf. 136
- ↑ Pascal, Pensées, Br. 131 / Laf. 131
- ↑ Pascal, Pensées, Br. 171 / Laf. 414
- ↑ Schopenhauer, Le Monde comme volonté et comme représentation, I, § 57
- ↑ Schopenhauer, Le Monde comme volonté et comme représentation, I, § 38
- ↑ Épicure, Lettre à Ménécée, 125
- ↑ Kant, Fondements de la métaphysique des mœurs, AK IV, 421
- ↑ Kant, Fondements de la métaphysique des mœurs, AK IV, 418
- ↑ Kant, Critique de la raison pratique, AK V, 110-119
- ↑ Bentham, Introduction aux principes de morale et de législation, chap. 1
- ↑ Mill, L'Utilitarisme, chap. 2
- ↑ Nietzsche, Ecce Homo, « Pourquoi je suis si malin », § 10
- ↑ Camus, Le Mythe de Sisyphe
Bibliographie
[modifier | modifier le wikicode]- Aristote, Éthique à Nicomaque
- Épicure, Lettre à Ménécée
- Épictète, Manuel et Entretiens
- Sénèque, De la vie heureuse (De vita beata)
- Pascal, Pensées
- Kant, Fondements de la métaphysique des mœurs et Critique de la raison pratique
- Schopenhauer, Le Monde comme volonté et comme représentation
- Nietzsche, Le Gai Savoir, Ainsi parlait Zarathoustra, Ecce Homo
- Bentham, Introduction aux principes de morale et de législation
- Mill, L'Utilitarisme
- Camus, Le Mythe de Sisyphe