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Les mythes et la publicité

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Parmi les mythes de la presse, analysés par Roland Barthes, figurent en bonne place les mythes publicitaires. Ces mythes utilisent conjointement les mots et les images, celles-ci contenant et véhiculant de nombreuses références visuelles, affectives, historiques, etc. L'association des produits avec l'érotisme, les qualités et les vices (notamment les sept péchés capitaux), les comportements à la mode, l'aventure, les modèles de super-hommes ou de super-femmes, n'a pas d'autre but que de créer des motivations et des désirs.

En 1969, la sociologue Violette Morin relie les mythes publicitaires à l'idée d'utopie, rêve irréalisable, les mythes étant quant à eux du domaine de l'imaginaire non réel. Nous dirions aujourd'hui « virtuel ». En s'appuyant sur des exemples réels de publicités, elle démontre l'existence de trois niveaux qui font passer du « rêve pas tout-à-fait irréalisable » au rêve irréalisable, puis au « grand paradoxe idyllique » qui correspond à l'utopie maximale.

  • Au premier niveau, l'appel à l'onirisme érotique est directement lié à l'idée d'une performance érotique ou sexuelle. L'utilisation de la femme plus ou moins dénudée est une constante.
  • Au second niveau, le décalage par rapport à la logique élémentaire devient la règle : C'est fou ce que j'aime ma femme : elle achète la Kronembourg par six. Un stylo peut écrire plus vite parce que son encre est parfumée.
  • Au troisième niveau, toute logique a disparu pour faire place à des affirmations « magiques » : Avec Mazda, la lumière se met à vos pieds ou encore Au Club Méditerranée, vous ne payez pas, vous donnez des coquillages.

Tout ceci joue sur un déséquilibre fondamental de la personnalité de chacun d'entre nous : nous sommes à la fois très conformistes en cherchant à nous rapprocher d'une sorte de standard (en 2009, presque toutes les automobiles sont grises...) mais nous déclarons souvent rechercher l'originalité dans notre façon de vivre. Nous voulons à la fois être libres et tout posséder, ou, comme le dit Violette Morin, vivre en même temps en civilisé et en primitif : C'est au moment où l'homme connaît la plus forte avalanche d'objets que se généralise le rêve de vide. 40 ans après, les choses n'ont guère changé. Elle ajoute d'ailleurs : La vision de la presse comporte sa part d'utopie. Ainsi, le Président Nixon, si l'on regarde toutes les photographies qui nous sont communiquées de lui, serait toujours en promenade.

Le modèle féminin en tant que mythe

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Évelyne Sullerot a présenté une étude très complète sur les couvertures des magazines féminins à grand tirage et montré les divers aspects du modèle féminin élevé au rang de mythe.

À la fin du XIXe siècle, la presse illustrée américaine a commencé à mythifier la femme avec le modèle de « jeune fille radieuse » (on dirait aujourd’hui « dynamique ») créé par le dessinateur Gibson, qui, grâce aux sommes énormes rapportées par ses dessins, devait plus tard racheter l’hebdomadaire Life. En 1913 le baron de Meyer publiait les premières photos de mode dans Vogue magazine. Avec le Foto-periodism allemand, les couvertures féminines se multiplient dans toute la presse. La photographie se substitue de façon quasi définitive aux modèles dessinés, avec une puissance visuelle bien supérieure.

Pour Évelyne Sullerot, les données mêmes de la communication sont bouleversées par l'arrivée d'un phénomène d'identification de masse, qui n'est autre que la réapparition du mimétisme. Dans les sociétés primitives, cette tendance se manifeste dans ce que l'on appelle la « magie imitative ». La publicité moderne la remplace par l' « imitation magique mentale ». Ce phénomène a été appelé « identification-transfert ». Il modifie la perception rationnelle des images photographiques ou cinématographiques en s'immisçant dans la vie affective du spectateur, ou plutôt du « regardeur ». La mesure de l'importance de ce phénomène de pénétration fait que si le modèle est accepté, l'acte d'achat est stimulé et le tirage du magazine augmente. Si le modèle est refusé, au contraire, le tirage diminue, ce qui permet de « mesurer » l'impact de l'image de couverture.

La façon de présenter les visages semble très importante pour favoriser l'identification féminine. Si le gros plan et le plan américain « fonctionnent bien », en revanche les femmes « scalpées » qui plaisent tant aux maquettistes sont plutôt mal reçues par les acheteuses potentielles.

Les femmes des couvertures de magazines, fait observer Évelyne Sullerot, ne signifient rien et pourtant on projette beaucoup sur elles pour les accepter ou les refuser affectivement. « Flottant subtilement entre l'innovation et le conformisme, la couverture propose en fin de compte un modèle de vie à travers un modèle de femme ».

Beaucoup de lectrices remarquent l'absence quasi totale de mères de famille et d'enfants sur les couvertures, du reste la presse s'y intéresse peu, sauf quand les enfants deviennent un sujet d'inquiétude pour les parents, ou lorsqu'ils meurent de faim sous les tropiques. Certains visages de femmes inquiètent, éveillent la méfiance, on voit en elles des rivales. Le seul aspect qui fase l'unanimité est la vieillesse, qui est rejetée ou occultée tant par les rédactions des magazines que par leurs lectrices, et cette hantise du vieillissement, bien entretenue par les publicitaires, renvoie à un autre mythe, très ancien, celui de la fontaine de jouvence...

  • CRAVEN, John .- Du rôle de l'image publicitaire dans la vie américaine. In : Photo-Ciné-Revue, n° spécial juin 1968, pp. 260-266.
  • LORELLE, Yves .- L'image et l'information. In Photo-Ciné-Revue, juin 1969, pp. 243-247.
  • LORELLE, Yves .- L'image et l'information (suite) [[[photographie publicitaire]]]. In : Photo-Ciné-Revue, juillet-août 1969, pp. 302-305.


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